Compte rendu du congrès de l'ESH 2023
L'hypertension reste la principale cause de décès prématuré dans le monde. Il existe différents types d'antihypertenseurs, et il convient de rechercher le bénéfice maximal pour chaque patient individuel.
C. Borghi (l'Université de Bologne), a tout d'abord présenté l'évolution du nombre de personnes souffrant d'hypertension diagnostiquée, traitée et contrôlée dans le monde et par région, entre 1990 et 2019 (figure 1, figure 2). En dépit d'une prévalence globale d'hypertension relativement stable, le nombre absolu d'hyper tendus âgés de 30 à 79 ans a doublé, passant de 331 millions (IC à 95 % 306-359) de femmes et 317 millions (292- 344) d'hommes en 1990 à 626 millions (584-668) de femmes et 652 millions (604-698) d'hommes en 2019, en raison de la croissance démographique et du vieillissement de la population (figure 1). Dans la même tendance, on comptait davantage de personnes n'obtenant pas un contrôle tensionnel efficace en 2019 comparativement à 1990, et ce, malgré l'amélioration des chiffres de détection, de traitement et de contrôle. Ceci est dû à la forte augmentation du nombre de personnes souffrant d'hypertension.
Parmi les raisons - hétérogènes - de ce mauvais contrôle tensionnel en pratique, citons un manque d'identification de ces patients, une utilisation incorrecte des médicaments, une posologie insuffisante, une mauvaise compliance thérapeutique, l'absence de maintien du traitement et, enfin, une sous-utilisation des associations thérapeutiques.
Une vaste étude italienne menée en Lombardie a évalué l'utilisation du traitement antihypertenseur combiné comme étape thérapeutique initiale et ultérieure chez des personnes âgées de 40 ans et plus chez qui un traitement antihypertenseur avait été initié en 2012, 2015 et 2018, et la stratégie de traitement (monothérapie et traitement combinant 2, 3 et plus de 3 antihypertenseurs) a été évaluée initialement ainsi qu'après 6 mois, 1 an, 2 ans et 3 ans de traitement. La monothérapie constituait la stratégie initiale la plus fréquente (75 %), suivie par 2 antihypertenseurs en association fixe (16 %), 2 antihypertenseurs en association libre (6 %) et une combinaison d'au moins 3 antihypertenseurs (3 %). L'utilisation de 2 et de ≥ 3 antihypertenseurs a augmenté au cours du suivi, et 32 % (2 antihypertenseurs) et 11 % (> 2 antihypertenseurs) des patients y recouraient, 3 ans après le début du traitement. Si une combinaison de 2 antihypertenseurs était prescrite, une association fixe en 1 seul comprimé constituait souvent la norme, tandis qu'une combinaison de 3 antihypertenseurs en 1 seul comprimé se révélait très rare. Les données ont donc montré qu'en pratique réelle, l'utilisation du traitement antihypertenseur combiné était plutôt faible et qu'on ne notait pas d'augmentation significative au cours des dernières années.
Une étude suédoise, randomisée, contrôlée, en double aveugle et de type croisé a évalué l'intérêt de l'utilisation d'antihypertenseurs spécifiques pour des patients spécifiques afin d'obtenir un effet hypotenseur bénéfique maximal chez des hommes et des femmes souffrant d'hypertension de grade 1 et courant un risque cardiovasculaire (CV) faible. Chaque participant a été randomisé vers un des antihypertenseurs de 4 classes différentes (lisinopril, candésartan, hydrochlorothiazide, amlodipine), et avec un traitement répété pour 2 classes. La réponse tensionnelle aux différents antihypertenseurs variait significativement entre les participants, en particulier pour le choix du lisinopril vs l'hydrochlorothiazide, du lisinopril vs l'amlodipine, du candésartan vs l'hydrochlorothiazide et du candésartan vs l'amlodipine. Ce traitement personnalisé a permis d'obtenir une diminution supplémentaire de 4,4 mmHg de la pression artérielle systolique, ce qui plaide en faveur d'une prise en charge personnalisée.1
O. Berwanger (The George Institute for Global health, Imperial College, Londres, RU) a traité plus en détail de la prise en charge des hypertendus diabétiques et s'est demandé si les combinaisons de SRAA/diurétiques constituent la base du traitement. Une méta-analyse de 147 études randomisées a clairement montré un effet bénéfique de toutes les principales classes d'antihypertenseurs (thiazides, bêtabloquants, inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine [IEC], antagonistes des récepteurs de l'angiotensine [ARB] et antagonistes calciques [AC]) par rapport au placebo, avec un rapport de risque (RR) de 0,85 (0,81- 0,89) pour les maladies coronariennes et un RR de 0,73 (0,66-0,80) pour l'infarctus cérébral. L'analyse par classe a surtout montré un effet significatif pour les thiazides, les IEC et les AC.2
