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Une fraction d'éjection préservée, et de l'insuffisance cardiaque ?
  • Sebastiaan Dhont 

Conférence Charleston HFpEF

Les médecins ont tendance à classer les patients dans des « catégories » bien définies, chacune ayant son arsenal diagnostique et thérapeutique propre. L'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection préservée (HFpEF) rompt avec cette approche et nous oblige à sortir des sentiers battus. Chaque année, en juillet, un congrès passionnant organisé à Charleston (Caroline du Sud) est entièrement consacré à l'univers complexe de l'HFpEF. Jusqu'à présent, nous n'avons pas encore trouvé de traitement qui réduise de manière significative et constante la mortalité chez ces patients. Même les résultats des grandes études portant sur les inhibiteurs du SGLT2 sont principalement étayés par une diminution du nombre d'hospitalisations pour insuffisance cardiaque, de sorte que ces études atteignent en fin de compte leur critère d'évaluation combiné. Il semble qu'une approche ciblée et combinée de cette maladie aux multiples facettes soit la piste à suivre. Cet article propose un aperçu de quelques passionnants exposés présentés lors de ce congrès.

Affection cardiométabolique

L'HFpEF est de plus en plus souvent considérée comme une affection cardiométabolique, à juste titre. Si son association étroite avec l'obésité, l'hypertension et le diabète est indéniable, l'efficacité inattendue des médicaments ciblant le métabolisme dans cette population ne fait que renforcer ce point de vue. Le rôle des inhibiteurs du SGLT2 est désormais solidement établi mais, avec l'émergence des analogues du GLP-1, il semble que nous disposions pour la première fois d'un médicament que nous pouvons instaurer spécifiquement chez le patient « métabolique » ou obèse souffrant d'HFpEF. La perte de poids est l'explication la plus évidente du succès des analogues du GLP-1, mais plusieurs hypothèses circulent à propos des mécanismes d'action précis (figure 1). Néanmoins, nous devons tempérer notre enthousiasme, car il n'existe toujours pas d'étude à grande échelle portant sur les critères d'évaluation concrets tels que la mortalité et les hospitalisations. Si les études STEP-HF ont montré une amélioration du contrôle des symptômes et une augmentation de la capacité à l'effort avec le sémaglutide, on n'observe pas encore de diminution des hospitalisations et de la mortalité. En bref, il y a de l'espoir au sujet de l'insuffisance cardiaque, mais il faudra encore un dernier coup pour la déclarer « échec et mat ».1

Congestion

Pour remédier efficacement à la congestion, nous recourons souvent aux diurétiques, ce qui est capital pour le patient, car ils soulagent rapidement les symptômes. L'administration de diurétiques de l'anse reste donc une indication de classe I selon les recommandations de l'ESC en cas de symptômes ou de signes de surcharge volumique. Néanmoins, il reste difficile d'évaluer correctement le moment où un patient est suffisamment « sec », surtout chez les patients souffrant d'HFpEF, étant donné la rigidité de leur ventricule gauche, dépendant de la précharge. En cas d'oedème réfractaire, nous devons également envisager d'autres causes telles que les antagonistes calciques, une thrombose veineuse profonde infraclinique et un lymphoedème. C'est surtout en cas d'atteinte des orteils qu'un lymphoedème est plus probable. La figure 2 illustre les principes essentiels des diurétiques de l'anse. Le volet A montre la courbe dose-réponse en forme de S, où des doses suffisamment élevées sont cruciales, par exemple en administrant un bolus avant une perfusion continue. Le volet B illustre que le seuil d'efficacité est plus élevé chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque aiguë, en particulier en cas d'insuffisance rénale, ce qui souligne l'importance de doses élevées et d'une administration intraveineuse (ou sous-cutanée) lors de l'hospitalisation (ou en ambulatoire). Le volet C illustre le phénomène de tolérance, lors duquel une même dose donne une réponse réduite au fil du temps, ainsi que la rétention post-diurèse, ce qui souligne qu'une administration répétée est souvent plus efficace qu'une administration quotidienne unique.2

