Introduction
L'insuffisance cardiaque (IC) est une maladie grave, chronique et évolutive, au pronostic sombre et ce malgré les nombreux progrès récents. Le taux de morbi-mortalité est supérieur à la plupart des cancers. De plus, l'intolérance à l'effort et les hospitalisations récurrentes compromettent la carrière professionnelle et la qualité de vie des patients et de leurs proches.
La prévalence de l'insuffisance cardiaque ne cesse d'augmenter, atteignant > 10 % des patients de plus de 70 ans. Les deux raisons principales en sont le vieillissement de la population ainsi que les progrès en cardiologie et en chirurgie cardiaque, permettant aux patients souffrant d'un problème cardiaque aigu d'y survivre.
L'insuffisance cardiaque est la cause principale d'hospitalisation des patients âgés et représente environ 1/4 de toutes les hospitalisations cardiovasculaires. Elle représente plus de 2 % des dépenses en soins de santé, surtout à cause des hospitalisations.
De nombreux traitements, tant médicamenteux que non médicamenteux, ont démontré leur efficacité dans l'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection réduite et se retrouvent dans les recommandations, tant européennes¹ qu'américaines.
Pour être efficaces, la plupart des traitements médicamenteux doivent être pris idéalement aux doses-cibles et au moins aux doses maximales tolérées. Ces doses ne sont obtenues que par adaptations progressives. Malheureusement, une grande proportion de patients ne sont pas à ces doses-cibles. A contrario, les diurétiques doivent être réduits aux doses minimales, afin d'éviter des effets défavorables.
Parmi les traitements non-médicamenteux, la réadaptation cardiaque (RC) a une place très importante.
Alors que jusqu'à la fin du siècle dernier l'insuffisance cardiaque était considérée comme une contre-indication à la réadaptation cardiaque et que le repos était traditionnellement recommandé, il est à présent reconnu que le déconditionnement physique joue un rôle-clé dans la progression des symptômes et le mauvais pronostic de cette maladie.
Plusieurs méta-analyses2, 3, 4 ont montré que la réadaptation cardiaque améliore la capacité fonctionnelle et la qualité de vie. Elle diminue les symptômes d'insuffisance cardiaque, réduit les réadmissions à l'hôpital et peut même améliorer la survie des patients présentant une insuffisance cardiaque à fonction systolique altérée (HFrEF).
Le réentraînement physique et la prise en charge multidisciplinaire sont fortement recommandés (classe IA), pour la prise en charge de l'insuffisant cardiaque chronique à fraction d'éjection réduite (FEVG < 40 %) (figure 1).
Objectifs de l'étude
- Analyser le taux de participation à la réadaptation cardiaque ambulatoire des patients insuffisants cardiaques à fraction d'éjection réduite hospitalisés dans notre service de cardiologie
- Identifier les facteurs ayant limité le référencement et la participation à la réadaptation cardiaque ambulatoire
- Chercher les moyens pour tenter d'y remédier
Matériel et méthodes
- Analyse, via les données du résumé hospitalier minimum (RHM), de toutes les hospitalisations de patients présentant une insuffisance cardiaque à fraction d'éjection réduite (FEVG < 40 %) dans notre service de cardiologie de Jolimont durant la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2019.
- Recherche de tous les dossiers de patients présentant une insuffisance cardiaque à fraction d'éjection réduite (FEVG < 40 %) et ayant participé à au moins 2 séances de réadaptation cardiaque ambulatoire à notre centre de Jolimont durant la même période.
- Analyse des facteurs limitants la participation.
- Revue de la littérature sur l'intérêt de la réadaptation cardiaque dans l'HFrEF, les obstacles à la participation, ainsi que les moyens pour y remédier.
Résultats
Les données du résumé hospitalier minimum (RHM) concernant les patients hospitalisés dans notre service de cardiologie, avec un diagnostic principal ou secondaire d'insuffisance cardiaque entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2019 nous ont permis de répérer 1 132 hospitalisations.
Après analyse des dossiers et exclusion des hospitalisations de patients avec FEVG ≥ 40 %, nous avons retenu 601 dossiers d'hospitalisations (53 %).
