NL | FR
Strategies for managing hyperkalaemia in cardiorenal disease: a clinical dialogue defining a roadmap to improved outcomes
  • Evelyne Meekers , Wilfried Mullens 

Compte rendu du congrès de l'ESC

Au cours de cette session, Gianluigi Savarese (Stockholm, Suède), Aaron Wong (Pays de Galles, Royaume-Uni) et James Burton (Leicester, Royaume-Uni) ont expliqué en quoi l'hyperkaliémie complique la prise en charge des patients souffrant d'un syndrome cardiorénal, surtout lorsqu'ils sont traités par inhibiteurs du système rénine-angiotensine-aldostérone (iSRAA), et quelle est la meilleure façon d'y remédier.

Introduction

L'hyperkaliémie (hyperkaliémie légère > 5,0 mmol/l, modérée > 5,5 mmol/l) est une affection fréquente dont la prévalence peut atteindre 40 % en cas d'utilisation d'iSRAA, 50 % en cas de maladie rénale chronique (MRC) et 20 % en cas de diabète de type 2 (DT2). Avant de prendre d'autres mesures, il est important de vérifier qu'il s'agit bien d'une véritable hyperkaliémie et d'exclure les résultats faussés (p. ex. un échantillon hémolysé). Les épisodes d'hyperkaliémie compliquent l'utilisation des bloqueurs neurohormonaux, en particulier les iSRAA, qui sont pourtant des médicaments vitaux pour les patients souffrant d'insuffisance cardiaque. En outre, on observe souvent une crainte injustifiée de voir apparaître une hyperkaliémie, laquelle inhibe l'utilisation de ces médicaments. Parfois, l'hyperkaliémie a un caractère récidivant, le risque de récidive ultérieure augmentant à chaque épisode. Les épisodes sont de plus en plus rapprochés au fur et à mesure que leur fréquence augmente.1 Par conséquent, l'hyperkaliémie et le risque d'hyperkaliémie chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque et d'une MRC nécessitent une surveillance étroite et des stratégies thérapeutiques appropriées afin d'éviter de nouveaux épisodes et les complications y associées.

Facteurs de risque

Les facteurs de risque d'hyperkaliémie peuvent être attribués à des facteurs réversibles et irréversibles. Malheureusement, l'insuffisance cardiaque, une MRC et le déclin de la fonction rénale sont les facteurs de risque d'hyperkaliémie les plus fréquents, et par ailleurs irréversibles.1,2 Parmi les autres facteurs de risque réversibles possibles, citons le diabète et les traitements inhérents à la maladie cardiorénale ou à l'insuffisance cardiaque (p. ex. les antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes (ARM) et les iSRAA). Toutefois, dans le contexte de l'insuffisance cardiaque, il ne faut pas purement et simplement arrêter ces traitements définitivement ou en réduire la dose, car ils font partie d'un traitement dit modificateur (traitement médical recommandé, GDMT), qui entraîne une réduction du risque de morbi-mortalité. Bien que ce traitement puisse être le facteur déclenchant de l'hyperkaliémie, il devrait être considéré comme un facteur non réversible, étant donné son impact thérapeutique majeur. Cependant, une fois que le médicament a été arrêté, il est important de tenter de réinstaurer ces médicaments de classe I, dès que les autres causes réversibles de l'hyperkaliémie sont traitées.

Chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque, le risque d'hyperkaliémie augmente parallèlement à l'aggravation de l'état clinique. Au cours d'une période de suivi d'un an, environ 25 % des patients présentent un épisode d'hyperkaliémie, qui se résout souvent spontanément. Les données observationnelles montrent que tant l'hypo- que l'hyperkaliémie sont associées à un risque accru de mortalité. Cependant, il est important de noter que cette augmentation de la mortalité est davantage liée à l'arrêt des traitements modificateurs tels que les iSRAA et les ARM qu'à l'hyperkaliémie. Si on applique une correction pour l'arrêt du GDMT, l'hyperkaliémie n'est plus un facteur de risque de mauvais pronostic à plus long terme.3 Par conséquent, la mortalité plus élevée observée chez les patients souffrant d'hyperkaliémie est le résultat de la réduction de la dose ou de l'arrêt du GDMT.

