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Quelle est la place de la cartographie conventionnelle depuis l'arrivée des technologies tridimensionnelles modernes ?
  • Lorenzo Caratti di Lanzacco , Mourad Boudouft , Caroline Lepiece , Damien Badot, Antoine de Meester

Discussion au travers d'un cas clinique de flutter cicatriciel

Une femme de 69 ans, ayant bénéficié d'une chirurgie cardiaque deux ans auparavant pour un myxome, présente un flutter atrial semblant atypique à l'ECG. L'étude électrophysiologique révèle une tachycardie atriale par macro-réentrée autour de la cicatrice d'atriotomie droite, traitée avec succès par radiofréquence. Le cas met en lumière l'efficacité des technologies modernes de cartographie tridimensionnelle pour localiser et traiter les flutters cicatriciels, parfois rencontrés chez les patients opérés du coeur, bien que moins fréquents que les flutters typiques dépendant de l'isthme cavo-tricuspidien droit. Malgré quelques limitations techniques, ces nouvelles méthodes 3D permettent de délimiter efficacement les tachycardies atriales stables complexes, avec un minimum d'irradiation. Bien que suffisantes pour les flutters typiques, les techniques conventionnelles deviennent aujourd'hui de plus en plus complémentaires pour les flutters atypiques.

Contexte clinique

Ce cas clinique concerne une femme de 69 ans qui s'est présentée en consultation pour palpitations. On lui diagnostique un flutter atrial atypique sur l'électrocardiogramme (ECG) avec des ondes « F » (flutter) positives en V1 et biphasiques dans les dérivations inférieures (figure 1). Comme antécédents, retenons une chirurgie cardiaque deux ans auparavant pour un myxome de la fossa ovalis dans le cadre d'un bilan d'accident vasculaire cérébral ischémique. Elle a bénéficié d'une mini-sternotomie inférieure, d'une atriotomie droite d'accès, suivi d'une exérèse du myxome. La fossa ovalis a ensuite été suturée à l'aide d'un patch péricardique. Les suites opératoires ont été simples.

Chronologie

  • 08/2021 : diagnostic d'un myxome de l'oreillette gauche après un accident vasculaire ischémique cérébelleux :
  • 12/2021 : exérèse chirurgicale du myxome par mini-sternotomie inférieure, atriotomie droite et pose d'un patch péricardique ;
  • 03/2022 : flutter atrial atypique, traité par cardioversion électrique. Découverte d'une épaisse cicatrice sur le septum interatrial à l'échocardiographie transoesophagienne ;
  • 05/2023 : récidive du flutter atrial atypique avec palpitations et oppression thoracique, justifiant une étude électrophysiologique.

Étude électrophysiologique

La procédure est réalisée sous anesthésie générale, étant donné la possibilité d'un flutter atrial gauche. Une sonde duodécapolaire est donc placée dans le sinus coronaire, et le système CARTO Mapping System est utilisé pour la cartographie (figure 2). Après une reconstruction anatomique et cartographique initiale dans l'oreillette droite à l'aide d'un cathéter multipolaire, on obtient d'emblée un cycle complet de la tachycardie (255 ms) au sein de l'oreillette droite. Cette arythmie circule de manière antihoraire autour de la cicatrice d'atriotomie droite, et non au niveau du patch septal (figure 3). Après un mapping du nerf phrénique droit, une ligne d'ablation est prudemment effectuée de la cicatrice d'atriotomie droite vers la veine cave supérieure, à l'aide d'une sonde d'ablation irriguée avec « contact-force ». Plusieurs applications de radiofréquence à 35 Watts permettent un retour et maintien en rythme sinusal.

Discussion

Les tachycardies atriales post-incisionnelles sont bien connues chez les patients ayant subi une chirurgie cardiaque.1 Du fait de leur myopathie atriale et des cicatrices présentes, ces patients sont à risque de développer des circuits de réentrée à n'importe quel moment après leur chirurgie. Heureusement, les taux de succès actuels de l'ablation de ces macro-réentrées dépassent les 90 %.1 Ce cas clinique de flutter atypique illustre l'efficacité et la rapidité des technologies modernes de cartographie tridimensionnelle à identifier les zones de faible voltage (potentiel bipolaire de ≤ 0,05-0,5 mV)2, 3 et potentiels fractionnés, signes de fibrose/cicatrice, sans nécessiter de méthodes conventionnelles basées sur la fluoroscopie (irradiante), l'analyse fine des potentiels (complexe et interprétative) et des manoeuvres de stimulation chronophages comme l'entraînement, l'intervalle post-stimulation et la comparaison de la morphologie de l'onde de flutter avec celle électro-entraînée.4

De plus, l'intégration des images issues de scanners ou résonances magnétiques nucléaires cardiaques dans les systèmes de cartographie moderne permet d'améliorer la visualisation des structures cardiaques et extracardiaques.5 Bien que ces systèmes soient principalement utilisés pour l'ablation de fibrillation atriale, la fusion de ces différentes modalités d'imagerie permet d'augmenter la précision et la sécurité de toutes les procédures d'ablation, en particulier lorsque la zone à traiter est proche d'un nerf phrénique ou de l'oesophage.

