Le syndrome de platypnée-orthodéoxie est une entité clinique rare qui doit faire partie du diagnostic différentiel d'une dyspnée position-dépendante et d'une hypoxémie réfractaire. Nous présentons le cas clinique d'une patiente opérée d'un kyste péricardique compliqué d'une hypoxie sévère et réfractaire en post-opératoire.
Cas clinique
Nous rendons compte du cas clinique d'une femme âgée de 71 ans prise en charge par le service de Pneumologie de notre institution pour une dyspnée d'apparition progressive, s'aggravant au moindre effort et sans douleur thoracique associée. Au cours du bilan, la radiographie thoracique avec Sniff test réalisée évoque une réduction de la mobilité de la coupole diaphragmatique droite lors des mouvements d'inspiration et d'expiration profonde (figure 1). Les valeurs spirométriques de l'épreuve fonctionnelle respiratoire (EFR) sont normales (tableau 1) et un CT scanner thoracique révèle une lésion basi-thoracique qui a des dimensions maximale de 12,5 cm x 5 cm x 5,7 cm, associée à une surélévation de la coupole diaphragmatique (figure 2). Cette lésion de contenu liquidien n'a pas d'activité glycolytique au Pet-scan. À l'oxymétrie nocturne la patiente présente une hypoxémie inférieure à 90 % durant 1 heure et 52 minutes. Le bilan sera complété par une bronchoscopie qui s'avère normale et d'une évaluation cardiologique classique. L'électrocardiogramme (ECG) montre des signes d'hypertrophie ventriculaire gauche modérée et l'échographie cardiaque transthoracique montre une fonction systolique du ventricule gauche normale avec une cinétique homogène, aucun signe d'hypertension artérielle pulmonaire et une veine cave inférieure non dilatée avec un collapsus inspiratoire. Les pneumologues concluent à la présence d'une parésie diaphragmatique droite associée à un énorme kyste péricardique de 12 cm situé au niveau de la base pulmonaire droite (figure 2) expliquant la dyspnée.
La patiente est prise en charge par l'équipe de chirurgie cardio-vasculaire et thoracique. Une résection complète du kyste est réalisée par thoracotomie latérale droite (7ème espace intercostal). Le collet péricardique du kyste une fois identifié sera ligaturé. Les suites postopératoires immédiates ont été marquées par l'apparition d'une hypoxie réfractaire sévère avec majoration de la dyspnée nécessitant un séjour prolongé en soins intensifs.
Les hypothèses d'embolie pulmonaire, de contusion pulmonaire per opératoire, d'atélectasie et de surinfection bronchique à l'origine de l'hypoxémie réfractaire sont toutes rapidement exclues. L'équipe des soins intensifs se rend compte que la position de décubitus latéral gauche est salvatrice contrairement à la position assise. Des épisodes de saturation à 100% en décubitus dorsal gauche avec désaturation à 80 % en position assise nous permettent alors d'évoquer le syndrome de platypnée-orthodéoxie. Une échographie transoesophagienne (figure 3) et un cathétérisme cardiaque droit sont réalisées permettant de découvrir un foramen ovale perméable sans signe d'HTAP. La kystectomie péricardique a probablement été responsable d'un changement de conformation médiastinale qui a entraîné la mise en regard de la veine cave inférieure et du foramen ovale (figure 4), avec pour conséquence la création d'un véritable shunt droite-gauche positionnel. Une autre explication peut être la réouverture du foramen ovale après modification anatomique intra-thoracique.
La patiente a été transférée ensuite dans un centre hospitalier universitaire où le foramen ovale a été occlus grâce à la mise en place d'une ombrelle de 25 mm. La saturation en oxygène et la respiration se sont immédiatement améliorées après cette intervention.
