Lors du dernier congrès de l'ESC, un symposium satellite a été consacré à une mise à jour - brève, mais énergique - sur le rôle actuel de la dénervation rénale dans le cadre du traitement de l'hypertension artérielle. Quatre experts ont donné un aperçu des études les plus récentes et de l'état actuel des choses. En voici un compte rendu.
Le Dr Schmieder a débuté le symposium en présentant un graphique montrant l'évolution de l'intérêt pour la dénervation rénale au cours de la dernière décennie. L'extraordinaire enthousiasme initial pour la technique de dénervation rénale en cas d'hypertension résistante au traitement (étayée par les études Symplicity HTN11-3 et HTN24, 5, conduites en 2009 et 2010) a été balayé par le résultat décevant de l'étude Symplicity HTN36, 7 (2014), conduite aux états-Unis. Bien que l'étude HTN3 ait montré que la technique était sûre, le critère d'efficacité primaire de baisse tensionnelle n'a pu être atteint. Par la suite, ce sont essentiellement des éléments procéduraux qui se sont révélés décisifs: le caractère complet de la dénervation, qui s'est avérée difficile à réaliser avec un cathéter single tip, et l'expérience relativement limitée de l'opérateur. Ces dernières années, de nouveaux résultats positifs et de nouvelles analyses de données ont été à l'origine d'un regain d'attention et d'intérêt pour la dénervation rénale. En effet, après les trois études Symplicity-HTN, un nouveau cathéter a été conçu. Avec ce cathéter spiralé amélioré, les études proof of concept SPYRAL HTN-OFF MED8 et SPYRAL HTN-ON MED9 (2017 et 2018) ont alors été effectuées. Les études ON MED examinent la population cliniquement pertinente qui pourrait tirer des bénéfices d'un traitement additionnel, en plus des médicaments conventionnels. Les études OFF MED examinent la valeur du traitement de dénervation chez des patients ne recevant pas de traitement médicamenteux. Le fait que ces études OFF MED ne tiennent pas compte de l'effet potentiellement perturbateur de la compliance thérapeutique constitue un avantage.
- L'étude SPYRAL HTN-ON MED a inclus des patients traités par 1 à 3 antihypertenseurs (diurétique thiazidique, antagoniste calcique, IECA/ARB ou bêtabloquant) à minimum 50 % de la dose maximale depuis minimum 6 semaines et ayant des tensions artérielles systoliques de 150-180 mmHg en consultation ou de 140-170 mmHg lors d'un monitoring tensionnel de 24 heures.
- L'étude SPYRAL HTN-OFF MED a inclus des patients ne prenant pas d'antihypertenseurs, et ayant des tensions artérielles systoliques de 150-180 mmHg en consultation ou de 140-170 mmHg lors d'un monitoring tensionnel de 24 heures. Ces études indiquent également que tant les patients que les médecins affichent un intérêt marqué pour cette alternative à une approche pharmacologique de l'hypertension.
Tant l'étude SPYRAL HTN-ON MED que l'étude OFF MED ont montré une diminution significative des valeurs tensionnelles sur 24 heures, comparativement au groupe contrôle ayant subi une procédure factice (sham).
Depuis le début de l'étude HTN3, on dispose également du Global Symplicity Registry, un registre de suivi à long terme des patients 'en real world' ayant subi une dénervation rénale. Ce registre est toujours en cours, tout comme les études prospectives OFF MED et ON MED. Grâce à ces données de registre en pratique réelle, on évalue la durabilité en pratique ainsi que la sécurité. De cette façon, on collecte également une grande quantité de données au départ desquelles on effectue des analyses de sous-groupes et on génère d'autres hypothèses. Différents sous-groupes ont été examinés dans le Global Symplicity Registry, tels que l'hypertension résistante, l'âge avancé, le diabète, l'hypertension systolique isolée, l'insuffisance rénale chronique et la fibrillation auriculaire. Dans les données de suivi à 3 ans, on constate que pour tous les patients, mais aussi pour les sous-groupes d'hypertension résistante, de diabète et de fibrillation auriculaire, on observe une baisse tensionnelle durable, et même une diminution supplémentaire des chiffres.
Enfin, lors de cet exposé, on a souligné que le degré de contrôle tensionnel dans la population générale est encore imité à l'heure actuelle, ce qui entraîne une morbi- mortalité très importante. Les médecins s'intéressent à la réduction du risque qu'une baisse tensionnelle représente pour le patient. En revanche, les patients sont surtout intéressés par un traitement alternatif de l'hypertension artérielle. La dénervation rénale peut avoir une place dans le traitement de l'hypertension en tant que thérapie individuelle, mais elle peut aussi être combinée avec des médicaments. Actuellement, tant (i) les patients souffrant d'hypertension non contrôlée malgré un traitement médicamenteux que (ii) les patients intolérants aux médicaments et (iii) les patients qui préfèrent la dénervation rénale comme traitement sont considérés comme des candidats potentiels pour ce traitement.