Testing génétique

La thérapie génique n'a plus rien de la science-fiction. Son utilisation clinique pour les affections à hérédité mendélienne semble toute proche. Dans le cas de l'HFpEF, le testing génétique se concentre surtout sur les maladies « mimant » l'HFpEF, telles que l'amylose, les cardiomyopathies hypertrophiques et les maladies de surcharge comme Fabry-Anderson et Danon.3 Avec l'approbation récente par la FDA de trois médicaments (patisiran, vutrisiran et éplontersen) qui agissent sur l'ARN responsable des protéines mal repliées dans la polyneuropathie en cas d'amylose TTR familiale, le testing génétique ne doit plus être ignoré. Un autre cas intéressant est celui de la maladie de Fabry-Anderson, une maladie de surcharge lysosomale rare qui touche environ 1 personne sur 40 000. Cette maladie résulte d'un défaut au niveau de l'enzyme alpha-galactosidase A, qui est codée par le gène GLA sur le chromosome X. Ceci peut entraîner divers problèmes tels qu'une hypertrophie ventriculaire gauche, une angiokératose, de l'anhidrose, des anomalies cornéennes et des problèmes rénaux. Bien que la thérapie enzymatique ne soit pas considérée stricto sensu comme une thérapie génique, elle nécessite un diagnostic clair qui, à son tour, peut permettre une détection précoce chez d'autres membres de la famille. Par conséquent, il vaut assurément la peine d'envisager un dépistage génétique chez les jeunes patients souffrant d'HFpEF, présentant une évolution atypique de la maladie, en l'absence des facteurs de risque habituels, ou en cas d'hypertrophie ventriculaire gauche inexpliquée. En ce qui concerne le tableau classique de l'HFpEF, il est partiellement polygénique, tout comme les facteurs de risque associés. Toutefois, à l'heure actuelle, il n'y a pas de raison immédiate d'envisager un dépistage génétique à cet égard. Toute recherche trop approfondie risque de donner lieu à des termes tels que « vraisemblablement » ou « potentiellement » pathogène, avec une signification clinique encore incertaine. Espérons que les progrès de la recherche apporteront bientôt les réponses attendues.

Dispositifs

Malgré tous les efforts déployés, un risque résiduel important subsiste. Bien que des dispositifs tels que la thérapie de resynchronisation en cas d'HFrEF aient déjà prouvé qu'ils peuvent réduire la morbi-mortalité, on continue à chercher des solutions efficaces pour l'HFpEF. Ces dernières années, les shunts interauriculaires ont suscité un vif intérêt en tant que traitement potentiel. L'idée est simple : en faisant circuler le sang de l'oreillette gauche vers l'oreillette droite pendant la diastole, on espère diminuer la pression dans l'oreillette gauche. Ces pressions de remplissage peuvent être mises en lien avec de moins bons résultats. à l'heure actuelle, 7 firmes mènent des recherches sur ces dispositifs. La plupart des données disponibles proviennent de Corvia Medical et de V-Wave Ventura, avec des tailles de shunt variant de 5 à 8 mm.4,5 Les deux dispositifs ont fait l'objet d'études en double aveugle, contrôlées par placebo (REDUCE LAP-HF II et RELIEVE-HF, respectivement) avec un critère d'évaluation combiné pertinent. Les résultats sont toutefois décevants : aucun des deux dispositifs de shunt n'a montré de bénéfice significatif. Cependant, des sous-analyses contredisent en partie ceci, ce qui crée une dissension scientifique. Il semble presque évident que le déplacement du problème vers le côté droit du coeur exige un système droit robuste pour compenser le sang shunté. Malheureusement, il s'agit souvent d'un maillon faible dans le classique tableau clinique de l'HFpEF. Si le débat assurément pas clos, les implantations à grande échelle ne sont pas encore pour tout de suite.

