Compte rendu du congrès de la BSC - session 8
L'objectif de cette session était d'informer sur l'importance du traitement des facteurs de risque cardiovasculaire et des pathologies cardiaques chez les patients cancéreux. En outre, les dernières mises à jour et les notions cliniques concernant la cardiologie dans cette sous-population spécifique de patients ont été passées en revue.
Cette session était modérée par Marie Moonen du CHU de Liège et Constantijn Franssen de l'UZA.
Traitement antiplaquettaire et anticoagulant chez les patients cancéreux
Corinne Frère - Pitié Salpêtrière, France
Corinne Frère, hématologue, a ouvert la session avec un exposé sur l'utilisation des traitements antiplaquettaires et anticoagulants chez les patients cancéreux. Elle a souligné que ces patients courent un risque hémorragique intrinsèquement plus élevé, indépendamment du traitement antiplaquettaire ou anticoagulant, en raison de facteurs tels que l'âge, le type et le stade du cancer et les comorbidités.
Thromboembolie veineuse (TEV)
Historiquement, les héparines à bas poids moléculaire (HBPM) constituaient le traitement standard de la TEV chez les patients cancéreux, sur la base d'études contrôlées randomisées qui avaient démontré leur supériorité par rapport aux antagonistes de la vitamine K (AVK). Cependant, depuis 2018, de nouvelles options sont disponibles grâce au développement des anticoagulants oraux directs (DOAC), associés à des taux plus faibles d'AVC et d'hémorragies que les AVK chez les patients cancéreux. Néanmoins, dans les études HOKUSAI et SELECT, on a observé une augmentation des hémorragies en cas d'utilisation de DOAC par rapport aux HBPM.1,2 Bien que les DOAC réduisent le risque de TEV, ils peuvent provoquer des hémorragies cliniquement significatives. Toutefois, des sous-analyses ont montré que ces hémorragies se produisaient principalement chez les patients souffrant de cancers gastro-intestinaux et génito-urinaires.
À l'heure actuelle, il n'existe pas de comparaisons directes entre les différents DOAC, de sorte qu'aucune conclusion ne peut être tirée quant à la supériorité d'un DOAC par rapport à un autre. Les DOAC constituent désormais le traitement de première ligne en plus des HBPM. Ici, une évaluation des risques via l'acronyme TBIP (risque thromboembolique, risque hémorragique (bleeding), interactions médicamenteuses, préférences du patient) se révèle essentielle (figure 1).3 Le traitement dure au minimum six mois, et il existe peu de données sur des périodes plus longues. Une nouvelle option thérapeutique potentielle est l'inhibition du facteur XI. Des études sur l'inhibition du facteur XI sont attendues en 2026-2027.

Fibrillation auriculaire
Il existe peu de données sur la prévention des AVC et des embolies chez les patients cancéreux souffrant de fibrillation auriculaire (FA). Les DOAC sont sûrs d'après les analyses de sous-groupes des ECR et des études observationnelles. Les DOAC sont le traitement de première ligne chez les patients qui ne courent pas de risque hémorragique élevé. Si le risque hémorragique est élevé, on recommande plutôt une HBPM.3
Traitement antiplaquettaire après une PCI
L'oratrice a recommandé une DAPT avec de l'aspirine et du clopidogrel, en surveillant une éventuelle thrombocytopénie et en veillant à un traitement de courte durée.3,4
Messages à retenir
- Le traitement antiplaquettaire ou anticoagulant chez les patients cancéreux est complexe en raison du risque accru de thromboses et d'hémorragies.
- Les DOAC constituent l'option de première ligne, mais il faut être prudent et surveiller le risque hémorragique par le biais d'une évaluation TBIP.
- DAPT après une PCI : utiliser de l'aspirine et du clopidogrel et limiter la durée.
Hypertension artérielle et VEGFi
Sofie Brouwers - OLV Aalst et Berlinde von Kemp - UZ Brussel
Sofie Brouwers et Berlinde von Kemp ont présenté un aperçu de l'hypertension artérielle chez les patients cancéreux et ont souligné que les inhibiteurs du facteur de croissance de l'endothélium vasculaire (VEGFi) ne sont pas les seuls à provoquer de l'hypertension.
Introduction et épidémiologie
Alors que la prévalence de l'hypertension artérielle continue d'augmenter dans le monde, l'incidence du cancer est également en hausse, passant de 19,3 millions de cas en 2020 à 28 millions de cas attendus en 2040. Avec l'amélioration des chances de survie en cas de cancer, le groupe de patients cancéreux souffrant d'hypertension augmente. L'hypertension représente la comorbidité la plus fréquente chez les patients cancéreux, avec une prévalence de 38 %.
Physiopathologie
La physiopathologie de l'hypertension et celle du cancer se chevauchent en partie, l'inflammation et le stress oxydatif représentant les éléments centraux. Les facteurs de risque communs sont le diabète, une maladie rénale chronique, le tabagisme et l'obésité. Les sujets hypertendus auraient peut-être intérêt à se faire dépister plus rapidement à la recherche d'affections oncologiques sous-jacentes. Brouwers et von Kemp ont souligné que l'hypertension artérielle mesurée à l'hôpital ne doit pas être considérée comme une simple conséquence de l'hospitalisation ou de la douleur, mais qu'elle doit être prise au sérieux comme une véritable hypertension.5
Elles ont également traité plus en détail des processus sous-jacents à l'origine de ce phénomène. Le VEGF joue un rôle crucial dans l'apport d'oxygène aux cellules cancéreuses, favorisant ainsi leur croissance. Le VEGF stimule également la libération de prostacyclines, de PGI2 et d'oxyde nitrique, ce qui entraîne une vasodilatation et une augmentation des apports sanguins, lesquels améliorent à leur tour l'apport d'oxygène aux cellules tumorales. Le système rénine-angiotensine- aldostérone n'est pas impliqué ici. L'effet net de ces processus est la vasodilatation. Lorsque cette cascade est interrompue, par exemple par des inhibiteurs du VEGF, la production d'oxyde nitrique dans les cellules est réduite. De ce fait, la vasodilatation disparaît au profit d'une vasoconstriction, principalement due à une augmentation de la production d'endothéline-1. Ce changement peut contribuer au développement de l'hypertension chez les patients cancéreux.
