Les maladies vasculaires sont la principale cause de morbi-mortalité
Les maladies coronariennes ou les vasculopathies périphériques sont la cause d'un tiers à un quart de tous les décès. Dès lors, avec plus de 15 millions d'événements fatals par an, les affections vasculaires - au sens large - sont de loin la principale cause de mortalité1.
étant donné que les remaniements pathologiques dans les artères augmentent avec l'âge, la proportion de décès d'origine vasculaire grimpera encore, en raison du vieillissement de la population2. Un octogénaire sur 3 à un sur 4 souffre de vasculopathies périphériques et, en tout, plus de 200 millions de personnes sont atteints de cette affection3.
Les maladies vasculaires périphériques et coronaires sont souvent associées
L'athérosclérose est une affection systémique des artères, qui peut se manifester de différentes manières en fonction du lit vasculaire le plus touché. L'atteinte vasculaire qui est à la base des modifications pathologiques peut survenir n'importe où dans le corps. Bien que la maladie clinique se manifeste le plus souvent sous la forme d'une ischémie coronaire, d'une affection cérébrovasculaire ou d'une atteinte des membres inférieurs, il est compréhensible qu'il existe un important chevauchement entre les différentes manifestations d'une même affection.
Le registre REACH a par exemple indiqué qu'un quart des patients souffrant de cardiopathies ischémiques présente également une atteinte dans d'autres territoires vasculaires et, pour les patients souffrant de vasculopathies périphériques, la proportion atteint même deux tiers4. La survenue fréquente d'une atteinte d'autres lits vasculaires est très importante: les patients souffrant de vasculopathies périphériques ne décèdent généralement pas des suites des complications de l'ischémie périphérique, mais bien d'une cardiopathie ischémique ou d'un AVC. En outre, l'incidence d'événements fatals et non fatals augmente parallèlement au nombre de lits vasculaires touchés5 (figures 1A et B).
Athérothrombose: les maladies ou décès cardiovasculaires résultent de la combinaison d'athérosclérose et d'une thrombose aiguë
L'ischémie artérielle aiguë, qu'elle entraîne un infarctus myocardique, un AVC ou une menace pour un membre, est la résultante de deux processus complémentaires. Tout d'abord, il y a le processus de l'athérosclérose, qui est une modification lente et progressive de la paroi vasculaire artérielle en réponse à un stress. Ce stress est provoqué par les facteurs de risque classiques des maladies artérielles, comme des contraintes mécaniques lourdes dues à l'hypertension, des substances toxiques présentes dans la fumée de cigarettes, une hypercholestérolémie et les effets métaboliques négatifs du diabète. Une étude récente confirme également l'importance de l'inflammation chronique, entre autres, et les effets directs - moins bien compris - d'une mobilité réduite. Ces influences néfastes, surtout lorsqu'elles sont combinées, conduisent au développement de plaques athéromateuses avec une paroi encapsulée fine et un noyau enflammé, riche en cholestérol. Ce processus débute très tôt dans la vie, il progresse lentement, au fil des années et des décennies, et se poursuit souvent très longuement de manière asymptomatique, infraclinique.
Le deuxième facteur est la thrombose aiguë, la cause des pathologies ischémiques aiguës qui entraînent directement des manifestations cliniques fatales ou non. Celle-ci se produit lorsque la plaque athéromateuse se rompt, avec comme conséquence la libération de son contenu dans la circulation, ce qui entraîne l'agrégation des plaquettes et l'activation de la coagulation ainsi que la formation d'un thrombus qui bouche complètement la lumière vasculaire déjà rétrécie. Bien que ceci puisse souvent avoir des conséquences fatales, l'impact humain et économique des manifestations non fatales d'une thrombose aiguë est également colossal: invalidité et dépendance suite à des AVC graves, amputations dues à l'ischémie périphérique ou cardiopathies ischémiques avec insuffisance cardiaque en cas d'infarctus myocardiques non fatals.
Cette double affection sous-jacente - la combinaison d'une athérosclérose progressive durant des années et d'une complication thrombotique aiguë - a des conséquences très importantes pour la prise en charge des maladies vasculaires coronaires et périphériques (figure 1C).
