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Tachycardie supraventriculaire paroxystique : faits nouveaux et moins nouveaux (mais mal connus)
  • Luc Jordaens 

La tachycardie supraventriculaire paroxystique (TSVP) est un trouble du rythme fréquent qui n'est souvent pas reconnu et n'est malheureusement pas toujours traité correctement. C'est le trouble du rythme le plus fréquent chez les sujets jeunes, même en l'absence de cardiopathie structurelle. Chez les personnes âgées, la TSVP entraîne souvent des symptômes importants et ce tableau clinique est associé à une comorbidité élevée. Cet article a pour but de donner un aperçu du tableau clinique (à l'exception du syndrome de Wolff-Parkinson-White et du flutter) et de la morbidité associée. Nous aborderons également le traitement aigu et la thérapie interventionnelle.

Nomenclature et définitions

La tachycardie supraventriculaire paroxystique (TSVP) est le terme générique désignant les tachycardies (fréquence supérieure à 100/min) qui prennent naissance au-dessus du noeud auriculo-ventriculaire (AV), à l'exception d'une réentrée par un faisceau accessoire, nécessitant la participation du tissu ventriculaire. La fibrillation auriculaire (FA) est exclue de ce groupe.1, 2

Paroxystique signifie imprévisible, avec un début et une fin brutaux. La figure 1 présente schématiquement les formes les plus fréquentes. La tachycardie par réentrée nodale AV (TRNAV) et la tachycardie par réentrée AV (TRAV) représentent 95 % de tous les cas. Outre ces tachycardies, la 'tachycardie sinusale inappropriée', la tachycardie atriale focale (TAF) et multifocale (TAM), le flutter auriculaire et d'autres formes de tachycardie auriculaire par macroréentrée (TAMR), entre autres, sont également regroupés sous ce terme générique. Seules les quatre premières tachycardies de cette liste ne sont généralement pas associées à une anomalie cardiaque structurelle.

Il est intéressant de savoir que Bouveret a décrit une tachycardie paroxystique, alors qu'il s'agissait d'une tachycardie ventriculaire.3 Il est donc incorrect d'assimiler la tachycardie du noeud AV à la maladie de Bouveret, mais ceci semble entré dans les moeurs au vu de la récurrence de cette citation erronée...

épidémiologie

La TSVP toucherait 1 personne sur 200 à 1 personne sur 100 dans la population, selon les données des compagnies d'assurance.4 Dans des analyses récentes effectuées dans des services d'Urgences, on a noté des troubles du rythme chez des sujets jeunes dans 2,25/1000 ou 1/500 admissions.5 La TRNAV constitue la forme la plus fréquente. Cela ne signifie pas que les patients âgés ne présentent plus ce tableau clinique mais que, dans ce cas, il y a plus souvent une cardiopathie associée.

Diagnostic

Tableau clinique

La TSVP n'est pas toujours reconnue par le patient. On peut supposer que les sujets jeunes ne peuvent pas toujours faire la distinction entre une tachycardie sinusale normale et une TSVP. On a invoqué le fait qu'à des fréquences cardiaques très élevées, les symptômes tels que vertiges, syncopes, douleurs thoraciques et dyspnée s'aggravent. Les plaintes sont plus marquées à un âge plus avancé, vraisemblablement en raison de la dégradation de la qualité de la circulation cérébrale et/ou coronaire.

Diagnostic par le généraliste et l'urgentiste

Ici aussi, le diagnostic est souvent manqué, et cela peut également être dû au fait que la crise est terminée lorsque le patient se présente chez le médecin ou aux Urgences. Sur 120 patients souffrant de tachycardie paroxystique régulière, jusqu'à 50 % d'entre eux se sont vu poser un diagnostic d'attaques de panique.6 Il faudra voir si les montres (de sport) connectées d'aujourd'hui amélioreront cette situation.

