Avantages et intérêts des combinaisons fixes en un seul comprimé de l'ézétimibe plus une statine et en particulier de la combinaison ézétimibe plus rosuvastatine
Les maladies cardiovasculaires sont certainement la cause principale de mortalité dans nos régions. Elles sont en outre grevées d'une morbidité importante pour nos patients et engendrent un coût non négligeable pour notre système de santé. La prévention primaire et secondaire est donc primordiale et une approche globale des facteurs de risque est l'approche à privilégier. La plupart de ces facteurs sont en bonne partie dépendant de notre hygiène de vie. La lutte contre la surcharge pondérale par une alimentation saine, pas trop riches en calories et en graisses, et par une activité physique régulière est certainement une base à apprendre dès le jeune âge. Il en va de même du tabagisme. Ne pas commencer est l'idéal mais arrêter de fumer est bien souvent difficile pour beaucoup trop de patients. Même si cela reste la première étape, cela ne suffit malheureusement pas toujours et une approche pharmacologique doit alors être discutée, pour traiter une hypertension artérielle ou un diabète.
Il en va de même pour les lipides et les recommandations internationales ont été revues très récemment (ESC 2019) et ciblent maintenant de façon plus sévère la réduction des taux de LDL cholestérol. Les objectifs thérapeutiques ont été encore modifiés et il est loin le temps où les statines n'étaient remboursées que si le cholestérol total restait supérieur à 250 mg/dl malgré 3 mois de régime et après accord du médecin conseil … Les derniers guidelines de la Société Européenne de Cardiologie datent de 2019 et insistent toujours sur la prise en charge des dyslipidémies sur l'évaluation du risque cardiovasculaire total mais les valeurs cibles des taux de cholestérol à atteindre ont été revus à la baisse, d'autant plus que le patient est à risque plus élevé, comme le montre la figure 1.
Dans cette vision, le traitement sera donc par exemple plus agressif chez les patients à très haut risque, comme les patients en prévention secondaire, les diabétiques avec une atteinte d'un organe cible, l'insuffisance rénale chronique sévère ou encore les patients avec un risque évalué par les tables SCORE ≥ 10 % à 10 ans. La distinction est faite aussi pour les patients à haut risque (les autres diabétiques, une insuffisance rénale modérée (GFR entre 30 et 60), les patients avec un facteur de risque très élevé comme une dyslipidémie familiale et une hypertension artérielle sévère ou encore les patients avec un risque SCORE entre 5 et 10 %) par rapport à ceux avec un risque modéré (SCORE entre 1 et 5 %) voir faible (SCORE < 1 %). Suivant le risque global du patient, les cibles thérapeutiques en termes de LDL cholestérol sont différentes: on vise une réduction du taux de LDL à moins de 55 mg/dl chez les patients à très haut risque (ou une réduction d'au moins 50 % si le LDL de base est entre 70 et 135) et une réduction du taux de LDL à moins de 70 mg/ dl chez les patients à haut risque (ou une réduction d'au moins 50 % si le LDL de base est entre 100 et 200) alors qu'on se contente de conseiller un taux inférieur à 100 mg/dl chez les patients à risque modéré et inférieur à 115 mg/dl chez les patients à risque modéré. C'est donc un traitement à la carte selon l'évaluation du risque cardiovasculaire du patient.
Quand on regarde les résultats des études épidémiologiques de surveillance, on ne peut qu'être déçu par les résultats obtenus car environ la moitié des patients atteignent les valeurs recommandées par les anciens guidelines de 2016, pourtant nettement moins stricts que ceux de 2019: 57,3 % dans EUROASPIRE III (third European Action on Secondary Prevention to Reduce Events, publiée en 2009) et 49,4 % dans CEPHEUS (Centralized Pan-regional Surveys on the Undertreatment of Hypercholesterolaemia, conduite dans 29 pays et publiée en 2016). Dans cette dernière étude, on peut observer de grandes différences selon les pays, avec par exemple un très mauvais contrôle dans les pays européens de l'Est (26,0 % sous contrôle) par rapport à un 57,9 % en Europe de l'Ouest, ce qui est moins mauvais mais reste préoccupant. Paradoxalement, ce sont les patients avec un risque cardiovasculaire bas qui ont de meilleurs taux de contrôle de leur LDL par rapport aux patients à haut risque voir à très haut risque comme le montre la figure 2 (et la situation est moins bonne en Europe de l'Est qu'en Europe de l'Ouest), mais on peut se poser la question chez ces derniers patients du traitement donné par rapport au but à atteindre, à savoir respectivement un LDL cholestérol inférieur à 100 et à 70, ce qui demande certainement une médication plus puissante voir une association! Les statines, et en particulier la rosuvastatine se révélaient plus performantes que les autres hypolipémiants.
Les statines occupent certainement une place de choix en première ligne dans notre arsenal et sont généralement bien supportées, même si des effets secondaires existent comme pour toute médication et en particulier les problèmes musculaires pour cette classe thérapeutique. Il est donc préoccupant d'avoir de si mauvais résultats chez les patients à plus haut risque alors que nous disposons de médicaments efficaces. La question de l'escalade des doses de statines (avec un taux d'effets secondaires peut-être plus élevé) par rapport à celle d'une association se pose donc aussi tout naturellement. L'ézétimibe apparait par son mécanisme d'action un partenaire privilégié pour diminuer davantage les taux de LDL cholestérol.
