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La cardiomyopathie hypertrophique: le rôle des inhibiteurs de la myosine
  • Sebastiaan Dhont , Pieter Martens

Compte rendu du congrès de l'ESC

En Belgique, la cardiomyopathie hypertrophique (CMH) touche au moins 1 personne sur 500. Alors qu'auparavant, le traitement visait surtout à soulager les symptômes, on assiste ces 10 dernières années à une évolution vers des thérapies plus spécifiques et ciblées. De ce fait, la CMH est un sujet d'actualité lors des congrès internationaux, et le congrès de l'ESC à Londres n'a pas fait exception. Dans cet article, nous résumons une session consacrée aux avantages et défis du mavacamten, un nouveau traitement prometteur. Cette session était animée par Perry Elliott (Londres, Royaume-Uni) et Anjali Owens (Pennsylvanie, États-Unis), deux éminents chercheurs dans le domaine de la CMH.

Qu'est-ce qu'une cardiomyopathie hypertrophique ?

La CMH est définie comme un épaississement de la paroi ventriculaire gauche de ≥ 15 mm dans un segment au moins, sans que cela puisse exclusivement s'expliquer par une surcharge de pression ou de volume anormale. Il s'agit d'une maladie génétiquement déterminée qui, dans environ 40-60 % des cas, résulte d'une mutation au niveau de plusieurs gènes sarcomériques dont la transmission est (généralement) mendélienne, essentiellement autosomique dominante. Ces gènes codent pour des composants de l'appareil contractile du myocarde. La première description de la CMH a été publiée en 1958 par le pathologiste britannique Donald Teare1, qui a découvert l'épaississement caractéristique du muscle cardiaque en étudiant plusieurs cas de membres de sa famille décédés inopinément à la suite d'un arrêt cardiaque. Et ceci s'applique à de nombreuses personnes souffrant d'une CMH : tout va bien, jusqu'à ce que les choses tournent mal. Dans la majorité des cas, les patients ne présentent aucun symptôme et l'affection est souvent découverte par hasard. Ceci souligne d'emblée l'importance d'une anamnèse familiale ou du dépistage et du conseil génétique. Un groupe plus restreint de patients peut présenter des symptômes comme de l'angor, une dyspnée ou des syncopes. Ces symptômes sont généralement dus à une obstruction de la chambre de chasse du coeur qui, parfois, ne peut être diagnostiquée qu'après une manoeuvre de Valsalva ou d'autres manoeuvres dynamiques, ce qui est recommandé chez tous les patients lors de l'évaluation échocardiographique. Outre l'obstruction de la chambre de chasse, certains patients peuvent présenter des symptômes liés à une dysfonction diastolique et à des arythmies auriculaires.

Quel est le traitement classique ?

Chez les patients souffrant d'une CMH, il est très important d'évaluer le risque de mort subite cardiaque. Pour ce faire, en Europe, on utilise le score HCM Risk-SCD.2 Lorsque le risque de mort subite cardiaque est supérieur aux risques liés à la mise en place d'un défibrillateur implantable, un DCI est recommandé en prévention primaire. Le score HCM Risk-SCD est dynamique et évolue au fil du temps, de sorte qu'une réévaluation régulière est nécessaire (classiquement tous les trois ans ou en cas de modification de l'état clinique). Il n'existe pas de traitement qui diminue de manière prouvée le risque de progression de la maladie ou de troubles du rythme ventriculaires. Il faut continuer à traiter les comorbidités cardiovasculaires conformément aux recommandations. La fibrillation auriculaire dans le cadre d'une CMH est mal tolérée sur le plan hémodynamique, de sorte qu'on opte de préférence pour le contrôle du rythme et qu'il faut instaurer un traitement anticoagulant, indépendamment du score CHA₂DS₂-VA.

Chez les patients présentant une obstruction (dynamique) de la chambre de chasse (≥ 30 mmHg, le seuil pour un traitement invasif avoisinant généralement ≥ 50 mmHg), le traitement est ciblé sur la diminution de la contractilité afin de contrôler l'obstruction et, partant, les symptômes.2 À cette fin, on recourt aux médicaments, à la chirurgie ou à l'ablation septale à l'alcool (figure 1), toujours complétés de mesures non médicamenteuses: éviter la déshydratation et la consommation excessive d'alcool et stimuler la perte de poids. Les vasodilatateurs artériels et veineux, comme les dérivés nitrés et les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5, peuvent aggraver l'obstruction de la chambre de chasse et doivent être évités autant que possible.

Le traitement de première ligne consiste en bêtabloquants non vasodilatateurs. Si les bêtabloquants sont inefficaces ou contre-indiqués, on peut envisager d'administrer du vérapamil (dose initiale de 40 mg 3 fois par jour, jusqu'à un maximum de 480 mg par jour) ou du diltiazem (dose initiale de 60 mg 3 fois par jour, jusqu'à un maximum de 360 mg par jour). Cependant, chez les patients présentant une obstruction sévère (≥ 100 mmHg) ou une hypertension artérielle pulmonaire, le vérapamil doit être utilisé avec prudence en raison du risque d'oedème pulmonaire.