électrocardiogramme (ECG)

La solution consiste à effectuer un ECG pendant la crise, et c'est là qu'un appareil connecté peut s'avérer utile. La TSVP présente en principe des complexes QRS fins, mais elle peut s'accompagner de complexes QRS larges (> 120 ms) en cas de bloc de branche préexistant ou de survenue d'une aberration de conduction - consécutive au fait que le tissu de conduction est en période réfractaire.1,2 Le rapport entre l'onde P et le complexe QRS est essentiel pour le diagnostic, mais ce n'est pas toujours simple (la recherche de l'onde P demande beaucoup d'entraînement et se révèle fréquemment impossible en raison de la mauvaise qualité des ECG). Il est important de bien comparer l'ECG pendant et après la conversion, car c'est souvent la clé du diagnostic différentiel (figures 2 et 3). La planification d'une procédure dépend d'un bon diagnostic.

Attitude après le diagnostic

Sur ce plan, il serait très intéressant de mener d'autres études. Les qualifications de la pathologie, qui vont de 'banale' ou 'inoffensive' jusqu'à un traitement combiné à vie par bêtabloquants à forte dose en association avec des antagonistes calciques, vont souvent à l'encontre d'une prise en charge moderne, impliquant la décision pondérée d'un patient bien informé, en concertation avec son cardiologue.

Prise en charge aiguë

En principe, les manoeuvres vagales constituent la première étape. Une manoeuvre de Valsalva correcte (par exemple, en soufflant dans une seringue en plastique de 10 cc, dont le patient doit déplacer le piston) rend souvent le massage du sinus carotidien inutile.7 Ce dernier, qui doit être effectué par un professionnel (et d'un seul côté), fait partie de la formation médicale et de l'arsenal thérapeutique.

L'adénosine intraveineuse (6 mg en bolus, éventuellement suivi de 12 et 18 mg) constitue le premier choix lorsque les manoeuvres restent sans effet. Le profil de sécurité est très acceptable. Il est rare de voir apparaître une FA. L'asthme incite à la prudence, mais n'est pas une contre-indication absolue.8 En cas d'échec, le vérapamil administré par voie intraveineuse s'avère généralement efficace. Il faut en administrer suffisamment (en surveillant la tension artérielle) pour éviter une récidive immédiate. Les bêtabloquants offrent une alternative, mais ils induisent davantage d'hypotension.9 Récemment, on a évalué un spray intranasal (étripamil) qui a permis d'obtenir une conversion dans 60 % des cas.10

Toutes ces manoeuvres peuvent aider à comprendre la relation entre l'onde P et le complexe QRS pour diagnostiquer, par exemple, le flutter, la TAM et la TAMR. Dans les syndromes de préexcitation connus (syndrome de Wolff-Parkinson- White), les antiarythmiques de classe Ic peuvent être indiqués. La cardioversion (chez les patients dont l'hémodynamique est compromise) n'est que rarement nécessaire.

Traitement chronique

En cas de plaintes minimes, on peut s'abstenir de traitement.

  • Médicamenteux : pill in the pocket. En cas de TRNAV, une pill in the pocket (antagoniste calcique à dose élevée ou bêtabloquant) peut aider, mais peut également entraîner une hypotension. En cas de TRAV avec ou sans préexcitation, un antiarythmique de classe Ic peut se révéler utile, à condition qu'on ait exclu une maladie coronarienne.
  • Médicamenteux : traitement de fond. On présume qu'un traitement chronique par bêtabloquant ou antagoniste calcique réduit le nombre de crises. Il en va de même pour le sotalol et le dofétilide. En cas de TRAV avec ou sans préexcitation, un antiarythmique de classe Ic peut se révéler utile, à condition qu'on ait exclu une maladie coronarienne.
  • Intervention. L'ablation par cathéter est préférable à un traitement médicamenteux chronique (classe I dans les recommandations européennes et américaines, tant pour la TRNAV que pour la TRAV). Il en va de même pour la TA focale (figure 2) et le flutter associé à une diminution de la fonction ventriculaire gauche (tachycardiomyopathie).

Complications

Les complications de la TSVP sont sous-estimées. Outre les problèmes aigus (p. ex. une syncope), qui peuvent en principe constituer un obstacle au fonctionnement normal, au sport et à la conduite d'un véhicule, il existe également des complications à long terme.