Dans l'étude GRAVITY, on a comparé essentiellement chez environ 800 patients l'efficacité de la rosuvastatine à une dose de 10 et de 20 mg seul ou associé à 10 mg d'ézétimibe par rapport à la simvastatine 40 et 80 mg seul ou associé à 10 mg d'ézétimibe. Après une période de 6 semaines de monothérapie avec une des 4 doses de statine, les patients recevaient 10 mg d'ézétimibe pour une période complémentaire de 6 semaines, le critère d'évaluation principal de l'étude étant la réduction du LDL cholestérol. La rosuvastatine 40 mg s'est montrée supérieure (-46,5 % de réduction du taux de LDL) aux deux doses de simvastatine. La dose de 20 mg de rosuvastatine s'est montrée relativement équivalent à la dose de 80 mg de simvastatine (-59,7 % vs -57,4 %). Avec l'ézétimibe en plus, on obtenait une réduction complémentaire de 10-14 % du taux de LDL, ce qui permettait de réduire le LDL cholestérol en dessous de 100 mg chez 95,6 % des patients et en dessous de 70 mg chez 77,0 % des patients avec l'association rosuvastatine 40 mg / ézétimibe 10 mg, comme le montre la figure 3, significativement plus qu'avec les deux associations comprenant la simvastatine. Les effets secondaires étaient semblables dans les 4 groupes mais l'étude était de courte durée. Soulignons néanmoins que la dose de 80 de simvastatine n'est que rarement utilisée en pratique quotidienne vu les problèmes de myopathie.
Dans l'étude ACTE, on a comparé l'intérêt d'ajouter à la statine de l'ézétimibe plutôt que de doubler la dose de la statine, la rosuvastatine en l'occurrence. Plus de 400 patients ont été répartis en 2 groupes. Le premier recevait durant une période de run-in 5 mg de rosuvastatine puis les patients étaient randomisés entre soit doubler la dose de statine (10 mg) soit associer de l'ézétimibe 10 mg. Le second groupe recevait 10 mg de rosuvasatine durant la période de run-in puis les patients étaient randomisés entre soit doubler la dose de statine (10 mg) soit associer de l'ézétimibe 10 mg. Le critère d'évaluation principal était la réduction du taux de LDL observée. De façon nette, l'ajout de l'ézétimibe était nettement plus efficace pour faire chuter le LDL cholestérol plutôt que doubler la dose de la statine (réduction de 21 % du LDL cholestérol par rapport à 6 % en doublant la dose de la statine).
La combinaison de la statine avec l'ézétimibe parait donc un choix judicieux en termes de réduction du LDL cholestérol. La traduction clinique de ce bénéfice biologique a été démontrée par la suite. L'étude IMPROVE-IT par exemple a randomisé plus de 18 000 patients après un syndrome coronarien aigu, entre la simvastatine 40 mg en monothérapie et son association avec 10 mg d'ézétimibe. Le follow-up moyen était de 6 ans. Une réduction plus marquée du LDL cholestérol a été observée allant de pair avec une réduction du critère d'évaluation principal, un indice composite reprenant mortalité cardiovasculaire, infarctus du myocarde non fatal, angor instable nécessitant une hospitalisation, une revascularisation coronarienne ou un AVC non fatal. Cette étude est donc en accord avec le concept, démonté maintenant par de nombreuses études qu'il existe une relation nette entre la réduction du LDL cholestérol et la réduction des évènements cardiovasculaires, comme l'illustre la figure 4.
L'utilisation d'une association d'une statine avec l'ézétimibe a donc prouvé son efficacité en termes de réduction du LDL cholestérol mais aussi en termes de réduction d'évènements cardiovasculaires. Cette combinaison permet d'atteindre les valeurs-cibles de LDL cholestérol chez un grand nombre de patients, dépendant également de leur risque cardiovasculaire. Pour le patient, il est clair qu'il est plus facile de combiner ces deux molécules dans une seule pilule, ce qui évite les erreurs de prise et améliore la compliance, sans oublier le côté psychologique de n'avoir qu'une pilule à prendre au lieu de deux !
En conclusion, le traitement de l'hypercholestérolémie passe par une approche globale. Il faut cibler tous les facteurs de risque cardiovasculaire en commençant par le plus simple en théorie mais pas toujours le plus évident en pratique courante, une meilleure hygiène de vie! L'utilisation d'un traitement médicamenteux doit passer par une évaluation du risque cardiovasculaire global (prévention primaire ou secondaire, autres facteurs de risque associés dont le diabète et l'insuffisance rénale): l'objectif thérapeutique n'est pas le même en termes de LDL cible à atteindre par exemple et les moyens pour y parvenir doivent être appropriés. Notre arsenal médicamenteux s'est considérablement amélioré pour permettre de réduire efficacement le LDL cholestérol et l'utilisation d'une statine seule ou en combinaison avec de l'ézétimibe est souvent suffisante. Sinon, le recours aux inhibiteurs de la PCSK9 est une solution efficace même si plus couteuse et donc à réserver à des indications bien sélectionnées.
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