Le symposium du BIWAC (Groupe de travail Interdisciplinaire belge de Cardiologie aiguë) s'est tenu le vendredi 10 février 2017, lors du congrès annuel de la Société Belge de Cardiologie, et il était consacré au diagnostic accéléré chez les patients souffrant de douleurs thoraciques aiguës. Quatre sujets ont été présentés.
Le premier sujet, l'organisation des 'Chest Pain Units' ou CPU aux urgences, a été développé par le Prof. Dr Maddalena Lettino, directrice du service de Cardiologie à l'Hôpital Humanitas Research, Milan, IT, et présidente de l'ACCA (Acute Cardiac Care Association).
Les patients souffrant de douleurs thoraciques constituent 20 à 30 % de la population qui se présente aux urgences. Seuls 10 % de ce groupe ont un syndrome coronarien aigu (SCA). Il est nécessaire de poser un diagnostic rapide, d'assurer le triage et le traitement de ces patients, or un service d'urgences surchargé n'est pas toujours l'endroit le plus adapté pour la prise en charge des patients souffrant de douleurs thoraciques. Des analyses rétrospectives ont démontré une mortalité accrue chez les patients souffrant de douleurs thoraciques, chez qui on est passé à côté du diagnostic de SCA, et qui n'ont de ce fait pas été hospitalisés.
Le concept de 'chest pain unit' (CPU) a été lancé pour la première fois aux États- Unis en 1981 et, en 1998, on a fondé la Society of Chest Pain Centers (SCPC), qui a à son tour publié des recommandations pour l'accréditation des CPU.
En Europe, les CPU sont surtout populaires en Allemagne et en Suisse. Une analyse rétrospective effectuée en 2010 à Mayence, en Allemagne, a montré que la survie à 1 an des patients souffrant de douleurs thoraciques est meilleure s'ils sont admis dans une CPU.1
L'ACCA a résumé les recommandations européennes relatives aux CPU dans un article de synthèse qui sera bientôt publié dans le European Heart Journal of Acute Cardiovascular Care. On établit une distinction entre les critères standard pour les petites CPU et les critères avancés pour les CPU plus grandes, plus spécialisées, offrant la présence permanente d'un cardiologue et la possibilité d'une échocardiographie on site. Par ailleurs, on prête également énormément attention à la formation du personnel infirmier spécialisé dans les CPU.
Pour faciliter le triage des patients souffrant de douleurs thoraciques, on peut utiliser des scores de risque clinique. Outre le score GRACE et le score de risque TIMI, il existe également le score HEART (Histoire ECG Age Facteurs de Risque Troponine), qui est simple et qui peut être utilisé pour le triage des patients souffrant de douleurs thoraciques, aux urgences (figure 1). Sur la base du score HEART, les patients souffrant de douleurs thoraciques peuvent être répartis en trois groupes: score 0-3 = risque faible, score 4-6 = risque intermédiaire, score > 6 = risque élevé.2 Comparativement au score GRACE et au score de risque TIMI, le score HEART a une meilleure valeur prédictive, surtout chez les patients à faible risque.3
Dans un deuxième exposé, le Dr Raphael Twerenbold de l'University Hospital de Bâle, Suisse, a défendu l'algorithme 'hs-Troponine 0/1h Rule-Out/Rule-In', qui a été introduit dans les recommandations NSTE-ACS les plus récentes (2015) de la European Society of Cardiology (ESC).
À l'aide du cas d'un patient souffrant d'un syndrome coronarien aigu, l'orateur a expliqué que les dosages de troponine ultrasensible (hs) sont non seulement plus rapides, mais aussi plus précis pour le diagnostic des NSTE-ACS. En outre, il a signalé que la troponine hs constitue un marqueur quantitatif de lésion des cardiomyocytes, qui ne peut jamais être faussement positif.
Dans les recommandations NSTE-ACS de l'ESC, datant de 2011, on a vu apparaître pour la première fois un algorithme hs-Troponine 0/3h 'Rule-Out/Rule-In'. L'exclusion (rule-out) d'un NSTE-ACS est possible chez les patients ne présentant pas de douleurs, si la troponinémie hs est < LSN avec un score GRACE < 140.
Les recommandations NSTE-ACS de l'ESC de 2015 raccourcissent - de 3h à 1h - l'intervalle pour un dosage de contrôle de la troponine hs, sans perte de sensibilité ni de spécificité.
Cet algorithme '0/1h Rule-Out/Rule- In' a été validé dans l'étude APACE (Advantageous Predictors of Acute Coronary Syndrome Evaluation).4, 5 Il s'agit d'une étude prospective multicentrique conduite aux urgences chez 872 patients non sélectionnés, souffrant de douleurs thoraciques aiguës, qui ont été répartis en trois groupes à l'aide de l'algorithme '1 heure' pour la troponine T hs: 'Rule-Out' (60 %), 'Rule-In' (17 %) et 'Observation' (23 %). La valeur prédictive négative (VPN) atteignait 100 % pour 'Rule-Out', la spécificité et la valeur prédictive positive (VPP) pour 'Rule-In' atteignaient 97 % et 84 %, respectivement, et la prévalence d'infarctus myocardique dans le groupe 'Observation' n'était que de 8 %. L'algorithme permet donc non seulement une exclusion (rule-out) en toute sécurité, mais aussi un 'Rule-In' précis dans l'heure suivant l'admission, et ce, chez 77 % des patients non sélectionnés, souffrant de douleurs thoraciques aiguës.
