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Utilisation du mavacamten pour la cardiomyopathie hypertrophique obstructive en pratique clinique
  • Pieter Martens, Matthias Dupont 

La cardiomyopathie hypertrophique (CMH) est une affection myocardique caractérisée par une augmentation de l'épaisseur pariétale du ventricule gauche (≥ 15 mm ou 13-14 mm en présence d'autres caractéristiques cliniques, familiales, génétiques ou électrocardiographiques) en l'absence d'autres conditions de charge, dont la prévalence estimée est de 1/500. En pratique, la CMH se présente sous deux formes: globalement, la variante obstructive de la CMH (CMHO) représente deux tiers des cas, le tiers restant étant dû à la CMH non obstructive (CMHNO) Chez les patients atteints de CMHO, l'obstruction de la chambre de chasse du ventricule gauche (OCCVG) est souvent dynamique et, chez plus d'un tiers d'entre eux, elle est également latente et donc absente au repos ou après une manoeuvre de Valsalva.1,2 S'il n'est pas possible de déclencher une OCCVG ≥ 50 mmHg au repos ou après une manoeuvre de Valsalva chez un patient atteint de CMH symptomatique, une échocardiographie d'effort s'impose pour détecter une OCCVG latente. Dans un tiers des cas de CMHO, ce sera la seule façon de révéler un gradient ≥ 50 mmHg (souvent pendant l'effort maximal, mais encore plus souvent pendant les phases de récupération après l'effort). Une OCCVG au repos/après Valsalva ≥ 30 mmHg indique habituellement une CMHO2, mais une OCCVG ≥ 50 mmHg au repos/après Valsalva ou après l'effort constitue une valeur seuil classique pour l'instauration de thérapies plus avancées, telles qu'un traitement de réduction septale (TRS).3 Une OCCVG est souvent dynamique, tout comme les manifestations associées de dyspnée, présyncope/syncope et douleur thoracique. Outre les signes consécutifs à l'OCCVG, les patients atteints de CMHO/CMHNO peuvent aussi développer des symptômes en conséquence d'une dysfonction diastolique, d'une insuffisance cardiaque et d'une arythmie (ventriculaire ou auriculaire), mais ces derniers sortent du cadre du présent article. Il s'agit ici de passer en revue l'utilisation et l'expérience du mavacamten en pratique clinique chez des patients atteints de CMHO.

Positionnement du mavacamten

L'OCCVG peut être vue comme un marqueur spécifique de la maladie dans la CMHO, sur la base duquel les traitements médicaux peuvent être titrés. Chez un patient qui a des symptômes et une OCCVG ≥ 50 mmHg, les bêtabloquants non vasodilatateurs constituent le traitement de premier choix pour réduire l'OCCVG et les plaintes associées. En cas d'intolérance ou de contre-indication aux bêtabloquants ou en présence de symptômes résiduels, il est indiqué de mettre le patient sous vérapamil ou diltiazem. Les directives récentes émettent une recommandation de classe I pour ce traitement (figure 1). Souvent, ces thérapies seront insuffisantes pour traiter l'OCCVG et les symptômes qui y sont associés. On envisageait traditionnellement, pour les patients qui se trouvaient dans ce scénario, un traitement par disopyramide (mais souvent moyennant une efficacité insuffisante et des effets secondaires anticholinergiques gênants) ou un TRS par myomectomie (+/- plastie mitrale) ou par alcoolisation septale. à long terme, le TRS produit souvent une excellente diminution de l'OCCVG et, globalement, la procédure connaît un taux de réussite élevé. Il arrive parfois que des procédures complémentaires soient nécessaires en cas d'alcoolisation septale. Cependant, le TRS est associé à une morbidité - et même une mortalité - considérable, qui est directement proportionnelle au volume procédural au sein du centre.4

Le mavacamten est un inhibiteur allostérique de l'adénosine triphosphatase (ATPase) de la myosine cardiaque, qui agit en diminuant la formation de ponts actine-myosine dans les cardiomyocytes du myocarde hypertrophique. Il en résulte une inhibition de la contraction excessive, ce qui induira une réduction de l'OCCVG et des symptômes associés. Deux études prospectives randomisées de phase III (EXPLORER-HCM et VALORHCM) ont démontré que le mavacamten peut entraîner une amélioration du gradient de l'OCCVG, atténuer les symptômes, améliorer le fonctionnement physique et réduire la nécessité/l'indication de chirurgie de réduction septale.5,6 Ces données convaincantes ont donné lieu à une recommandation de l'ESC pour le mavacamten dans l'itinéraire de traitement du patient atteint de CMHO, tel qu'illustré à la figure 1.3 Le mavacamten n'est pas encore disponible sur le marché belge, mais bien dans le cadre d'un programme médical d'urgence. Le positionnement du mavacamten dans le cadre du programme médical d'urgence concerne les patients atteints de CMHO symptomatique (classe NYHA II ou III), âgés de plus de 18 ans, présentant une OCCVG ≥ 30 mmHg et une fraction d'éjection ventriculaire gauche (FEVG) > 55 % au moment du début du traitement (et une OCCVG ≥ 50 mmHg documentée à un moment donné, au repos, après une manoeuvre de Valsalva ou après l'effort), en dépit d'une tentative avec un traitement de première ligne consistant en bêtabloquants non vasodilatateurs ou en vérapamil/diltiazem.

