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From clinical trials to clinical practice: long-term effectiveness and safety of anticoagulation in patients with atrial fibrillation
  • Bernard Cosyns , Carlo De Asmundis , Benedicte Heyndrickx, Steven Droogmans 

Compte rendu du congrès de l'ESC

Nous avons pu assister, lors du congrès de la Société européenne de cardiologie, à un excellent symposium concernant l'utilisation des anticoagulants directs et l'évolution des essais cliniques avec l'édoxaban jusqu'à la pratique en situation réelle, en ce qui concerne l'efficacité à long terme et la sécurité pour le patient.

Dans son introduction, Raffaele De Caterina a souligné à quel point le développement des anticoagulants directs (DOACs) a changé le paysage de la prévention des accidents vasculaires cérébraux (AVC) et des embolies systémiques (TES) chez les patients présentant une fibrillation auriculaire (FA). Dès son émergence, ce type de traitement s'est posé en alternative comparable, voire supérieure, en termes d'efficacité et de sécurité, aux anticoagulants classiques comme les antivitamines K. Des essais cliniques de phase 3, utilisant les DOACs à des doses soigneusement sélectionnées et incluant également des règles bien définies pour réduire les doses si nécessaire, ont fourni le support requis pour que ce traitement soit pris en compte dans les lignes directrices de l'ESC en 2016, celles-ci recommandant l'utilisation des DOACs préférentiellement aux antivitamines K, dans les cas où une anticoagulation orale est initiée chez un patient qui présente une FA et est éligible à ce type de traitement.

Parmi ces essais randomisés, l'étude ENGAGE AF-TIMI48, publiée il y a dix ans, a montré que l'édoxaban n'est pas inférieur à la warfarine en ce qui concerne la prévention des AVC et TES, et il est en outre associé à un taux significativement plus bas de saignements et de décès d'origine cardiovasculaire. Cette étude concernait 21 105 patients avec un suivi moyen de trois ans et un score CHA2DS2-VASc d'au moins 2 dans le cadre d'une FA dans les 12 mois précédant l'inclusion. Chez les patients sous warfarine, le temps passé dans la cible thérapeutique (TTR) était en moyenne de 68,4 %, soit le plus élevé de tous les essais dans la FA. Dans l'étude en question, la warfarine était comparée à deux groupes sous édoxaban, dont un avec une dose réduite.

Depuis lors, neuf autres essais randomisés ont été entrepris, six registres ont été publiés, et trois essais cliniques non randomisés ont été développés avec cette même molécule. Parmi eux, l'étude ETNA-AF-Europe, la plus grande étude prospective en situation réelle sur l'édoxaban chez les patients porteurs de FA, a été conduite dans 852 sites répartis en Europe, avec un suivi de 48 mois afin d'évaluer l'efficacité et la sécurité de l'édoxaban.

Robert Giugliano a ensuite revu pour nous l'évidence scientifique générée au départ de l'étude ENGAGE AF-TIMI48 durant la dernière décennie, et en particulier les nombreuses sous-analyses qui ont été publiées depuis l'essai principal. Il a souligné quelques détails supplémentaires de cet essai, e.a. la divergence précoce des courbes en termes d'objectif primaire et la contribution des saignements gastro-intestinaux, plus fréquents avec l'édoxaban (uniquement aux hautes doses) qu'avec la warfarine, mais sans effet défavorable sur les saignements majeurs et associés à davantage de cancers. On note également l'effet de la réduction de la dose d'édoxaban (25 % des patients) sur les saignements majeurs, avec un bénéfice pour l'édoxaban plus prononcé dans cette catégorie (ce bénéfice étant lié à un âge plus élevé, une fragilité plus importante, etc.).

Depuis lors, ce sujet a fait l'objet d'environ 80 publications. Parmi celles-ci, l'analyse des patients à haut risque (avec 12 sous-groupes) résumée dans la figure 1 montre un bénéfice global d'autant plus prononcé que le nombre de risques augmente. Seuls les patients avec une insuffisance cardiaque avancée (NYHA III-IV), un risque de chute, une maladie valvulaire ou une maladie coronarienne ne montraient pas de bénéfice. Le groupe de patients atteints de cancers montrait une tendance non significative en défaveur de l'édoxaban.