Dans l'étude ADVANCE, l'association de périndopril/indapamide vs un placebo chez des diabétiques de type 2 a permis de réduire de 9 % (HR 0,91, 0,83-1,00) (p = 0,04) le critère d'évaluation primaire, à savoir les événements macro- ou microvasculaires majeurs. La mortalité CV a été réduite de 18 % (HR 0,82, 0,68-0,98) et la mortalité toutes causes de 14 % (HR 0,86, 0,75-0,98) (p = 0,03 pour les deux).3
Si on compare les données relatives aux schémas à base d'IEC et celles relatives aux schémas à base d'ARB chez les patients souffrant d'hypertension et de prédiabète ou de diabète, les IEC offrent une protection rénale (-21 %) et cardiovasculaire (-18 %) significative, tandis que les ARB confèrent une protection rénale significative (-5,5 % à -20 %), mais pas de protection cardiovasculaire.4
Une analyse de 4 grandes études observationnelles prospectives (ACES, FORTISSIMO, FORSAGE, PICASSO) a montré que l'association de périndopril/indapamide en 1 seul comprimé entraînait une diminution aisée et efficace de la pression artérielle chez les patients hypertendus souffrant de diabète de type 2, d'obésité ou d'un syndrome métabolique. Cette association était également sûre et métaboliquement neutre dans ces groupes de patients.5
Une méta-analyse des données individuelles de patients (IPD) a montré qu'une baisse de la pression artérielle systolique (PAS) de 5 mmHg entraînait une diminution des événements cardiovasculaires majeurs, tant chez les diabétiques (HR 0,94, 0,91-0,98) que chez les non-diabétiques (HR 0,89, 0,87-0,92).6
L'étude interventionnelle SPRINT, qui a fait couler beaucoup d'encre, a montré qu'une baisse plus importante de la pression artérielle chez des sujets âgés non diabétiques était associée à une réduction significative du critère d'évaluation primaire composite (décès CV, infarctus cérébral non fatal, infarctus myocardique (IM) non fatal, syndrome coronarien aigu (SCA) non fatal (autre qu'un IM) et hospitalisation pour insuffisance cardiaque (HR 0,75, 0,64-0,89), principalement médiée par la diminution de l'insuffisance cardiaque (HR 0,62, 0,45-0,84) et des décès CV (HR 0,57, 0,38-0,85).7
L'étude ACCORD n'a pas pu démontrer de réduction significative du critère d'évaluation primaire composite de décès CV, d'infarctus cérébral non fatal et d'IM non fatal (HR 0,88, 0,73-1,06) avec une baisse intensive de la pression artérielle vs une baisse standard chez des diabétiques de type 2, mais elle a pu montrer une diminution des infarctus cérébraux non fatals (HR 0,63, 0,41-0,96) et de tous les infarctus cérébraux (HR 0,59, 0,39-0,89).8
Le tableau 1 compare ces 2 études, et on voit que certaines caractéristiques spécifiques à l'étude peuvent expliquer les différents résultats. La combinaison des données des 2 études ACCORD et SPRINT montre que, comparativement au traitement standard, le traitement intensif entraîne une diminution significative du critère d'évaluation primaire de 19 % (RR 0,81, 0,72-0,92).9
L'effet du contrôle tensionnel intensif par rapport au contrôle standard sur les résultats cliniques chez les patients de l'étude ACCORD-BP éligibles pour l'étude SPRINT a montré une diminution significative du critère d'évaluation primaire (décès CV, IM non fatal, infarctus cérébral non fatal, revascularisation et insuffisance cardiaque) (HR 0,79, 0,65-0,96 ; p = 0,02).10
Une nouvelle étude randomisée, baptisée OPTIMAL-DIABETES, examinera, chez 9 479 diabétiques âgés de ≥ 50 ans, courant un risque CV élevé (maladies cardiovasculaires cliniques ou infracliniques ou score de risque à 10 ans d'au moins 20 %), l'effet d'une baisse intensive de la pression artérielle (PAS cible < 120 mmHg) par rapport à une baisse standard (PAS cible < 140 mmHg) sur le critère d'évaluation primaire composite, à savoir décès CV, infarctus cérébral non fatal, IM non fatal, SCA non fatal et hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Le traitement consiste de préférence en l'association de périndopril/indapamide/amlodipine.