Les valeurs seuils utilisées dans l'étude APACE, à savoir troponine T hs (cTNT) < 12 ng/l et Δ 0-1h < 3 ng/l pour 'Rule- Out' et > 52 ng/l ou Δ 0-1h ≥ 5ng/l pour 'Rule-In' ont également été reprises dans les recommandations NSTE-ACS de l'ESC en 2015 (figure 2).
Le troisième sujet portait sur le triage des patients au service d'urgences de l'hôpital, et il a été présenté par le Dr Alessandro Manara de l'UCL Saint-Luc à Bruxelles. Le triage, qui trouve son origine dans la médecine de catastrophe, a pour but d'offrir un traitement correct aux patients se trouvant aux urgences, et ce, malgré des moyens limités. Un bon triage doit être structuré et non intuitif, facile à communiquer et reproductible. Actuellement, le triage aux urgences est assuré par un(e) infirmier/ère qualifié(e). Il y a cinq niveaux (niveau 1 à 5) pour le triage des patients aux urgences, qui sont bien corrélés avec la mortalité et avec l'utilisation des moyens (figure 3).6
Pour le triage des patients souffrant de douleurs thoraciques, l'ECG seul ne suffit pas. Plusieurs échelles de triage peuvent être utilisées. Certaines, comme l'Australasian Triage Scale (ATS), la Manchester Triage Scale (MTS), l'Emergency Severity Index (ESI), la Canadian Triage and Acuity Scale (CANADA), sont basées sur des données cliniques. L'échelle FRENCH (French Emergency Nurses Classification in Hospital) est davantage basée sur l'ECG. Dans une étude de cohorte rétrospective conduite en Ontario, Canada, il est apparu que l'échelle de triage CANADA ne pouvait prédire la mortalité des patients souffrant d'un NSTE-ACS.7 Une étude conduite à l'UCL Saint-Luc à Bruxelles a comparé les échelles de triage existantes sur le plan de leur précision pour le diagnostic d'un NSTE-ACS, et a pu démontrer que les échelles cliniques ont une meilleure sensibilité que l'échelle FRENCH, basée sur l'ECG, mais que cette dernière avait une spécificité plus élevée pour le diagnostic d'un NSTE-ACS.8 Pour ne pas passer à côté de présentations atypiques d'un SCA, on propose d'utiliser l'expression 'suspicion de SCA' et d'enregistrer immédiatement un ECG en salle de triage, aux urgences, chez ces patients. Un ECG normal chez un patient asymptomatique exclut un SCA grave, engageant le pronostic vital.
Enfin, le Prof. Dr Marc Claeys de l'UZA à Wilrijk, président élu de la SBC, a présenté des données du registre STEMI belge, en rapport avec l'utilisation du service 100 - ambulances (EMS) en cas de STEMI. En Belgique, 70 % des patients enregistrés, souffrant d'un STEMI, sont amenés via l'EMS. Ce groupe présente un profil de risque plus élevé, et donc une mortalité intrahospitalière plus élevée. Il est important de constater que le délai entre le début des symptômes et le diagnostic et, dans une moindre mesure, le délai entre le diagnostic et le gonflement du ballonnet, est plus court lorsque le patient souffrant d'un STEMI est amené via l'EMS (délai médian de 158 minutes sans EMS à 95 minutes avec EMS (du début des symptômes au diagnostic) et de 80 minutes sans EMS à 70 minutes avec EMS (délai du diagnostic au ballonnet). La majorité des patients 'EMS', en l'occurrence 71 %, ont pu être traités dans les 60 minutes (médiane: 40 minutes) et le temps d'ischémie total a également diminué, d'une médiane de 256 minutes sans EMS à 180 minutes avec EMS. Le recours au service 100 - ambulances garantit un traitement de reperfusion plus rapide chez les patients souffrant d'un STEMI.9
Références
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- Six, A.J., Backus, B.E., Kelder, J.C. Chest Pain in the Emergency room : value of the HEART score. Neth Heart J, 2008, 16, 191-196.
- Poldervaart, J.M. et al. Comparison of the GRACE, HEART and TIMI score to predict major adverse cardiac events in chest pain patients at the emergency department. Int J Cardiol, 2017, 227, 656-661.
- Reichlin, T., et al. One Hour Rule-Out and Rule-In of Acute Myocardial Infarction using High-Sensitivity Cardiac Troponine. Arch Intern Med, 2012, 172 (16), 1211-1218.
- Reichlin, T., et al. Prospective validation of a 1-hour algorithm to rule-out and rule-in acute myocardial infarction using a high-sensitivity cardiac troponin T assay. CMAJ, 2015, 187 (8), E243-E252.
- Tanabe, P. et al. Reliability and validity of scores on The Emergency Severity Index version 3. Acad Emerg Med, 2004, 11 (1), 59-65.
- Atzema, C.L., et al. Temporal changes in emergency department triage of patients with acute myocardial infarction and the effect on outcomes. Am Heart J, 2011, 162 (3), 451-459.
- Dechamps, M. et al. Comparison of clinical-based and ECG-based triage of acute chest pain in the Emergency Department. Intern Emerg Med, 2016, [Epub ahead of print].
- Rousseaux, C., Mols, P., Sinnaeve, P.R., Convens, C., Dubois, P., Vranckx, P, Gevaert, S., et al. Mode of admission and its effect on adherence to reperfusion therapy guidelines in Belgian STEMI patients. Eur Heart J Acute Cardiovasc Care, 2016, 5 (5), 461-467.
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