Ensuite, le Dr Wang a présenté, au nom de la Taiwan Society of Cardiology, l'algorithme de sélection des patients, nouvellement développé, qui a pour acronyme RDNi2. Avec cet algorithme, on souhaite essentiellement identifier les groupes de patients qui peuvent obtenir un bénéfice maximal suite à une dénervation rénale.
- Le 'R' signifie 'résistant', étant donné que les patients résistants au traitement sont de bons candidats pour une dénervation rénale.
- Le 'D' de 'damage' fait référence aux patients ayant des lésions organiques médiées par l'hypertension (cérébrales, cardiaques, oculaires, vasculaires et rénales) ou souffrant de maladies cérébro- ou cardiovasculaires, étant donné que, dans cette population de patients, on observe une importante diminution des risques potentiels en cas de baisse tensionnelle.
- Le 'N' de 'non-adherent' englobe le groupe de patients qui préfèrent une dénervation rénale plutôt qu'un traitement médicamenteux, et les patients qui présentent une hypertension artérielle non contrôlée par manque de compliance thérapeutique.
- Le 'i' de 'intolerant' se rapporte aux patients qui ne peuvent être contrôlés suffisamment grâce à des médicaments, suite à des effets indésirables.
- Le '2' signifie '2ndary cause' et le groupe de patients qui, après plus de 3 mois de traitement d'une cause secondaire d'hypertension, ne sont pas contrôlés, ou qui présentent des causes sous-jacentes irréversibles, comme des lésions du parenchyme rénal.
Un organigramme a également été présenté pour l'évaluation du patient, avant et après dénervation rénale. En concertation avec les patients, on décide après une 'prise de décision partagée' qui entre en ligne de compte pour une dénervation rénale. Les patients sont d'abord soumis à un dépistage plus poussé des causes secondaires d'hypertension et, le cas échéant, ils sont traités pendant au moins 3 mois. On réalise également un monitoring ambulatoire de la tension artérielle pour vérifier si le patient répond aux critères tensionnels nécessaires. Ce n'est que si l'anatomie des artères rénales est satisfaisante à l'angioscanner ou à l'angio-IRM des reins que le patient peut subir une dénervation rénale dans le cadre d'une étude clinique ou d'un registre. Après l'intervention, la fonction rénale est surveillée de près au cours des premières semaines. Lors du contrôle suivant, à 6 mois, on pratique un monitoring ambulatoire de la tension artérielle et un contrôle de la fonction rénale et, à 12 mois, un ecg et un angioscanner ou une angio-IRM de contrôle.
En guise de message à retenir, le Dr Wang a cité les points suivants: la dénervation rénale ne doit pas être réservée uniquement à l'hypertension résistante. Elle peut également être utilisée pour traiter une hypertension non contrôlée chez des patients présentant une hypertension secondaire traitée. L'algorithme RDNi2 peut être utilisé pour les 5 types de patients potentiels pour la dénervation rénale.
Lors du dernier exposé, le Dr Taddei s'est concentré sur le problème majeur de la non-compliance au traitement antihypertenseur. Une étude récente10 indique qu'environ 30 % des adultes étudiés préfèrent mourir prématurément plutôt que de prendre des médicaments supplémentaires, et parmi eux, 8,2 % indiquent même qu'ils sont prêts à sacrifier 2 années de leur vie.
La compliance au traitement antihypertenseur est une donnée dynamique à double sens: des patients non compliants au traitement peuvent le devenir, à terme, mais l'inverse est également vrai11. La compliance thérapeutique est une donnée multifactorielle basée sur des facteurs économiques, psychologiques et sociaux qui influencent le comportement du patient (figure 1)12. En outre, il existe une association claire entre le degré de compliance au traitement antihypertenseur, d'une part, et la mortalité totale et cardiovasculaire, d'autre part13. La non-compliance thérapeutique est aussi très souvent observée en cas d'hypertension dite 'résistante' (figure 2), pour laquelle on prescrit progressivement plus de médicaments, tout en voyant que la tension artérielle reste non contrôlée. Dans une petite étude, on a évalué la compliance thérapeutique chez des patients résistants au traitement, en recherchant le médicament prescrit dans le sang. Chez près de la moitié des patients étudiés, un ou plusieurs antihypertenseurs n'étaient pas présents dans le sérum. Chez 32 % des patients, il n'y avait même aucune trace du médicament prescrit. Cette étude conclut que la non-compliance au traitement est peutêtre la principale cause de l'hypertension résistante au traitement14.
