Dans cet article, nous discuterons des résultats de l'étude ODYSSEY OUTCOMES1. Maintenant qu'il est établi que les inhibiteurs de la PCSK9 (proprotéine convertase subtilisine/kexine de type 9) induisent une réduction du cholestérol LDL (low density lipoprotein), on attendait impatiemment les études basées sur des critères d'évaluation primaire cliniques. Dans cette étude, on examine si l'alirocumab, un inhibiteur de la PCSK9, peut améliorer les résultats cardiovasculaires chez les patients ayant récemment souffert d'un syndrome coronarien aigu.
Contexte
Tous les patients n'obtiennent pas la réduction escomptée du cholestérol LDL en dépit de la prise de statines de haute intensité à la dose maximale tolérée. Chez certains de ces patients, l'association d'ézétimibe peut être suffisante pour atteindre le cholestérol LDL cible, ici aussi avec une diminution prouvée du risque cardiovasculaire2. Chez les patients qui reçoivent déjà le traitement standard, les anticorps monoclonaux qui inhibent la PCSK9 réduisent encore le cholestérol LDL de 60 % supplémentaires. Le blocage de l'activité de la PCSK9 réduit la dégradation des récepteurs des LDL dans les hépatocytes, augmentant ainsi leur capacité à éliminer le cholestérol LDL du plasma.
En 2015, on a démontré l'efficacité et la tolérance à court terme de deux anticorps monoclonaux humains, l'évolocumab et l'alirocumab3, 4. Grâce à ces traitements innovants, on a tout d'un coup pu atteindre des valeurs basses de cholestérol LDL, jusque-là jamais obtenues. Toutefois, les premières études n'avaient pas été conçues pour fournir des preuves d'un bénéfice cardiovasculaire. C'est l'étude FOURIER, portant sur l'évolocumab comme inhibiteur de la PCSK9, qui a démontré pour la première fois une amélioration d'un critère d'évaluation cardiovasculaire composite chez des patients à haut risque souffrant d'une maladie cardiovasculaire stable5.
Conception de l'étude
L'étude ODYSSEY OUTCOMES est une étude internationale classique, multicentrique, randomisée, en double aveugle, contrôlée par placebo. Dans cette vaste étude, 18 924 patients ont été évalués après un syndrome coronarien aigu récent, sous traitement par une statine de haute intensité ou par une statine à la dose maximale tolérée, ayant une valeur de cholestérol LDL de 70 mg/dl ou plus. Ces patients ont reçu de l'alirocumab à la dose de 75 mg ou un placebo par voie sous-cutanée toutes les 2 semaines pendant un suivi médian de 2,8 ans. Chez les patients du groupe alirocumab, la dose a été titrée, afin d'obtenir un taux de cholestérol LDL compris entre 25 et 50 mg/dl. Ceci impliquait également le passage à un placebo, en cas de valeurs répétées inférieures à 15 mg/dl.
Le critère d'évaluation primaire était un critère d'évaluation composite constitué des décès dus à des maladies coronariennes, des infarctus myocardiques non fatals, des AVC fatals ou non ou des cas d'angor instable nécessitant une hospitalisation.
Population, suivi, schéma de traitement
L'étude a essentiellement inclus des patients ayant souffert d'un infarctus myocardique aigu (83 %), dont la plupart ont été revascularisés. Un peu moins de 30 % étaient diabétiques. La plupart des patients recevaient une dose élevée de statine (88,8 %), définie comme une dose de 40 ou 80 mg d'atorvastatine ou de 20 ou 40 mg de rosuvastatine. Le suivi médian atteignait 2,8 ans. L'arrêt prématuré de l'étude pour des raisons autres que le décès est survenu chez 1 343 patients (14,2 %) du bras alirocumab et 1 496 patients (15,8 %) du bras placebo.
