La deuxième journée du récent congrès annuel de la BeHRA (Belgian Heart Rhythm Association) a débuté par une session axée sur les athlètes. Au cours de la première partie de cette session, Pr Scavée a attiré l'attention des participants sur certains pièges dans l'interprétation de l'électrocardiogramme (ECG) d'un athlète. Dans la deuxième partie, Dr Claessen a discuté de la place du déconditionnement.
Des signaux d'alerte sur les ECG des athlètes ? Pr Dr Christophe Scavée
Les anomalies observées sur un ECG peuvent indiquer une maladie cardiaque sous-jacente avant même que des symptômes ne se manifestent. C'est pourquoi l'examen fait systématiquement partie des programmes de dépistage mis en place pour les sportifs. Cependant, il convient d'être attentif à certains pièges (signaux d'alerte) dans l'interprétation de l'ECG d'un athlète. En raison des entraînements longs et intensifs auxquels se soumettent les sportifs de haut niveau, le coeur subit non seulement des changements fonctionnels et structurels, mais aussi un remodelage électrique. Ceci entraîne des modifications électrocardiographiques (tableau 1) qui pourraient être considérées à tort comme pathologiques (tableau 2) et inversement (premier signal d'alerte).
La bradycardie est une adaptation normale fréquente chez les athlètes (jusqu'à 80 % d'entre eux sont concernés). Une bradycardie sinusale, un rythme jonctionnel ou un bloc AV du deuxième degré de type Mobitz I sont généralement des résultats normaux. Cependant, lorsque les athlètes se plaignent de fatigue, il peut être nécessaire d'exclure une bradycardie fonctionnelle. Cela peut se faire au moyen d'une épreuve d'effort ou parfois même par le biais d'un 'désentraînement' approfondi. Des anomalies telles que des pauses de plus de 3 secondes, un rythme inférieur à 30 bpm et un bloc AV de degré élevé indiquent généralement un dysfonctionnement du noeud sinusal ou du noeud AV (deuxième signal d'alerte).
Chez de nombreux sportifs (jusqu'à 64 %), l'ECG montre des signes d'hypertrophie ventriculaire gauche sur la base de critères de voltage. Il est rare que cette observation soit la seule altération présente sur l'ECG en cas de cardiomyopathie hypertrophique (CMH). Ainsi, l'ECG présente habituellement des écarts supplémentaires, comme l'inversion de l'onde T, la baisse du segment ST, une anomalie de l'axe gauche et des signes de dilatation de l'oreillette gauche. Il est donc conseillé d'utiliser des systèmes d'évaluation supplémentaires en plus des critères de voltage (troisième signal d'alerte).
Enfin, il faut être attentif aux ondes Q pathologiques (quatrième signal d'alerte) et aux inversions de l'onde T (cinquième signal d'alerte). Un rapport Q/R ≥ 0,25 ou une onde Q d'une durée supérieure à 40 ms dans au moins 2 dérivations peut indiquer une cardiomyopathie sous-jacente comme une CMH, une CVDA (cardiomyopathie ventriculaire droite arythmogène), une ischémie subie précédemment ou des affections infiltratives. Les inversions de l'onde T constituent un marqueur pour une cardiomyopathie sous-jacente, principalement dans les dérivations latérales et/ou inférieures de l'ECG. Au niveau des dérivations antérieures, il s'agit habituellement d'un changement normal chez les jeunes sportifs (< 16 ans) et chez les athlètes noirs.
Quand faut-il recommander un déconditionnement ? Dr Guido Claessen
Quelle place pourrait-on réserver au déconditionnement, alors que chacun sait qu'une mauvaise condition physique est davantage un facteur de risque de mort subite que le tabagisme, l'obésité et l'hypertension artérielle ? Le coeur d'un athlète subit des changements (expansion des cavités, épaississement du muscle, ralentissement du rythme cardiaque) pour augmenter le débit cardiaque et ainsi améliorer ses performances. Il est parfois difficile de faire la distinction entre ces ajustements physiologiques et des changements pathologiques, surtout en présence de symptômes qui peuvent être très atypiques. Le 'désentraînement' peut être utilisé comme outil de diagnostic (habituellement pendant 6 semaines à 3 mois) ou dans le cadre du traitement permanent d'un athlète. Cette approche peut être illustrée dans différents scénarios cliniques.