En regroupant les hospitalisations par patient, on retrouve 419 patients. 281 patients étaient des hommes (67 %), 138 des femmes (33 %).
L'âge moyen était de 70,7 ans, le plus jeune ayant 36 ans et le plus âgé 97 ans. L'âge moyen était de 69,3 ans chez les hommes et 73,6 ans chez les femmes.
118 patients ont été réhospitalisés durant la période de 3 ans (28 %), le plus souvent une fois (82 patients, soit 69 % des ré-hospitalisations) mais certains de nombreuses fois (jusqu'à 8 fois).
Durant la période d'observation, 91 patients (21,7 %) ont été répertoriés comme décédés dans notre dossier médical informatisé. Il s'agit de 61 hommes (21,7 % des hospitalisations) et 30 femmes (21,7 % des hospitalisations également).
L'analyse des dossiers de réadaptation cardiaque ambulatoire de notre centre de réadaptation cardiaque de Jolimont a retrouvé 40 patients insuffisants cardiaques, avec une fraction d'éjection < 40 %, hospitalisés dans notre service de Cardiologie et qui ont participé à minimum 2 séances de réadaptation cardiaque ambulatoire.
Parmi eux, 36 hommes (90 %) et 4 femmes (10 %). L'âge moyen des participants est de 59,2 ans, 58,6 ans chez les hommes et 65 ans chez les femmes.
75% des patients, tant parmi les femmes que les hommes, étaient coronariens. Le nombre moyen de séances sur la période de 3 ans était de 47 (minimum 2, maximum 145). Le nombre moyen de séances était de 49 chez les hommes et 29,5 séances chez les femmes.
Le taux de participation de nos patients insuffisants cardiaques à fraction d'éjection réduite (FEVG < 40 %) est extrêmement bas, surtout parmi les femmes: 9,5 % de nos patients hospitalisés en cardiologie en ont bénéficié, 12,8 % des hommes mais seulement 2,9 % des femmes!
Dans notre étude, le nombre d'hommes hospitalisés pour HFrEF est plus important que le nombre de femmes (281 vs 138 patients, 67 vs 33 %). Mais alors que le ratio hommes/femmes des patients hospitalisés est d'environ 2/1, il est de 9/1 parmi les patients participant à la réadaptation cardiaque.
L'âge moyen des femmes hospitalisées est plus élevé que celui des hommes, 73,6 ans versus 69,3 ans, tout comme l'âge moyen des participants aux séances ambulatoires, 58,6 ans chez les hommes et 65 ans chez les femmes.
L'âge des patients participants est nettement plus bas que l'âge moyen des patients hospitalisés, 59,2 ans versus 70,7 ans, tant chez les hommes (58,6 versus 69,3 ans) que chez les femmes (65 versus 73,6 ans).
Lorsqu'ils participent réellement aux séances, nos patients insuffisants cardiaques prolongent leur participation au long cours, essentiellement grâce aux bénéfices ressentis en termes de capacité fonctionnelle et de qualité de vie.
Discussion
La réadaptation cardiaque
Selon la définition de l'OMS de 1992 'la réadaptation cardio-vasculaire est l'ensemble des activités nécessaires pour influencer favorablement le processus évolutif de la maladie ainsi que pour assurer aux patients la meilleure condition physique, mentale et sociale possible, afin qu'ils puissent par leurs propres efforts, préserver ou reprendre une place aussi normale que possible dans la vie de la communauté'.
La réadaptation cardiaque consiste en une prise en charge multidisciplinaire, associant médecins, kinés, diététiciennes, psychologues, assistantes sociales, infirmières, ergothérapeutes, tous centrés autour du patient.
Elle associe un réentraînement progressif et contrôlé à l'effort à une éducation thérapeutique du patient et de ses proches. Elle permet également une optimisation progressive et un suivi des traitements médicamenteux ainsi qu'un soutien psychologique, en plus de l'effet social.