Effet sur les lipides
Au départ, le LDL moyen atteignait 92 mg/dl. Dans le bras interventionnel, le LDL atteignait 40 mg/dl après 1 an de traitement, contre 93 mg/dl dans le bras placebo. On a observé une tendance à la hausse du cholestérol LDL après 48 mois dans le bras alirocumab, jusqu'à 66 mg/dl, principalement en raison de l'arrêt précoce du traitement. En effet, afin d'éviter des valeurs répétées de LDL inférieures à 15 mg/dl, on avait délibérément placé ces patients sous placebo. Si nous nous focalisons sur le cholestérol LDL chez les patients sous traitement actif, nous observons une diminution durable jusqu'à 53 mg/dl après 48 mois (54 % de moins que dans le groupe placebo).
Critères d'évaluation
On a observé un décès dû aux causes reprises dans le critère d'évaluation primaire composite chez 903 patients (9,5 %) dans le groupe alirocumab et 1 052 patients (11,1 %) dans le groupe placebo. Ceci constitue une différence significative, avec un hazard ratio de 0,85 (intervalle de confiance à 95 % 0,78 à 0,93, p < 0,001). Pour éviter un décès, il faut traiter 49 patients (number needed to treat, NNT) pendant 4 ans. La plus forte réduction du risque absolu a été observée chez les patients ayant une valeur initiale du LDL supérieure à 100 mg/dl et, ici, le NNT n'est donc que de 16 patients à traiter pendant 4 ans. En ce qui concerne les critères d'évaluation secondaire, on a observé moins d'événements cardiovasculaires et coronariens dans le bras alirocumab. On a également observé une diminution de la mortalité totale, mais pas de diminution de la mortalité spécifiquement due à une maladie coronarienne ou cardiovasculaire.
Sécurité
On n'a pas constaté d'effets indésirables graves, uniquement de légères réactions locales au site d'injection (3,8 % dans le groupe alirocumab vs 2,1 % dans le groupe placebo, p < 0,001). Le nombre d'événements neurocognitifs était faible, et non significativement différent entre les deux groupes (1,5 % dans le groupe alirocumab vs 1,8 % dans le groupe placebo).
Discussion
L'étude ODYSSEY OUTCOMES est une vaste étude bien conduite, dans laquelle on a pu démontrer que les patients à haut risque, ayant présenté un syndrome coronarien aigu, qui n'atteignent pas la valeur cible de cholestérol LDL sous le traitement standard actuel, courent un risque cardiovasculaire moindre s'ils sont traités par alirocumab, un inhibiteur de la PCSK9. Contrairement à la recommandation actuelle, l'objectif était ici d'atteindre un taux de LDL compris entre 25 et 50 mg/dl. Le bénéfice absolu est plus grand chez les patients ayant un taux de LDL initial supérieur à 100 mg/dl. On n'a pas observé d'effets indésirables importants lors d'un suivi moyen de 3 à 5 ans (médiane : 2,8 ans) dans une population de plus de 6 000 patients traités. Seules des réactions locales au site d'injection ont été observées. On admettait que le LDL chute à 15 mg/dl, mais des valeurs systématiquement plus basses ont été évitées en passant au placebo. Ceci contraste avec l'étude FOURIER, dans laquelle aucune limite inférieure n'avait été fixée. Dans cette étude-là, on n'avait pas non plus observé d'effets indésirables manifestes, mais le suivi était un peu plus court (médiane : 2,2 ans). à ce jour, on ne dispose pas de données sur la sécurité à long terme des inhibiteurs de la PCSK9 mais, pour le moment, aucun effet indésirable alarmant n'a été observé.
Comme dans les premières études portant sur l'alirocumab, l'étude ODYSSEY OUTCOMES a également constaté une diminution durable du LDL, quoique légèrement moins prononcée que dans les données initiales. Ceci est dû à l'arrêt prématuré du traitement dans le bras alirocumab, lorsque les valeurs de LDL étaient très basses, comme le prévoyait le protocole de l'étude. On a également noté une légère diminution de l'utilisation des statines au fil du temps, ce qui a également entraîné une légère augmentation du LDL dans le groupe placebo. Comme dans toutes les études portant sur les inhibiteurs de la PCSK9, l'utilisation d'ézétimibe est très limitée, étant donné que l'efficacité cardiovasculaire de l'ajout de l'ézétimibe n'a été publiée qu'après que la plupart des patients avaient été inclus. En cas d'utilisation généralisée d'ézétimibe, la valeur initiale du LDL aurait probablement été globalement inférieure, ce qui aurait réduit le nombre de patients entrant en ligne de compte pour une inclusion. Il est difficile de prédire si ceci aurait influencé l'effet bénéfique des inhibiteurs de la PCSK9 chez les patients présentant un taux de LDL durablement élevé sous ce traitement (statine + ézétimibe).
