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New approach to address the burden of cardiovascular disease
  • Bert Zwaenepoel 

Compte rendu du congrès de la BSC - session 25

La 42e édition du congrès annuel de la Belgian Society of Cardiology a accueilli divers experts nationaux et internationaux, venus présenter plusieurs sujets intéressants, dont une session dédiée à l'importance de la prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaire. Les intervenants étaient Fabian Demeure (CHU UCL Namur), Sofie Brouwers (OLV Aalst) et Leopoldo Pérez De Isla (Hospital Clínico San Carlos de Madrid).

Devons-nous traiter les patients ou les facteurs de risque individuels ?

Fabian Demeure - CHU UCL Namur

Les affections cardiovasculaires demeurent la première cause de morbidité et de mortalité dans le monde, et leur prévalence ne cesse d'augmenter. En dépit des nombreuses nouvelles thérapies, les facteurs de risque cardiovasculaire classiques n'ont pas changé ces trente dernières années. L'hypertension artérielle reste ainsi le plus grand facteur de risque contribuant à la perte d'années de vie, le diabète et l'hyperlipidémie occupant respectivement les troisième et septième places du funeste classement.1 Très souvent, ces facteurs de risque sont présents de manière conjointe et exercent un effet synergique entraînant un risque cardiovasculaire accru. Au début des années 2000, The Lancet a publié une étude importante dans ce cadre : l'étude INTERHEART, qui a examiné la corrélation entre les facteurs de risque individuels et le risque d'infarctus aigu du myocarde dans une population mondiale de quelque 15 000 patients et 15 000 témoins.2 L'étude a identifié le tabagisme, le diabète, l'hypertension et l'hyperlipidémie comme principaux facteurs de risque de développement d'un infarctus du myocarde, mais c'était principalement la combinaison de ces facteurs de risque qui en augmentait significativement le risque. La population belge s'avère, elle aussi, souvent combiner plusieurs facteurs de risque. Une étude de De Backer et al. a ainsi relevé une prévalence élevée de surpoids/obésité (96 %), de dyslipidémies (61 %) et de diabète (33 %) dans une cohorte de 1 852 patients atteints d'hypertension artérielle non contrôlée.3 L'intervenant cite ces chiffres pour souligner que les cliniciens doivent se concentrer sur la réduction du risque cardiovasculaire total plutôt que sur la prise en charge d'un seul facteur de risque, comme l'hypertension artérielle. Le nouvel algorithme SCORE2, publié en 2021 en remplacement du premier modèle SCORE, est un outil important dans ce contexte, permettant d'évaluer ce risque global et de classer les patients en catégorie de risque faible à intermédiaire, de risque élevé et de risque très élevé.4 L'intervenant attire l'attention sur deux points essentiels lors de l'utilisation de cette table. D'une part, l'algorithme utilise le cholestérol non-HDL au lieu du cholestérol LDL. Celui-ci comprend toutes les lipoprotéines athérogènes (LDL, mais aussi Lp(a) et triglycérides, par exemple) et se définit par le cholestérol total dont on déduit le cholestérol HDL. D'autre part, il est important de savoir que les pays européens sont divisés en quatre zones de risque et que la Belgique fait partie de la zone à faible risque, mais qu'elle arrive bonne neuvième sur les dix pays que compte cette catégorie. L'application de la table « faible risque » pour nos patients entraîne donc un certain degré de sous-évaluation du risque cardiovasculaire réel du patient belge.

Malgré les preuves évidentes, il demeure hélas encore une grande inertie thérapeutique en ce qui concerne la prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaire. L'intervenant se penche en l'occurrence sur la prise en charge de l'hypertension artérielle et des dyslipidémies et, pour illustrer ses propos, il cite l'étude ATHERO de Rietzschel et al.5 Cette étude, qui a inclus 1 706 patients, avait pour objectif d'évaluer le contrôle lipidique et tensionnel en contexte de vie réelle dans une population de patients qui prenaient au moins un antihypertenseur et un hypocholestérolémiant. Les investigateurs ont observé que seuls 11,7 % des patients du groupe à risque élevé et 10,1 % des patients du groupe à risque très élevé bénéficiaient d'un contrôle lipidique correct. Par ailleurs, la tension artérielle est insuffisamment contrôlée chez quatre patients sur dix. Constat encore plus important : une différence notable a été observée au niveau du contrôle lipidique et tensionnel chez les patients à risque très élevé sur la base d'une condition clinique (p. ex. antécédent d'infarctus du myocarde, contrôle correct chez 17,9 %) par rapport aux patients à risque très élevé sur la base d'une combinaison de facteurs de risque (contrôle correct chez 2,2 % des patients à peine). Voilà qui souligne l'intérêt d'une éducation continue à l'importance des facteurs de risque cardiovasculaire. Dans cette optique, l'instauration du traitement n'est pas la seule priorité ; une réévaluation fréquente et, si nécessaire, une adaptation posologique sont tout aussi importantes. Pour conclure, l'intervenant a émis quelques pistes expliquant pourquoi nous ne parvenons pas à mettre en place une prise en charge adéquate de ces facteurs de risque classiques, pourtant connus de longue date. Premièrement, les interventions débutent souvent tardivement (au moment où la maladie est déjà présente) et ne sont pas assez agressives. Deuxièmement, les recommandations ciblent la prise en charge chez les sujets à risque élevé et très élevé, ce qui nuit à l'instauration d'un traitement précoce (dans les profils de risque faible à intermédiaire). Troisièmement, nous sommes confrontés à des problèmes manifestes de mise en oeuvre. Il existe ainsi différentes recommandations (inter)nationales, et même régionales (Wallonie vs Flandre), qui ne concordent souvent pas totalement, et il faut déplorer un manque d'investissement dans l'éducation des patients. De ce fait, un gouffre se creuse entre les données preuves et la pratique : nous disposons de très nombreuses recommandations, mais les efforts déployés pour les appliquer, de manière simple et cohérente, dans les soins de première et deuxième ligne sont nettement insuffisants. Par ailleurs, le traitement d'un individu est encore trop souvent fragmenté, chaque sous-discipline se contentant de traiter les facteurs de risque qui relèvent de son domaine (p. ex. la tension chez le cardiologue, la glycémie chez l'endocrinologue). Nous devons donc tendre davantage vers une prise en charge holistique du profil de risque cardiovasculaire.

