L'année 2015 a apporté comme attendu son lot de nouveautés et, si le domaine du syndrome coronaire aigu (SCA) et de la cardiologie interventionnelle en général apparaît en phase de maturité il n'en est pas moins vrai que cette année a vu des avancées importantes, notamment en termes d'indication et de remises en questions de certaines pratiques. La poursuite des travaux sur la stratégie de revascularisation optimale du patient pluritronculaire, les traitements du péri-infarctus font également partie des nouveautés de cette année.
BACC: vers de nouvelles règles d'utilisation de la troponine ultrasensible pour le diagnostic d'infarctus!
L'étude BACC (Biomarkers in Acute Cardiovascular Care) évalue un algorithme rapide de prise en charge du SCA utilisant la troponine I (hsTnI) ultrasensible (STAT hsTnI; Abbott Diagnostics). Le dosage de la troponine est une étape fondamentale dans l'algorithme aux urgences chez les patients avec suspicion de SCA. Les recommandations ESC actuelles sont fondées sur l'évolution du taux de troponine cardiaque mesurés à 3 heures d'intervalle. L'étude BACC1 évalue deux paramètres importants qui sont le seuil de la première mesure et l'évolution précoce du taux de troponine dans cet algorithme:
- la première innovation concerne le seuil retenu de détection de la souffrance myocardique du premier dosage de la hsTnI qui est très bas (6 ng/l) par rapport au seuil plus élevé de 27 ng/l habituellement utilisé (99ème percentile d'une population saine);
- la seconde spécificité concerne le délai entre les deux dosages qui est raccourci à seulement 1 heure. Le dosage concomitant de la copeptine accroît la valeur prédictive de la troponine.
Abord radial
L'étude MATRIX, publiée dans The Lancet cette année, ajoute de nouvelles preuves confirmant la supériorité de la voie radiale comparée à la voie fémorale.2 Dans cette étude, 8 404 patients pris en charge pour un SCA ont été randomisés entre les deux stratégies. La voie radiale était associée à une diminution significative de 17 % des événements cliniques nets indésirables. Cette diminution était essentiellement liée à une réduction de 1/3 des hémorragies BARC majeures, mais aussi à une réduction de 28 % de la mortalité globale.
Angioplastie uniquement de l'artère coupable ou de toutes les lésions hémodynamiquement significatives dans le STEMI?
Environ 40 % des patients pris en charge par angioplastie primaire ont une atteinte pluritronculaire. Les recommandations américaines et européennes sont en faveur d'une stratégie d'angioplastie limitée à la lésion coupable en phase aiguë. Des études récentes PRAMI et CULPRIT suggèrent un bénéfice d'une revascularisation complète avec comme arguments principaux:
- une limitation de la taille de l'infarctus et de la zone péri-infarctus par amélioration des flux collatéraux;
- une réduction de l'ischémie des segments non-liée à l'artère coupable qui serait un facteur majeur de la genèse des événements cardiovasculaires majeurs post-IDM;
- une réduction de la durée d'hospitalisation mais également les explorations à la recherche d'ischémie post-SCA.
L'étude DANAMI 3-PRIMULTI a testé une stratégie légèrement différente, chez le patient pluritronculaire traité avec succès sur l'artère coupable en phase aiguë d'infarctus, en randomisant le recours ou non à une angioplastie programmée guidée par FFR des artères non coupables (angioplastie de l'artère coupable uniquement vs revascularisation complète guidée par la FFR au 2ème jour).3 627 patients, âgés de 64 ans et pris en charge majoritairement pour un infarctus inférieur, ont été randomisés. L'allongement de la durée de procédure était de 34 minutes, en moyenne 2 artères étaient traitées et 2 fois plus de stents utilisés en cas de revascularisation complète. Le critère de jugement primaire (décès, infarctus et revascularisation des artères non coupables) était significativement réduit à 36 mois en cas de revascularisation complète (HR: 0,56 [0,38-0,83]; p = 0,004), essentiellement du fait d'une réduction des nouvelles revascularisations (HR: 0,31 [0,18-0,53]; p < 0,001), dont celles effectuées en urgence (6 % vs 2 %; p = 0,03) (figure 1).
La thromboaspiration systématique n'est plus recommandée en phase aiguë d'infarctus!