Tant cette étude que l'étude FOURIER examinent l'effet d'un inhibiteur de la PCSK9 sur les événements cardiovasculaires. Dans les deux études, on observe une amélioration similaire du critère d'évaluation cardiovasculaire composite chez les patients ayant un taux de LDL supérieur à 70 mg/dl, avec une valeur initiale d'environ 90 mg/dl. Cependant, le suivi dans l'étude ODYSSEY OUTCOMES est plus long et la réduction absolue chez les patients ayant un taux de LDL initial > 100 mg/dl est plus importante. Dans cette étude, on a dès lors démontré une diminution de la mortalité totale, mais aucune des deux études n'a été en mesure de démontrer une diminution de la mortalité cardiovasculaire pure.
Conclusion
Les patients ayant présenté un syndrome coronarien aigu courent un risque durablement élevé de nouveaux événements cardiovasculaires. La prise en charge de tous les facteurs de risque cardiovasculaire classiques reste la base, et elle doit de préférence être multidisciplinaire et transmurale. Toutefois, le suivi ultérieur doit être individualisé: le médecin traitant doit évaluer, pour chaque patient, s'il tirera des bénéfices d'une inhibition plaquettaire prolongée, d'une faible dose d'anticoagulants, d'une diminution plus marquée des lipides ou, à long terme, d'un traitement anti-inflammatoire.
L'utilisation de l'alirocumab après un syndrome coronarien aigu chez des patients présentant un taux de cholestérol LDL durablement élevé induit un risque moindre d'événements cardiaques majeurs, sans effets indésirables importants, compte tenu du suivi à long terme limité dont nous disposons pour le moment. Ce qui est nouveau, c'est qu'on visait un taux de cholestérol LDL de 25-50 mg/dl, étant donné la puissance d'action des inhibiteurs de la PCSK9. Il semble donc que l'adage 'the lower the better' soit à nouveau confirmé, ce qui - à terme - pourrait entraîner un changement dans notre pratique clinique. étant donné le coût élevé de ces anticorps monoclonaux et les critères de remboursement actuels, il faut bien sûr savoir quels types de patients à haut risque bénéficieront le plus de ce traitement.
Références
- Schwartz, G.G., Steg, P.G., Szarek, M., Bhatt, D.L., Bittner, V.A., Diaz, R., et al. Alirocumab and Cardiovascular Outcomes after Acute Coronary Syndrome. N Engl J Med, 2018, 379 (22), 2097-2107
- Cannon, C.P., Blazing, M.A., Giugliano, R.P., McCagg, A., White, J.A., Theroux, P., et al. Ezetimibe Added to Statin Therapy after Acute Coronary Syndromes. N Engl J Med, 2015, 372 (25), 2387-2397.
- Sabatine, M.S., Giugliano, R.P., Wiviott, S.D., Raal, F.J., Blom, D.J., Robinson, J., et al. Efficacy and safety of evolocumab in reducing lipids and cardiovascular events. N Engl J Med, 2015, 372 (16), 1500-1509.
- Robinson, J.G., Farnier, M., Krempf, M., Bergeron, J., Luc, G., Averna, M., et al. Efficacy and safety of alirocumab in reducing lipids and cardiovascular events. N Engl J Med, 2015, 372 (16), 1489-1499.
- Sabatine, M.S., Giugliano, R.P., Keech, A.C., Honarpour, N., Wiviott, S.D., et al. Evolocumab and Clinical Outcomes in Patients with Cardiovascular Disease. N Engl J Med, 2017, 376 (18), 1713-1722.
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