En résumé, il existe une relation log-linéaire entre les valeurs tensionnelles et le risque d'événements CV majeurs, et le risque est plus important chez les diabétiques. Les associations fixes de 2 ou 3 antihypertenseurs (incluant des diurétiques thiazidiques, IEC et AC) constituent une option thérapeutique efficace et bien tolérée pour la prise en charge initiale ou précoce de l'hypertension chez les patients souffrant de (pré) diabète. L'étude OPTIMAL-DIABETES fournira des données supplémentaires sur les objectifs tensionnels optimaux chez les patients souffrant d'hypertension et de diabète.
V. Cunha (Hospital Garcia de Orta, Portugal) a poursuivi en abordant la prise en charge de l'hypertension associée à la dyslipidémie afin de réduire le risque cardiovasculaire. Le fardeau global de l'hypertension (> 1,3 milliard de personnes dans le monde) et de la dyslipidémie (> 1,8 milliard de personnes dans le monde) est énorme. Ces deux maladies sont si souvent associées qu'elles sont parfois désignées sous le terme de 'lipitension'.11 En pratique réelle, le contrôle de la pression artérielle et du cholestérol LDL est faible. Ces deux paramètres doivent être identifiés et traités en profondeur pour prévenir les événements cardiovasculaires futurs. à l'instar du contrôle de l'hypertension, qui est insuffisant, l'étude International ChoLesterol management Practice Study (ICLPS) a montré que, malgré un traitement, seuls 25 % des patients à haut et très haut risque ont un taux de cholestérol LDL contrôlé.12 EUROASPIRE V a également montré des chiffres assez élevés de facteurs de risque cardiovasculaire non contrôlés, tant en prévention primaire que secondaire (figure 3).
L'étude INTERHEART (étude cas-témoins)13 a montré que les facteurs de risque individuels augmentent de 2 à 3 fois le risque CV total, tandis que la coexistence d'hypertension, d'un diabète, d'une dyslipidémie et de tabagisme chez un même individu multiplie le risque CV par 20. Malgré une bonne médecine factuelle, nous sommes encore loin des valeurs cibles en matière de pression artérielle et de cholestérol LDL. L'origine de cette situation, multifactorielle, s'explique entre autres par les points suivants. Les connaissances de la population en matière de santé sont assez maigres et nous devons enseigner ces compétences aux patients, notamment en communiquant mieux avec eux. La compliance au traitement est faible et nous devons donner des conseils aux patients et les impliquer activement dans leur traitement. L'inertie médicale représente un obstacle majeur à l'atteinte des valeurs cibles. Les médecins se doivent d'être proactifs, de connaître les preuves et de les appliquer.
Ensuite, la compliance thérapeutique à long terme a été examinée plus en détail. L'efficacité de la compliance influence fortement l'efficacité de l'intervention. Par conséquent, l'amélioration de la compliance peut avoir un impact plus important sur la santé que n'importe quelle amélioration d'un traitement médical spécifique. Les faits montrent que la moitié des patients arrêtent de prendre leurs antihypertenseurs après 1 an et que la prévalence globale de la non-compliance aux antihypertenseurs atteint 27 % à 40 %.14 Plus de la moitié des patients traités pour une dyslipidémie interrompent leur traitement pendant plus de 90 jours.15 Les traitements médicamenteux complexes, les échecs thérapeutiques, le temps nécessaire à l'obtention d'un effet bénéfique et les effets indésirables contribuent tous largement à la non-compliance.16 Les associations fixes (SPC) d'antihypertenseurs et d'hypolipémiants peuvent concourir à améliorer l'adhérence thérapeutique (taux d'adhérence de 70-90 % vs 40-50 %).17, 18 L'hypertension et la dyslipidémie doivent être abordées et traitées par le médecin généraliste, l'interniste, le cardiologue, le néphrologue, l'endocrinologue... Plusieurs études (UMPIRE, KANYINI-GAP, IMPACT, FOCUS) confirment également la valeur de la polypill (pression artérielle et LDL) dans le traitement des patients souffrant d'une maladie cardiovasculaire ou courant un risque CV élevé, avec une augmentation de la compliance thérapeutique. Une analyse groupée des études ADVANCE, EUROPA et PROGRESS a évalué les résultats CV chez 29 463 patients souffrant d'une maladie vasculaire, traités par des schémas à base de périndopril par rapport à un placebo. Le critère d'évaluation primaire englobait la mortalité CV, les IM non fatals et les AVC. Après 4 ans de suivi, la survie cumulative sans événements était la plus élevée dans le groupe statine/périndopril et la plus faible dans le groupe non-statine/ placebo (91,2 % vs 85,6 %, respectivement, p < 0,001). Parmi les utilisateurs de statines (adjusted hazard ratio [aHR] 0,87, IC à 95 % 0,77-0,98) et les non-utilisateurs de statines (aHR 0,80, IC à 