Une prise en charge holistique de l'hypertension artérielle

Sofie Brouwers - OLV Ziekenhuis Aalst

Sofie Brouwers a entamé son exposé en citant à nouveau l'étude belge de De Backer et al.3, selon laquelle 97 % des patients hypertendus comptaient au moins une comorbidité. Voilà qui souligne encore une fois l'importance de traiter le patient avec toutes ses comorbidités, au lieu de se limiter à la prise en charge de sa tension artérielle. Cependant, l'un des problèmes de mise en oeuvre (cf. supra) vient de la coexistence de différentes recommandations pour le même sujet. Pour la plupart, elles sont dues à une différence de regard/d'interprétation des preuves existantes. L'intervenante mentionne ainsi les directives relatives à l'utilisation des inhibiteurs de l'ECA/ARA en renvoyant aux recommandations pour le traitement de l'hypertension émises respectivement par les sociétés européenne (ESC), internationale (ISH) et canadienne (CCS). L'ESC stipule qu'il n'y a pas de différence entre IECA et ARA concernant l'abaissement de la tension, et ce, alors que l'ISH indique que les bénéfices des IECA et des ARA n'étaient pas similaires dans toutes les RCT pour différentes populations de patients et que le choix entre les deux classes de médicaments doit être posé sur la base de caractéristiques du patient, de la disponibilité, du coût et de la tolérance. La CCS, quant à elle, conseille d'utiliser les IECA chez la plupart des patients et de réserver les ARA aux seuls cas d'intolérance aux IECA. L'exposé s'est poursuivi sur les recommandations en matière d'utilisation d'IECA/ARA chez les patients atteints d'hypertension artérielle et de diabète, d'atteinte coronarienne ou d'insuffisance cardiaque. Là aussi, les directives disponibles sont discordantes. Nous pouvons rechercher des informations dans les recommandations de 2019 pour l'hypertension6, mais aussi dans les recommandations de l'ESC pour le diabète7, les coronaropathies chroniques8 et l'insuffisance cardiaque9. Dans ce contexte, les recommandations pour le traitement de l'hypertension ne font pas de distinction entre IECA et ARA chez les patients qui présentent les comorbidités mentionnées ci-dessus, au contraire des recommandations en matière de diabète, de coronaropathies chroniques et d'insuffisance cardiaque. Ainsi, les recommandations pour le traitement du diabète privilégient les IECA et ne conseillent les ARA qu'en cas d'intolérance aux IECA. Cette directive repose sur les données issues de l'étude ADVANCE10, dans laquelle une association de périndopril et d'indapamide administrée à des patients diabétiques s'est avérée avoir un effet néphro- et cardioprotecteur, par rapport au placebo administré au groupe témoin. En revanche, les études menées avec des ARA (ROADMAP avec l'olmésartan11, RENAAL avec le losartan12 et IRMA avec l'irbésartan13) n'ont pas été à même de démontrer un effet cardioprotecteur chez les patients diabétiques. Les recommandations pour la prise en charge des patients atteints de coronaropathies chroniques privilégient les IECA, elles aussi. Les preuves en la matière se fondent surtout sur des études menées auprès de patients atteints de cardiomyopathie ischémique à fraction d'éjection diminuée, mais l'étude EUROPA - entre autres - a aussi montré une réduction de la mortalité CV lors de l'utilisation de périndopril dans une population à risque relativement faible avec coronaropathie stable et sans signes d'insuffisance cardiaque.14 L'étude TRANSCEND n'a cependant pas été en mesure de démontrer une réduction de la mortalité lors de l'utilisation de telmisartan chez des patients souffrant de MCV ou de diabète avec atteinte des organes cibles.15 De même, la directive pour l'insuffisance cardiaque privilégie les IECA et ne recommande les ARA qu'en cas d'intolérance aux IECA et aux ARNI. En effet, les preuves sont nettement plus robustes pour les inhibiteurs de l'ECA chez les patients atteints d'insuffisance cardiaque et, à ce jour, aucune étude n'a pu établir une diminution de la mortalité toutes causes confondues avec un ARA.