Dans la situation la plus courante, le désentraînement est utilisé en présence d'une ectopie ventriculaire. Le désentraînement peut en réduire considérablement le nombre, ce qui indique le plus souvent une entité bénigne1-2. Le plus souvent, cet effet se poursuit lorsque l'entraînement reprend3.
Un certain degré d'hypertrophie ventriculaire gauche n'est pas rare chez les athlètes. Bien qu'il s'agisse généralement d'un phénomène bénin, il peut être difficile de le différencier d'une cardiomyopathie hypertrophique (CMH). Le désentraînement peut aider à faire la distinction entre une adaptation normale et une CMH. à ce jour, il n'existe que peu d'études sur l'opportunité du sport et sur l'effet éventuel du déconditionnement chez les patients atteints d'une CMH. Les premières données suggèrent qu'une pratique sportive moyennement intense semble ne pas présenter de danger chez les athlètes atteints de CMH4.
Il existe une deuxième entité qui caractérise un coeur de sportif, à savoir la dilatation du ventricule gauche. Après quelques semaines, le désentraînement provoque une réduction de la masse ventriculaire gauche et une diminution de la cavité ventriculaire droite, mais n'entraîne pas de changement dans la taille du ventricule gauche5. Cet effet semble persister pendant des années6. Le désentraînement n'a donc pas sa place pour différencier la dilatation physiologique de la dilatation pathologique.
En cas de pratique sportive intensive, le ventricule droit subit proportionnellement plus de stress que le ventricule gauche. Ceci peut donner lieu au phénotype d'une cardiomyopathie ventriculaire droite arythmogène (CVDA), surtout lorsque des séances de sport très intenses sont suivies d'une période de récupération trop courte7. Il en résulte un remodelage structurel pathologique du ventricule droit avec développement d'une fibrose interstitielle qui forme un substrat pour les arythmies ventriculaires. Dans ce groupe de patients, la compétition est contre-indiquée parce qu'elle aggrave l'affection et qu'il existe un risque d'arythmies ventriculaires pendant la pratique sportive8. L'effet bénéfique du déconditionnement est même encore supérieur en l'absence de mutation génétique par rapport à une CVDA avec mutation génétique9.
Références
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- Biffi, A., Maron, B.J., Verdile, L. et al. Impact of physical deconditioning on ventricular tachyarrhythmias in trained athletes. J Am Coll Cardiol, 2004, 44 (5), 1053-1058.
- Biffi, A., Maron, B.J., Culasso, F. et al. Patterns of ventricular tachyarrhythmias associated with training, deconditioning and retraining in elite athletes without cardiovascular abnormalities. Am J Cardiol, 2011, 107 (5), 697-703.
- Pelliccia, A., Lemme, E., Maestrini, V. et al. Does Sport Participation Worsen the Clinical Course of Hypertrophic Cardiomyopathy? Clinical Outcome of Hypertrophic Cardiomyopathy in Athletes. Circulation, 2018, 137 (5), 531-533.
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- Pelliccia, A., Maron, B.J., De Luca, R. et al. Remodeling of left ventricular hypertrophy in elite athletes after long-term deconditioning. Circulation, 2002, 105 (8), 944-949.
- Heidbuchel, H., Prior, F.L., La Gerche, A. Ventricular arrhythmias associated with long-term endurance sports: what is the evidence? Br J Sports Med, 2012, 46, Suppl 1: i44-50.
- James, C.A., Bhonsale, A., Tichnell, C. et al. Exercise increases age-related penetrance and arrhythmic risk in arrhythmogenic right ventricular dysplasia/cardiomyopathy-associated desmosomal mutation carriers. J Am Coll Cardiol, 2013, 62 (14), 1290-1297.
- Wang W, Orgeron G, Tichnell C et al. Impact of Exercise Restriction on Arrhythmic Risk Among Patients With Arrhythmogenic Right Ventricular Cardiomyopathy. J Am Heart Assoc, 2018, 7, e008843.
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