La principale conséquence est peut-être qu'un bon contrôle des facteurs de risque connus peut prévenir ou ralentir l'évolution de cette affection et le développement de maladies vasculaires. Dès qu'on constate une maladie vasculaire, quel que soit le lit vasculaire atteint, il est également capital de ralentir au maximum les deux processus. Cela signifie que la prise en charge maximale des facteurs de risque doit être associée à un traitement antithrombotique intensif.
Dans cet article, nous donnerons un bref aperçu des nouvelles évolutions sur le plan du contrôle des facteurs de risque de l'athérosclérose, essentiel pour ralentir l'évolution de la maladie sous-jacente, et des développements sur le plan du traitement antithrombotique, visant à prévenir les complications thrombotiques aiguës.
Le contrôle optimal des facteurs de risque est essentiel pour ralentir l'athérosclérose
Un contrôle adéquat des facteurs de risque cardiovasculaire bien connus est crucial: tant qu'ils ne sont pas contrôlés, le processus athéromateux sous-jacent entretiendra en effet l'atteinte vasculaire. Des études telles que l'étude INTER-HEART démontrent clairement que les différents facteurs de risque se renforcent mutuellement6. Cette interaction entre les facteurs de risque souligne l'importance d'une prise en charge multifactorielle. La détermination du profil de risque cardiovasculaire global et l'établissement d'un plan de contrôle de tous les facteurs de risque modifiables est dès lors à la base du suivi et du traitement de chaque patient souffrant de maladies vasculaires périphériques et/ou coronaires.
Les mesures hygiéno-diététiques: essentielles, mais sous-estimées?
Sur ce plan, un mode de vie sain est central: l'importance d'une abstinence tabagique stricte, suffisamment d'activité physique d'intensité modérée, le contrôle du poids et une alimentation saine sont connus de tout un chacun. Malgré tout, bon nombre de patients en prévention secondaire n'arrivent pas à atteindre ces importants objectifs7. Une bonne connaissance des aides psychosociales et pharmacologiques, la collaboration avec des tabacologues et des diététiciens et l'établissement d'un plan de traitement clair avec des objectifs réalistes et contrôlables, suivis à court terme, peuvent s'avérer utiles. Ici, l'organisation des soins de santé a également un rôle majeur, avec un vaste réseau de première ligne et de prévention, et des mesures qui aident autant que possible à éviter des habitudes néfastes, telles que le tabagisme.
Contrôle pharmacologique: de nouvelles armes pour de vieux ennemis?
Les statines constituent la pierre angulaire du traitement médicamenteux du profil de risque cardiovasculaire. D'innombrables grandes études prouvent en effet que cette classe de produits réduit la morbi-mortalité8. Les résultats des études lors desquelles l'ézétimibe a été ajouté à une statine9, ainsi que - plus récemment - les résultats des études impliquant une forte diminution du LDL grâce aux nouveaux inhibiteurs de la PCSK9 injectables10, confirment l'hypothèse dite 'du LDL', qui affirme qu'il existe une relation proportionnelle entre le taux de LDL et la réduction des nouveaux événements: 'the lower, the better'!
Cette modification se traduit également dans les nouvelles recommandations pour la prévention cardiovasculaire. La 'valeur cible' pour le LDL reste importante, car les patients doivent au moins atteindre cette valeur cible, mais elle n'est plus un objectif ultime: toute baisse additionnelle du LDL qu'on peut obtenir sans effets indésirables importants améliore en effet le pronostic du patient. La statine la plus puissante, administrée à la dose maximale tolérée sans problèmes, représente donc le traitement de base. Les classes de médicaments plus récentes sont une option thérapeutique pour les patients qui, malgré ce traitement de base, gardent un LDL supérieur à 70 mg/dl. étant donné que le remboursement de ces inhibiteurs de la PCSK-9 est actuellement limité en Belgique aux patients souffrant d'hypercholestérolémie familiale, il est important de savoir que cette affection n'est pas si rare, puisque sa prévalence est estimée à 1-2 personnes sur 500. Il faut donc assurément penser à une hypercholestérolémie familiale chez les patients présentant une maladie cardiovasculaire précoce (à un âge jeune), chez ceux qui ont un antécédent familial d'atteinte artérielle prématurée, mais aussi chez les personnes qui gardent un LDL élevé en dépit d'un traitement par une statine puissante11.