Depuis les années 2000, ces nouvelles techniques de cartographie tridimensionnelle, aidées par l'utilisation de cathéters multipolaires qui collectent des milliers de points à chaque balayage, ont considérablement évolué.2, 6, 7 Elles présentent toutefois quelques limitations, notamment en cas d'arythmie non soutenue ou en cas de multiples cicatrices/circuits8 ou anomalies anatomiques. Lorsque la fibrose atriale est diffuse, les électrogrammes prolongés ou fractionnés peuvent également poser un défi à la cartographie d'activation, rendant difficile l'attribution d'un temps d'activation fixe en présence de plusieurs composants électriques. À l'opposé du flutter typique7, 9, où l'aspect électrocardiographique intracavitaire est distinctif10, la cartographie conventionnelle pour les flutters atypiques risque d'être rapidement délaissée au profit des nouvelles technologies de cartographie, qui offrent une meilleure compréhension des caractéristiques électro-anatomiques.

En outre, l'analyse des ondes de tachycardie atriale focale ou par réentrée sur l'ECG à 12 dérivations induit souvent en erreur quant à la localisation précise de l'arythmie, notamment en raison des altérations naturelles ou post-chirurgicales du tissu atrial ainsi que du sens du circuit.

Il est important de noter que, chez tout patient présentant un flutter atrial et ayant subi une atriotomie droite, le premier type de macro-réentrée à exclure reste le flutter typique1, 11, dont le circuit dépend de l'isthme cavo-tricuspidien droit.9 On investiguera ensuite une macro-réentrée autour de la cicatrice de la paroi libre de l'oreillette droite, laquelle peut se fibroser naturellement ou à la suite d'une incision chirurgicale, créant un circuit péri-cicatriciel. Une fois l'arythmie identifiée, l'électrophysiologiste peut choisir d'ablater en direction de la veine cave inférieure, de l'anneau tricuspide, de la veine cave supérieure, ou vers une autre cicatrice, pour créer un bloc empêchant la réentrée.1

Références

  1. Wang, J., Li, S., Liang, M., Sun, M., Jin, Z., Ding, J. et al. Characteristics and Ablation Outcomes of Atrial Tachycardia in Patients with Prior Cardiac Surgery vs. Spontaneous Scars: Where Are the Differences? J Clin Med, 2022, 11 (18), 5407.
  2. Maury, P., Rollin, A., Domain, G., Mondoly, P., Mandel, F., Beneyto, M. et al. Nouvelles techniques de cartographie en électrophysiologie : apports et limites. Archives des Maladies du Coeur et des Vaisseaux - Pratique, 2023, 10, 1016.
  3. Latcu, D.G., Bun, S.S., Viera, F., Delassi, T., El Jamili, M., Al Amoura A., Saoudi, N. Selection of critical isthmus in scar-related atrial tachycardia using a new automated ultrahigh resolution mapping system. Circ Arhythm Electrophysiol, 2017, 10 (1), e004510.
  4. Kalman, J.M., Olgin, J.E., Saxon, L.A., Lee, R.J., Scheinman, M.M., Lesh, M.D. Electrocardiographic and electrophysiologic characterization of atypical atrial flutter in man: use of activation and entrainment mapping and implications for catheter ablation. J Cardiovasc Electrophysiol, 1997, 8 (2), 121-144.
  5. Hermans, B.J.M., Bijvoet, G.P., Holtackers, R.J., Mihl, C., Luermans, J.G.L.M., Maesen, B. et al. Multi-modal characterization of the left atrium by a fully automated integration of pre-procedural cardiac imaging and electroanatomical mapping. Int J Cardiol Heart Vasc, 2023, 49, 101276.
  6. Vlachos, K., Efremidis, M., Derval, N., Martin, C.A., Takigawa, M., Bazoukis, G. et al. Use of high-density activation and voltage mapping in combination with entrainment to delineate gap-related atrial tachycardias post atrial fibrillation ablation. Europace, 2021, 23 (7), 1052-1062.
  7. Maury, P., Champ-Rigot, L., Rollin, A., Mondoly, P., Bongard, V., Galinier, M. et al. Comparison between novel and standard high-density 3D electro-anatomical mapping systems for ablation of atrial tachycardia. Heart Vessels, 2019, 34 (5), 801-808.
  8. Sacher, F., Maury, P. Précis de Rythmologie. Société Française de cardiologie.; 2022.
  9. Cosío, F.G. Atrial flutter, typical and atypical: a review. Arrhythm Electrophysiol Rev, 2017, 6 (2), 55-62.
  10. Callans, D. Josephson's Clinical Cardiac Electrophysiology. Techniques and Interpretations. Wolters Kluwer; 2024.
  11. Markowitz, S.M., Thomas, G., Liu, C.F., Cheung, J.W., Ip, J.E., Lerman, B.B. Atrial Tachycardias and Atypical Atrial Flutters: Mechanisms and Approaches to Ablation. Arrhythm Electrophysiol Rev, 2019, 8 (2), 131-137.

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