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Obésité : un gros problème en expansion
  • Olivier Gurné

La surcharge pondérale est un réel problème de santé publique, reconnu comme une maladie par la World Health Organization (WHO) depuis déjà 1997. L'obésité est liée à une augmentation de la mortalité globale, touchant différents organes cibles, mais la mortalité est, pour deux tiers, d'origine cardiovasculaire. Il n'est donc pas étonnant que ce sujet ait été assez largement évoqué lors du dernier congrès de la Société européenne de cardiologie à Londres et ait fait l'objet d'une revue exhaustive publiée récemment dans l'European Heart Journal (ESC clinical consensus statement).

Classiquement, l'obésité est définie en fonction du BMI. On parle de « surcharge pondérale » pour un BMI entre 25 et 30 kg/m², et d'« obésité » quand le BMI dépasse les 30 (classe 1 entre 30 et 35, classe 2 entre 35 et 40, et classe 3 au-delà). La graisse peut se déposer différemment suivant les personnes : au niveau des tissus sous cutanés, au niveau viscéral ou intramusculaire, ou encore en entourant certains organes comme le foie, les reins et l'espace épicardique/péricardique. Pour une même quantité de graisse, le risque de complications cardiométaboliques varie fortement, en relation avec la distribution de cette graisse. La graisse viscérale engendre un risque bien plus important que la graisse sous-cutanée, qui est métaboliquement plus inactive. L'obésité de type androïde (abdominale) est donc moins bonne que celle de type gynoïde, qui se situe principalement au niveau des cuisses (les fameuses « culottes de cheval »), d'où l'intérêt de la mesure du diamètre abdominal. L'ESC recommande ainsi une circonférence abdominale < 94 chez l'homme et < 80 chez la femme.

L'origine de l'obésité est complexe et multifactorielle, avec des facteurs propres à chaque individu (métabolisme, profil hormonal, microbiote intestinal, génétique, etc.), mais les facteurs environnementaux sont importants. L'augmentation épidémique de l'obésité observée actuellement est fortement liée à nos habitudes alimentaires, favorisées parfois par un marketing à la limite de l'éthique. Notre propension à la sédentarité et à une activité physique qui n'est pas à la hauteur de ce que nous mangeons n'améliore pas la situation. Pour le dire simplement, on mange trop et on ne bouge pas assez !

Du point de vue épidémiologique, la situation est préoccupante : la population européenne est obèse à 22,5 %. Les femmes ont tendance à être davantage en surcharge pondérale dans les pays plus pauvres, alors que les hommes le sont davantage dans les pays riches. L'obésité est plus basse chez les jeunes et augmente de façon marquée après la troisième décennie. L'obésité chez les enfants est un aspect trop sous-estimé. Pourtant, l'obésité à l'âge de trois ans conditionne le futur, avec une probabilité de 90 % d'être plus tard en surcharge pondérale ou obèse. La prévention dès l'enfance est donc primordiale, et l'éducation joue à ce titre un rôle majeur. On estime que jusqu'à 50 % des cas d'obésité sont liés à des différences dans le niveau d'éducation. Un moindre niveau d'éducation est lié à une plus haute prévalence de l'obésité, particulièrement chez les femmes. Le niveau socioéconomique augmente en outre cette inégalité.

L'obésité fait partie de la pratique quotidienne d'un cardiologue :

  • La prévalence de l'hypertension artérielle augmente avec le BMI, et inversement, la perte de quelques kilos peut favoriser la réduction tensionnelle ;
  • Diabète de type 2 et obésité sont intimement liés. Environ 80-85 % des patients diabétiques sont en surcharge pondérale ou obésité. Les patients obèses ont un risque trois fois plus élevé de développer un diabète de type 2 ;
  • L'obésité est associée à un profil lipidique athérogène avec des triglycérides élevés et un taux plus élevé d'apolipoprotéine B, ainsi qu'à des particules LDL petites et denses. Les patients obèses présentent des taux plus bas de HDL ;
  • L'insuffisance cardiaque est plus fréquente chez les patients obèses, même si l'on peut parler là d'un certain paradoxe. Les patients obèses ont en effet un meilleur pronostic, mais ce phénomène est probablement lié en bonne partie au fait que la cachexie a un pronostic très sombre chez ces patients. Dans l'étude Framingham, chaque augmentation d'une unité de BMI est associée à une augmentation du risque de développer de l'insuffisance cardiaque de 5 % chez l'homme et de 7 % chez la femme ;
  • La fibrillation auriculaire est également associée à l'obésité. Toujours dans l'étude Framingham, on note des incidences de 9,7, 10,7 et 14,3/1000 personnes-années pour des personnes présentant respectivement un poids normal, une surcharge pondérale et une obésité.

Il est donc impératif pour chacun, au niveau individuel mais aussi au niveau de notre système de santé, de lutter contre la surcharge pondérale. Les interventions sur le plan diététique sont indispensables et passent par une approche pluridisciplinaire pour gagner en efficacité. L'éducation est primordiale et doit commencer dans nos écoles. Encourager l'activité physique en combinaison a probablement un effet modeste sur la perte de poids, mais est important pour le maintien du résultat acquis et la réduction globale du risque cardiovasculaire. Le traitement pharmacologique peut venir en complément, surtout si les mesures d'hygiène de vie n'ont pas été suffisantes, particulièrement pour un BMI ≥ 30, d'autant plus si d'autres comorbidités sont ajoutées au tableau clinique. Diverses médications sont actuellement reconnues par la FDA (US Food and Drug Administration) et l'EMA (European Medicines Agency). Les plus connues sont les GLP-1 agonistes, comme le sémaglutide et le liraglutide, avec toute la polémique et l'interférence avec la disponibilité des médicaments pour les patients diabétiques… La chirurgie bariatrique, dernier rempart, ne doit se concevoir que dans une approche multidisciplinaire spécialisée chez des patients à risque élevé.

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