Nous relatons le cas d'un homme de 81 ans, ayant des antécédents d'hypertension artérielle et d'hypercholestérolémie. Il a déjà subi une intervention coronaire percutanée (PCI) de l'interventriculaire antérieure (IVA) gauche suite à des symptômes d'angor instable.
Il consulte en raison d'une fatigue persistante, d'une orthopnée et d'une dyspnée progressive l'amenant finalement à une classe NYHA III. à l'examen clinique, il présente un rythme cardiaque irrégulier à environ 70 battements par minute, et l'auscultation ne révèle aucun souffle. Il présente de discrets signes d'insuffisance cardiaque gauche avec un épanchement pleural bilatéral limité, sans oedèmes périphériques. L'ecg révèle une fibrillation auriculaire (FA) de novo avec une image de séquelle d'infarctus dans le territoire antéroseptal, avec un aspect QS de V1 à V3. Une coronarographie de contrôle n'a pas révélé de nouvelle atteinte coronarienne. On observe des voltages relativement faibles dans les dérivations périphériques (figure 1). L'échocardiographie a montré une hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) concentrique avec une fonction ventriculaire gauche modérément réduite, des oreillettes modérément dilatées ainsi qu'un aspect moucheté frappant du myocarde (figure 2).
Toutes ces observations ont conduit à suspecter fortement une amylose cardiaque. Le patient a été hospitalisé pour une mise au point plus approfondie et un traitement de l'insuffisance cardiaque. La scintigraphie osseuse était suspecte d'amylose cardiaque à transthyrétine (ATTR). L'électrophorèse des protéines et les chaînes légères libres sériques étaient normales, de sorte qu'on a pu exclure une amylose cardiaque à chaînes légères.
L'ATTR cardiaque est une maladie infiltrative dans laquelle les cardiomyocytes sont endommagés par le dépôt de fibrilles amyloïdes dans le coeur. Ces fibrilles sont formées par des protéines précurseurs de l'amyloïde, déformées à la suite d'une mutation génétique. L'infiltration de ces fibrilles dans les cellules myocardiques entraîne une cardiomyopathie hypertrophique et restrictive. Tant l'incidence que la prévalence de l'amylose cardiaque augmentent. L'amylose est une maladie progressive et, dans certains cas, elle est également provoquée par des mutations génétiques acquises, de sorte que l'incidence et la prévalence continueront à augmenter avec le vieillissement de la population. Par ailleurs, l'IRM cardiaque, la scintigraphie osseuse et la biopsie myocardique permettent d'améliorer considérablement le diagnostic. Plus important encore, les indications cliniques basées sur le type de symptômes permettent de reconnaître plus rapidement les anomalies à l'ecg et à l'ETT.1,2
étant donné les dommages causés aux cellules myocardiques et au système de conduction du coeur, des modifications de l'ecg peuvent conduire à suspecter une amylose cardiaque. Les indications sur l'ecg sont e.a. la présence d'un bloc AV du premier degré (31 %), d'un bloc de branche (15-17 %), d'une fibrillation/d'un flutter auriculaire (56 %), de microvoltages (22 %, ≤ 1,0 mV dans les dérivations précordiales et ≤ 0,5 mV dans les dérivations périphériques), d'une HVG (11 %), d'une discordance entre l'amplitude des voltages à l'ecg et l'hypertrophie ventriculaire réelle et d'une image de pseudo-infarctus (63 %, principalement dans le territoire antérieur).3
Ainsi, l'ecg réalisé 6 mois auparavant chez ce patient, présentant à l'époque des symptômes légers, révèle un rythme sinusal avec un bloc AV du premier degré marqué (intervalle PR de 362 ms) et des microvoltages dans les dérivations périphériques (figure 3).
Le traitement de l'ATTR cardiaque est d'une part ciblé sur le traitement de l'insuffisance cardiaque et de l'arythmie sous-jacente. D'autre part, en plus du traitement classique de l'insuffisance cardiaque, il existe également un traitement médicamenteux spécifique qui peut freiner le processus pathologique de l'ATTR cardiaque. Le tafamidis est un stabilisateur de la transthyrétine qui peut contrecarrer la formation de fibrilles amyloïdes et qui est remboursé en Belgique depuis octobre 2021. En général, le pronostic de l'ATTR cardiaque est mauvais, avec une survie moyenne de 2 à 3 ans sans traitement adéquat.4-5 L'élément capital pour le pronostic est le stade auquel la maladie est diagnostiquée et le moment où un traitement adéquat est mis en place - d'où l'importance de reconnaître précocement l'amylose cardiaque, notamment grâce aux signes électrocardiographiques, afin d'instaurer un traitement le plus rapidement possible.
Références
- Patel, K.S., Hawkins, P.N. Cardiac amyloidosis: where are we today? J Intern Med, 2015, 278 (2), 126-144.
- Gilstrap, L.G., Dominici, F. Wang, Y., El-Sady, M.S., Singh, A., Di Carli, M.F. et al. Epidemiology of Cardiac Amyloidosis Associated Heart Failure Hospitalizations Among Fee-for-Service Medicare Beneficiaries in the United States. Circ Heart Failure, 2019, 12 (6), e005407.
- González-López, E., Gagliardi, C., Dominguez, F., Quarta, C.C., Haro-Del Moral, F.J., Milandri, A. et al. Clinical characteristics of wild-type transthyretin cardiac amyloidosis: disproving myths. Eur Heart J, 2017, 38 (24), 1895-1904.
- Maurer, M.S., Schwartz, J.H., Gundapaneni, B., Elliot, P.M., Merlini, G., Waddington-Cruz, M. et al. Tafamidis Treatment for Patients with Transthyretin Amyloid Cardiomyopathy. N Engl J Med, 2018, 379 (11), 1007-1016.
- Lane, T., Fontana, M., Martinez-Naharro, A., Quarta, C.C., Whelan, C.J. Petrie, A. et al. Natural History, Quality of Life, and Outcome in Cardiac Transthyretin Amyloidosis. Circulation, 2019, 140 (1), 16-26.
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