Dès 1995, nous avons constaté, grâce à la télétransmission d'ECG, que des troubles du rythme survenaient encore à long terme.11 Ceci a également été confirmé dans d'autres centres.12 On a également identifié un risque d'AVC ischémique, atteignant 1 % dans l'année qui suit le diagnostic.13 Il n'est pas rare de voir apparaître une FA ou un flutter dans le décours de la TSVP (jusqu'à 12 %), tant en cas de TRAV que de TRNAV, même sans ablation.14 Même en l'absence de syndrome de Wolff-Parkinson-White, il existerait un (faible) risque de mort subite.15

La TSVP chez les patients âgés

Les patients âgés ne sont souvent pas adressés en vue d'une ablation mais, paradoxalement, ils présentent davantage de symptômes et de comorbidités. En outre, au-delà de 65 ans, le risque de FA et d'AVC est plus élevé. Par ailleurs, les coûts médicaux dans l'année qui suit le diagnostic chez les sujets de plus de 65 ans sont très importants, même si on n'a pas effectué d'ablation (de l'ordre de 20 000 USD/an), alors que chez les sujets plus jeunes (chez qui on a plus souvent eu recours à une ablation), ils atteignent 30 000 USD/an.16 Ce sont précisément les raisons pour lesquelles il faut envisager un traitement interventionnel, y compris parce que les patients âgés sont plus enclins à la bradycardie due aux antagonistes calciques et aux bêtabloquants.

Considérations en cas d'ablation par cathéter

En principe, tant la TRAV que la TRNAV sont facilement traitées par ablation par cathéter depuis le début des années 90.17, 18 Ces 30 dernières années, on a vu une évolution des procédures simples (figure 4), avec anesthésie locale, vers l'anesthésie générale, où l'approche rétrograde (les cathéters sont conçus à cet effet) a été remplacée par une ponction transseptale pour les faisceaux gauches. C'est peutêtre une bonne chose, étant donné que la génération actuelle d'électrophysiologistes n'est plus formée à la coronarographie. Quoi qu'il en soit, les deux approches gauches sont aussi sûres et efficaces l'une que l'autre.19

Pour la TRNAV, la même chose s'applique à l'ablation par radiofréquence (RF) et à la cryothérapie. Malgré le fait que la cryothérapie n'induise aucun risque de bloc AV et que les recommandations américaines indiquent que les enfants et les sujets jeunes doivent de préférence être traités par cryothérapie, cette technique est sous-utilisée dans notre pays, comparativement à la Scandinavie.20 Il n'est pas improbable que des dommages à long terme au noeud AV persistent après une ablation par RF.12 On constate également un excès de flutter dans les années qui suivent une ablation par RF (figure 5). Ce sont des arguments supplémentaires pour former les jeunes électrophysiologistes au traitement par cryothérapie dans cette indication.

Nous avons actuellement repris la technique avec un cathéter dont la pointe mesure 6 mm, ce qui permet de réaliser un cryomapping préalable, afin de s'assurer que la voie rapide n'est pas touchée avant de pratiquer la lésion définitive. L'absence de risque de bloc AV est un argument qui pourrait convaincre plusieurs patients fortement symptomatiques.

Les systèmes de cartographie électroanatomique ne jouent pas un rôle important dans le diagnostic de la TRNAV et de la TRAV, mais ils permettent de marquer les applications placées et de limiter l'irradiation (zero fluoroscopy). Ils peuvent être utilisés en combinaison avec la RF et la cryothérapie.

Conclusion

La TSVP est un trouble du rythme fréquent que tout médecin devrait reconnaître.

Une bonne explication accompagnée d'instructions appropriées est le minimum auquel un patient a droit.

Les patients âgés, en particulier, courent un risque accru de FA, et probablement aussi d'AIT et d'AVC.

De nouvelles thérapies pour arrêter les crises sont en cours de développement, mais l'adénosine et les antagonistes calciques IV restent pour le moment le premier choix en cas de crise persistante.

L'ablation par cathéter constitue le traitement de premier choix si la qualité de vie est altérée ou si les crises s'accompagnent de symptômes graves. En cas de TRNAV, la cryoablation représente une approche dénuée de risques de troubles de conduction. L'ablation par cathéter entraîne une amélioration durable de la qualité de vie.21

Références

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