Compte rendu du congrès de la BSC 2017
Introduction
Les diabétiques courent un risque 2 à 4 fois plus élevé de maladies coronariennes, et jusqu'à 60 % des décès survenant dans ce groupe de patients sont dus à des maladies cardiovasculaires. Les antidiabétiques récents ont démontré un effet bénéfique sur des critères d'évaluation cardiovasculaire incontestables. Depuis lors, le monde cardiologique manifeste un regain d'intérêt vis-à-vis du traitement du diabète. Par ailleurs, l'utilité du dépistage d'une maladie coronarienne asymptomatique chez les diabétiques fait l'objet de discussions. Étant donné le nombre sans cesse croissant de diabétiques, ainsi que les coûts exponentiels pour la sécurité sociale, une évaluation critique des preuves à ce sujet s'impose.
C'est la raison pour laquelle le Young Cardiologists' Club a organisé une session consacrée à ce thème, lors du congrès de la 'Belgian Society of Cardiology'.
Lors de la première partie, le Prof. Dr Michel Hermans (UCL/Cliniques universitaires St.-Luc) a donné un aperçu des différents facteurs de risque pour les affections micro- et macrovasculaires. En outre, il a résumé les effets cardiovasculaires des antidiabétiques. Le Prof. Dr Guntram Schernthaner (Medical University Vienna, Autriche) a présenté les recommandations pratiques relatives à l'instauration ou à l'adaptation d'un antidiabétique en pratique cardiologique. Enfin, le Prof. Dr Johan De Sutter (UGent/AZ Maria Middelares Gent) a donné un aperçu des preuves actuelles relatives au dépistage des maladies coronariennes chez les diabétiques asymptomatiques.
Diabète et maladies cardiovasculaires
Une élévation chronique de la glycémie entraîne essentiellement une atteinte microvasculaire: rétinopathie, polyneuropathie et néphropathie diabétiques. On n'a jamais pu démontrer de manière convaincante l'existence d'un lien direct entre l'hyperglycémie chronique et une atteinte macrovasculaire (maladies coronariennes, artériopathies périphériques et maladies cérébrovasculaires), et ceci est uniquement basé sur des données épidémiologiques. En revanche, l'atteinte macrovasculaire est essentiellement provoquée par les facteurs de risque classiques, tels que l'âge, le sexe, l'hypertension artérielle, le tabagisme et une élévation du cholestérol LDL. Par ailleurs, il existe également des facteurs de risque 'cardiométabolique' (surcharge pondérale, syndrome métabolique, insulinorésistance/ hyperinsulinisme, néphropathie chronique et dyslipidémie athérogène). Ces facteurs provoquent d'une part des affections macrovasculaires, et ont d'autre part une influence sur le développement et la sévérité du diabète de type 2. Le lien entre une maladie cardiovasculaire et le diabète de type 2 est donc indirect.
La prévention des complications diabétiques doit donc en premier lieu se concentrer sur une prise en charge multifactorielle des facteurs de risque cardiovasculaire.1, 2
Effet des antidiabétiques sur les critères d'évaluation cardiovasculaire
La metformine est connue depuis des décennies pour son profil cardiovasculaire favorable.
Des études portant sur les inhibiteurs de la DPP4 (SAVOR-TIMI-53; EXAMINE; TECOS) ont prouvé la sécurité cardiovasculaire de cette classe, mais n'ont pas pu démontrer de réduction de l'incidence des atteintes macrovasculaires.
Dans l'étude PROactive, portant sur la pioglitazone (Actos®), on a observé un effet bénéfique sur l'insulinorésistance, la dyslipidémie athérogène et le syndrome métabolique, avec une réduction de l'atteinte macrovasculaire. Étant donné que cette molécule entraîne une rétention d'eau, on a toutefois constaté une incidence accrue d'insuffisance cardiaque dans ce groupe de patients.3
L'empagliflozine (EMPA-REG; Jardiance®), un inhibiteur de la protéine SGLT2 au niveau du tubule proximal du néphron, augmente la glycosurie. Outre un effet bénéfique sur la maladie macrovasculaire, on a observé une diminution presque immédiate du nombre d'hospitalisations pour insuffisance cardiaque.4
Par ailleurs, le liraglutide (LEADER; Victoza®), un analogue du GLP-1, a démontré un effet bénéfique en ce qui concerne les complications macrovasculaires.5 Le semaglutide (SUSTAIN-6) possède également un profil favorable. Dans cette étude, on a toutefois observé une augmentation des cas de rétinopathie diabétique, ce qui constitue peut-être un facteur limitant de cette molécule.6 Il est intrigant de constater que le lixisénatide (ELIXA), un autre analogue du GLP- 1, n'a pu démontrer aucun effet sur les maladies macrovasculaires.7 On ne sait pas clairement si ceci est dû au fait que la molécule est moins puissante, ou si cette différence est due au choix d'un critère d'évaluation combiné moins concret, en l'occurrence une hospitalisation pour angor instable.
Les inhibiteurs du SGLT2 et les analogues du GLP-1 ont toutefois un profil cardiovasculaire différent. Les inhibiteurs du SGLT2 entraînaient une tendance à une augmentation du nombre d'AVC ischémiques, contrairement aux analogues du GLP-1. Le mécanisme sous-jacent n'est pas suffisamment élucidé, mais il repose potentiellement en partie sur une hémoconcentration. En revanche, on a constaté que le liraglutide élève la cystatine C, ce qui rend cette molécule moins adaptée à la population souffrant d'insuffisance cardiaque.