Traitement
Avant de débuter un traitement anticancéreux, il est essentiel d'effectuer une évaluation préventive, y compris des mesures correctes de la pression artérielle à plusieurs moments. En effet, il est possible que l'hypertension survienne uniquement pendant le traitement, et on peut même observer de l'hypotension par la suite.
Déterminer le moment où il faut commencer le traitement peut s'avérer complexe. En général, cependant, lorsqu'on traite une hypertension chez des patients cancéreux, on considère que toute personne ayant une pression artérielle systolique supérieure à 160 mmHg doit toujours être traitée (figure 2). Si la pression artérielle systolique est supérieure à 180 mmHg, le traitement anticancéreux doit être interrompu.

Les médicaments recommandés pour le traitement de l'hypertension chez les patients cancéreux commencent par les inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (ECA) ou les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine (ARB), en raison de leur effet bénéfique concomitant sur la dysfonction ventriculaire gauche. Les antagonistes calciques sont recommandés en deuxième ligne en raison de leur effet vasodilatateur. Les diurétiques thiazidiques sont moins recommandés en raison du risque de diarrhée et de troubles électrolytiques, fréquents chez les patients cancéreux et sous chimiothérapie.
En résumé, il est recommandé de commencer par un traitement associant un inhibiteur de l'ECA/un ARB et un antagoniste calcique. En cas d'hypertension résistante, on peut ajouter un bêtabloquant vasodilatateur ou de la spironolactone.
Messages à retenir
- L'hypertension artérielle est fréquente chez les patients cancéreux.
- L'hypertension induite par le traitement du cancer n'est pas uniquement due aux VEGFi, mais à plusieurs médicaments.
- Mesurer la pression artérielle et la traiter comme chez les patients non cancéreux.
- Interrompre le traitement anticancéreux si la pression artérielle est > 180/110 mmHg.
Cas clinique du BITOX
Delphine Vervloet - AZ Maria Middelares Gent et Marthe Verhaert - UZ Brussel
Delphine Vervloet et Marthe Verhaert ont présenté un cas du BITOX (Belgian Multidisciplinary Immunotoxicity Board), où les effets indésirables liés au système immunitaire, souvent rares, sont analysés. Elles ont présenté le cas d'un homme de 78 ans chez qui on avait diagnostiqué une masse médiastinale et qui a fini par développer une insuffisance cardiaque à fraction d'éjection réduite (HFrEF) de novo sous traitement par pembrolizumab. Le patient a connu une situation difficile avec une élévation des troponines et des valeurs de la créatine kinase, une instabilité arythmogène et un test COVID-19 positif. Finalement, il s'est avéré qu'il s'agissait d'une myocardite liée à l'immunothérapie, le COVID-19 étant un facteur additionnel. Plus précisément, on a diagnostiqué un syndrome Triple-M, une complication rare associant une myocardite, une myosite et une myasthénie grave en réaction à l'immunothérapie.
Conclusion
Les facteurs de risque et les pathologies cardiaques sont fréquents chez les patients cancéreux. Il est essentiel de les dépister soigneusement et, s'ils sont présents, de les traiter adéquatement. Il est particulièrement important de mettre en balance le risque de thrombose et d'hémorragie et d'ajuster le traitement de la TEV et de la fibrillation auriculaire en conséquence. L'hypertension constitue la comorbidité la plus fréquente chez les patients cancéreux et elle mérite donc une attention spécifique, en insistant sur sa détection précoce.
Références
- Raskob, G.E., van Es, N., Verhamme, P., Carrier, M., Di Nisio, M., Garcia, D. et al. Edoxaban for the Treatment of Cancer-Associated Venous Thromboembolism. N Engl J Med, 2018, 378 (7), 615-624.
- Carlin, S., Gross, P.L. Rivaroxaban Efficacy and Safety in SELECT-D Community Cancer-Associated Venous Thromboembolism Patients. JACC CardioOncol, 2023, 5 (2), 201-202.
- Lyon, A.R., López-Fernández, T., Couch, L.S., Asteggiano, R., Aznar, M.C., Bergler-Klein, J. et al. 2022 ESC Guidelines on cardio-oncology developed in collaboration with the European Hematology Association (EHA), the European Society for Therapeutic Radiology and Oncology (ESTRO) and the International Cardio-Oncology Society (ICOS). Eur Heart J Cardiovasc Imaging, 2022, 23 (10), e333-e465.
- Campos, C.M., Mehran, R., Capodanno, D., Owen, R., Windecker, S., Varenne, O. et al. Risk Burden of Cancer in Patients Treated With Abbreviated Dual Antiplatelet Therapy After PCI: Analysis of Multicenter Controlled High-Bleeding Risk Trials. Circ Cardiovasc Interv, 2024, 17 (4), e013000.
- Azegami, T., Kaneko, H., Minegishi, S., Suzuki, Y., Morita, H., Fujiu, K. et al. Current Status and Future Perspective of Onco-Hypertension. Am J Hypertens, 2024, 38 (1), 1-6.
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