Le traitement antihypertenseur est également essentiel pour ralentir la progression de l'atteinte artérielle. Les résultats de l'étude SPRINT prouvent qu'une baisse tensionnelle plus importante chez les patients ayant un profil de risque cardiovasculaire élevé réduit la mortalité cardiovasculaire12. Les recommandations actualisées pour le traitement antihypertenseur soulignent dès lors qu'on peut tendre à une baisse additionnelle de la TA chez les patients jeunes qui tolèrent bien une baisse initiale de la tension artérielle systolique jusqu'en dessous de 130 mmHg. D'après les recommandations, ce traitement doit de préférence comprendre un IEC ou un sartan, et il doit être le plus simple possible, en donnant la préférence aux préparations combinées afin de réduire le nombre de comprimés.
Des notions physiopathologiques récentes relatives à l'importance de l'inflammation dans l'athérosclérose débouchent sur une nouvelle classe de médicaments préventifs. à cet égard, l'étude CANTOS fut une importante étude proof-of-concept, avec un anticorps monoclonal qui agit sur la voie de l'interleukine-113. Chez les patients ayant une CRP élevée, ce traitement entraînait une diminution du nombre de nouveaux problèmes cardiovasculaires. étant donné le coût élevé de cette molécule, l'absence d'effet sur la mortalité, l'administration parentérale et les effets indésirables potentiels, pareil traitement ne pourra pas être utilisé d'emblée à grande échelle chez les patients souffrant de maladies vasculaires périphériques ou coronaires. Toutefois, le succès de ces traitements suggère qu'à terme, on doit encore s'attendre à de nouveaux développements dans le domaine de la prévention secondaire. Le tableau 1 donne un aperçu de l'effet relatif de ces stratégies pharmacologiques préventives. En résumé, une prise en charge multifactorielle et intensive des facteurs de risque cardiovasculaire offre le maximum de chances d'éviter de nouveaux problèmes. Bien que les traitements pharmacologiques jouent un rôle capital sur ce plan, le coût sociétal de traitements innovants chers doit toujours être mis en balance avec les bénéfices d'un recours accru à des stratégies de promotion d'un mode de vie sain.
Le traitement antithrombotique: prévenir les événements aigus
Bien qu'il soit essentiel de freiner la progression de l'athérosclérose pour éviter de plus amples dégâts vasculaires, les patients traités en prévention secondaire présentent déjà une affection sous-jacente à l'origine de symptômes. En outre, il est fréquent que cette athérosclérose touche déjà plusieurs territoires vasculaires. Un traitement antithrombotique intensif, capable de prévenir la survenue aiguë d'une complication thrombotique ischémique, est dès lors le deuxième pilier de la prévention secondaire. L'effet de différentes stratégies antithrombotiques sur les maladies cardiovasculaires et les hémorragies est résumé au tableau 2.
L'acide acétylsalicylique, pierre angulaire
Depuis plusieurs décennies, l'acide acétylsalicylique faiblement dosé constitue la base de ce traitement antithrombotique. Une méta-analyse de plus de 140 études portant sur plus de 73 000 patients souffrant de différentes maladies cardiovasculaires a en effet démontré clairement que le risque d'AVC ischémique, d'infarctus myocardique et de décès d'origine vasculaire diminuait de plus d'un quart grâce à un traitement par acide acétylsalicylique, quel que soit le lit vasculaire touché et le risque cardiovasculaire global des groupes de patients concernés14. L'acide acétylsalicylique est donc la pierre angulaire dans toutes les recommandations pour la prévention secondaire.
