Compte rendu du congrès de l'ESC
L'orage électrique se définit comme trois épisodes ou plus de tachycardie ventriculaire (TV) soutenue (ou stoppée par un choc du défibrillateur) ou de fibrillation ventriculaire (FV) sur une période de 24 heures. Il s'agit d'un cercle vicieux dans lequel l'arythmie, ses répercussions hémodynamiques et les chocs éventuels du défibrillateur (DCI) entraînent une augmentation du tonus sympathique, qui contribue à son tour à la récidive de l'arythmie.
Antiarrhythmic drugs and device re-programming in electrical storm
Magdi Saba - New Malden, Royaume-Uni
Une première étape dans l'évaluation de ces patients est la stratification du risque. Sur ce plan, on peut parler de risque faible si la TV est plutôt lente et bien tolérée ou de risque élevé si la TV est très rapide ou mal tolérée. Les comorbidités du patient (fraction d'éjection, mais aussi insuffisance respiratoire, p. ex.) peuvent également majorer le risque. L'évaluation du risque est essentielle pour déterminer où le patient peut être hospitalisé en toute sécurité, bien que ceci dépende aussi fortement des 'niveaux de soins' locaux.
Le traitement médicamenteux repose sur deux piliers : les antiarythmiques et la sédation/anxiolyse (figure 1). Le traitement antiarythmique est déterminé par le type d'arythmie et la pathologie sous-jacente (présence d'une cardiopathie structurelle ou non). Selon les recommandations de l'ESC, en cas de TV monomorphe couplée à une cardiopathie structurelle, l'association d'un bêtabloquant (de préférence non sélectif en raison de son effet sur le système sympathique) et d'amiodarone constitue le traitement de choix.1 L'amiodarone est globalement très sûre, à l'exception d'un allongement extrême de l'intervalle QT (dont nous parlerons ultérieurement). Cependant, il faut faire attention au risque d'hypotension en cas d'administration intraveineuse rapide (le responsable étant le solvant). Chez les patients souffrant d'un orage électrique, déjà traités par amiodarone per os, on recommande en général également une dose de charge supplémentaire IV. En cas de torsades de pointes, on recommande d'administrer du sulfate de magnésium et d'optimiser la kaliémie. En cas de torsades de pointes associées à un syndrome du QT long acquis, l'accélération du rythme cardiaque sous-jacent (avec de l'isoprotérénol ou au moyen d'un pacemaker temporaire) constitue l'étape suivante. L'orateur a ensuite donné des conseils spécifiques pour certaines situations. Ainsi, des données indiquent que le sotalol peut être très efficace chez les patients souffrant d'une cardiomyopathie ventriculaire droite arythmogène. En cas d'ischémie, la mexilétine peut être un bon complément en raison de « use dependence » et de son effet à un pH bas. Par ailleurs, l'étude PROCAMIO a montré que la procaïnamide entraîne davantage de cardioversions aiguës (2x plus) que l'amiodarone, et ce, avec moins de répercussions hémodynamiques.2 Malheureusement, la disponibilité de la mexilétine et de la procaïnamide est problématique dans une grande partie de l'Europe.3
Ensuite, l'orateur a traité plus en détail de la reprogrammation du DCI chez les patients présentant un orage rythmique (TV) (figure 1). L'accélération du rythme de base peut contribuer à raccourcir la pause après un complexe ventriculaire prématuré, réduisant ainsi le risque de TV. En outre, en cas de TV lentes, la vitesse peut être paramétrée à une valeur juste supérieure à celle de la TV, ce qui permet de réprimer la TV. Ensuite, l'allongement du temps de détection est important (30- 40 intervalles). Trois grandes études ont montré que l'allongement du temps de détection ou l'augmentation de la vitesse d'intervention permettent de réduire en toute sécurité le nombre de chocs.4-6 Parfois, il est également nécessaire d'adapter individuellement la zone de TV sur la base de la TV clinique. Il peut également se révéler utile d'augmenter le nombre de cycles de pacing antitachycardie avant le choc. On a également démontré que le pacing antitachycardie en rafale peut s'avérer plus efficace en cas de TV rapides, et on dispose également de données intéressantes qui étayent le pacing antitachycardie multisite chez les patients porteurs d'un dispositif de thérapie de resynchronisation cardiaque (TRC).7, 8