Les nerfs constituent une autre cible prometteuse pour les thérapies à l'aide de dispositifs, spécifiquement par le biais d'une neuromodulation sélective. Bien que la dénervation rénale n'ait pas donné les résultats escomptés pour les patients souffrant d'hypertension réfractaire, la situation est différente en cas d'HFpEF, avec la dénervation du nerf splanchnique. En pratiquant une ablation de ce nerf, on espère empêcher le déplacement volumique au départ des veines abdominales — qui abritent un peu plus de 40 % de notre volume sanguin — pendant le stress orthostatique (étude REBALANCE-HF).6 En effet, ce déplacement volumique est une cause fréquente de congestion et d'hospitalisation chez les patients souffrant d'HFpEF. On tend à une approche similaire avec la thérapie d'activation baroréflexe mais ici, l'accent est mis sur le système nerveux afférent (plutôt qu'efférent). Bien que ces technologies n'en soient qu'à leurs débuts, elles offrent une nouvelle perspective intéressante pour le traitement d'un groupe de patients chez qui les méthodes traditionnelles sont souvent insuffisantes.

Phénotypage

On prête de plus en plus attention au phénotypage des patients souffrant d'HFpEF, dans le but de mieux comprendre et de cartographier la pathologie complexe de cette affection. à cet égard, diverses méthodes sont rapidement développées, comme le regroupement à l'aide de l'intelligence artificielle, différents systèmes de score et des classifications basées sur les comorbidités. Pourtant, aucune approche n'a été implémentée à grande échelle, et ce, pour diverses raisons : certaines méthodes ne couvrent pas toutes les populations de patients, d'autres manquent de pertinence clinique et d'autres encore ne donnent pas d'idées claires sur le plan du pronostic. La classification la plus courante à ce jour provient d'un récent document de consensus américain sur l'HFpEF, illustré à la figure 3.7 Cette classification chevauchante montre une fois de plus qu'il est difficile de « limiter » la maladie à une seule case.

Références

  1. Kosiborod, M.N., Abildstr&‌oslash;m, S.Z., Borlaug, B.A., Butler, J., Rasmussen, S., Davies, M. et al. Semaglutide in Patients with Heart Failure with Preserved Ejection Fraction and Obesity. N Engl J Med, 2023, 389 (12), 1069-1084.
  2. Ellison, D.H., Felker, G.M. Diuretic Treatment in Heart Failure. N Engl J Med, 2017, 377 (20), 1964-1975.
  3. Olivotto, I., Udelson, J.E., Pieroni, M., Rapezzi, C. Genetic causes of heart failure with preserved ejection fraction: emerging pharmacological treatments. Eur Heart J, 2023, 44 (8), 656-667.
  4. Shah, S.J., Borlaug, B.A., Chung, E.S., Cutlip, D.E., Debonnaire, P., Fail, P.S. et al. Atrial shunt device for heart failure with preserved and mildly reduced ejection fraction (REDUCE LAP-HF II): a randomised, multicentre, blinded, sham-controlled trial. Lancet, 2022, 399 (10330), 1130-1140.
  5. Anon. RELIEVE-HF: Does Impact of Interatrial Shunting Differ By HF Type? American College of Cardiology. Accessed August 1, 2024. https://www.acc.org/Latest-in-Cardiology/ Articles/2024/04/02/17/02/sat-930am-relievehf-acc-2024.
  6. Fudim, M., Fail, P.S., Litwin, S.E., Shaburishvili, T., Goyal, P., Hummel, S.L. et al. Endovascular ablation of the right greater splanchnic nerve in heart failure with preserved ejection fraction: early results of the REBALANCE-HF trial roll-in cohort. Eur J Heart Fail, 2022, 24 (8), 1410-1414.
  7. Borlaug, B.A., Sharma, K., Shah, S.J., Ho, J.E. Heart Failure With Preserved Ejection Fraction: JACC Scientific Statement. J Am Coll Cardiol, 2023, 81 (18), 1810-1834.

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