Symposium pluridisciplinaire sur l'insuffisance cardiaque 2022
Introduction
Un symposium pluridisciplinaire consacré à l'insuffisance cardiaque a été organisé le samedi 19 mars à l'Université des Sciences appliquées Thomas More à Geel, et ce, à l'initiative du Centre universitaire de Médecine générale (CUMG), de HeartsConnect (Lerend Netwerk Hartfalen) et de la Croix Jaune et Blanche, avec le soutien du Fonds Dr Daniël De Coninck, géré par la Fondation Roi Baudouin.
La plupart des patients souffrant d'insuffisance cardiaque ne guériront pas complètement et resteront confrontés à cette maladie leur vie durant, avec des symptômes plus ou moins marqués. L'insuffisance cardiaque est donc par excellence une maladie chronique qu'il est préférable d'aborder de manière pluridisciplinaire, comme le préconisent d'ailleurs les dernières recommandations à ce sujet.1 Le terme 'pluridisciplinaire' sous-entend une collaboration entre divers acteurs, à savoir : médecin généraliste, cardiologue/spécialiste de l'insuffisance cardiaque, infirmier/-ère spécialisé(e) en insuffisance cardiaque, infirmiers/-ères à domicile, pharmacien(ne), kinésithérapeute (revalidation), diététicien(ne), assistant(e) social(e), psychologue et, bien sûr, les autorités, qui doivent financer tout cela de manière adéquate et performante.
La première et la dernière partie du symposium étaient des sessions plénières au cours desquelles différents intervenants ont pris la parole. Les autorités, représentées par le chef de cabinet Jan Bertels (ministère de la Santé publique) et Jan De Maeseneer (UZ Gent) ont exposé leur vision des soins pluridisciplinaires pour les maladies chroniques en général. Miek Smeets (chercheuse post-doc au Centre universitaire de Médecine générale) a donné un aperçu des réalisations et des défis pour l'avenir. Elle a attiré l'attention sur le non-remboursement de l'analyse de laboratoire NT-proBNP (le coût pour le patient est de 25-35 €), qui constitue toujours un obstacle au diagnostic adéquat de l'insuffisance cardiaque en première ligne. Enfin, David Derthoo (AZ Groeninge, Courtrai) a proposé un 'trajet de soins' détaillé pour l'insuffisance cardiaque, qui stipule les tâches des différents dispensateurs de soins.
La partie centrale du symposium, davantage axée sur la pratique, a été organisée dans plusieurs salles de réunion regroupant les différents types de dispensateurs de soins. À cet égard, je me suis occupé de la partie 'cardiologique'.
La prise en charge de l'insuffisance cardiaque pour les cardiologues généraux
À partir du cas clinique d'un patient souffrant d'insuffisance cardiaque (figure 1), hospitalisé via les Urgences en raison d'un épisode de décompensation aiguë de son insuffisance cardiaque, les différents défis de la prise en charge de ces patients ont été passés en revue.
Avant tout, il convient de savoir quel cardiologue prendra en charge ce type de patient. En particulier dans les plus grandes associations, il semble que les patients plus complexes souffrant d'insuffisance cardiaque, a fortiori s'il y a également une indication de traitement par dispositif, comme dans ce cas, soient suivis par des cardiologues ayant l'étiquette 'spécialiste de l'insuffisance cardiaque'. Bien qu'en soi, ce ne soit pas le point le plus important, cela signifie souvent en pratique qu'un tel patient sera inclus dans un programme de soins pluridisciplinaire qui attribue un rôle central à l'infirmier/-ère spécialisé(e) en insuffisance cardiaque. L'inclusion dans ce type de programme de soins est une recommandation IA dans les dernières recommandations sur l'insuffisance cardiaque, sur la base de méta-analyses et d'études randomisées.1-2 Bien que le nombre d'hôpitaux disposant d'un service spécifique de l'insuffisance cardiaque ait considérablement augmenté ces dernières années, ce n'est certainement pas le cas partout. Il existe encore des services de Cardiologie qui n'ont pas d'infirmiers/-ères spécialisé(e)s en insuffisance cardiaque.
La figure 2 montre les composantes nécessaires d'un programme de soins pluridisciplinaire de l'insuffisance cardiaque ainsi que les dispensateurs de soins impliqués. Ici, l'infirmier/-ère spécialisé(e) en insuffisance cardiaque joue un rôle capital. Il/elle peut être considéré(e) comme un professionnel qui éduque, coordonne et, idéalement, possède également des connaissances en échocardiographie, en télémonitoring et en analyse des disdispositifs. En Belgique, il n'existe pas de formation postuniversitaire permettant d'acquérir les connaissances nécessaires en la matière. Il n'existe actuellement aucune reconnaissance officielle des autorités et aucun financement spécifique. Les services de Cardiologie doivent donc habituellement 'investir' dans cette fonction. C'est une des raisons pour lesquelles le nombre d'infirmiers/-ères spécialisé(e)s en insuffisance cardiaque dans un service de Cardiologie varie de 0 à 5 par service.
La prise en charge intrahospitalière ultérieure du patient décrit ci-dessus consiste en 3 points :
- Recompensation ;
- Identification des facteurs déclenchants, responsables de la décompensation ;
- Optimisation du traitement chronique (médicaments et/ou dispositif).