Une bonne alternative est le disopyramide, qui peut être titré jusqu'à la dose maximale tolérée (généralement 400-600 mg par jour). Cet antiarythmique de classe IA peut diminuer le gradient de pression basal à la sortie du ventricule gauche et améliorer la tolérance à l'effort et la capacité fonctionnelle, avec un faible risque d'effets proarythmiques et sans augmentation du risque de mort subite cardiaque. Bien que le disopyramide soit moins utilisé en Belgique, il reste une option intéressante, malgré les effets indésirables anticholinergiques possibles tels que sécheresse oculaire et buccale, rétention urinaire et constipation. Lors de l'augmentation de la dose, l'intervalle QTc doit être surveillé et la dose doit être réduite s'il dépasse 500 ms. L'intervalle QTc initial chez les patients souffrant d'une CMH est plus souvent à la limite supérieure de la normale.

Malgré ces traitements, il subsiste un groupe plus limité de patients souffrant de CMH qui présentent des symptômes persistants, amenant à envisager des stratégies plus invasives telles que l'ablation septale à l'alcool ou la myectomie chirurgicale pour réduire les symptômes associés à l'obstruction de la chambre de chasse. Cependant, ces deux procédures comportent un certain risque et nécessitent une expertise approfondie, qui fait parfois défaut eu égard au nombre limité de procédures. Avec l'introduction de l'inhibiteur de la myosine, qui a aujourd'hui reçu une indication de classe IIa, on dispose désormais d'une option thérapeutique supplémentaire.² Cet inhibiteur peut être instauré lorsque les bêtabloquants et les antagonistes calciques ne sont pas suffisamment efficaces, dans l'espoir d'éviter une intervention chirurgicale. Ces inhibiteurs de la myosine sont également très efficaces chez les patients présentant un gradient résiduel en dépit d'une myectomie ou d'une ablation à l'alcool.

Quelle est la place du mavacamten, le nouveau venu ?

Le mavacamten, premier de cette classe, est un inhibiteur allostérique sélectif de l'activité ATP-asique de la myosine, la protéine qui joue un rôle important dans les contractions musculaires anormales caractéristiques de la CMH. Entre-temps, ce traitement innovant a démontré sa valeur dans 2 études randomisées de phase 3, contrôlées par placebo : 1) l'étude EXPLORER-HCM3 (n = 251) dans laquelle le mavacamten a nettement amélioré l'obstruction de la LVOT, la capacité à l'effort et les symptômes au bout de 30 semaines, comparativement au placebo. En outre, on a observé une diminution des marqueurs du stress myocardique, ce qui indique que le mavacamten pourrait freiner la progression de la maladie. Et 2) l'étude VALOR-HCM4 (n = 112), dans laquelle des patients fortement symptomatiques (classe NYHA 3) qui entraient en ligne de compte pour un traitement invasif ont tout d'abord été randomisés vers un placebo ou du mavacamten pendant 16 semaines. Dans le groupe mavacamten, on a observé une réduction impressionnante de la nécessité d'une intervention chirurgicale comparativement au placebo (diminution de 60 %), avec une réponse médiane après quatre semaines. De petites sous-études par RMC et échographie ont suggéré que le mavacamten pourrait également contribuer à un remodelage positif du myocarde, avec une diminution de la masse myocardique, de l'épaisseur de la paroi ventriculaire gauche et du volume auriculaire gauche. À la fin de l'étude, un nombre significatif de patients du groupe placebo ont choisi d'opter pour du mavacamten au lieu d'une chirurgie invasive.

Actuellement, le mavacamten est indiqué pour la CMH obstructive symptomatique (chez les adultes) après l'essai des bêtabloquants ou des antagonistes calciques. Cependant, des études sont en cours chez des patients souffrant de CMH non obstructive, et une étude de phase 2 a déjà montré une diminution du NT-proBNP et de la troponine. En outre, on dispose également de données RWE au sujet de l'utilisation en traitement de première ligne et en monothérapie, notamment chez les patients qui ne tolèrent pas les bêtabloquants ou qui souffrent de bradycardie. Il est important de noter que le suivi le plus long est jusqu'à présent de 3-4 ans et qu'on ne dispose pas encore de données sur les critères d'évaluation concrets tels que la mortalité cardiovasculaire. Cependant, ceci est impossible à obtenir en pratique, en raison du faible nombre d'événements dans ce groupe de patients, ce qui nécessiterait un très grand nombre de patients pour atteindre une signification statistique. Par ailleurs, l'aficamten, un autre inhibiteur de la myosine, se profile à l'horizon, suite aux résultats positifs de l'étude de phase 3 SEQUOIA-HCM, récemment publiés dans le New England Journal of Medicine.5

Comment débuter le mavacamten ?

