Compte rendu du congrès de l'ESH
Ces 20 dernières années, les bêtabloquants ont perdu leur place en tant qu'agents antihypertenseurs de première ligne, notamment en raison de doutes quant à leur efficacité (en particulier en termes de prévention des AVC) et de leurs effets indésirables métaboliques.1 Un traitement combiné impliquant un inhibiteur du SRAA, un antagoniste calcique et/ ou un diurétique thiazidique est préférable.2 Cependant, en raison de comorbidités, un groupe sélectionné de patients mérite un bêtabloquant comme antihypertenseur de première ligne. La 31e réunion annuelle de l'ESH, qui s'est tenue du 17 au 20 juin à Athènes, a traité de la place des bêtabloquants dans le traitement de l'hypertension artérielle (HTA) lorsqu'elle est associée à une maladie coronarienne, une fibrillation auriculaire ou une fréquence cardiaque élevée au repos.
HTA et fréquence cardiaque élevée
Stefano Masi - Pise, Italie
Une fréquence cardiaque élevée au repos est considérée comme la manifestation d'une activité nerveuse sympathique accrue.3 Elle est associée à un risque accru de lésions des organes cibles4, ainsi qu'à un risque accru d'événements cardiovasculaires et de mortalité.5 Dans les recommandations les plus récentes de l'ESC/ESH, une fréquence cardiaque au repos > 80/min est dès lors considérée comme un facteur de risque cardiovasculaire indépendant.2
Le traitement de l'HTA associée à une fréquence cardiaque élevée au repos doit idéalement se concentrer non seulement sur la réduction du risque cardiovasculaire lié à la pression artérielle, mais aussi sur la diminution de l'hyperactivité sympathique. Étant donné que les recommandations actuelles en matière d'hypertension préconisent un traitement combiné, on peut se demander quelle combinaison est préférable dans ce cas précis. Il est bien connu que les bêtabloquants bloquent l'effet sympathique au niveau périphérique. Les antagonistes calciques et les diurétiques augmentent l'activité sympathique6, tandis que les antagonistes du SRAA la réduisent.7 D'un point de vue physiopathologique, il semble dès lors que l'association d'un bêtabloquant et d'un antagoniste du SRAA soit le meilleur choix. Cependant, il n'existe pas d'études randomisées validant cliniquement cette hypothèse.
HTA et maladie coronarienne
Konstantinos Tsioufis - Athènes, Grèce
L'HTA est une des causes les plus importantes et les plus prévalentes de maladies cardiovasculaires. Dans le registre CICD-PILOT, 82 % des patients souffrant d'une maladie coronarienne étaient hypertendus.8 Inversement, les patients hypertendus ayant une maladie coronarienne comme comorbidité courent un risque cardiovasculaire fortement accru. Un traitement adéquat de la pression artérielle est donc essentiel et, même chez les patients ayant une pression artérielle normale-haute (130-139/80-85 mmHg), on peut instaurer un traitement antihypertenseur simple.
Globalement, le traitement d'une maladie coronarienne repose sur trois piliers : les mesures hygiéno-diététiques, le traitement pharmacologique et la revascularisation.9 L'approche pharmacologique est d'une part basée sur le traitement anti-ischémique : en effet, l'angor survient lorsqu'il existe un déséquilibre entre les besoins en oxygène et les apports. Les principaux déterminants de besoins accrus en oxygène sont l'augmentation de la postcharge et l'élévation de la fréquence cardiaque. La réduction de ces deux facteurs - par exemple via l'utilisation de bêtabloquants - améliorera le bilan en oxygène et donc la symptomatologie. D'autre part, le traitement vise à prévenir de nouveaux événements coronaires. Sur ce plan, les hypolipémiants, les inhibiteurs de l'ECA (ou les sartans) et - à nouveau - les bêtabloquants jouent un rôle central. Il est donc préférable d'opter pour un bêtabloquant et un inhibiteur du SRAA en un seul comprimé, car ces deux médicaments obtiennent une recommandation de classe I dans les lignes directrices actuelles.9
Cependant, les bêtabloquants constituent une classe de médicaments hétérogène, qui n'offrent pas tous une protection équivalente. Chez les patients ayant des antécédents angoreux, Sabido et al.10 ont décrit un meilleur résultat avec le bisoprolol comparativement aux autres bêtabloquants, tant en termes d'événements cardiaques que de mortalité.
