L'évaluation des patients présentant de nouveaux symptômes suspects d'angor constitue une part importante des activités d'un cardiologue général. Parmi les nombreux patients examinés, seule une petite proportion présente une maladie coronarienne obstructive nécessitant une intervention coronaire ou une chirurgie.
Les nouvelles recommandations de la Société européenne de Cardiologie (ESC)1 pour la prise en charge des syndromes coronariens chroniques mettent l'accent sur un diagnostic plus précis et plus efficace des patients présentant des symptômes évocateurs d'angor. Afin d'éviter les examens inutiles et d'utiliser plus efficacement les ressources diagnostiques, il est essentiel d'estimer correctement la probabilité clinique pré-test de maladie coronarienne obstructive.
Pour ce faire, on utilise traditionnellement un modèle prédictif basé sur le modèle de Diamond et Forrester. Ce modèle estimait la probabilité clinique de maladie coronarienne obstructive sur la base de facteurs tels que l'âge, le sexe et les symptômes. Toutefois, le modèle prédictif initial surestimait considérablement la probabilité clinique de maladie coronarienne obstructive, de sorte qu'il a été adapté au fil du temps. Grâce à ces adaptations, les estimations se sont rapprochées des prévalences observées dans les études cliniques. Dans les recommandations successives de l'ESC, on a chaque fois introduit une version actualisée du modèle de prédiction. Ces mises à jour ont permis de diminuer les probabilités cliniques pré-test estimées, qui se sont rapprochées des prévalences réellement observées de maladies coronariennes obstructives (figure 1).

En outre, il est clairement apparu qu'un groupe significatif de patients souffrant d'une maladie coronarienne obstructive ne présente pas les symptômes d'angor typiques, mais plutôt une dyspnée à l'effort. Pour mieux refléter cette situation, le modèle prédictif préconisé dans les recommandations 20192 de l'ESC a ajouté la dyspnée à l'effort comme symptôme afin de déterminer plus précisément la probabilité clinique pré-test de maladie coronarienne obstructive.
Malgré ces adaptations, les modèles prédictifs surestiment toujours légèrement la probabilité clinique. Les dernières recommandations de l'ESC utilisent un modèle prédictif qui estime non seulement la probabilité clinique pré-test sur la base de l'âge, du sexe et des symptômes, mais qui tient également compte du nombre de facteurs de risque coronaire (figure 2).

Ce nouveau modèle prédictif pondéré selon les facteurs de risque a été développé sur la base d'un grand registre danois de patients présentant des symptômes suspects d'angor. Ces patients ont subi un angio-CT coronaire et, en présence d'une sténose coronaire, une évaluation fonctionnelle avec mesure de la réserve coronaire. Le modèle prédictif développé au Danemark a été validé avec les populations de patients des études PROMISE et SCOT-HEART.3
Avec ce nouveau modèle prédictif basé sur les facteurs de risque, environ la moitié des patients présentant une suspicion d'angor sont classés dans la catégorie correspondant à une très faible probabilité clinique de maladie coronarienne obstructive (≤ 5 %).4 Il s'agit d'une différence significative par rapport au modèle des recommandations 2019 de l'ESC, dans lequel 19 % seulement des patients relevaient de cette catégorie (figure 3). Chez les patients de cette catégorie, il est rare de trouver une maladie coronarienne obstructive (≤ 2 %), et on ne note pratiquement pas d'événements cardiaques au cours du suivi. De ce fait, il n'est généralement pas nécessaire de réaliser un bilan plus approfondi dans ce groupe. L'utilisation du nouveau modèle prédictif pondéré selon les facteurs de risque permet donc d'améliorer considérablement l'efficacité.

L'autre moitié des patients suspects d'angor ont une probabilité clinique faible à modérée de maladie coronarienne obstructive, avec une probabilité pré-test maximale de 45 % seulement. Chez les patients présentant une probabilité clinique pré-test faible (> 5 % - ≤ 15 %), l'accent est mis sur l'exclusion d'une maladie coronarienne obstructive. Le moyen le plus efficace d'y parvenir est l'angio-CT coronaire, compte tenu de la valeur prédictive négative élevée de cette méthode d'examen. Même chez les patients présentant une probabilité clinique pré-test modérée (> 15 % - 50 %), l'angio-CT coronaire est l'examen le plus efficace pour exclure une maladie coronarienne obstructive.
Le fait que la plupart des patients présentant des symptômes très suspects et plusieurs facteurs de risque coronaire n'ont qu'une probabilité clinique pré-test faible à modérée de maladie coronarienne obstructive a des implications diagnostiques importantes. Alors que les recommandations précédentes indiquaient qu'un test anatomique ou fonctionnel seul était suffisant pour détecter une maladie coronarienne obstructive, les recommandations actuelles préconisent d'effectuer les deux tests de manière séquentielle.
Chez les patients présentant une probabilité clinique pré-test modérée, un angio-CT coronaire ou un test fonctionnel anormal ne donnent souvent qu'une probabilité clinique post-test modérée, et il faut tenir compte d'un nombre élevé de résultats faussement positifs. La sévérité d'une sténose est souvent surestimée, notamment en cas d'angio-CT coronaire anormal. Par conséquent, en cas d'angio-CT coronaire anormal, il est essentiel de toujours déterminer l'importance fonctionnelle de la sténose coronaire à l'aide d'un test d'imagerie fonctionnel, comme une échocardiographie à l'effort (figure 4). Ce n'est qu'ainsi qu'on peut obtenir une probabilité clinique post-test suffisamment élevée (> 85 %), qui signe le diagnostic de maladie coronarienne obstructive.
En résumé, les nouvelles recommandations de l'ESC pour la prise en charge des syndromes coronariens chroniques améliorent considérablement l'efficacité du diagnostic des patients chez qui on suspecte un angor. L'utilisation d'un modèle prédictif basé sur les facteurs de risque permet d'éviter des examens complémentaires chez plus de la moitié de ces patients, sans risque pour leur sécurité.
Les nouvelles recommandations soulignent le rôle important de l'angio-CT coronaire en tant que « gardien » du diagnostic, en particulier pour exclure une maladie coronarienne obstructive. Parallèlement, elles soulignent l'importance de l'évaluation des conséquences fonctionnelles des sténoses coronaires révélées par l'angio-CT coronaire. Comme pour la coronarographie invasive, toute sténose de sévérité intermédiaire (sténose d'un diamètre compris entre 40 et 90 %) doit faire l'objet d'une évaluation fonctionnelle (figure 5).

Références
- Vrints, C., Andreotti, F., Koskinas, K.C., Rossello, X., Adamo, M., Ainslie, J. et al. 2024 ESC Guidelines for the management of chronic coronary syndromes. Eur Heart J, 2024, 45 (36), 3415-3537.
- Knuuti, J., Wijns, W., Saraste, A., Capodanno, D., Barbato, E., Funck-Brentano, C. et al. 2019 ESC Guidelines for the diagnosis and management of chronic coronary syndromes. Eur Heart J, 2020, 41 (3), 407-477.
- Winther, S., Schmidt, S.E., Mayrhofer, T., Bøtker, H.E., Hoffmann, U., Douglas, P.S. et al. Incorporating coronary calcification into pre-test assessment of the likelihood of coronary artery disease. J Am Coll Cardiol, 2020, 76 (21), 2421-2432.
- Winther, S., Murphy, T., Schmidt, S.E., Bax, J.J., Wijns, W., Knuuti, J. et al. Performance of the American Heart Association/ American College of Cardiology guideline-recommended pretest probability model for the diagnosis of obstructive coronary artery disease. J Am Heart Assoc, 2022, e027260.
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