Pour le moment, le patient doit présenter une obstruction de la chambre de chasse pour entrer en ligne de compte pour ce traitement, avec une fraction d'éjection ventriculaire gauche (FEVG) d'au moins 55 %. Il convient de noter qu'une grande partie des patients ne présentent qu'une obstruction latente de la chambre de chasse et qu'ils n'ont de gradients adéquats qu'après des manoeuvres de valsalva ou d'autres manoeuvres dynamiques. Avant l'instauration du traitement, l'obstruction de la chambre de chasse au repos ou après valsalva doit être > 30 mmHg (avec au moins une mesure précédente du gradient > 50 mmHg, éventuellement après un effort). La demi-vie du mavacamten varie en fonction de la capacité métabolique de l'individu, en particulier du statut enzymatique CYP2C19. Chez les patients ayant un métabolisme du CYP2C19 normal, la demi-vie se situe entre 6 et 9 jours environ. Cependant, chez les individus ayant une fonction réduite du CYP2C19 (métaboliseurs lents), la demi-vie peut être considérablement allongée, jusqu'à 23 jours. Chez ces métaboliseurs lents, une grande partie de la métabolisation s'effectue alors par l'intermédiaire du CYP3A4, lequel est très sujet aux interactions médicamenteuses. La coexistence d'une métabolisation lente par le CYP2C19 et d'une inhibition du CYP3A4 par une interaction médicamenteuse entraîne une métabolisation inacceptablement lente du mavacamten. La détermination du statut CYP2C19 est une exigence pour l'instauration du mavacamten en Belgique.

Quoi qu'il en soit, il est toujours sûr de débuter par 2,5 mg par voie orale 1 fois par jour ou par 5 mg/jour si le patient a un métabolisme CYP2C19 normal (figure 2). Cette posologie est bien tolérée et peut être associée à des bêtabloquants ou à des antagonistes calciques, mais pas au disopyramide. Après quatre semaines, la posologie peut être ajustée en fonction de la réponse et des effets indésirables éventuels, avec un nouveau contrôle à 8 et 12 semaines. Ensuite, on prévoit une évaluation régulière toutes les 12 semaines, avec une possibilité d'adaptation de la posologie jusqu'à un maximum de 15 mg par jour. Bien que ce soit assez rarement pratiqué (7 % dans les études de phase 3), un monitoring régulier de la FEVG, au moins toutes les 12 semaines, est important pour détecter une détérioration précoce de la fonction cardiaque. Si la FEVG chute en dessous de 50 %, il faut interrompre le traitement. Si la FEVG se rétablit, le mavacamten peut être réinstauré à une posologie plus faible. En pratique, le mavacamten est également prometteur en dehors des conditions contrôlées des études de phase 3. Les résultats sont similaires chez des patients plus âgés ou présentant de multiples comorbidités, et on note également une très faible fréquence de détérioration de la FEVG qui, si elle se produit, n'entraîne pas non plus de dégradation clinique.6

Références

  1. Teare, D. Asymmetrical hypertrophy of the heart in young adults. Br Heart J, 1958, 20 (1), 1-8.
  2. Arbelo, E., Protonotarios, A., Gimeno, J.R., Arbustini, E., Barriales-Villa, R., Basso, C. et al. 2023 ESC Guidelines for the management of cardiomyopathies: Developed by the task force on the management of cardiomyopathies of the European Society of Cardiology (ESC). Eur Heart J, 2023, 44 (37), 3503-3626.
  3. Olivotto, I., Oreziak, A., Barriales-Villa, R., Abraham, T.P., Masri, A., Garcia-Pavia, P. et al. Mavacamten for treatment of symptomatic obstructive hypertrophic cardiomyopathy (EXPLORER-HCM): a randomised, double-blind, placebo-controlled, phase 3 trial. Lancet, 2020, 396 (10253), 759-769.
  4. Desai, M.Y., Owens, A., Geske, J.B., Wolski, K., Naidu, S.S., Smedira, N.G. et al. Myosin Inhibition in Patients With Obstructive Hypertrophic Cardiomyopathy Referred for Septal Reduction Therapy. J Am Coll Cardiol, 2022, 80 (2), 95-108.
  5. Maron, M.S., Masri, A., Nassif, M.E., Barriales-Villa, R., Arad, M., Cardim, N. et al. Aficamten for Symptomatic Obstructive Hypertrophic Cardiomyopathy. N Engl J Med, 2024, 390 (20), 1849-1861.
  6. Desai, M.Y., Hajj-Ali, A., Rutkowski, K., Ospina, S., Gaballa, A., Emery, M. et al. Real-world experience with mavacamten in obstructive hypertrophic cardiomyopathy: Observations from a tertiary care center. Prog Cardiovasc Dis, 86, Epub ahead of print 1 September 2024. DOI: 10.1016/J.PCAD.2024.02.001.

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