Le réentrainement à l'effort
Les symptômes de l'insuffisance cardiaque sont la conséquence de multiples interactions entre le coeur et la périphérie (poumons, muscles, vascularisation systémique et pulmonaire, respiration mitochondriale) et sont responsables d'une réduction des activités physiques du patient. On entre dans un cercle vicieux avec aggravation progressive des symptômes et développement d'un syndrome de déconditionnement, aggravant encore les anomalies.
L'objectif du réentrainement physique est de casser le cercle vicieux, en agissant à divers niveaux:
Au niveau cardiaque, réduction de la fréquence cardiaque de repos et à l'effort sous-maximal, augmentation du débit cardiaque à l'effort par élévation de la fréquence cardiaque maximale et augmentation de la différence artérioveineuse, amélioration de la fonction diastolique et réduction des pressions de remplissage, réduction de l'insuffisance mitrale fonctionnelle, diminution des taux de BNP et NT-Pro-BNP.
Les effets périphériques bénéfiques, notamment la réduction des résistances périphériques, améliorent les conditions de travail du muscle cardiaque.
De nombreux effets sont observés en périphérie:
- Au niveau musculaire, amélioration de la perfusion des muscles squelettiques par augmentation du débit cardiaque et diminution des résistances vasculaires périphériques, amélioration de la masse et de la force musculaire, amélioration de l'endurance, amélioration du métabolisme oxydatif des muscles squelettiques avec réduction de la production de lactates pour des efforts sous-maximaux, augmentation de la densité des mitochondries, du ratio fibres oxydatives/fibres glycolytiques et de la densité capillaire, réduction de l'infiltration graisseuse, amélioration de l'extraction de l'oxygène dans les muscles squelettiques actifs.
- Au niveau de la ventilation, réduction de l'hyperventilation, amélioration de l'extraction de l'oxygène et régression de l'espace mort avec amélioration du rapport ventilation/ perfusion, améliorant l'efficience ventilatoire. Un entrainement des muscles respiratoires, dont le diaphragme, permet une amélioration de la force musculaire inspiratoire.
- Au niveau du système nerveux autonome, augmentation du tonus parasympathique et diminution du tonus sympathique, avec amélioration de la variabilité de la fréquence cardiaque, réduction de l'activation du système rénine-angiotensine-aldostérone.
- Amélioration de la fonction endothéliale, avec amélioration de la relaxation flux-dépendante par augmentation de la synthèse de NO et diminution des résistances périphériques par vasodilatation.
- Diminution de l'inflammation et de ses effets cataboliques par réduction des cytokines pro-inflammatoires (TNF-alpha, IL-6).
Bénéfices cliniques
De nombreuses études, revues systématiques et méta-analyses2, 3, 4 évaluant les programmes de réentrainement à l'effort dans l'HFrEF ont démontré d'importants bénéfices cliniques.
Une amélioration des symptômes d'insuffisance cardiaque, avec amélioration de la classe NYHA, proportionnelle à l'amélioration de la capacité fonctionnelle ou capacité aérobie maximale (pic de VO2) et la capacité de poursuivre longtemps des exercices sous-maximaux (premier seuil ventilatoire), qui reflète les efforts de la vie quotidienne. L'effet principal est l'amélioration de la tolérance à l'effort, par effet sur la circulation périphérique et le muscle squelettique, avec une amélioration de la force musculaire et de l'endurance. La capacité fonctionnelle est un prédicteur indépendant puissant de survie, tant chez les sujets sains que les patients. La qualité de vie, l'anxiété et le taux de dépression s'améliorent également.
Certaines études5, 6montrent une réduction des hospitalisations mais également de la mortalité, allant jusqu'à 35 % en cas de participation assidue et prolongée, avec un volume d'exercice suffisant.
Les effets bénéfiques se retrouvent quels que soient l'âge, le sexe, la race, les comorbidités, dont la BPCO, l'étiologie de la cardiopathie sous-jacente et les marqueurs de sévérité de la maladie (FEVG, taux de BNP, pic de VO2 initial), mais également chez des patients porteurs de pacemaker, défibrillateur, assistance ventriculaire gauche et après transplantation cardiaque.