Le débat sur l'utilisation systématique de la thromboaspiration lors de l'angioplastie primaire semble définitivement tranché avec la présentation de la large étude randomisée TOTAL.4 10 700 patients pris en charge par angioplastie primaire dans les 12 heures du début des symptômes ont été randomisés pour l'utilisation de la thromboaspiration. En moyenne âgés de 61 ans, 40 % des patients présentaient un infarctus antérieur.
L'utilisation de la thromboaspiration allongeait la durée de procédure (4 minutes) et augmentait le recours au direct stenting (38,3 % vs 21,3 %; p < 0,001). Le taux de flux TIMI 3 était identique dans les 2 groupes (93,1 %) avec cependant moins d'embolisation distale (1,6 % vs 3,0 %; p < 0,001) et de non-résolution du segment ST (27,0 % vs 30,2%; p < 0,001) dans le groupe thromboaspiration. Aucune différence n'était observée pour le critère de jugement clinique (mortalité cardiovasculaire, infarctus, AVC ou choc cardiogénique) à 6 mois: 6,9 % vs 7,0 % (p = 0,86). Le taux d'AVC était doublé dans le groupe thromboaspiration (figure 2).
Résultat décevant de l'antialdostérone à la phase précoce du SCA
L'étude ALBATROSS5 évalue l'effet d'un traitement précoce par anti-aldostérone au décours d'un syndrome coronarien aigu (STEMI/NSTEMI) sans insuffisance cardiaque. Plus de 1 600 patients dans les 72 heures post-SCA ont été randomisés en ouvert entre adjonction d'aldostérone (IV puis per os) ou traitement conventionnel. Le critère principal à 6 mois inclut lamortalité toutes causes, l'arrêt cardiaque ressuscité, les troubles du rythme ventriculaire, la survenue d'insuffisance cardiaque.
Cette étude ne montre pas d'amélioration du pronostic chez ces patients (11,8 % vs 12,2 %; HR = 0,97 [0,73- 1,28]; p = 0,81). Par ailleurs, il y a significativement plus d'hyperkaliémie (> 5,5 mmol/l) sous anti-aldostérone (3 % vs 0,2 %; p < 0,0001) (figure 3).
La cyclosporine ne réduit pas la taille d'infarctus dans le STEMI
Une grande déception vient de l'étude française CIRCUS6 dont le rationnel est la réduction des lésions myocardiques liées à la reperfusion lors d'un infarctus du myocarde (STEMI). Cette étude a pour objectif d'évaluer l'impact d'un bolus intraveineux de ciclosporine versus placebo avant angioplastie chez des patients admis pour un STEMI antérieur dans les 12 premières heures. Cette étude ne démontre pas d'amélioration sur le critère principal. Dans cet essai, 395 patients ont été inclus dans le bras ciclosporine et 396 dans le bras placebo. Le critère principal est un critère composite à un an associant la mortalité toutes causes, la réhospitalisation pour insuffisance cardiaque, l'aggravation de l'insuffisance cardiaque pendant l'hospitalisation initiale, et le remodelage myocardique pathologique (augmentation de 15 % ou plus du volume télédiastolique ventriculaire gauche). Le taux d'événements est similaire dans les deux groupes (59 % vs 58,1 %; HR = 1,04 [0,78-1,39]; p = 0,77).
Durée de la double agrégation plaquettaire, toujours en débat
Après les résultats de l'étude DAPT et de PEGASUS, la durée de la double antiagrégation plaquettaire (DAPT) reste controversée. Les résultats de l'étude OPTIDUAL7 étaient donc attendus dans ce contexte. Le but de l'étude est de comparer une durée de double antiagrégation plaquettaire (aspirine et clopidogrel) classique de 12 mois à une durée prolongée de 36 mois supplémentaires chez des patients après angioplastie. Cette étude multicentrique française a inclus 1 385 patients ayant bénéficié d'une angioplastie avec au moins un stent actif (35 % de stents de première génération) le plus souvent dans le cadre d'une maladie coronarienne stable (un tiers de SCA).