Pourtant, en soi, l'acide acétylsalicylique ne peut empêcher que le risque de nouvelles complications reste élevé, surtout chez les patients qui présentent déjà une atteinte athéroscléreuse étendue. Suite au développement de traitements antiagrégants plaquettaires plus récents et plus puissants, couplé à la disponibilité d'anticoagulants oraux, on s'est demandé si un traitement antithrombotique plus intensif ne peut pas assurer une protection encore meilleure. En effet, il faut toujours mettre en balance les bénéfices de l'inhibition de l'activation excessive des plaquettes et de la coagulation avec le risque hémorragique accru dû à l'inhibition de l'hémostase en cas de blessures ou de microsaignements spontanés.
Les inhibiteurs P2Y12: un traitement antiagrégant plaquettaire plus intensif peut-il offrir un bénéfice additionnel?
Le premier groupe thérapeutique étudié est celui des inhibiteurs P2Y12, les inhibiteurs du récepteur plaquettaire de l'ADP tels que le clopidogrel, le prasugrel et le ticagrelor.
Dans l'étude CAPRIE, près de 20 000 patients ayant présenté un AVC, une maladie vasculaire périphérique ou un infarctus myocardique ont été randomisés vers un traitement par acide acétylsalicylique ou par clopidogrel15. Par rapport à l'acide acétylsalicylique, une monothérapie par clopidogrel entraînait une réduction significative, quoique faible, du nombre d'événements: on notait une réduction absolue du risque de 0,5 %. L'analyse de sous-groupes a montré que cette réduction survenait principalement, voire exclusivement dans le groupe de patients souffrant de maladies vasculaires périphériques des membres inférieurs.
étant donné que le bénéfice additionnel du clopidogrel en monothérapie par rapport à l'acide acétylsalicylique n'était pas très net, les études suivantes se sont concentrées sur la combinaison d'acide acétylsalicylique et d'un inhibiteur P2Y12. Ce traitement combiné, ou 'double thérapie antiagrégante plaquettaire' (DAPT), s'est en effet avéré très efficace sur le plan de la réduction de la morbi-mortalité à court terme après un événement coronarien aigu et après une intervention coronaire avec mise en place d'un stent, où la DAPT est dès lors le traitement standard.
Cette stratégie de DAPT a également été étudiée chez les patients souffrant de maladies vasculaires périphériques ou coronaires 'stables', au-delà de la phase aiguë. Cependant, dans l'étude CHARISMA16, on n'a pas remarqué de bénéfice significatif de l'ajout de clopidogrel en plus d'acide acétylsalicylique chez des patients souffrant de maladies vasculaires coronaires, périphériques ou cérébrales, n'ayant pas présenté d'événement ischémique récent.
Lorsqu'il est apparu que le ticagrelor et le prasugrel, des antiagrégants plaquettaires plus récents, étaient plus efficaces que le clopidogrel, en plus d'un traitement par acide acétylsalicylique en cas de syndromes coronariens aigus, l'attention s'est à nouveau portée sur ce traitement combiné chez les patients vasculaires stables. L'étude PEGASUS17 a comparé l'acide acétylsalicylique seul avec l'acide acétylsalicylique associé au ticagrelor chez plus de 20 000 patients, 1 à 3 ans après la survenue d'un infarctus myocardique aigu. Le ticagrelor à une dose de 2 x 60 mg par jour entraînait une réduction absolue de 1,2 % de la mortalité cardiovasculaire, des infarctus myocardiques ou des AVC, au prix d'une augmentation absolue de 1,2 % des hémorragies sévères.
Une sous-analyse de cette étude a montré que le bénéfice le plus important concerne les patients qui souffrent conjointement de maladies coronariennes et de maladies vasculaires périphériques18. Un traitement par ticagrelor seul, au lieu de clopidogrel seul, chez les patients souffrant de vasculopathies périphériques n'offrait à nouveau pas d'avantage additionnel sur le plan des critères d'évaluation ischémiques19.
L'étude TRA2P-TIMI 50, conduite avec le vorapaxar, un puissant antagoniste du récepteur PAR-1, a également démontré que l'ajout d'antiagrégants plaquettaires peut effectivement réduire le nombre d'événements ischémiques chez les patients ayant un antécédent d'infarctus myocardique, avec une réduction absolue de 1,6 %, toutefois sans diminution du nombre d'événements fatals.