95 % 0,74-0,87), un schéma à base de périndopril est resté associé à un risque significativement plus faible du critère d'évaluation primaire comparativement au placebo.19 La Brisighella Heart Study (BHS) (542 patients hypertendus courant un risque CV modéré à très élevé, évalués dans 3 enquêtes épidémiologiques entre 2012 et 2020) a évalué, entre autres, l'effet à long terme du traitement simultané de l'hypertension et de l'hypercholestérolémie par IEC et statines sur la survenue d'événements cardiovasculaires majeurs (MACE) et d'autres résultats cliniques. Sur une période de 8 ans, le risque de MACE a diminué de 9 % (HR 0,91, 0,84-0,99) dans le groupe IEC + statine et de 18 % (HR 0,82, 0,75-0,91) dans le groupe périndopril + atorvastatine, avec ou sans AC, vs un IEC avec ou sans AC et sans statine (Réf. HR 1). Un traitement combiné par IEC et statines chez les patients hypertendus réduit de manière significative le risque de développer une maladie cardiovasculaire comparativement au traitement par IEC seul.20 Par après, on a ajouté de l'aspirine à la combinaison statine-IEC, et la polypill était née. Une méta-analyse IPD portant sur 18 162 patients indemnes de maladies cardiovasculaires (prévention primaire, avec un risque estimé de maladies cardiovasculaires à 10 ans de 17,7 %), suivis pendant 5 ans en moyenne (données issues de trois grandes ECR : TIPS-3, HOPE-3, Polyran), a comparé l'effet d'un traitement combiné avec aspirine et d'un traitement combiné sans aspirine par rapport à un placebo ou à un traitement non pharmacologique sur la survenue de maladies cardiovasculaires. Le risque relatif de maladies cardiovasculaires considéré globalement et pour chaque composante du critère d'évaluation primaire (IM aigu, revascularisation, AVC et décès CV) a diminué de 38 % dans le groupe recevant l'association fixe par rapport au groupe témoin (HR 0,62, IC à 95 % 0,53-0,73, p < 0,0001). Ces diminutions significatives des critères d'évaluation primaires ont été observées pour les associations à dose fixe, avec et sans aspirine, avec des réductions plus importantes pour le traitement avec aspirine. Ces effets thérapeutiques ont été observés indépendamment du niveau des facteurs de risque cardiométabolique. Les hémorragies gastro-intestinales étaient peu fréquentes, mais légèrement plus fréquentes dans le groupe recevant l'association fixe avec aspirine que dans le groupe témoin (0,4 % vs 0,2 %, p = 0,15). Les autres hémorragies étaient également peu fréquentes, et on ne notait pas de différences significatives entre les groupes. Les stratégies de traitement combiné à doses fixes réduisent considérablement les maladies cardiovasculaires, les IM, les AVC, la revascularisation et la mortalité cardiovasculaire en prévention primaire des maladies cardiovasculaires. Ces bénéfices sont constants et indépendants des facteurs de risque cardiométabolique.21
De petites réductions peuvent grandement modifier le risque ; le plus tôt et le plus longtemps possible est le mieux. Il n'existe actuellement aucune preuve tangible de l'existence d'une courbe en J pour le cholestérol LDL. En gardant à l'esprit le diagramme SCORE-2, une intervention sur la pression artérielle et le cholestérol LDL se révèle bénéfique dans toutes les catégories de risque CV. Les obstacles liés aux associations fixes et à la polypill peuvent retarder ou compliquer leur utilisation. Les patients peuvent être réticents face à de nouvelles approches, craindre les effets indésirables ou les conséquences de l'arrêt du traitement, et certains patients restent réticents vis-à-vis des statines. La SPC (single-pill combination) favorise assurément la compliance thérapeutique, et réduit les oublis de prises. Cependant, un oubli de prise signifie l'oubli de tous les composants. Il se peut que le médecin ne connaisse pas suffisamment la nouvelle stratégie de traitement ou qu'il n'y soit pas suffisamment familiarisé, ou encore qu'il estime qu'il n'existe pas de flexibilité suffisante avec les combinaisons de doses disponibles, ce qui contribue à une certaine inertie. Les réglementations des systèmes de santé peuvent également jouer un rôle dans la distribution des nouvelles stratégies de traitement. Comme pour le VIH et la TBC, les SPC pour la prévention des maladies CV sont bienvenues sur la liste des médicaments essentiels de l'OMS. Il est temps d'opter pour une prise en charge précoce et suffisamment approfondie des facteurs de risque CV afin de réduire la morbi-mortalité globale. Les SPC/polypills sont efficaces pour contrôler la pression artérielle et le cholestérol LDL et favorisent la compliance thérapeutique. Ce n'est pas que nous ayons besoin de preuves scientifiques supplémentaires à cet égard : nous devons surtout les mettre en oeuvre correctement et de manière adéquate.