En ce qui concerne le traitement décongestionnant, nous pouvons être assez brefs. Ce traitement repose depuis plusieurs décennies sur la combinaison de diurétiques, de vasodilatateurs et, dans une moindre mesure, d'agents inotropes. En pratique, il y a une grande variabilité sur le plan de la posologie et du mode d'administration des diurétiques (IV ou PO, en bolus ou en perfusion continue). Somme toute, (pratiquement) rien n'a changé au cours des dernières décennies, ce qui n'est peut-être pas surprenant étant donné que le syndrome d'insuffisance cardiaque est principalement traité dans sa phase chronique. Un épisode aigu de décompensation ne doit pas être considéré comme une maladie distincte, mais plutôt comme un accident de parcours, et doit donc avant tout servir d'incitant pour identifier les facteurs déclenchants et optimiser la prise en charge chronique. Néanmoins, ceci n'empêche pas de continuer à chercher des stratégies décongestionnantes efficaces, et par 'efficacité', on sous-entend une décongestion rapide et complète sans effets indésirables (comme une insuffisance rénale aiguë). L'étude ADVOR, une étude belge sponsorisée par le Centre fédéral d'Expertise des Soins de Santé (KCE), dont les résultats sont attendus cet été, espère apporter une contribution importante dans ce domaine.3
Le plus grand progrès dans le traitement de l'insuffisance cardiaque concerne sans aucun doute la phase chronique, où le traitement médicamenteux moderne de l'HFrEF (insuffisance cardiaque à fraction d'éjection réduite) s'articule désormais autour de 4 agents : IECA/ARNI - bêtabloquant - ARM - inhibiteur du SGLT2. Ce traitement réduit de 62 % le risque de décès cardiovasculaire ou d'hospitalisation pour insuffisance cardiaque.4 Le traitement par dispositifs est également un élément essentiel de la prise en charge de l'insuffisance cardiaque. Une bonne clinique de l'insuffisance cardiaque intègre l'analyse du dispositif dans la consultation de suivi classique (parallèlement à l'ECG, à l'ETT, à la cycloergométrie …), de sorte que les informations fournies par l'analyse du dispositif puissent être utilisées d'emblée pour optimiser le traitement. La perte du pacing biventriculaire (à l'effort), une FA intermittente, un remplissage suboptimal à l'ETT ... peuvent ainsi être traités immédiatement.
Afin d'éviter toute frustration pour le médecin généraliste et/ou le cardiologue, toutes les hospitalisations et consultations doivent être suivies d'une lettre de sortie systématique et détaillée, qui doit clairement indiquer le type d'insuffisance cardiaque, son étiologie, les éventuels facteurs déclenchants de la décompensation actuelle et le traitement recommandé. Il faut également indiquer clairement ce qu'on attend du médecin généraliste en termes de suivi et de titration éventuelle des médicaments. De manière générale, un patient souffrant d'insuffisance cardiaque doit bénéficier d'un contrôle cardiologique environ 15 jours après une hospitalisation pour insuffisance cardiaque.1 Le télémonitoring, surtout pour les patients porteurs d'un dispositif ou d'un capteur de pression pulmonaire, constitue une manière attractive de surveiller les patients à distance, ce qui permet donc d'identifier les problèmes à un stade précoce.5 Bien que cette forme de médecine semble susciter un peu plus d'enthousiasme depuis la pandémie de COVID-19, elle n'est pas encore officiellement remboursée. Dans les plus grands centres de l'insuffisance cardiaque, cela nécessite toutefois un(e) infirmier/-ère spécialisé(e) en insuffisance cardiaque travaillant à temps plein.
En Belgique, l'avenir de la prise en charge de l'insuffisance cardiaque au cours de la prochaine décennie sera déterminé à la fois par les nouveaux développements médicaux (médicaments et dispositifs) et par des aspects organisationnels, notamment le financement. Si on pense au financement des pathologies, il est clair qu'il existe des différences majeures au sein du groupe de patients souffrant d'insuffisance cardiaque (p. ex. HFrEF vs HFpEF), dont il faut tenir compte. Néanmoins, de nombreux progrès ont déjà été enregistrés, et le pronostic de l'insuffisance cardiaque est bien meilleur qu'il y a quelques décennies.
Références
- Mc Donaugh, T., Metra, M., Adamo, M., Gardner, R., Baumbach, A., Böhm, M. et al. 2021 ESC guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure. Eur Heart J, 2021, 42 (36), 3599-3726.
- Blue L., Lang E., McMurray J.J., Davie A.P., McDonagh T.A., Murdoch D.R. et al. Randomised controlled trial of specialist nurse intervention in heart failure. BMJ, 2001, 323 (7315), 715-718.
- Mullens W., Verbrugge F.H., Nijst P., Martens P., Tartaglia K., Theunissen E. et al. Rationale and design of the ADVOR (Acetazolamide in Decompensated Heart Failure with Volume Overload) trial. Eur J Heart Fail, 2018, 20 (11), 1591-1600.
- Vaduganathan M., Claggett B., Jhund P., Cunningham J., Ferreira J.P., Zannad F. et al. Estimating lifetime benefits of comprehensive disease-modifying pharmacological therapies in patients with heart failure with reduced ejection fraction: a comparative analysis of three randomised controlled trials. The Lancet, 2020, 396 (10244), 121-128.
- Abraham W.T., Adamson P.B., Bourge R.C., Aaron M.F., Costanzo M.R., Stevenson L.W. et al. Wireless pulmonary artery haemodynamic monitoring in chronic heart failure: a randomised controlled trial. The Lancet, 2011, 377 (9766), 658-666.
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