Le Dr Taddei souligne que la dénervation rénale peut être une option intéressante chez les patients non compliants au traitement, un groupe important qui n'est pas atteint avec la prise en charge actuelle de l'hypertension.15 Lors d'études cliniques menées auprès de différentes populations, on a démontré une baisse tensionnelle significative et cliniquement pertinente après une dénervation rénale, et ce, avec plusieurs techniques actuelles. Les études et les données de suivi à plus long terme montrent également que la dénervation rénale est sûre. En outre, des études récentes indiquent que la dénervation rénale abaisse aussi efficacement la tension artérielle chez des patients non traités et des patients hypertendus traités, courant un risque faible et modéré8, 9, 16.
Le Dr Taddei et son équipe ont présenté deux profils de patients: le patient hypertendu résistant au traitement et le patient hypertendu difficile à traiter. La définition d'un patient hypertendu difficile à traiter est dynamique. Le patient difficile à traiter garde des chiffres tensionnels non contrôlés, malgré une évaluation pluridisciplinaire englobant (i) la recherche d'une hypertension secondaire, (ii) un schéma médicamenteux rationnel, (iii) l'évaluation des effets indésirables et de la compliance au traitement et (iv) la prise en compte des comorbidités, du risque cardiovasculaire global et (v) des préférences du patient.
Ces deux profils, les patients résistants au traitement et les patients hypertendus difficiles à traiter, sont des candidats potentiels pour une dénervation rénale. Un patient hypertendu résistant au traitement est un patient ayant une tension artérielle non contrôlée en consultation et lors d'un monitoring de 24 heures, sous traitement par une combinaison d'IECA/sartan + un antagoniste calcique + un diurétique à la dose maximale tolérée, et chez qui on a exclu une hypertension secondaire. Parmi les autres caractéristiques qui font du patient un bon candidat, mentionnons les effets indésirables de la spironolactone17, une mauvaise compliance malgré un counseling intensif15, l'hypertension systolo-diastolique18 (bien que l'hypertension systolique isolée ne soit pas une contre-indication) et les préférences du patient.
Un patient hypertendu difficile à traiter est un patient souffrant d'hypertension de grade 1 ou 2, qui n'est pas traité ou dont la tension artérielle n'est pas contrôlée en consultation et lors d'un monitoring tensionnel de 24 heures, sous traitement par 1 à 3 antihypertenseurs (après exclusion d'une hypertension secondaire). Les autres caractéristiques de ce profil de patients sont les effets indésirables de plusieurs médicaments, l'intolérance à plusieurs médicaments, une mauvaise compliance malgré un counseling intensif15, une fréquence cardiaque élevée lors d'un monitoring de 24 heures19, une fibrillation auriculaire paroxystique ou persistante20, un risque cardiovasculaire élevé ou très élevé et les préférences du patient.
Le Dr Taddei a conclu son exposé en soulignant que la dénervation rénale est le seul traitement efficace en cas de non-compliance thérapeutique15.
La petite discussion interactive de cas à la fin de la session révèle que les médecins présents orientent principalement leurs patients pour une dénervation rénale dans deux cas: (i) une hypertension résistante au traitement et (ii) des patients non contrôlés présentant un profil de risque élevé et une optimisation difficile du traitement en raison d'une intolérance.
En résumé, au cours de la dernière décennie, de nombreuses recherches ont été menées sur la dénervation rénale comme traitement de l'hypertension. Sur ce plan, les résultats initialement prometteurs ont été éclipsés par les résultats de l'étude américaine Symplicity HTN3. De nouveaux cathéters plus faciles à utiliser ont ensuite été mis au point, et on a encore plus prêté attention à l'importance d'une dénervation complète et à l'expérience de l'opérateur dans la dénervation rénale. Toutes les études indiquent de manière univoque que la dénervation rénale est sûre, et de plus en plus de données montrent que plusieurs groupes de patients hypertendus peuvent tirer des bénéfices d'une baisse supplémentaire de la tension artérielle après une dénervation rénale. Une mise au point complète, de même qu'un accompagnement et un traitement optimaux du patient hypertendu sont primordiaux. Dans une pratique croissante de 'prise de décision partagée', il est alors possible d'examiner avec le patient si un traitement interventionnel de l'hypertension artérielle, dans le cadre d'une étude clinique ou d'un registre, serait une option. En tant que soignants, nous restons confrontés au problème du contrôle largement insuffisant de l'hypertension artérielle dans la population et à l'impact de la non-compliance thérapeutique. Pour remédier à ces problèmes, des avis spécialisés ainsi que le suivi et le traitement des patients hypertendus sont capitaux.
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