L'entrainement physique est bien toléré et n'entraine pas d'effets délétères sur l'hémodynamique centrale, le remodelage du ventricule gauche, la fonction systolique et diastolique du VG ou le métabolisme du myocarde, si l'on sélectionne bien les patients, en classe NYHA I à III, stabilisés depuis 4 à 6 semaines, en respectant les contre-indications et en appliquant une surveillance rapprochée.
La sécurité de l'exercice a été démontrée dans de nombreuses études cliniques, dont l'étude HF-ACTION7, la plus grande étude randomisée dans l'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection réduite, et la méta-analyse Cochrane2.
L'entrainement physique supervisé et la pratique d'une activité physique régulière sont recommandés par les sociétés savantes américaines et européennes.
Il doit être adapté en fonction de l'âge, du sexe, des comorbidités, de l'activité physique antérieure et de facteurs orthopédiques et musculo-squelettiques. Il est important de dépister les obstacles à la compliance, bien informer le patient de l'efficacité et de la sécurité de l'exercice et d'encourager le patient.
L'ergospirométrie
Un test à l'effort, de préférence avec mesure des échanges gazeux (ergospirométrie), est recommandé avant le début de la réadaptation cardiaque.
Il permet la recherche d'une ischémie ou d'une arythmie à l'effort, l'analyse de la réponse chronotrope à l'exercice, aide à l'ajustement de traitements comme les bêtabloquants et à la programmation des zones de thérapie des défibrillateurs (> 20 battements au-dessus de la fréquence cardiaque maximale), mais également à la prescription personnalisée de l'intensité de l'entraînement, notamment par la détermination de la fréquence cardiaque d'entrainement, en fonction du pic de VO2 et du premier seuil ventilatoire.
Différentes modalités d'entrainement
Le principal mode d'entrainement est l'entrainement en endurance. Son but est d'améliorer les capacités aérobies: améliorer le pic de VO2 et surtout reculer le premier seuil ventilatoire. Des activités comme la marche, le cyclo-ergomètre et le rameur sont proposées.
Il n'existe pas de prescription clairement établie par les guidelines, les protocoles d'entraînement varient fortement mais la plupart des études sur l'insuffisance cardiaque utilisent des exercices d'intensité modérée.
On débute à faible intensité (environ 40-50 % du pic de VO2), augmente très progressivement en fonction de la fréquence cardiaque d'entrainement, jusqu'à environ 70-80 % du pic de VO2 et un niveau de perception 'un peu dur', à 12-14 sur l'échelle de Borg (figure 2).
Majoration progressive du volume par la durée des séances puis de l'intensité d'exercice, en vue d'atteindre environ 30 minutes par session, minimum 3 x/ semaine.
On débute par 5 minutes d'échauffement, suivi de 20-30 minutes d'entrainement continu et/ou fractionné (Interval training), puis 5-10 minutes de récupération.
L'interval training alterne des courtes périodes (10-30 sec) d'exercice à intensité modérée-intense (50-100 % du pic de VO2) et des périodes plus longues (60-80 sec) d'exercice à très basse intensité. Il n'est pas dangereux et est très efficace.
L'entrainement en résistance ou renforcement musculaire est ajouté à l'entraînement en endurance et aide à l'améliorer.
Des contractions musculaires contre résistance entrainent une augmentation de la force et de la masse musculaire, ainsi que du tonus musculaire.
Ce type d'entrainement améliore la réalisation des tâches de la vie quotidienne, essentielles pour développer l'autonomie des malades et améliorer la qualité de vie. Ceci est particulièrement important chez les patients âgés (déclin progressif de la masse musculaire) ou déconditionnés, notamment par un alitement prolongé (hospitalisation).
Débuter à faible intensité, à majorer progressivement. Environ 3 x 10 contractions-relaxations par muscle et par séance; 25-50 % de force musculaire maximale. Adaptation individuelle, supervisée, en évitant absolument les manoeuvres de Valsalva. Différents groupes musculaires, des membres supérieurs et inférieurs, en utilisant divers instruments: des haltères, bandes élastiques (Thera-band®), banc de Koch …
Un entrainement des muscles inspiratoires, dont le diaphragme peut être proposé. Il permet d'augmenter leur force et leur endurance, d'améliorer les capacités ventilatoires à l'exercice, les capacités de récupération, la capacité fonctionnelle et la qualité de vie.
