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Angiosarcome du coeur : rapport de cas et revue de la littérature
  • Sofie Dhaeyer , Chirik Wah Lau , Marc Vanderheyden 
Ce rapport de cas décrit deux patients atteints d'un angiosarcome primitif de l'oreillette droite. Un patient a reçu une chimiothérapie néoadjuvante en préambule à la chirurgie, tandis que l'autre a subi une résection tumorale.

Présentation des cas

Cas n° 1

Un homme âgé de 68 ans, sans antécédents médicaux, se présente en consultation pour une dyspnée progressive, une anorexie, des douleurs abdominales et des maux de tête. Ces plaintes sont initialement attribuées à une polymyalgie, pour laquelle un traitement par méthylprednisolone est instauré. À l'examen clinique, il présente une insuffisance cardiaque droite, une anasarque, une ascite et une pression veineuse centrale très augmentée. L'échographie révèle, outre une importante quantité de liquide dans l'abdomen, une masse dans le coeur. L'échographie transoesophagienne confirme le diagnostic et montre une masse multiloculaire prenant sa source au niveau de la paroi latérale de l'oreillette droite et s'étendant jusqu'à la valve tricuspide. Cette masse n'était pas présente à l'échocardiographie transthoracique réalisée neuf mois auparavant. La masse est fortement vascularisée, envahit le péricarde et l'artère coronaire droite (ACD) et a un diamètre maximum de 11,5 cm au CT-scan et à l'IRM du coeur (figure 1). Pour le reste, on observe un gros ganglion lymphatique sous-carénaire isolé. La tumeur présente une forte captation du FDG (figure 1). On note par ailleurs une captation accrue du FDG au niveau de l'oropharynx gauche et de la tête humérale gauche, due respectivement à un kyste d'inclusion et à une arthrose. Il n'y a aucun argument en faveur de métastases. Une biopsie de la tumeur est prélevée par voie fémorale. Celle-ci révèle non seulement des vaisseaux sanguins infiltrants, mais aussi des cellules atypiques qui se colorent pour l'ERG et le CD31 avec un index de prolifération Ki-67 de 50 % (figure 1). Ces résultats immunohistochimiques mènent au diagnostic d'angiosarcome. La stadification est définie comme étant cT2b cN1 M0 et l'on choisit de commencer par faire rétrécir la tumeur au moyen d'une chimiothérapie néoadjuvante (paclitaxel - 12 cycles) dans l'espoir de rendre la résection chirurgicale possible. Une réévaluation après six cycles montre une bonne réponse, avec diminution significative de la charge tumorale à l'échocardiographie. Une résection chirurgicale est donc programmée à la fin des 12 cycles de chimiothérapie.

Cas n° 2

Un homme âgé de 88 ans, affichant un antécédent de valvuloplastie mitrale (anneau Carpentier-Edwards Physio II), est admis pour une dégradation de l'état général, une anorexie et une dyspnée. Il reçoit des antibiotiques pour une bronchite, mais sans grande amélioration. À l'examen clinique, on constate une fibrillation auriculaire, une faible saturation en oxygène et une insuffisance cardiaque avec épanchement pleural bilatéral. On pose un diagnostic provisoire d'insuffisance cardiaque, déclenchée par une infection respiratoire et une FA mal tolérée au niveau hémodynamique.

Mais le CT-scan du thorax révèle une masse de 7,3 cm dans l'oreillette droite (figure 2). Comme dans le premier cas, cette masse n'était pas visible à l'ETT réalisée 13 mois plus tôt. L'IRM du coeur localise la tumeur dans l'oreillette droite au niveau du septum interauriculaire. Bien qu'un myxome soit suspecté sur la base de la densité des signaux dans les tissus, un sarcome ne peut être exclu. Le PET-CT scan montre une faible captation du FDG (figure 2) au niveau de l'oreillette droite, sans arguments en faveur de métastases, et le patient est adressé pour une résection chirurgicale. La masse est libérée par dissection sous circulation extracorporelle. Pour ce faire, une partie du septum interauriculaire doit être réséquée et remplacée par du péricarde bovin. L'examen anatomopathologique retient un angiosarcome sur la base de la coloration CD31 et Ki67 positive (figure 2). Bien que les marges ne soient pas saines, on renonce à la chimiothérapie adjuvante en raison de l'âge du patient et de son état général. Six semaines après l'intervention, le patient est à nouveau admis avec une dyspnée progressive consécutive à un épanchement pleural droit massif. L'analyse histologique du liquide, évacué par ponction pleurale, ne révèle pas de cellules malignes. En dépit de ces résultats rassurants, le patient développe des épanchements pleuraux à répétition, et subit finalement une pleurodèse par thoracoscopie. Quatre mois plus tard, il développe néanmoins des métastases hépatiques diffuses qui lui seront fatales.

Discussion

Les tumeurs cardiaques primitives sont très rares et, pour la plupart, bénignes. Les tumeurs malignes sont généralement des lymphomes ou des sarcomes1. Les dossiers de l'AFIP (Armed Forces Institute of Pathology) font état d'un seul cas de sarcome dans un groupe de 533 tumeurs cardiaques primitives (0,19 %), tandis qu'A.P. Burke décrit 26 angiosarcomes dans une série de 75 sarcomes (35 %)2, 3. Le site de prédilection d'un sarcome, et en particulier d'un angiosarcome, est l'oreillette droite1.