Discussion
Le syndrome de platypnée-orthodéoxie est l'association d'une dyspnée et d'une désaturation artérielle s'aggravant en position assise ou en orthostatisme et s'améliorant parfois de façon spectaculaire en décubitus dorsal. Il correspond à la présence d'un shunt droit-gauche intracardiaque (sans élévation des pressions pulmonaires) qui occasionne une hypoxémie posturale. L'orthodéoxie se traduit par une chute de la saturation en oxygène en orthostatisme de plus de 4%.1
Cette entité rare et méconnue a été décrite par Burchell en 1949, bien que la notion de platypnée-orthodéoxie n'a été utilisé que 20 ans plus tard.1 Ce shunt est le plus souvent en relation avec une communication inter-auriculaire de type foramen ovale persistant, et peut apparaître en dehors d'une élévation des pressions pulmonaires.2 Plusieurs autres situations pathologiques peuvent être associées au développement d'un syndrome de platypnée-orthodéoxie (tableau 2).2
Le foramen ovale persistant est une anomalie fréquente de la cloison interauriculaire, entraînant une communication entre les deux oreillettes, avec un shunt le plus souvent gauche-droit, du fait que la pression est plus élevée dans l'oreillette gauche que la droite. Il est présent dans 20-30 % de la population et le plus souvent asymptomatique, ne nécessitant aucun traitement. Dans certaines circonstances, il devient problématique car il peut être à l'origine d'embolies paradoxales, peut participer à la genèse des migraines avec aura et parfois peut aussi occasionner un syndrome de platypnéeorthodéoxie.4, 5
La physiopathologie est complexe étant donné l'influence de la position du patient sur la configuration anatomique du septum interauriculaire avec réorientation du flux de la veine cave vers le foramen ovale perméable. Ce flux survient en l'absence de gradient de pression dynamique mesurable.6 De nos jours, les mécanismes physiopathologiques responsables d'un shunt droit-gauche sans HTAP sont encore mal élucidés et sont sujet à controverse. Des modifications de la conformation anatomique médiastinale et/ou auriculaire peuvent être à l'origine du changement de direction du retour veineux.1, 2, 5
Cependant deux composantes doivent coexister pour provoquer le syndrome de platypnée-orthodéoxie: une prédisposition anatomique avec une forme de communication inter auriculaire et une composante fonctionnelle qui occasionne la déformation de la cloison interatriale et réoriente le flux de la veine cave.10 Dans notre cas, l'exérèse du kyste péricardique aura probablement occasionné un remaniement anatomique de l'auricule droit, entrainant la mise en regard du flux sanguin de la veine cave inférieure vers le foramen ovale, ou bien forcer la réouverture du foramen ovale par le même mécanisme.
La clinique est marquée par l'apparition d'une hypoxémie réfractaire particulière avec une dyspnée qui s'améliore en décubitus dorsal (dyspnée positionnelle).
La mise à point diagnostique doit comprendre une oxymétrie de pouls montrant la faible efficacité d'une hyper oxygénation (test d'hyperoxie), une échographie cardiaque de contraste (avec microbulles), effectuée en position assise et couchée (Tilt Test) et un cathétérisme cardiaque. L'échographie cardiaque transoesophagienne est considérée comme plus performante et contributive que la technique trans-thoracique.2, 7, 8
D'un point de vue thérapeutique, deux types de traitement sont possibles: l'abord chirurgical et l'approche percutanée avec mise en place d'un dispositif de fermeture du foramen ovale (ombrelle). Celuici est moins invasif que la chirurgie et ne présente que très peu de complications tout en garantissant une fermeture complète et durable du shunt droite-gauche (fermeture dans 97 % des cas). Les complications sont rares et les résultats durables.9
Conclusions
En conclusion, le syndrome de platypnée- orthodéoxie est une entité clinique rare qui doit faire partie du diagnostic différentiel d'une dyspnée positionnelle et d'une hypoxémie réfractaire. Le diagnostic définitif comprend au moins une échocardiographie de contraste (transthoracique ou mieux transoesophagienne) qui confirme le shunt droite-gauche et permet de localiser le siège. Le traitement consiste en la fermeture, soit chirurgicale, soit par voie percutanée de la communication interauriculaire. L'amélioration de la clinique après fermeture est souvent spectaculaire. La seule contre-indication opératoire reste la présence d'une HTAP chronique (PAP > 50-70 % de la pression intra-auriculaire).
Références
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