La gymnastique globale travaille la coordination, la souplesse et la tonicité musculaire.
Les séances se terminent souvent par quelques minutes de relaxation.
Les programmes d'exercice doivent être adaptés aux préférences du patient et ses possibilités afin que l'efficacité et la sécurité soit garanties.
Il est essentiel d'éduquer le patient et identifier des stratégies pour le motiver à la poursuite d'une activité physique au long cours, afin de maintenir les bénéfices à long terme car l'effet sur la morbi-mortalité est dose-dépendant et est fortement lié à l'observance. Pour éviter la détérioration des progrès acquis durant les séances structurées et supervisées, une transition graduelle est nécessaire vers le programme au domicile.
Il faut respecter les contre-indications (tableau 1) et traiter les causes réversibles comme une anémie, des troubles endocriniens, une hypovolémie, de troubles ioniques et une ischémie myocardique résiduelle.
Education thérapeutique
La plupart des réadmissions pour insuffisance cardiaque sont attribuables, au moins partiellement, à un manque de gestion autonome de la maladie par le patient et ses proches. Elles sont donc évitables.
L'éducation thérapeutique a pour objectif principal de conscientiser le patient qu'il peut agir activement de façon positive sur l'évolution de sa maladie en devenant acteur de sa gestion au quotidien, par l'adoption de comportements sains, application du régime, surveillance du poids, prise régulière des médicaments prescrits, réaction au signes d'alerte, adaptation éventuelle des doses de diurétiques selon les circonstances (canicule, diarrhées …).
Des séances individuelles et collectives en petits groupes sont proposées, permettant d'aborder différents volets de la maladie afin d'en augmenter sa compréhension, avec l'accent sur l'observance et l'autogestion.
Cette prise en charge, permet un meilleur contrôle des facteurs de risque, une meilleure compliance au traitement, une réduction des ré-hospitalisations et une réduction de la morbi-mortalité. Elle améliore la qualité de vie, le bien-être psychosocial et le statut fonctionnel, réduit les symptômes et diminue les coûts liés à l'insuffisance cardiaque.
La réadaptation cardiaque constitue un moment idéal pour soutenir et développer l'auto-gestion de l'insuffisance cardiaque. Les patients étant vus régulièrement par l'équipe pluridisciplinaire, formée à l'éducation thérapeutique.
Sous-utilisation
Pratiquement tous les patients insuffisants cardiaques avec fraction d'éjection réduite, stabilisés depuis 4 à 6 semaines, en classe NYHA II et III devraient bénéficier de la réadaptation cardiaque.
Or, malgré la littérature et les recommandations largement en faveur d'une participation à la réadaptation cardiaque dans l'HFrEF, beaucoup trop peu de patients en bénéficient, seulement 10 % en moyenne selon les études, confirmant nos propres données de 9.5%!9-14
De nombreux obstacles à la participation à la réadaptation cardiaque ont été identifiés, notamment parmi les patients insuffisants cardiaques.
Ils sont de deux types, soit liés au manque de recrutement par les professionnels de santé, soit liés au manque d'adhésion par le patient (tableau 2). L'âge avancé et le sexe féminin en font partie et sont retrouvés dans notre étude. Différents moyens d'amélioration de la participation ont été proposés9-14 (tableau 3).
Les facteurs ayant limité la participation à notre programme de réadaptation cardiaque sont des deux types, manque de recrutement par les médecins et absence d'adhésion par le patient.
Notre faible taux de recrutement est essentiellement lié à notre organisation actuelle. Pour les autres indications de réadaptation cardiaque, syndromes coronariens, angioplasties et interventions chirurgicales (pontages et/ou valves, pacemakers et défibrillateurs), un rendez- vous est donné au patient à sa sortie de l'hôpital pour une consultation, avec réalisation d'une ergospirométrie.