Les antidiabétiques chez les patients souffrant de maladies cardiovasculaires
Lors du choix d'un traitement hypoglycémiant chez des patients souffrant de maladies cardiovasculaires, il faut donner la préférence à des molécules induisant un faible risque d'hypoglycémies. En effet, une hypoglycémie sévère est associée à un risque accru d'événements macrovasculaires et de mortalité.8 Dès lors, il vaut mieux éviter les sulfonylurées, les glinides et l'insuline.
En outre, il faut tenir compte du profil cardiovasculaire des patients. Chez les patients ayant un antécédent d'infarctus myocardique, on a observé un effet bénéfique sur les complications macrovasculaires avec la pioglitazone, le liraglutide, le semaglutide et l'empagliflozine.
Étant donné qu'un traitement par pioglitazone a été associé à une incidence plus élevée d'hospitalisations pour insuffisance cardiaque et que le liraglutide élève la cystatine C, ces molécules sont moins indiquées lorsqu'il y a un tableau clinique d'insuffisance cardiaque.
Il faut prêter une attention particulière aux patients souffrant d'une néphropathie chronique, étant donné que leur risque de maladies cardiovasculaires est maximal. En outre, la plupart des antidiabétiques ne peuvent être utilisés, ou il faut en réduire la dose en cas de diminution de la filtration glomérulaire (GFR). Chez les patients en hémodialyse, on ne peut utiliser que l'insuline, la sitagliptine, la linagliptine, la pioglitazone et le repaglinide.9 Actuellement, il n'y a aucune place pour l'empagliflozine si la GFR est < 60 ml/', en dépit de l'observation d'un effet rénoprotecteur à long terme, après une diminution initiale limitée de la GFR.
Enfin, avec l'empagliflozine, on a observé une tendance (non significative) à une augmentation du nombre d'AVC. De ce fait, en cas d'antécédent d'AVC, on peut donner la préférence à la pioglitazone, qui a démontré une réduction du nombre d'AVC. Dans l'étude LEADER, le liraglutide a également montré une tendance - il est vrai non significative - à une diminution du nombre d'AVC.
Dépistage d'une maladie coronarienne asymptomatique chez les diabétiques
Tant les recommandations américaines qu'européennes donnent peu de directives concrètes, et se ciblent essentiellement sur les patients à haut risque (ESC guidelines 2013 et American Diabetes Association).10, 11
Tant les tests fonctionnels (cyclo-ergométrie avec ou sans imagerie nucléaire ou échocardiographie de stress à la dobutamine) que les tests anatomiques (score calcique ou CT-coronarographie) peuvent révéler des anomalies chez 8 % (cyclo-mibi) à 25 % (cyclo-ergométrie) des patients. La signification de ces anomalies n'est toutefois pas claire. Dans cette population, un test négatif ne diminue le risque de maladie coronarienne que durant 2-3 ans (SPECT) ou 5 ans (score calcique bas). La 'validité' d'un test négatif est donc sensiblement moindre que dans la population générale.
La présence d'anomalies et la sévérité croissante des anomalies observées sont toutefois prédictives, à terme, de maladies cardiovasculaires. Il faut se demander si une intervention sur ces anomalies coronaires réduit effectivement les maladies cardiovasculaires. Ici aussi, les études se sont jusqu'à présent toutes révélées décevantes, et une revascularisation n'a pas encore pu apporter de valeur ajoutée.
Ces données ont été résumées dans une revue systématique. Les auteurs ont conclu qu'il n'y a pour le moment aucun avantage à rechercher la présence d'une maladie coronarienne asymptomatique chez les diabétiques. Si la maladie est asymptomatique, le nombre de patients chez qui des tests non invasifs diagnostiqueront une atteinte coronarienne importante, et qui subiront dès lors une revascularisation, est limité. En outre, la plus-value clinique de la revascularisation en cas de maladie coronarienne asymptomatique est faible. Étant donné tous ces éléments, la rentabilité d'un tel dépistage n'est actuellement pas encore démontrée.
Conclusion générale
Nous pouvons conclure qu'une prise en charge multifactorielle est nécessaire pour la prévention de la mortalité cardiovasculaire chez les diabétiques. Il est essentiel de corriger tous les facteurs de risque, afin de prévenir toutes les complications, tant micro- que macrovasculaires. Chez les diabétiques souffrant d'une maladie coronarienne, il faut donner la préférence à un inhibiteur du SGLT2 en cas d'insuffisance cardiaque, ou à un agoniste des récepteurs du GLP-1 en cas de maladie athéroscléreuse, en cas de résultat insuffisant avec un traitement par metformine. En fonction du profil de risque, le dépistage des diabétiques asymptomatiques peut souvent révéler des anomalies aux tests fonctionnels ou anatomiques. Jusqu'à présent, aucun test non invasif n'a pu apporter de plus-value pour allonger la survie ou réduire le nombre d'événements cardiovasculaires. Dès lors, l'indication d'une recherche de maladies coronariennes dans cette population de patients doit être déterminée sur une base individuelle.
Références
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