Les progrès récents dans le diagnostic de l'amylose cardiaque et le développement de traitements spécifiques de cette maladie nous permettent de traiter temporairement les patients. Les points clés du diagnostic sont résumés ci-dessous (figure 1), sur la base d'une publication récente du European Society of Cardiology Working Group on Myocardial and Pericardial Diseases.1
Concepts d'ordre général
Le traitement de l'amylose cardiaque comprend deux volets : le traitement et la prévention des complications et l'arrêt ou le ralentissement des dépôts d'amyloïde par le biais d'un traitement spécifique. En outre, les soins de soutien aux patients atteints d'amylose cardiaque englobent différents aspects cliniques, notamment le traitement de l'insuffisance cardiaque, des arythmies, des troubles de la conduction, des thromboembolies et de la présence concomitante d'une sténose aortique sévère (figure 2). Le traitement du processus de dépôts amyloïde doit être ciblé sur la production de la protéine précurseur de l'amyloïde ou l'assemblage des rouleaux amyloïdes.
L'amylose AL
Le traitement spécifique de l'amylose AL cardiaque doit être instauré par des équipes pluridisciplinaires incluant des hématologues et des cardiologues, et les patients doivent, dans l'idéal, être adressés à des centres spécialisés. La prise en charge thérapeutique dépend d'une évaluation du risque qui, dans de nombreux cas, est déterminée par le degré d'atteinte cardiaque ; d'autre part, la réponse cardiaque dépend également de la réponse hématologique. Le rôle du cardiologue dans le traitement spécifique englobe : 1) évaluation cardiaque avant les stratégies hématologiques initiales, y compris l'éventualité d'une transplantation autologue de cellules souches, 2) évaluation en vue d'une transplantation cardiaque et 3) surveillance cardiaque pendant la chimiothérapie.
L'amylose ATTR
Il existe de plus en plus de nouvelles options thérapeutiques efficaces et ciblées pour l'amylose à transthyrétine (ATTR), que ce soit pour la forme héréditaire (ATTRv) ou acquise (ATTRwt). Un diagnostic rapide est essentiel pour pouvoir traiter à temps les manifestations neurologiques, cardiaques et autres manifestations systémiques, car le traitement est alors plus efficace. En ce qui concerne les alternatives thérapeutiques actuelles, on établit une distinction entre l'ATTRv et l'ATTRwt et, dans le cas de l'ATTRv, on recherche la présence d'une cardiomyopathie, d'une polyneuropathie ou des deux (figure 3). Les principaux traitements sont décrits ci-dessous.
Transplantation hépatique
La transplantation hépatique isolée est indiquée chez les patients souffrant d'ATTRv d'apparition précoce, de phénotype mixte, présentant une cardiopathie légère au stade précoce de la maladie neurologique. On observe un bénéfice clair en termes de qualité de vie et de survie chez les patients présentant le variant Val50Met, tandis que le bénéfice est moindre en cas de variant « non- Val50Met ». Malgré la suppression de la production de TTR mutée dans le foie, une progression cardiaque et neurologique de la maladie est toujours possible après la transplantation, en raison du dépôt prolongé de TTR de type sauvage (wt) dans les agrégats amyloïdes mutés préexistants. Avec l'arrivée de nouveaux silencers génétiques qui suppriment la production de TTR, tant sauvage que mutée, la transplantation hépatique deviendra probablement inutile.
Tafamidis
Le tafamidis est un stabilisateur cinétique de la TTR qui se lie aux sites de liaison inoccupés de la thyroxine de la TTR tétramérique et qui empêche la cascade amyloïdogène. Il a été approuvé pour le traitement de la polyneuropathie ATTRv symptomatique de stade I (marche sans aide) et est à ce jour le seul traitement efficace pour la cardiomyopathie ATTR. Dans une étude randomisée contrôlée par placebo, le tafamidis (aux doses de 20 et 80 mg) a entraîné une réduction d'environ 30 % de la mortalité toutes causes et des hospitalisations liées à des problèmes cardiovasculaires, ainsi qu'une diminution plus lente de la qualité de vie chez les patients atteints de cardiomyopathie ATTRwt ou ATTRv prouvée par biopsie, souffrant d'insuffisance cardiaque, en classe NYHA I à III après 30 mois. Le bénéfice le plus important a été observé chez les sujets en classe NYHA I et II. Des données complémentaires ont étayé l'utilisation de la dose plus élevée de tafamidis et ceci a servi de base à l'approbation par l'EMA et d'autres autorités réglementaires du tafamidis free acid 61 mg (une formulation bioéquivalente au tafamidis méglumine 80 mg) pour l'amylose cardiaque ATTR.
Diflunisal
Le diflunisal est un anti-inflammatoire non stéroïdien doté de propriétés stabilisatrices de la TTR. Dans une étude randomisée, contrôlée par placebo, en double aveugle, conduite chez des patients souffrant d'ATTRv, le diflunisal à la dose de 250 mg 2 fois par jour a entraîné une réduction de la neuropathie et une amélioration de la qualité de vie, mais on n'a pas démontré de différences statistiquement significatives sur le plan des paramètres cardiaques chez les sujets atteints d'une cardiopathie. Bien que des effets bénéfiques possibles aient été rapportés dans de petites cohortes, les effets indésirables associés aux AINS peuvent empêcher leur utilisation chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque.
Modulateurs de la TTR
Récemment, des agents capables de bloquer l'expression du gène de la TTR et de diminuer de manière significative la concentration de TTR circulante ont fait leur apparition en pratique clinique. Ils dégradent spécifiquement l'ARNm de la TTR dans le noyau (inotersen) ou le cytoplasme (patisiran). Les deux agents ont été approuvés pour le traitement de la polyneuropathie ATTRv après que leur efficacité a été démontrée dans des études neurologiques randomisées, contrôlées par placebo, chez des patients présentant une maladie neurologique de stade I ou II (marche avec aide). Le patisiran s'est avéré efficace dans une analyse secondaire des paramètres cardiaques (NT-proBNP, épaisseur du VG et déformation longitudinale) chez les patients atteints d'ATTRv et d'amylose cardiaque inclus dans l'étude, malgré le fait que l'atteinte cardiaque clinique était généralement légère. En revanche, l'inotersen n'a pas entraîné de différences significatives dans les variables échocardiographiques comparativement au placebo chez les patients atteints d'ATTRv et d'amylose cardiaque inclus dans l'étude neurologique, malgré le fait qu'une petite étude ouverte ait montré une stabilisation des paramètres cardia ques chez la majorité des patients atteints d'ATTRv ou d'ATTRwt qui ont été suivis jusqu'à 3 ans.
Références
- Garcia-Pavia, P., Rapezzi, C., Adler, Y., Arad, M., Basso, C., Brucato, A. et al. Diagnosis and treatment of cardiac amyloidosis. A position statement of the European Society of Cardiology Working Group on Myocardial and Pericardial Diseases. Eur J Heart Fail, 2021, 23 (4), 512-526.
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