HTA et fibrillation auriculaire
Reinhold Kreutz - Berlin, Allemagne
Une première question est de savoir comment la pression artérielle doit être mesurée. La fiabilité des mesures oscillométriques de la pression artérielle chez les patients souffrant de fibrillation auriculaire (FA) a longtemps été source d'interrogations, en raison de la plus grande variabilité beat-to-beat de la pression artérielle en cas de FA, comparativement au rythme sinusal. Bien que les données soient limitées, les mesures systoliques oscillométriques chez les patients souffrant de FA semblent assez adéquates, avec une légère surestimation des valeurs diastoliques. Toutefois, il est recommandé de mesurer la pression artérielle à trois reprises pour compenser cette variabilité.11 Les mesures oscillométriques de la pression artérielle réalisées à domicile et un monitoring tensionnel sur 24 heures semblent également applicables en cas de FA sous-jacente.
Un deuxième point qui mérite notre attention est l'importance d'un contrôle tensionnel adéquat. Chez les patients sous anticoagulants, une pression artérielle plus élevée est associée à un risque accru d'hémorragie cérébrale.12 Le risque hémorragique peut être évalué via le score HAS-BLED, l'hypertension étant un des rares facteurs de risque traitables. Il est préférable de ne pas instaurer d'anticoagulation pour une FA si la pression artérielle n'est pas contrôlée (PAS ≥ 180 ou PAD ≥ 100 mmHg).
Enfin, il faut tendre à un contrôle adéquat de la fréquence, étant donné que ceci améliore le contrôle des symptômes. Bien que le degré optimal de contrôle de la fréquence ne soit pas clair, une fenêtre entre 80-110/min semble représenter un compromis acceptable.
Les bêtabloquants occupent une place centrale dans la réalisation des objectifs ci-dessus. Les antagonistes calciques non dihydropyridines constituent une alternative, mais ils ont aussi leurs limites. Ainsi, ils sont contre-indiqués en cas d'HFrEF, et ils augmentent le risque de saignement lorsqu'ils sont associés à des anticoagulants. 14 Un bêtabloquant est donc préférable, idéalement sous forme de SPC (association en un seul comprimé) afin d'atteindre la TA cible, soit < 140 mmHg à < 130 mmHg (pour autant que ce chiffre soit toléré).
Doutes au sujet des bêtabloquants : réalité ou fiction ?
En pratique quotidienne, les bêtabloquants sont parfois évités à tort, notamment en cas de pathologies bronchiques, par crainte de bronchospasmes. Cependant, les études menées chez des patients asthmatiques hypertendus ne montrent pas d'augmentation de la résistance des voies aériennes avec le bisoprolol par rapport à un placebo (contrairement à l'aténolol par rapport à un placebo).15 En outre, chez les patients souffrant de BPCO et de maladies cardiovasculaires, l'utilisation de bêtabloquants réduit la mortalité globale.16 L'utilisation de bêtabloquants ayant une sélectivité β1 plus élevée semble donc sûre et bénéfique.
Par ailleurs, on a émis l'hypothèse que les bêtabloquants entraînent une réduction moindre de la pression artérielle centrale, ce qui serait associé à une moins bonne protection cardiovasculaire (étude CAFE, aténolol +/- thiazide versus amlodipine +/- périndopril).17 Toutefois, ici, il ne s'agit pas d'un effet de classe, mais probablement d'un effet lié à la molécule, car les données indiquent une réduction plus importante de la pression artérielle centrale sous bisoprolol comparativement à l'aténolol.18
Conclusion
Les données actuelles indiquent que les bêtabloquants entraînent une réduction effective de la pression artérielle et une réduction des critères d'évaluation cardiovasculaires19, le bisoprolol étant le primus inter pares.10 En cas de cardiopathie sous-jacente, la combinaison d'un bêtabloquant et d'un inhibiteur du SRAA constitue souvent un bon traitement de première ligne (figure 1), bien que le traitement doive toujours être individualisé pour chaque patient (figure 2). Afin d'optimiser la compliance thérapeutique, il est préférable d'opter pour une SPC, surtout dans une population polymédiquée souffrant de pathologies multiples.
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