Mise en place du GDMT

Tout obstacle à l'optimisation du GDMT doit donc être surmonté autant que possible. Une enquête mondiale menée par la Heart Failure Association a révélé que 50 % des médecins considèrent l'hyperkaliémie (l'existence, mais généralement plutôt le risque) comme un obstacle majeur à la mise en place du GDMT. En outre, plus de la moitié des médecins interrompraient les ARM ou en réduiraient la dose en cas d'épisode d'hyperkaliémie.4 Dans environ 75 % des cas, le médicament n'est pas réinstauré au cours de l'année suivante.5 Il est donc extrêmement important d'être conscient du fait qu'une fois que le traitement est interrompu, il y a peu de chances qu'il soit repris, ce qui est par conséquent associé à un risque de mortalité plus élevé pour le patient.

Gianluigi Savarese recommande de tenir compte de l'effet du médicament sur l'homéostasie potassique lors de l'instauration du GDMT et de titrer les différents traitements sur la base de leur risque d'hyperkaliémie. Dans l'étude PARADIGM-HF, on a démontré que l'inhibiteur du récepteur de l'angiotensine-néprilysine (ARNI) était associé à des taux de potassium plus faibles que l'énalapril. Ceci a permis une meilleure mise en place et une meilleure poursuite de l'ARM, ce qui est très important pour les patients souffrant d'insuffisance cardiaque.6 Il en va de même après l'initiation des inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose de type 2 (iSGLT2).7 Ainsi, certains traitements peuvent être introduits simultanément pour réduire le risque d'hyperkaliémie et améliorer la mise en place du GDMT. De plus, certains traitements n'affectent pas les taux de potassium, comme le vericiguat ou l'omécamtiv mécarbil. Chez les patients présentant une insuffisance cardiaque avancée et une MRC, qui courent donc un risque plus élevé d'hyperkaliémie (limitant la titration du GDMT), l'instauration de vericiguat peut être indiquée, sans impact négatif sur la kaliémie.

En outre, le taux de potassium doit être interprété en fonction de l'état clinique du patient. Dans le contexte d'une insuffisance cardiaque congestive aiguë, un taux de potassium légèrement élevé n'est pas non plus un motif d'inquiétude, étant donné qu'il diminuera de toute façon suite à l'utilisation de diurétiques et à la diminution de la congestion rénale. Le traitement de la congestion par diurétiques entraîne souvent une diminution du taux de potassium. Après un traitement décongestionnant fructueux, on peut anticiper un déclin de la fonction rénale, qui n'est pas préoccupant tant que la réponse au diurétique est bonne. Cette détérioration temporaire est due à une modification de l'hémodynamique intraglomérulaire et n'est pas liée à des dommages rénaux permanents. En cas de détérioration de la fonction rénale avec une réponse au diurétique suboptimale, il est important d'adapter la dose du diurétique, d'y associer de l'acétazolamide et d'envisager l'utilisation de vasodilatateurs intraveineux. La même comparaison s'applique à l'instauration d'un traitement par iSRAA et ARM chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque chronique. Après l'instauration, il faut s'attendre à un déclin initial (physiologique) de la fonction rénale, mais ce n'est pas une raison pour arrêter immédiatement le traitement chez tout le monde.9 Aaron Wong fait ici une comparaison remarquable et affirme que, de même qu'on administre un traitement de soutien aux patients en chimiothérapie pour permettre la poursuite du traitement en dépit des effets indésirables, la même analogie s'applique aux patients souffrant d'insuffisance cardiaque. En effet, une réduction de la dose d'iSRAA est généralement plus néfaste, doublant le risque d'une issue défavorable.10 Il est donc très important de ne pas diminuer trop rapidement le GDMT. Cela ne devrait être envisagé qu'en dernier recours, étant donné que ces traitements sont essentiels pour améliorer les résultats chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque. L'étude STOP ACEi a évalué l'arrêt des iSRAA chez des patients souffrant d'une MRC (DFGe < 30 ml/min/1,73 m²) et n'a pas pu montrer de différences sur le plan des paramètres rénaux après 36 mois.11 Ceci implique également que la poursuite des iSRAA chez les patients souffrant d'une MRC n'est pas préjudiciable.