Tout cela démontre bien que les différentes recommandations et directives manquent encore de concordance. L'intervenante conclut par ailleurs en remarquant que ce n'est pas la tension artérielle qui doit baisser, mais le risque cardiovasculaire et le risque d'atteinte des organes cibles. Dans cette optique, il reste important de prescrire les antihypertenseurs qui ont un effet éprouvé dans le domaine.

De la statine en monothérapie à la polythérapie précoce

Leopoldo Pérez De Isla - Hospital Clínico San Carlos Madrid, Espagne

Cet exposé a débuté sur les cibles lipidiques, telles qu'elles sont recommandées par les recommandations 2019 de l'ESC pour la prise en charge des dyslipidémies.16 L'intervenant n'est pas d'accord avec ces objectifs et souhaite les remplacer par le slogan « the lower, the sooner, the longer », trois concepts-clés qu'il approfondit dans la suite de son intervention.

The lower : il cite l'étude CCT pour démontrer que le plus grand bénéfice potentiel pour un patient est obtenu par la plus grande réduction possible du cholestérol LDL (figure 1).17 à l'heure actuelle, l'ESC recommande une prise en charge séquentielle, la première étape consistant à tester la plus forte dose de statine tolérée pour ensuite seulement y associer d'autres agents (comme l'ézétimibe). De l'avis de l'intervenant, cette approche ralentit inutilement le traitement et donne lieu à un contrôle lipidique insuffisant chez la majorité des patients. Une opinion qu'il fonde sur les données en contexte de vie réelle de l'étude DA VINCI.18 En effet, cette dernière a établi que seuls 18 % des patients ont un contrôle lipidique correct, tandis que seuls 37,5 % des patients prennent une dose élevée de statine et seuls 9,3 % prennent une association avec l'ézétimibe. Nous observons ces mêmes chiffres dans la population belge, où environ 10 % des patients du groupe à risque élevé à très élevé connaissent un contrôle lipidique correct.5 Pendant le suivi, nous assistons en outre plutôt à un downgrading qu'à un upgrading du traitement, ainsi qu'à une diminution de l'observance thérapeutique.19,20

The sooner : parallèlement à une instauration plus rapide et plus agressive, il est important de souligner que l'effet d'un traitement hypolipidémiant doit être suivi et ajusté fréquemment jusqu'au moment où le patient atteint la cible définie. Un contrôle lipidique rapide est important, car on observe, même dans le courant de l'année qui suit l'instauration de la statine, une baisse des résultats vasculaires.17

The longer : l'intervenant souligne que l'arrêt du traitement hypolipidémiant peut être dommageable. Une étude a ainsi montré que l'arrêt d'une statine après un infarctus du myocarde était associé à une mortalité à long terme plus élevée qu'avec la poursuite du traitement.21 L'importance du traitement au long cours (à vie) s'en trouve donc accentuée.

L'intervenant plaide dès lors en faveur d'un contrôle lipidique précoce, agressif et durable. De plus, il conseille l'instauration précoce d'une polythérapie pour les patients chez qui l'abaissement du cholestérol LDL au moyen d'une statine est d'avance jugé insuffisant. En effet, la réduction attendue du taux de cholestérol LDL est passablement prévisible pour chacune des interventions et ces prévisions devraient être utilisées au moment de décider d'instaurer un traitement (tableau 1). Du reste, des études ayant évalué l'efficacité d'une polythérapie initiale ont établi qu'il s'agit d'une stratégie sûre et efficace, dans le cadre de laquelle la pilule combinée doit être privilégiée afin de favoriser l'observance thérapeutique.22-24 Pour conclure, l'intervenant s'est encore brièvement penché sur les potentiels inconvénients d'un traitement prolongé à base de statines (figure 2), en citant un récent article de revue paru dans le European Heart Journal.25 On voit que la réduction du risque cardiovasculaire connaît une augmentation log-linéaire lors d'un abaissement du cholestérol LDL et qu'aucune phase plateau n'est atteinte, y compris avec des taux de cholestérol LDL très bas. Il existe d'autre part des rapports qui attribuent un risque légèrement accru de diabète de novo ou d'hémorragie cérébrale à de faibles taux de cholestérol LDL, mais ces données sont sujettes à controverse et doivent faire l'objet de recherches complémentaires dans le cadre d'études à long terme. L'intervenant conclut que l'avantage de la baisse lipidique est très nettement supérieur au faible risque d'induction d'un diabète. En mot de la fin, il nous appelle à remplacer le paradigme du traitement par une statine de haute intensité par un traitement hypolipidémiant de haute intensité au moyen d'une association à dose fixe dans un seul comprimé.

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