Une reperfusion rapide grâce à la PCI primaire a conduit à une amélioration impressionnante de l'issue clinique de l'infarctus myocardique aigu avec sus-décalage du segment ST (STEMI): la mortalité intrahospitalière est passée de 45 % aux débuts de l'ère CCU1 à moins de 10 %, comme l'ont encore récemment confirmé les résultats du registre SWEDEHEART1, 2.
Grâce au déploiement de salles de cathétérisme interventionnel la Belgique dispose d'un réseau permettant de traiter rapidement l'immense majorité des patients souffrant d'un STEMI aigu au moyen d'une PCI primaire (figure 1).
Le choc cardiogénique, avec hypotension artérielle (< 90 mmHg) et un index cardiaque bas en dépit de pressions de remplissage suffisamment élevées, débouchant sur une défaillance multiorganique, est une importante complication aiguë d'un STEMI aigu. Bien qu'une revascularisation précoce entraîne une importante diminution de la mortalité précoce, le choc cardiogénique reste la principale cause de décès en cas de STEMI aigu, avec une mortalité qui reste voisine des 40-50 %, selon certains registres et essais randomisés récents3.
Environ 5 à 15 % des patients souffrant d'un STEMI présentent un choc cardiogénique dès leur admission, ou le développent pendant leur hospitalisation3. En dépit du développement de réseaux STEMI, de mieux en mieux organisés, qui améliorent globalement l'issue clinique, plusieurs registres récents notent une augmentation progressive de l'incidence du choc cardiogénique4-7. Cette augmentation paradoxale est difficile à expliquer: étant donné qu'il s'agit le plus souvent de registres PCI, il se peut que cette augmentation résulte d'un biais de sélection. Une autre explication est qu'une meilleure organisation des services d'urgences extramuraux entraîne après un arrêt cardiaque brutal présentent souvent une défaillance multiorganique, après la reprise de la circulation, doublés de dommages cardiaques assez étendus qui conduisent au développement d'un choc cardiogénique. Il se peut qu'une augmentation du nombre de survivants à un arrêt cardiaque brutal explique l'augmentation progressive observée de l'incidence du choc cardiogénique (figure 2).
Pour répondre à l'incidence croissante et à la mortalité - toujours élevée - du choc cardiogénique, un récent article de prise de position de l'American Heart Association a plaidé en faveur de l'organisation de centres régionaux spécialisés du choc cardiogénique dans les hôpitaux tertiaires ayant une grande expérience du soutien cardiaque mécanique, tant percutané au moyen de l'ECMO (oxygénation par membrane extracorporelle) ou d'une pompe intraluminale entre le ventricule gauche et l'aorte (Impella®), que via des DAVG implantables (dispositifs d'assistance ventriculaire gauche)8. Ces centres doivent de préférence disposer d'équipes mobiles d'ECMO, capables d'installer et de débuter cette technique thérapeutique en salle de cathétérisme cardiaque, aux urgences, voire de manière extramurale. à l'étranger, il y a des exemples lors desquels ces équipes mobiles quittent le centre tertiaire pour installer une ECMO dans un hôpital périphérique, après une réanimation fructueuse9.
Il semble préférable de regrouper les patients souffrant d'un choc cardiogénique dans de grands centres: une récente analyse conduite aux états-Unis a révélé que la mortalité est la plus faible dans les centres qui traitent chaque année au moins 108 patients souffrant d'un choc cardiogénique, et qui ont plus souvent recours à la revascularisation précoce et au soutien cardiaque mécanique10. Dans les centres cardiaques qui traitent chaque année moins de 28 patients souffrant d'un choc cardiogénique, la mortalité est supérieure de 27 %. Si nous transposons ces observations à la situation belge, cela signifie que la prise en charge et le traitement des patients souffrant d'un choc cardiogénique ont intérêt à être centralisés dans 8 à 10 grands centres cardiaques ayant l'expérience suffisante du soutien cardiaque mécanique, tant au moyen des systèmes percutanés que des systèmes implantés chirurgicalement (figure 3).
Bien que, selon les normes légales, tous les centres cardiaques interventionnels belges possédant un programme de soins B1B2 isolé pour la pathologie cardiaque disposent d'un soutien cardiaque mécanique via un ballon de contre-pulsion intra-aortique (IABP), il ne semble pas opportun de traiter les patients en choc cardiogénique dans ces centres. Avant tout, l'IABP est devenu totalement obsolète pour le traitement du choc cardiogénique, depuis la publication des résultats de l'étude IABP-SHOCK II. Par ailleurs, la plupart de ces centres n'ont pas l'expérience de l'ECMO, et leur volume de PCI primaires est également trop faible pour pouvoir organiser un programme de soutien cardiaque mécanique de qualité (minimum 270 PCI primaires nécessaires par an). Enfin, la mortalité la plus faible, consécutive à un choc cardiogénique, est enregistrée dans les centres capables de renforcer le soutien cardiaque mécanique percutané via l'implantation chirurgicale d'un DAVG, dans l'attente d'une transplantation cardiaque11. Dès lors, il est préférable que le traitement du choc cardiogénique soit organisé dans un vaste réseau hospitalier (provincial?) réalisant de manière optimale 1000 PCI primaires par an, et dans lequel les patients en choc cardiogénique seraient transférés vers un vaste établissement tertiaire central doté d'un programme cardiologique et cardiochirurgical complet, en vue d'un soutien cardiaque mécanique.
Il est toutefois encore beaucoup trop tôt pour envisager la création de réseaux du choc cardiogénique en Belgique: une récente méta-analyse a indiqué que le soutien cardiaque mécanique par ECMO ou pompe Impella a bien un effet bénéfique sur la pression artérielle et le taux de lactates chez les patients victimes d'un infarctus myocardique, en choc cardiogénique, mais pas sur la mortalité12. Le soutien cardiaque mécanique via ces systèmes était associé à une incidence deux fois plus élevée d'hémorragies majeures, comparativement à un traitement classique au moyen d'un IABP. Il est possible que cette augmentation de l'incidence d'hémorragies soit responsable de l'absence d'amélioration de la mortalité.
Ceci est le tout premier éditorial de 2018, la 30e année d'existence du Journal de Cardiologie. à l'occasion de cet anniversaire particulier, le site Web et le lay-out du périodique ont été profondément remaniés. La rédaction remercie ses fidèles lecteurs et annonceurs et souhaite à chacun une bonne santé et beaucoup de bonheur pour cette nouvelle année !
Références
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