Chélateurs du potassium

Aujourd'hui, nous disposons de deux nouveaux chélateurs du potassium, le cyclosilicate de zirconium sodique (CZS) et le patiromer, qui permettent de poursuivre le GDMT chez les patients présentant une hyperkaliémie ou qui risquent d'en développer une. Ils agissent en liant le potassium dans les intestins et en l'excrétant via les fèces. L'étude HARMONIZE a montré que le CZS peut réduire les taux de potassium (jusqu'à une normokaliémie) dans 98 % des cas, dans les 48 heures de la phase aiguë. En outre, l'utilisation chronique de CZS aide à stabiliser les taux de potassium, de sorte que le GDMT peut être poursuivi de manière inchangée.12 L'étude AMETHYST (patients souffrant de diabète de type 2) et l'étude DIAMOND (patients souffrant d'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection réduite) ont montré des résultats similaires avec le patiromer. Cependant, son action est plus lente que celle du CZS, ce qui rend le patiromer moins idéal dans les situations aiguës. En revanche, il est très efficace pour maintenir la normokaliémie au cours d'un traitement chronique.13,14 Il est important d'avoir bien conscience qu'à l'arrêt des deux traitements, les taux de potassium vont réaugmenter. Cependant, on ne dispose pas encore de données montrant que ces médicaments améliorent les critères d'évaluation cliniques concrets. En outre, il y a des effets indésirables gastro-intestinaux potentiels et un risque d'hypomagnésémie (patiromer).

Entre-temps, on dispose de données real-world issues de registres et d'études observationnelles, qui confirment que tant le patiromer que le CZS améliorent la mise en place et la titration du GDMT chez les patients courant un risque d'hyperkaliémie. Les chélateurs du potassium peuvent donc être considérés comme des 'facilitateurs', permettant aux traitements modificateurs d'être poursuivis chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque et d'une MRC.

Un document de consensus de l'ESC recommande l'utilisation de ces nouveaux chélateurs du potassium chez les patients souffrant d'hyperkaliémie afin de stabiliser les taux de potassium, d'une part, et de permettre l'optimisation du GDMT, d'autre part.15 Un protocole pour l'optimisation des iSRAA en présence d'une hyperkaliémie est postulé, avec la proposition d'associer un chélateur du potassium si le taux de potassium est > 5 mmol/l et de n'interrompre l'iSRAA/l'ARM que si le taux de potassium est > 6,5 mmol/l (figure 1). Les recommandations relatives aux MRC contiennent un message similaire, visant à abaisser la kaliémie afin de préserver les options thérapeutiques ultérieures.16

Conclusion

L'hyperkaliémie est fréquente et parfois récidivante chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque. Les principaux facteurs de risque sont une MRC, l'insuffisance cardiaque et les traitements neurohormonaux tels que les iSRAA et les ARM. L'hyperkaliémie est associée à de moins bons résultats à long terme chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque, en partie à cause de l'arrêt définitif des traitements modificateurs (GDMT). En effet, après l'arrêt du traitement, ces médicaments sont malheureusement rarement réinstaurés. Ceci pourrait être évité grâce à une meilleure compréhension de la cause de l'hyperkaliémie. Il faut également mettre l'accent sur la réinstauration des iSRAA et, si nécessaire, l'association d'un chélateur du potassium comme le CZS et le patiromer. Ces traitements réduisent le taux de potassium, évitant ainsi les épisodes d'hyperkaliémie récidivants, et favorisent l'initiation, le maintien et l'optimisation du GDMT. Un document international de consensus Delphi résume les principales recommandations pour la prise en charge de l'hyperkaliémie en cas de syndrome cardiorénal (figure 2).17