Neuromodulation in electrical storm
Enrico Baldi - Pavie, Italie
Après le traitement médicamenteux, la neuromodulation doit être envisagée chez les patients souffrant d'un orage rythmique. Comme nous l'avons déjà indiqué, le système nerveux sympathique joue un grand rôle dans le cercle vicieux de l'orage rythmique en accélérant la conduction, en modifiant la période réfractaire et en favorisant l'automaticité. De plus, il existe une hétérogénéité dans l'innervation sympathique, qui peut dès lors accentuer la non-homogénéité au niveau du substrat. Il existe deux méthodes de neuromodulation : l'anesthésie épidurale thoracique et le bloc du ganglion stellaire (GS). L'anesthésie épidurale thoracique présente l'inconvénient de ne pas être utilisable en cas d'anticoagulation thérapeutique ou de thérapie antiagrégante plaquettaire. Le bloc du GS est une technique qui consiste à injecter un anesthésique local à proximité du GS. Il peut s'agir d'un bolus ou d'un bolus suivi d'une perfusion continue. Plusieurs séries ont montré une réduction drastique du nombre de TV ou de chocs après un bloc percutané du GS.9,10 Entretemps, la neuromodulation au moyen du bloc du GS ou d'une anesthésie épidurale s'est vu attribuer une recommandation de classe IIa dans les recommandations de l'ESC pour les TV polymorphes et IIb pour les TV monomorphes.1 Des données supplémentaires suggèrent également que le bloc du GS pourrait être efficace, même lorsqu'il est utilisé précocement et dans tous les types de TV.
Mechanical circulatory support in electrical storm
Petr Peichl - Prague, Tchéquie
Les trois principaux dispositifs d'assistance circulatoire mécanique sont le ballon de contrepulsion intra-aortique (BCPIA), l'oxygénation par membrane extracorporelle veino-artérielle (VA-ECMO) et l'Impella (figure 1). Ils diffèrent par leur mécanisme d'action et leur effet sur l'hémodynamique cardiaque. Dans la VA-ECMO, le coeur est bypassé et le sang est pompé vers l'organisme via un circuit externe. L'Impella est une pompe micro-axiale à débit continu, montée sur un cathéter, qui envoie le sang du ventricule gauche vers l'aorte. La première utilisation de la VA-ECMO en cas d'orage électrique remonte déjà à 20 ans. Bien que la VA-ECMO et l'Impella permettent de maintenir la circulation en dépit d'une TV, voire d'une FV, on ne dispose toujours pas de preuves qualitatives indiquant que l'assistance circulatoire mécanique (ACM) améliore les résultats dans cette population de patients. Bon nombre d'études rétrospectives n'ont pas réussi à démontrer un avantage de l'ACM. On peut supposer qu'un important biais de sélection joue un rôle, seuls les patients les plus malades ayant bénéficié d'une ACM pendant l'ablation. Il est donc nécessaire de mener des études randomisées dans cette population, même si elles sont très difficiles à mettre en oeuvre. Étant donné que tous ces systèmes sont associés à des complications (surtout des complications vasculaires et des hémorragies), il est également nécessaire de disposer d'outils permettant de prédire le risque de collapsus hémodynamique pendant l'ablation, afin que ces systèmes ne soient utilisés que chez les patients qui en ont réellement besoin. Le score PAINESD est l'outil le plus répandu.11 Toutefois, l'orateur a indiqué que ce score semble être beaucoup moins prédictif dans des populations différentes de la population d'origine. La manière dont l'ablation de TV est réalisée joue probablement un grand rôle. Lorsqu'on n'utilise pas d'anesthésie générale, que la durée de l'ablation est limitée et qu'on évite un entraînement important, le risque de collapsus hémodynamique est nettement inférieur aux prévisions. Il est donc nécessaire de disposer d'outils supplémentaires pour mieux évaluer le risque de collapsus hémodynamique lors d'une ablation de TV.