Posologie et titration du mavacamten

Le mavacamten est métabolisé principalement par le CYP2C19 et, dans une moindre mesure, par le CYP3A4 (une information essentiellement pertinente pour les métaboliseurs lents du CYP2C19). Il faut un certain temps pour atteindre des concentrations plasmatiques stables et pour pouvoir observer un effet sur l'OCCVG. Le mavacamten est disponible en dosages de 2,5, 5, 10 et 15 mg. La dose initiale dépend de la connaissance du statut CYP2C19, si celui-ci a été déterminé (figure 2). Cette détermination s'effectue au moyen d'une prise de sang spécifique, souvent analysée dans un laboratoire externe. La dose de mavacamten sera ensuite titrée sur la base du gradient d'OCCVG résiduel, à condition que la FEVG ne tombe pas à < 50 %. La figure 2 résume les différentes possibilités de titration. En règle générale, le traitement devra être interrompu si la FEVG tombe sous les 50 %. L'expérience clinique nous apprend que cela ne concerne que 2 % de tous les patients.7 Chaque ajustement du traitement doit être suivi, quatre semaines plus tard, d'un contrôle de l'état clinique, de l'OCCVG et de la FEVG. Le mavacamten étant métabolisé par le CYP2C19 et le CYP3A4, les inhibiteurs ou les inducteurs des isoenzymes CYP peuvent fortement modifier les concentrations plasmatiques. Des taux plasmatiques augmentés peuvent possiblement donner lieu à une insuffisance cardiaque et à une fraction d'éjection réduite, tandis que des taux abaissés peuvent entraîner une récidive de l'OCCVG et des symptômes. Le tableau 1 offre un aperçu d'importants médicaments qui influencent le métabolisme CYP-dépendant.

Expérience clinique et conseils d'utilisation

étant donné la complexité de la titration, qui nécessite un suivi fréquent, et la possibilité de diverses interactions médicamenteuses, une bonne organisation est importante lorsque le mavacamten est prescrit, et ce, de préférence au sein d'une clinique CMH structurée. La plus grande série publiée d'expérience en situation réelle avec le mavacamten provient de la clinique CMH de la Cleveland Clinic et décrit 150 patients exposés au mavacamten.7 Les conseils qui suivent reposent sur l'expérience décrite dans cet article et sur l'expérience du premier auteur, qui a travaillé à la clinique CMH de la Cleveland Clinic.

Important pour l'instauration

  • Il est important d'avoir une bonne organisation lorsqu'on s'apprête à prescrire le mavacamten dans le cadre d'un programme médical d'urgence. Qui se charge du suivi ? Comment le suivi échocardiographique doit-il être mené et quelle doit être son ampleur ? Qui a la responsabilité d'enregistrer le patient dans le portail en ligne, de passer de nouvelles commandes et de déterminer la titration de la dose ? ...
  • Est-il souhaitable de déterminer le statut CYP ? Tous les hôpitaux n'ont pas la possibilité de déterminer le statut CYP. à l'hôpital ZOL de Genk, nous envoyons les échantillons à l'UCLouvain. Le résultat est disponible en une dizaine de jours. La plupart des patients (± 98 %) auront un statut autre que celui de métaboliseur lent. Le statut CYP déterminera la dose initiale (figure 2). Globalement, environ 20-25 % des patients recevront une dose de 2,5 mg (dose minimale), 50 % recevront une dose de 5 mg et 20-25 % recevront une dose de 10 mg, la proportion de patients mis sous 15 mg étant négligeable. Les patients présentant un gradient d'OCCVG relativement faible (par exemple, entre 30 et 50 mmHg au repos) finiront souvent sous 2,5 mg. La question se pose de savoir si un génotypage sera souhaitable/nécessaire à l'avenir (en dehors du programme médical d'urgence). Face à des gradients plus élevés, le génotypage se révèle pratique, car ces patients commencent par une dose de 5 mg (s'ils ne sont pas des métaboliseurs lents) et atteignent donc plus rapidement leur dose efficace.
  • Les manoeuvres dynamiques sont importantes pour une sélection optimale des candidats. Ainsi, certains patients peuvent présenter un gradient au repos inférieur à 30 mmHg et ne pas être éligibles au programme médical d'urgence, mais leur gradient peut souvent dépasser les 30 mmHg après une manoeuvre de Valsalva.
  • Chez les patients adressés pour l'instauration du mavacamten, l'initiation du traitement offre une bonne occasion d'opérer une mise au point du dossier. Un test génétique a-t-il été effectué ? Un dépistage familial a-t-il été proposé ? Un DAI est-il indiqué ? Le patient prend-il des vasodilatateurs de manière inappropriée ? ...
  • Souvent, il est possible de remplacer les médicaments qui influencent le métabolisme CYP-dépendant avant d'instaurer le mavacamten. Les médicaments les plus souvent concernés sont l'oméprazole, la fluoxétine et l'ésoméprazole.7
  • Le mavacamten peut parfaitement être utilisé chez les patients qui ont une OCCVG résiduelle élevée après un TRS.
  • Important pour le suivi

