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Faut-il réduire le pacing ventriculaire droit à un minimum chez tous les patients porteurs d'un pacemaker?
  • Mathieu Coeman, Jan De Pooter

D'après l'exposé: 'Should we minimize RV pacing in all patients?' du Pr Carsten W. Israel, présenté lors du 11ème Belgian Heart Rhythm Meeting, le 5 octobre 2017 à Bruxelles.

1 L'inconvénient du pacing ventriculaire droit

Jusqu'à présent, le pacing cardiaque constitue le seul traitement efficace pour les patients souffrant de bradycardie due à une maladie du noeud sinusal ou à un bloc auriculo-ventriculaire. Étant donné le vieillissement de la population occidentale, on s'attend à ce que le nombre de patients ayant besoin d'un pacing ne cesse d'augmenter. En dépit des progrès technologiques enregistrés ces dernières décennies, le pacing ventriculaire droit (right ventricular pacing, RVP) apical génère une désynchronisation électrique et mécanique, ce qui - à terme - peut engendrer des problèmes tels qu'insuffisance cardiaque, arythmies et mortalité.

Ainsi, l'étude DAVID (Dual-Chamber and VVI Implantable Defibrillator) a montré un hazard ratio de 1,61 pour un critère d'évaluation composite (délai écoulé jusqu'au décès ou à la première hospitalisation pour insuffisance cardiaque) avec les DCI DDD, comparativement aux DCI VVI chez des patients ayant une fraction d'éjection ventriculaire gauche (FEVG) < 40 %. Dans cette étude, les patients porteurs de DCI DDD étaient stimulés pendant 60 % du temps, contre seulement 1 % dans le groupe VVI. On a noté un décès ou une hospitalisation pour insuffisance cardiaque chez 32 % des patients DDD chez qui il y avait plus de 40 % de RVP, contre seulement 8 % dans le groupe DDD ayant moins de 40 % de RVP. Le critère d'évaluation était donc clairement déterminé par le pourcentage de RVP. Dans une analyse rétrospective de l'étude MOST (Mode Selection Trial), on a constaté que le risque d'hospitalisation pour insuffisance cardiaque et de fibrillation auriculaire augmente significativement avec le pourcentage cumulatif de RVP chez les patients souffrant d'une maladie du noeud sinusal, ayant des complexes QRS étroits et une fonction ventriculaire gauche normale lors de l'implantation. Ces études, ainsi que des sous-analyses des études MADIT II, Danish AAIR/DDR et SAVE-PACE, couplées aux preuves histopathologiques et échocardiographiques en faveur d'un remodelage ventriculaire droit et gauche, constituent la base scientifique justifiant de minimiser le RVP chez les patients porteurs d'un pacemaker1.

2 Programmation d'un intervalle AV allongé

Dans une tentative d'éviter autant que possible le RVP, on a programmé les systèmes DDD avec un long délai AV ou des fonctions d'hystérésis du délai AV. Ce prolongement du délai AV donne la priorité à la conduction AV intrinsèque. Toutefois, le prolongement du délai AV modifie également le comportement upper rate, il peut provoquer des troubles du rythme et compromettre l'hémodynamique normale (perturbations du remplissage ventriculaire gauche, augmentation des pressions auriculaires gauches et insuffisance mitrale diastolique)1, 2.

3 Pacing AAI intermittent avec pacing DDD de back-up

Les algorithmes tels que MVP® ou SafeR® qui fonctionnent en mode AAI(R) pendant la conduction AV spontanée limitent le RVP, sans qu'il soit nécessaire d'allonger l'intervalle AV en cas de blocage de la conduction AV intrinsèque. L'étude MVP (Managed Ventricular Pacing vs VVI-40) n'a toutefois pas montré de bénéfice significatif de l'algorithme MVP®. Une sous-analyse a démontré que les patients ayant un intervalle PR initial non stimulé ≥ 230 ms présentaient significativement plus d'événements (décès et hospitalisation pour insuffisance cardiaque) s'ils étaient randomisés en mode AAI(R)60 vs le mode VVI 40. Dans l'étude PreFER MVP (Prefer for Elective Replacement Managed Ventricular Pacing), le risque de développer une fibrillation auriculaire persistante augmentait de 3,4 fois chez les patients randomisés vers l'algorithme MVP®, ayant un intervalle PR initial > 230 ms. De même, à propos de l'algorithme Safe®, les études randomisées n'ont pu démontrer de bénéfice sur les événements cliniques et la mortalité, bien que les pourcentages de RVP aient été ramenés de 94 à 12 % dans l'étude ANSWER (EvaluAtion of the SafeR mode in patients With a dual chambER pacemaker indication) et à presque 0 % dans l'étude CAN-SAVE R (The CANadian Multi-Centre Randomized Study-Spontaneous AV Conduction pReservation). Ces études laissent supposer que l'autorisation d'un bloc AV du premier degré natif a un prix, même si c'est au détriment d'une diminution du RVP. Une récente méta-analyse a compilé les résultats de 7 études randomisées contrôlées qui ont comparé les dispositifs DDD standard avec des algorithmes qui évitent le pacing ventriculaire. Bien que ces algorithmes allongent la durée de vie des dispositifs, on n'a toutefois pas observé de différences significatives sur le plan de l'incidence de fibrillation auriculaire persistante, d'hospitalisations ou de mortalité3.