Ces tumeurs interviennent à tout âge, mais sont principalement décrites dans une population jeune. Les symptômes fréquents comprennent une dyspnée (44 %), une douleur rétrosternale (8 %) et une dyspnée consécutive à un épanchement pleural (28 %)1. Étant donné leur rareté, il n'existe pas de recommandations factuelles en ce qui concerne le traitement, qui repose dès lors essentiellement sur des études rétrospectives et des rapports de cas. La pierre angulaire d'un traitement curatif est invariablement une résection chirurgicale complète en marges microscopiques et macroscopiques saines (R0). En effet, la survie médiane est ainsi nettement supérieure à celle qui est observée en cas de résection incomplète (17 - 53,5 mois vs 6 - 9,1 mois)4, 5. Ces tumeurs envahissant souvent d'importantes structures, le type de chirurgie est déterminé non seulement par la localisation de la tumeur, mais aussi par sa position par rapport aux structures adjacentes. Deux rapports de cas identiques à notre premier cas ont été décrits, où l'ACD et la valve tricuspide étaient impliquées dans le processus tumoral et où l'ACD et la valve tricuspide ont été complètement réséquées en même temps que la tumeur, la première étant ensuite pontée et la seconde, reconstruite. Dans les deux cas, la fonction ventriculaire droite postopératoire s'est révélée correcte. Malgré la résection complète de la tumeur en marges saines, les deux patients sont décédés respectivement 10 et 12 mois après l'intervention, en raison de métastases6, 7.

Lorsque la tumeur est localisée dans l'oreillette gauche, l'option d'une transplantation cardiaque pourrait être envisagée. En dépit des apparences prometteuses, le pronostic de ces patients reste médiocre, avec une survie moyenne de neuf mois après la transplantation, c'est-à-dire un mois de plus que la survie médiane après un traitement palliatif8.

D'autres options thérapeutiques, telles que la chimiothérapie et la radiothérapie, ont également été explorées en traitement néoadjuvant visant à réduire la taille de la tumeur et à augmenter les chances de résection complète. Ces thérapies sont par ailleurs également utilisées en traitement adjuvant ou dans un contexte palliatif. Les antracyclines, l'ifosfamide et les taxanes comptent parmi les possibilités thérapeutiques, mais nous ne disposons pas de vastes études randomisées relatives à la survie. Une première étude de grande envergure comparant l'utilisation préopératoire de doxorubicine/ ifosfamide en association avec une résection, par rapport à une résection seule, a mis au jour une meilleure survie (20 vs 9 mois), dans le groupe ayant reçu la chimiothérapie9. Des résultats similaires, associés à moins d'effets indésirables et à une meilleure tolérance, ont été observés avec la doxorubicine en monothérapie10. Une autre étude rétrospective de grande envergure (ESPORO) a confirmé le bénéfice de survie pour le groupe ayant reçu une chimiothérapie néoadjuvante à base d'ifosfamide/adriamycine ou de gemcitabine/ docétaxel4.

Les mêmes agents thérapeutiques peuvent être administrés en thérapie adjuvante, tant en prévention qu'en présence de maladie métastatique. Les travaux de recherche expérimentale et les études cliniques avec le paclitaxel en monothérapie ou une association de doxorubicine/cyclophosphamide/vincristine ou de paclitaxel/doxorubicine ont révélé un impact positif sur le développement de métastases et la survie11, 12.

Quelques nouveaux venus dans l'arsenal thérapeutique, tels que l'immunothérapie, ont également été évalués. Malgré la nécessité de recherches complémentaires, diverses études suggèrent un meilleur pronostic avec l'association de chimiothérapie et d'immunothérapie, p. ex. doxorubicine/olaratumab (26,5 mois) et nivolumab/ipilimumab (14,3 mois), par rapport à un traitement placebo standard12, 13.

Les inhibiteurs de KDR et de VEGDR2, des molécules qui bloquent la vasculogenèse (comme le nitinib, le lenvatinib, le pazopanib, le régorafénib, le vatalanib et le tivozanib), sont également en cours d'évaluation. L'essai PALETTE, qui portait sur le pazopanib, a ainsi permis d'observer une survie significative chez des patients atteints d'angiosarcomes14.

Enfin, la radiothérapie peut également constituer une option, seule ou en association avec une chirurgie et/ou une chimiothérapie. La dose de rayonnement étant souvent élevée, la cardiotoxicité directe de cette thérapie est importante. Sans oublier les défis techniques liés à l'utilisation de rayons ionisants comme, par exemple, le déplacement de la tumeur dû à la contraction du coeur, ce qui nécessite de développer de nouveaux algorithmes15.

Conclusion

Les angiosarcomes cardiaques sont des tumeurs malignes rares qui touchent principalement le coeur droit et qui sont assorties d'un pronostic très défavorable. La pierre angulaire du traitement reste la chirurgie, éventuellement précédée d'une chimiothérapie. Le pronostic est souvent limité par la récidive locale ou la propagation de la tumeur. Une détection plus rapide augmente les chances de résection chirurgicale radicale (R0) et pourrait dès lors améliorer la survie. C'est pourquoi il importe de se concentrer non seulement sur les options thérapeutiques, mais aussi sur le diagnostic précoce de cette maladie mortelle.

class="ref">Références
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