  • Les données en situation réelle indiquent qu'environ 50 % des patients présentent une amélioration de 1 classe NYHA ; 25 %, une amélioration de 2 classes NYHA ; et 25 %, peu d'amélioration de la fonctionnalité. On ne sait pas clairement pourquoi certains patients obtiennent une réponse clinique moindre. Toutefois, certains patients présentent souvent aussi - en plus de l'OCCVG - une dysfonction diastolique, une dilatation auriculaire et une insuffisance mitrale qui persistent souvent après le début du traitement par mavacamten.
  • Il convient d'expliquer clairement les possibilités de titration pendant le suivi. Bon nombre de patients (surtout en l'absence d'OCCVG très importante au début du traitement) devront, selon le schéma de titration, arrêter temporairement le mavacamten. Ces arrêts peuvent s'avérer frustrants pour les patients, mais il est possible d'anticiper.
  • Si le mavacamten doit être interrompu en vertu du schéma, les symptômes associés à l'OCCVG peuvent s'aggraver et un autre traitement peut provisoirement être intensifié.
  • Le traitement doit parfois aussi être arrêté pendant une maladie intercurrente (par exemple, une fibrillation auriculaire à réponse ventriculaire rapide et FEVG réduite secondaire).
  • Conclusion

    Le mavacamten apporte une plus-value absolue dans l'arsenal thérapeutique pour les patients atteints de CMHO symptomatique. La prescription de mavacamten dans le cadre du programme médical d'urgence demande quelques efforts mais, grâce à une bonne organisation, le mavacamten peut être utilisé efficacement en pratique clinique.

    Références

    1. Desai, M.Y., Bhonsale, A., Patel, P., Naji, P., Smedira, N.G., Thamilarasan, M. et al. Exercise echocardiography in asymptomatic HCM: exercise capacity, and not LV outflow tract gradient predicts long-term outcomes. JACC Cardiovasc Imaging, 2014, 7 (1), 26-36.
    2. Maron, M.S., Olivotto, I., Betocchi, S., Casey, S.A., Lesser, J.R., Losi, M.A., Cecchi, F., Maron, B.J. Effect of left ventricular outflow tract obstruction on clinical outcome in hypertrophic cardiomyopathy. N Engl J Med, 2003, 348 (4), 295-303.
    3. Arbelo, E., Protonotarios, A., Gimeno, J.R., Arbustini, E., Barriales-Villa, R., Basso, C. et al. 2023 ESC Guidelines for the management of cardiomyopathies. Eur Heart J, 2023, 44 (37), 3503-3626.
    4. Desai, M.Y., Bhonsale, A., Smedira, N.G., Naji, P., Thamilarasan, M., Lytle, B.W. et al. Predictors of long-term outcomes in symptomatic hypertrophic obstructive cardiomyopathy patients undergoing surgical relief of left ventricular outflow tract obstruction. Circulation, 2013, 128 (3), 209-216.
    5. Desai, M.Y., Owens, A., Geske, J.B., Wolski, K., Saberi, S., Wang, A. et al. Dose- Blinded Myosin Inhibition in Patients With Obstructive Hypertrophic Cardiomyopathy Referred for Septal Reduction Therapy: Outcomes Through 32 Weeks. Circulation, 2023, 147 (11), 850-863.
    6. Olivotto, I., Oreziak, A., Barriales-Villa, R., Abraham, T.P., Masri, A., Garcia-Pavia, P. et al. Mavacamten for treatment of symptomatic obstructive hypertrophic cardiomyopathy (EXPLORER-HCM): a randomised, double-blind, placebocontrolled, phase 3 trial. Lancet, 2020, 396 (10253), 759-769.
    7. Desai, M.Y., Hajj-Ali, A., Rutkowski, K., Ospina, S., Gaballa, A., Emery, M. et al. Real-world experience with mavacamten in obstructive hypertrophic cardiomyopathy: Observations from a tertiary care center. Prog Cardiovasc Dis, 2024.

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