Références

  1. Thomsen, R.W., Nicolaisen, S.K., Hasvold, P., Garcia-Sanchez, R., Pedersen, L., Adelborg, K. et al. Elevated Potassium Levels in Patients With Congestive Heart Failure: Occurrence, Risk Factors, and Clinical Outcomes: A Danish Population-Based Cohort Study. J Am Heart Assoc, 2018, 7 (11).
  2. Savarese, G., Xu, H., Trevisan, M., Dahlström, U., Rossignol, P., Pitt, B. et al. Incidence, Predictors, and Outcome Associations of Dyskalemia in Heart Failure With Preserved, Mid-Range, and Reduced Ejection Fraction. JACC Heart Fail, 2019, 7 (1), 65-76.
  3. Rossignol, P., Lainscak, M., Crespo-Leiro, M.G., Laroche, C., Piepoli, M.F., Filippatos, G. et al. Unravelling the interplay between hyperkalaemia, renin-angiotensinaldosterone inhibitor use and clinical outcomes. Data from 9222 chronic heart failure patients of the ESC-HFA-EORP Heart Failure Long-Term Registry. Eur J Heart Fail, 2020, 22 (8), 1378-1389.
  4. Savarese, G., Lindberg, F., Christodorescu, R.M., Ferrini, M., Kumler, T., Toutoutzas, K. et al. Physician perceptions, attitudes, and strategies towards implementing guidelinedirected medical therapy in heart failure with reduced ejection fraction. A survey of the Heart Failure Association of the ESC and the ESC Council for Cardiology Practice. Eur J Heart Fail, 2024, 26 (6), 1408-1418.
  5. Trevisan, M., de Deco, P., Xu, H., Evans, M., Lindholm, B., Bellocco, R. et al. Incidence, predictors and clinical management of hyperkalaemia in new users of mineralocorticoid receptor antagonists. Eur J Heart Fail, 2018, 20 (8), 1217-1226.
  6. Ferreira, J.P., Mogensen, U.M., Jhund, P.S., Desai, A.S., Rouleau, J-L., Zile, M.R. et al. Serum potassium in the PARADIGM-HF trial. Eur J Heart Fail, 2020, 22 (11), 2056-2064.
  7. Neuen, B.L., Oshima, M., Agarwal, R., Arnott, C., Cherney, D.Z., Edwards, R. et al. Sodium- Glucose Cotransporter 2 Inhibitors and Risk of Hyperkalemia in People With Type 2 Diabetes: A Meta-Analysis of Individual Participant Data From Randomized, Controlled Trials. Circulation, 2022, 145 (19), 1460-1470.
  8. Metra, M., Davison, B., Bettari, L., Sun, H., Edwards, C., Lazzarini, V. et al. Is worsening renal function an ominous prognostic sign in patients with acute heart failure? The role of congestion and its interaction with renal function. Circ Heart Fail, 2012, 5 (1), 54-62.
  9. Mullens, W., Damman, K., Testani, J.M., Martens, P., Mueller, C., Lassus, J. et al. Evaluation of kidney function throughout the heart failure trajectory - a position statement from the Heart Failure Association of the European Society of Cardiology. Eur J Heart Fail, 2020, 22 (4), 584-603.
  10. Kanda, E., Rastogi, A., Murohara, T., Lesén, E., Agiro, A., Arnold, M. et al. Clinical impact of suboptimal RAASi therapy following an episode of hyperkalemia. BMC Nephrol, 2023, 24 (1), 18.
  11. Bhandari, S., Mehta, S., Khwaja, A., Cleland, J.G.F., Ives, N., Brettell, E. et al. Renin-Angiotensin System Inhibition in Advanced Chronic Kidney Disease. N Engl J Med, 2022, 387 (22), 2021-2032.
  12. Kosiborod, M., Rasmussen, H.S., Lavin, P., Qunibi, W.Y., Spinowitz, B., Packham, D. et al. Effect of Sodium Zirconium Cyclosilicate on Potassium Lowering for 28 Days Among Outpatients With Hyperkalemia: The HARMONIZE Randomized Clinical Trial. JAMA, 2014, 312 (21), 2223-2233.
  13. Bakris, G.L., Pitt, B., Weir, M.R., Freeman, M.W., Mayo, M.R., Garza, D. et al. Effect of Patiromer on Serum Potassium Level in Patients With Hyperkalemia and Diabetic Kidney Disease: The AMETHYST-DN Randomized Clinical Trial. JAMA, 2015, 314 (2), 151-161.
  14. Butler, J., Anker, S.D., Lund, L.H., Coats, A.J.S., Filippatos, G., Siddiqi, T.J. et al. Patiromer for the management of hyperkalemia in heart failure with reduced ejection fraction: the DIAMOND trial. Eur Heart J, 2022, 43 (41), 4362-4373.
  15. Rosano, G.M.C., Tamargo, J., Kjeldsen, K.P., Lainscak, M., Agewall, S., Anker, S.D. et al. Expert consensus document on the management of hyperkalaemia in patients with cardiovascular disease treated with renin angiotensin aldosterone system inhibitors: coordinated by the Working Group on Cardiovascular Pharmacotherapy of the European Society of Cardiology. Eur Heart Journal Cardiovasc Pharmacother, 2018, 4 (3), 180-188.
  16. KDIGO 2024 Clinical Practice Guideline for the Evaluation and Management of Chronic Kidney Disease. Kidney Int, 2024, 105 (4), S117-314.
  17. Burton, J.O., Coats, A.J.S., Kovesdy, C.P., Palmer, B.F., Piña, I.L., Rosano, G. et al. An international Delphi consensus regarding best practice recommendations for hyperkalaemia across the cardiorenal spectrum. Eur J Heart Fail, 2022, 24 (9), 1467-1477.

Niets van de website mag gebruikt worden voor reproductie, aanpassing, verspreiding, verkoop, publicatie of commerciële doeleinden zonder voorafgaande schriftelijke toestemming van de uitgever. Het is ook verboden om deze informatie elektronisch op te slaan of te gebruiken voor onwettige doeleinden.