Bien que l'effet sur le critère d'évaluation primaire d'AVC, d'infarctus ou de décès cardiovasculaire ne fût pas significativement différent dans le sous-groupe de patients souffrant de vasculopathies périphériques, il est malgré tout apparu que cette inhibition plaquettaire additionnelle entraînait effectivement une diminution importante des nouvelles revascularisations des membres inférieurs. Cependant, c'était à nouveau au prix d'une augmentation aussi importante du nombre d'hémorragies modérées ou sévères20.
Bien que plusieurs études suggèrent donc qu'un traitement antithrombotique plus puissant peut réduire le risque de nouvel événement aigu, le bénéfice net d'une inhibition plaquettaire plus intensive reste incertain. C'est surtout le manque d'effet sur la mortalité cardiovasculaire et/ou le risque d'hémorragies qui font que l'acide acétylsalicylique reste toujours le traitement de base pour la majorité des patients.
Double inhibition: une nouvelle voie?
étant donné l'important risque persistant de nouveaux événements ischémiques aigus chez les patients souffrant d'athérosclérose diffuse, on continue à chercher la protection antithrombotique optimale. Une thrombose aiguë est la résultante de l'activation simultanée des plaquettes et du système de la coagulation. Outre l'intensification des antiagrégants plaquettaires, il est donc possible d'inhiber également le système de la coagulation. De précédentes études avec la warfarine avaient déjà démontré que les anticoagulants oraux sont au moins aussi efficaces que l'acide acétylsalicylique pour prévenir une ischémie. Toutefois, aux doses thérapeutiques, ceci va de pair avec un risque hémorragique accru.
L'utilisation croissante des NOAC (anticoagulants oraux ne dépendant pas de la vitamine K) et l'expérience acquise avec ces produits, qui induisent un risque hémorragique moindre, ont toutefois permis de tester de nouvelles combinaisons. L'hypothèse selon laquelle une très faible dose d'anticoagulant agirait en synergie avec les antiagrégants plaquettaires a tout d'abord été testée chez les patients souffrant d'un syndrome coronarien aigu. Dans l'étude ATLAS-TIMI 51, le rivaroxaban à une dose de 2 x 2,5 mg/jour a été ajouté à la DAPT. En tout, cela représente un quart de la dose thérapeutique utilisée chez les patients souffrant d'une thrombose veineuse ou de fibrillation auriculaire. En outre, cette dose 4 fois plus faible est administrée en 2 prises plutôt qu'une fois par jour, pour obtenir un effet anticoagulant très faible, mais continu.
Chez les patients souffrant d'ischémie cardiaque aiguë, l'effet anticoagulant additionnel associé à l'inhibition plaquettaire puissante entraînait une réduction significative du critère d'évaluation primaire, mais aussi une réduction de la mortalité totale et cardiovasculaire. Comme on pouvait s'y attendre, il y avait une augmentation du nombre de saignements, en l'occurrence 1,2 % d'hémorragies majeures supplémentaires. On ne notait toutefois pas d'augmentation des hémorragies fatales ou intracrâniennes21.
Une stratégie similaire consistant à ajouter une faible dose d'anticoagulant en plus du traitement antiagrégant plaquettaire standard (acide acétylsalicylique) a également été testée dans l'étude COMPASS, chez des patients souffrant de maladies coronaires stables, d'artériopathies périphériques ou de maladies cérébrovasculaires22. Cette vaste étude a été stoppée prématurément, sur avis du comité de sécurité, car une analyse intermédiaire avait démontré qu'il y avait une différence de mortalité inacceptable entre les deux groupes. Au bout d'un suivi moyen de 2 ans, les patients traités par acide acétylsalicylique et rivaroxaban 2,5 mg 2 x/j avaient une diminution de 24 % du risque du critère d'évaluation primaire, et une réduction de 22 % du risque de mortalité cardiovasculaire, comparativement aux patients traités par acide acétylsalicylique en monothérapie. Ici aussi, on constatait une augmentation du nombre de saignements (+ 1,2 %), sans augmentation des hémorragies fatales ou intracrâniennes. Il est important de noter que la réduction absolue du risque était la plus marquée chez les patients souffrant de vasculopathies périphériques, chez qui le risque de problèmes fatals et non fatals était maximal. En outre, l'ajout de rivaroxaban faiblement dosé à l'acide acétylsalicylique diminuait de 50 % le risque d'ischémie périphérique aiguë majeure, d'interventions vasculaires et d'amputations. Le risque d'amputation importante diminuait même de 70 %.