C. Tsioufis (Université d'Athènes, Hippocration Hospital, Grèce) a terminé la session par les combinaisons à privilégier dans le traitement du patient hypertendu souffrant d'une maladie coronarienne (MC), en se basant sur des cas cliniques. Parmi les syndromes coronariens chroniques, il existe 6 scénarios fréquents en pratique ambulatoire : 1) suspicion de MC avec angor stable et/ou dyspnée, 2) insuffisance cardiaque de novo ou dysfonction ventriculaire gauche et suspicion de MC, 3) patients stables, < 1 an après un SCA ou patients ayant subi une revascularisation récente, 4) patients > 1 an après un diagnostic de MC ou une revascularisation, 5) patients souffrant d'angor chez qui on suspecte une maladie microvasculaire vasospastique, et 6) sujets asymptomatiques chez qui on détecte une MC lors d'un examen de dépistage. Les patients présentent souvent de multiples comorbidités: 2 patients hypertendus sur 3 ont une comorbidité et 2 patients sur 3, présentant une comorbidité, sont hypertendus. Parmi la population hypertendue, 49 % présentent une dyslipidémie, 29 % un diabète et 60-70 % sont en surpoids ou obèses. Parmi la population présentant une dyslipidémie, 64 % souffrent d'hypertension, 16 % de diabète et 51 % de surpoids ou d'obésité. Parmi la population de diabétiques de type 2, 75 % souffrent d'hypertension, 30-60 % de dyslipidémie et 90 % de surpoids ou d'obésité.
L'étude Hellenic Cardiorenal Morbidity Snapshot (HECMOS) (923 patients admis dans 55 services de Cardiologie le 3 mars 2022) a révélé que 69 % des patients hypertendus souffraient également d'insuffisance cardiaque, 77 % de diabète, 74 % de fibrillation auriculaire et 76 % d'une IRC.22 Les patients souffrant d'hypertension et d'une maladie CV ou rénale avérée courent de toute façon un risque CV très élevé. L'adaptation du mode de vie, un traitement pharmacologique optimal, incluant le traitement de l'hypertension, et éventuellement une revascularisation sous forme d'une PCI/d'un CABG constituent les 3 piliers de la prise en charge des patients hypertendus souffrant d'une maladie coronarienne chronique. Chez le patient coronarien, les valeurs tensionnelles cibles au cabinet sont une PAS de 130 mmHg ou moins (si elle est tolérée) et une pression artérielle diastolique (PAD) < 80-70 mmHg. Faut-il prendre en compte la courbe en J de la pression artérielle et des résultats CV ? Dans une étude de cohorte internationale portant sur 22 767 patients souffrant d'une maladie coronarienne chronique et d'hypertension traitée, suivis pendant une médiane de 5 ans, les investigateurs de l'étude CLARIFY ont montré un risque accru du critère d'évaluation composite de décès CV, d'IM et d'infarctus cérébral à partir d'une PAS < 120 mmHg (HR ajusté 1,56) et d'une PAS > 145 mmHg (HR ajusté 1,51) et à partir d'une PAD < 70 mmHg (HR ajusté 1,41) et d'une PAD > 90 mmHg (HR ajusté 3,72).23
Dans le traitement de l'hypertension et d'une MC, les recommandations relatives à l'hypertension préconisent une bithérapie initiale avec un IEC ou un ARB + un β-bloquant ou un AC, ou un AC + un diurétique ou un β-bloquant, ou encore un β-bloquant + un diurétique. En cas d'efficacité insuffisante, une triple association des classes susmentionnées est recommandée. En cas d'hypertension résistante, on recommande l'ajout de 25-50 mg de spironolactone par jour (ou d'un autre antihypertenseur; envisager éventuellement d'adresser le patient à un centre spécialisé pour des examens complémentaires). En ce qui concerne le choix d'un bloqueur du SRAA en cas d'hypertension et de MC, le choix se porte sur un IEC (voir les études SOLVD, SAVE, AIRE, TRACE, SMILE, HOPE, EUROPA), et sur un ARB en cas d'intolérance aux IEC. Les IEC réduisent la mortalité, les IM, les infarctus cérébraux et l'insuffisance cardiaque chez les patients présentant une dysfonction du VG, une maladie vasculaire et un diabète. Dans ce contexte, les IEC sont recommandés pour le traitement des patients souffrant d'une MC et d'hypertension, d'une diminution de la fonction ventriculaire gauche (FE < 40 %), d'un diabète et d'une néphropathie chronique, sauf en cas de contre-indications.