Catheter ablation in electrical storm
Meleze Hocini - Bordeaux, France
Il est essentiel de diagnostiquer la cardiopathie sous-jacente chez tout patient présentant un orage et de faire une distinction entre une TV due à une anomalie structurelle et une TV due à une anomalie électrique primaire (p. ex. une canalopathie). Cette distinction se reflète souvent aussi dans le type de TV, qui est plutôt polymorphe en cas d'ischémie ou de troubles électriques primaires. Dans ce dernier cas, on opte généralement d'abord pour un traitement médicamenteux, bien qu'il existe de plus en plus de données en faveur de l'ablation des triggers au niveau des fibres de Purkinje dans certaines de ces affections.
Il existe essentiellement deux grandes stratégies pour l'ablation d'une TV. On peut cartographier le substrat en se basant sur l'imagerie préprocédurale par résonance magnétique ou CT scan et sur le mapping électrique intraprocédural de l'activation tardive, puis cibler l'ablation sur ces zones. À cet égard, les triggers éventuels au niveau des fibres de Purkinje peuvent également être cartographiés. L'autre stratégie consiste à imiter, déclencher et cartographier la TV clinique, mais avec l'inconvénient d'entraîner une plus grande instabilité hémodynamique au cours de la procédure. L'avantage est qu'à la fin de la procédure, on peut être plus sûr que la TV clinique a été traitée.
L'orateur estime qu'il faut limiter au maximum l'induction d'une TV dans cette population. En cas de cardiomyopathie ischémique, cette technique de cartographie du substrat fonctionne très bien. Dans le syndrome de Brugada, il existe également un substrat au niveau de l'épicarde ventriculaire droit, qui peut constituer une bonne cible pour l'ablation et peut également être cartographié électriquement. Dans la cardiomyopathie hypertrophique, on trouve également très souvent des déclencheurs dans le système de Purkinje, qui présentent un chevauchement avec les segments hypertrophiques sur l'imagerie et peuvent constituer une bonne cible pour l'ablation. En règle générale, chez de très nombreux patients, il est donc techniquement possible d'aborder le substrat ou les déclencheurs au moyen d'une ablation et d'obtenir une réduction significative du nombre de TV.
Des études récentes suggèrent également que l'ablation peut réduire la mortalité en cas d'orage rythmique.12 Il est donc important de consulter rapidement des électrophysiologistes expérimentés dans l'ablation des TV.
Discussion
Andrea Sarkozy - Bruxelles, Belgique
Quelques dilemmes cliniques classiques ont été passés en revue.
- Quand faut-il pratiquer une coronarographie pour exclure une ischémie ? Avant tout, il faut examiner le profil du patient. À la moindre suspicion, il ne faut pas hésiter à pratiquer une coronarographie. Une maladie coronarienne traitable peut influencer le pronostic global. En revanche, en cas de TV monomorphe, il y a peu de chances que la TV soit complètement résolue après la revascularisation, car une telle TV prend généralement naissance au niveau d'une cicatrice.
- Quand faut-il s'inquiéter d'un allongement de l'intervalle QT chez les patients sous amiodarone ? L'opinion générale des orateurs est qu'il est très exceptionnel qu'un allongement de l'intervalle QT sous amiodarone conduise à des torsades de pointes en l'absence d'autres facteurs. Il faut donc rechercher d'autres causes.
- Quand faut-il envisager un pacing overdrive via une sonde temporaire ? En réalité, il existe peu de preuves montrant que cette pratique fait une différence, même si les orateurs déclarent y recourir. Il y a deux scénarios dans lesquels cela peut s'avérer utile : le pacing overdrive pour arrêter une TV si elle est assez lente (sonde ventriculaire) et l'accélération du rythme sous-jacent à 90-100/min pour influencer l'activation du système de Purkinje (sonde auriculaire) et donc réduire les TV qui y prennent naissance.
- Quand et comment utiliser l'aimant en cas d'orage rythmique chez les patients porteurs d'un DCI ? Il s'agit de la première étape lorsque les patients présentent des chocs répétitifs qui sont tolérés sur le plan hémodynamique. Il s'agit le plus souvent d'un geste temporaire jusqu'à ce qu'on ait administré des antiarythmiques et qu'on ait adapté la programmation du DCI.
Références
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