4 L'équilibre entre désynchronisation ventriculaire et auriculo-ventriculaire

Les études précédentes indiquent qu'il y a une contradiction entre, d'une part, le fait connu que le RVP entraîne une désynchronisation électrique et mécanique, un remodelage ventriculaire et des résultats cliniques négatifs et, d'autre part, l'absence de bénéfice évident (sur les mêmes paramètres) dans les études randomisées qui minimisent l'utilisation de RVP. Ces observations suggèrent que la survenue d'une fibrillation auriculaire, d'insuffisance cardiaque et de décès est influencée par plusieurs facteurs, et pas uniquement par le RVP en soi.

Un de ces facteurs est l'intervalle AV. Des preuves indiquent en effet qu'un bloc AV du premier degré peut également provoquer une insuffisance cardiaque, suite à un raccourcissement du remplissage diastolique et à une majoration de l'insuffisance mitrale1, 2. Bien que ceci n'ait pas encore été validé dans une étude prospective randomisée, il semble qu'un intervalle PR intrinsèque > 230 ms et un intervalle AV stimulé > 270 ms constituent un point critique où la minimisation du pacing du VD ne compense plus les inconvénients de la désynchronisation AV (figure 1).

5 Pacing auriculaire

Un autre aspect important est la quantité de pacing auriculaire. La prévention du RVP sera assurément utile en cas d'activation auriculaire intrinsèque avec une conduction AV normale. En cas de pacing auriculaire fréquent (émanant typiquement de l'auricule droite), on observe toutefois fréquemment un allongement de la contraction auriculaire et de la conduction AV. De ce fait, on crée pour ainsi dire un bloc AV du premier degré induit par le pacing, qui neutralise l'effet positif du RVP minimal1.

Une solution éventuelle pourrait consister à implanter les électrodes auriculaires à d'autres endroits de l'oreillette. Pour cette raison, le Pr Israel est un fervent partisan du pacing à partir du septum interauriculaire ou du toit de l'oreillette, près de l'insertion du faisceau de Bachmann. Un pacing auriculaire émanant de cet endroit entraîne une conduction plus simultanée, tant de l'oreillette gauche que de l'oreillette droite, et il imite au mieux la conduction AV physiologique. De cette manière, on peut éviter un bloc AV du premier degré induit par le pacing. Les résultats initiaux avec le pacing du faisceau de Bachmann indiquent également un effet bénéfique sur la progression de la fibrillation auriculaire, mais on ne dispose pour le moment pas de vastes études randomisées1, 2.

6 Conclusion

Globalement, nous pouvons affirmer qu'il n'existe pas de stratégie uniforme universelle ('one size fits all') pour la programmation individuelle des pacemakers. Les algorithmes pour un RVP minimal ne donnent pas nécessairement de meilleurs résultats, comparativement au pacing DDD classique, surtout si ceci a lieu au détriment de la synchronisation AV. Le tableau 1 reprend un aperçu des facteurs qui déterminent le choix de minimiser ou non le RVP, en fonction de l'indication clinique de pacing.

Références

  1. Israel, C.W. Pacing-induced heart failure: should we avoid right ventricular pacing or not? Europace, 2017, 19 (2), 165-168. doi:10.1093/europace/euw316.
  2. Vijayaraman, P., Bordachar, P., Ellenbogen, K.A. The Continued Search for Physiological Pacing: Where Are We Now? J Am Coll Cardiol, 2017, 69 (25), 3099-3114. doi:10.1016/j.jacc.2017.05.005.
  3. Shurrab, M., Healey, J.S., Haj-Yahia, S., Kaoutskaia, A., Boriani, G., Carrizo, A. et al. Reduction in unnecessary ventricular pacing fails to affect hard clinical outcomes in patients with preserved left ventricular function: a meta-analysis. Europace, 2017, 19 (2), 282-288. doi:10.1093/europace/euw221.

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