L'étude observationnelle PRIDE a examiné l'efficacité de l'association fixe de bisoprolol/périndopril sur le contrôle tensionnel et les symptômes d'angor chez des patients souffrant d'hypertension et ayant un antécédent d'IM. Au bout de 3 mois, l'ajout de la SPC à base de bisoprolol/périndopril était associé à une diminution significative de la PAS et de la PAD (- 24,9/- 12,2 mmHg) et de la fréquence cardiaque (- 14,1 bpm) (P < 0,001), avec un effet déjà visible au bout d'un mois. Cela signifie que 69,8 % des patients ont atteint la valeur tensionnelle cible (< 140/90 mmHg) à 1 mois et 95,9 % à 3 mois. On a également constaté moins de crises d'angor et moins de recours aux dérivés nitrés à courte durée d'action. La SPC à base de bisoprolol/périndopril était également bien tolérée, de sorte que ce traitement efficace est considéré comme une option thérapeutique valable en pratique de routine pour les patients souffrant d'une MC.24
Une étude observationnelle menée chez des patients hypertendus souffrant d'une MC a montré qu'une association fixe (fixed-dose combination, FDC) de périndopril/ amlodipine pendant 4 mois réduisait également significativement la PAS et la PAD, plus de 80 % des patients obtenant un contrôle tensionnel avec une bonne tolérance et un degré élevé de compliance au traitement.25
L'étude PAPA-CAD a montré que l'association de périndopril/amlodipine avait des effets cardioprotecteurs chez les patients souffrant d'une MC stable, avec une amélioration de la classe CCS après 6 mois et une amélioration de 24,4 % de la capacité à l'effort. Ces effets bénéfiques sur le système CV ont été attribués à l'effet hypotenseur, à l'effet sur la résistance vasculaire et aux effets protecteurs CV directs.26 Dans la prise en charge des patients souffrant d'une coronaropathie chronique, l'utilisation des SPC est de plus en plus encouragée afin d'améliorer la compliance au traitement et, si possible, les résultats.27 Même si, demain, les solutions numériques - incluant l'IA - peuvent améliorer les traitements ou aider à prévenir les multimorbidités, la promotion de la compliance thérapeutique avec des associations fixes constitue actuellement la meilleure stratégie pour améliorer les résultats et réduire les coûts de la prise en charge de multimorbidités.28
Le médecin traitant doit, pour ainsi dire, 'accompagner le comprimé' ; plus précisément, il doit mobiliser des émotions positives chez le patient pour atteindre les objectifs thérapeutiques par la motivation, la confiance, l'espoir et l'empathie. Il faut traiter le patient, pas la maladie.
Une prescription réussie pour un patient hypertendu souffrant d'une MC consiste en un traitement individualisé approprié, un patient motivé et compliant au traitement, un traitement intensif dans les limites des valeurs cibles. L'association d'un inhibiteur du SRAA (de préférence un IEC) et d'un β-bloquant est efficace et fructueuse dans la plupart des cas, tandis que l'association d'un inhibiteur du SRAA et d'un AC se prête à des profils de patients plus spécifiques.
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