Cette 'double inhibition', soit la combinaison d'une faible dose d'antiagrégant plaquettaire et d'une faible dose d'anticoagulant, permet donc d'offrir une protection encore plus importante contre les événements ischémiques aigus, ce qui se traduit par une importante réduction de la mortalité. Le risque hémorragique additionnel est acceptable, grâce à l'utilisation d'une dose fixe, très faible. La réduction constante des nouveaux problèmes ischémiques et de la mortalité, quel que soient le type d'atteinte vasculaire, le profil de risque sousjacent, l'âge et la fonction rénale, est ici du même ordre de grandeur que les résultats initiaux qui ont fait de l'acide acétylsalicylique la pierre angulaire du traitement, mais dans une population de patients bénéficiant déjà du traitement de prévention secondaire state-of-the-art. En outre, cette nouvelle stratégie thérapeutique offre un avantage notable chez les patients souffrant de maladies vasculaires périphériques, car elle induit une réduction très importante des événements artériels périphériques sévères - y compris des amputations.
La combinaison d'une faible dose de rivaroxaban (2 x 2,5 mg par jour) et d'une faible dose d'acide acétylsalicylique a donc été récemment approuvée par les autorités sanitaires américaines et européennes, pour la prévention d'événements fatals et non fatals chez les patients souffrant de maladies artérielles périphériques, coronaires ou cérébrovasculaires connues. Le remboursement est attendu dans les prochains mois, et cette nouvelle stratégie sera dès lors bientôt disponible en prévention secondaire pour les patients à risque élevé de récidive.
Conclusion: la prévention cardiovasculaire optimale
L'athérosclérose est une affection insidieuse, déjà présente depuis des années au moment de la première manifestation clinique, et qui a déjà souvent touché plusieurs territoires vasculaires. Dès la première constatation d'une affection artérielle symptomatique, qu'il s'agisse d'un infarctus, d'une insuffisance artérielle des membres inférieurs ou d'un AVC, la prévention secondaire optimale est indispensable.
Il est essentiel de dresser systématiquement la carte de tous les facteurs de risque et de modifier radicalement le mode de vie. Il est absolument nécessaire de mieux accompagner les médecins et de proposer des mesures structurées pour les aider sur ce plan. Ici, les autorités, l'éducation, l'industrie alimentaire et l'industrie du tabac ont également un rôle important à jouer.
Outre un mode de vie sain et un contrôle tensionnel strict, une intervention aiguë et énergique sur le cholestérol LDL est un des moyens les plus efficaces en prévention secondaire. Les études plus récentes offrent non seulement de nouvelles options thérapeutiques, mais elles confirment surtout l'hypothèse que le cholestérol LDL a intérêt à être le plus bas possible.
Même lorsqu'on peut freiner ou stopper la progression du développement de nouvelles plaques artérielles, il persiste un risque de complications aiguës dues à l'athérosclérose existante. Un traitement antithrombotique est dès lors essentiel. En soi, l'acide acétylsalicylique entraîne une réduction de l'ischémie et de la mortalité de plus de 25 % par rapport au placebo. Bien que les antiagrégants plaquettaires plus récents associés à l'acide acétylsalicylique constituent la pierre angulaire du traitement aigu des syndromes coronariens aigus, les effets à long terme en cas de pathologies artérielles chroniques ne sont pas uniformément supérieurs à l'acide acétylsalicylique seul. Une stratégie combinant une anticoagulation faiblement dosée au moyen de rivaroxaban 2 x 2,5 mg/j en plus de l'acide acétylsalicylique entraîne bien une nette réduction additionnelle des complications ischémiques non fatales et fatales, et assure en outre une protection inégalée vis-à-vis des complications artérielles périphériques majeures chez ces patients à haut risque. L'approbation récente de ce traitement se traduira très probablement par une adaptation rapide des recommandations internationales.
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