Durant l'hospitalisation, nos patients insuffisants cardiaques bénéficient de séances de réadaptation cardiaque individuelles. Mais au moment de la sortie de l'hôpital, il n'est pas encore possible de déterminer le moment où le patient sera stabilisé depuis 4 à 6 semaines et pourra débuter les séances ambulatoires.
Le développement progressif de notre clinique de l'insuffisance cardiaque permettrait de palier à ce problème. Les patients pourraient être revus plusieurs fois par l'infirmière spécialisée en insuffisance cardiaque et un médecin de notre équipe multidisciplinaire, et pourraient ainsi être adressés au bon moment. Ce développement devra s'intégrer au maximum dans le service existant de réadaptation cardiaque, afin de bénéficier des connaissances et expériences des différents intervenants.
Plusieurs méta-analyses15 ont montré une réduction significative du nombre de réadmissions ainsi qu'une réduction de mortalité grâce aux programmes de prise en charge multidisciplinaire de l'insuffisance cardiaque. Ils sont recommandés dans les guidelines européennes1.
Le principal problème d'adhésion des patients à notre programme de réadaptation cardiaque, et également de recrutement, est lié au problème d'accessibilité de notre centre de réadaptation.
Intérêt de développer la réadaptation cardiaque interne
La plupart des centres cardiaques de réadaption belges fonctionnent quasiment exclusivement avec des patients ambulatoires.
Les patients doivent être stables depuis 4 à 6 semaines, sans hospitalisation ou procédure récente, pour participer à la réadaptation cardiaque ambulatoire.
Cependant, compte tenu notamment de l'âge croissant de nos patients, de leurs nombreuses comorbidités et de leur éventuelle fragilité, la poursuite de l'hospitalisation en service de revalidation après l'hospitalisation aiguë en cardiologie pourrait être de plus en plus souvent souhaitable.
Une prise en charge précoce, après hospitalisation pour décompensation cardiaque pourrait en effet être très utile dans cette phase vulnérable, à haut risque de réhospitalisation et de mortalité. Une récupération physique rapide, par mobilisation précoce est très importante, surtout chez les sujets âgés. Elle améliore leur condition physique et leur autonomie et réduit les hospitalisations de toutes causes. Un contrôle rapproché des paramètres cliniques et biologiques permettrait une optimisation thérapeutique avec titration progressive des traitements et organisation de la transition hôpital-domicile.
Cette période est également idéale pour débuter l'éducation thérapeutique, renforcer la motivation et l'adhésion et gérer les divers problèmes par l'équipe multidisciplinaire de la réadaptation cardiaque.
Conclusion
La réadaptation cardiaque est un traitement non-médicamenteux très efficace chez les patients insuffisants cardiaques à fraction d'éjection réduite. Elle permet une diminution des symptômes liés à l'insuffisance cardiaque, une amélioration de la qualité de vie, une diminution des réhospitalisations ainsi qu'une réduction de la mortalité. Elle permet également de réduire les coûts liés à l'insuffisance cardiaque.
Ces bénéfices sont obtenus avec des intensités modérées d'effort mais un volume suffisant et une pratique régulière.
Le réentrainement à l'effort est faisable et non dangereux pour les patients insuffisants cardiaques, tant que l'on respecte les précautions et contre-indications.
Par l'éducation thérapeutique, le patient devient acteur de sa maladie et agit de façon autonome dans la gestion de l'insuffisance cardiaque et la prévention des complications.
Malheureusement, le taux de participation à la réadaptation cardiaque reste beaucoup trop faible, aux alentours de 10 %, ce qui se confirme dans notre étude. Différents obstacles au recrutement et à l'adhésion sont identifiés, ainsi que des stratégies à mettre en oeuvre pour contourner ces obstacles.
Notre étude identifie comme principaux obstacles la difficulté d'accès à notre centre de réadaptation cardiaque ambulatoire, ainsi que l'organisation pratique du suivi après hospitalisation vu le délai nécessaire à la stabilisation après un épisode de décompensation cardiaque.
L'intégration de la réadaptation cardiaque dans une clinique de l'insuffisance cardiaque et le développement de la réadaptation cardiaque interne permettraient d'améliorer la gestion de la phase vulnérable, juste après l'épisode de décompensation.
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