Sur un critère principal composite net (décès toutes causes, infarctus du myocarde, AVC, saignement majeur), il n'y a pas de différence significative entre les deux groupes (7,5% en monothérapie vs 5,8 % en DAPT; p = 0,17). Le taux de mortalité est respectivement de 3,5 % vs 2,3 % (p = 0,18). Le taux de thrombose de stent (0,4 % vs 0,3 %; p = ns) et le taux de saignement majeur (2 % vs 2 %; p = 0,95) dans cette étude sont similaires dans les deux groupes et très bas. Sur un critère ischémique post-hoc (décès, infarctus, AVC), la différence est à la limite de la significativité (6,4 % vs 4,2 %; HR = 0,64 [0,40-1,02); p = 0,06) (figure 4).
Les nouvelles recommandations de l'ESC sur le STEMI persiste sur une durée de DAPT de 12 mois avec au cas par cas la possibilité de raccourcir cette DAPT à 3-6 mois chez les patients à haut risque de saignement (grade IIB, niveau d'évidence A) ou de prolonger au-delà après réévaluation du risque hémorragique et ischémique du patient (grade IIB, niveau d'évidence A).
MATRIX: bivalirudine en traitement court versus prolongé dans l'angioplastie du SCA
L'utilisation de la bivalirudine dans le SCA, notamment pour réduire le risque hémorragique, reste un sujet de discorde en raison d'une augmentation du taux de thrombose aiguë de stent. Un arrêt trop précoce de l'infusion de bivalirudine après angioplastie pourrait expliquer ces thromboses aiguës. L'étude européenne MATRIX2 a inclus et randomisé 7213 patients entre un bras héparine ± anti-GPIIbIIIa (n = 3 603), un bras bivalirudine pendant l'angioplastie uniquement (n = 1811), un bras avec prolongation de la perfusion de bivalirudine pendant 4 heures après l'angioplastie (n = 1799). Le taux d'événements à 30 jours (décès, IDM, AVC, thrombose de stent, revascularisation urgente et saignements) est similaire dans les deux groupes bivalirudine que la perfusion soit prolongée ou non (11,0 % vs 11,9 %; HR = 0,91; p = 0,34). Lorsqu'on compare les bras bivalirudine au bras héparine, il n'y a pas de différence sur le critère principal à 30 jours, respectivement (11,2 % vs 12,4 %; RR = 0,89 [0,78-1,03]; p = 0,12). La bivalirudine est associée à une réduction des événements hémorragiques (1,4 % vs 2,5 %; RR = 0,55 [0,39-0,78]; p < 0,001) et une réduction de la mortalité toutes causes (1,7% vs 2,3%; RR = 0,71 [0,51-0,99]; p = 0,04) (tableau 1).
Références
- Roffi, M., Patrono, C., Collet, J.P. et al. 2015 ESC guidelines for the management of acute coronary syndromes in patients presenting without persistent ST-segment elevation. Eur Heart J, 2016, 37 (3), 267-315.
- Valgimigli, M., Gagnor, A., Calabró, P. et al. Radial versus femoral access in patients with acute coronary syndromes undergoing invasive management: a randomized multicentre trial. Lancet, 2015, 385, 2465-2476.
- Engstrom, T., Kelbaek, H., Helqvist, S. et al. Complete revascularisation versus treatment of the culprit lesion only in patientswith ST-segment elevationmyocardial infarction and multivessel disease (DANAMI-3-PRIMULTI): an open-label, randomised controlled trial. Lancet, 2015; 386, 665-671
- Jolly, S.S., Cairns, J.A., Yusuf, S. et al. Randomized trial of primary PCIwith orwithout routinemanual thrombectomy. N Engl J Med, 2015, 372, 1389-1398.
- Beygui, F., Cayla, G., Roule, V. et al. Aldosterone lethal effects blockade in acute myocardial infarction treated with or without reperfusion to improve outcome and survival at six months follow-up. Hotline ESC 2015.
- Cung, T.T., Morel, O., Cayla, G. et al. Cyclosporine before PCI in patients with acute myocardial infarction. NEJM, 2015, 373, 1021-1031.
- Helft, G., Le Feuvre, C., Georges, J.L. et al. Efficacy and safety of 12 versus 48 months of dual antiplatelet therapy after implantation of a drug-eluting stent: The OPTIDUAL trial. Eur Heart J, 2015 [Epub ahead of print].
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