Enfin, Paulus Kirchhof a présenté les résultats de l'étude ETNA-AF-EUROPE, faisant partie du programme de recherche global ETNA AF et ayant inclus 11 000 patients au Japon, environ 2 600 en Corée du Sud et à Taïwan et environ 13 000 en Europe. L'étude ETNA-AF-EUROPE était une étude multicentrique prospective observationnelle qui visait à explorer les bénéfices et les risques de l'édoxaban dans la pratique clinique de routine, chez 13 092 patients porteurs de FA recrutés dans 825 centres européens et avec un suivi de maximum quatre ans. Par comparaison avec les essais randomisés, les patients étaient plus âgés (74 ans en moyenne), présentaient différentes comorbidités et avaient un score CHA2DS2-VASc plus bas et un score HASBLED stroke plus élevé. Quant aux résultats du suivi à un an, ils montraient un taux d'AVC plus bas (103 patients sur les 13 092). On observait également un taux plus bas de saignements, avec seulement 30 cas majeurs. La mortalité cardiovasculaire représentait 50 % de la mortalité totale (cohérence de tous les ensembles de données). Les saignements majeurs et les phénomènes emboliques étaient responsables de manière équivalente de la moitié des décès d'origine cardiovasculaire. Après ajustement pour l'âge, les plus importants facteurs prédictifs d'AVC à deux ans de suivi étaient la présence d'un accident ischémique transitoire dans l'historique du patient et la sévérité du score CHA2DS2-VASc. Après ajustement pour l'âge, les plus importants facteurs prédictifs de mortalité à deux ans de suivi étaient la présence d'une insuffisance cardiaque, la fragilité, le poids (surpoids et sous-poids) et la présence d'un diabète ou d'une artériopathie périphérique. En termes d'embolie, le taux d'AVC restait bas. Le taux de saignements augmentait par rapport à l'analyse à un an. Il est également à noter que le risque d'AVC chez les patients diabétiques insulino-requérants était plus élevé que dans la population diabétique non insulino-requérante. à deux ans, la mortalité cardiovasculaire représentait toujours 50 % de la mortalité totale, ce qui indique que d'autres pistes doivent être explorées pour réduire ce taux de mortalité. Certaines études suggèrent qu'un contrôle précoce du rythme chez les patients porteurs de FA réduit de manière importante le taux d'embolie systémique, et qu'une prise en charge optimale des facteurs de risque doit être envisagée chez ces patients. à quatre ans, la tendance continue, bas taux d'AVC et taux relativement bas de saignements majeurs avec cependant une augmentation de la mortalité. Ceci souligne qu'il n'y a pas d'augmentation exponentielle du taux d'accidents vasculaires et du taux de saignements avec l'augmentation de l'âge ni, probablement, avec l'augmentation des comorbidités au fil du temps. De manière intéressante, en termes de doses, très peu de patients étaient off label. Le risque d'embolie systémique et de saignements majeurs était plus élevé chez les patients prenant une dose plus faible d'édoxaban, ce qui pourrait être lié aux caractéristiques des patients (plus âgés et présentant davantage de comorbidités) et pourrait aussi être une raison de plus de prendre les doses indiquées sur la base des essais randomisés. Il faut bien entendu considérer ces données avec précaution, étant donné le caractère non randomisé de l'étude, le fait que les événements ont été capturés dans le cadre de la routine clinique, et enfin le caractère ouvert de l'étude, lequel peut avoir introduit un certain biais lié à la connaissance du traitement du patient. Néanmoins, ces données confirment celles des essais randomisés sur une population moins ciblée.

Références

  1. Giugliano, R.P., Ruff, C.T., Braunwald, E., Murphy, S.A., Wiviott, S.D., Halperin, J.L. et al; ENGAGE AF-TIMI 48 Investigators. Edoxaban versus warfarin in patients with atrial fibrillation. N Engl J Med, 2013, 369 (22), 2093-2104.
  2. Gencer, B., Eisen, A., Berger, D., Nordio, F., Murphy, S.A., Grip, L.T. et al. Edoxaban versus Warfarin in high-risk patients with atrial fibrillation: A comprehensive analysis of high-risk subgroups. Am Heart J, 2022, 247, 24-32.
  3. Kirchhof, P., Pecen, L., Bakhai, A., de Asmundis, C., de Groot, J.R., Deharo, J.C. et al. Edoxaban for stroke prevention in atrial fibrillation and age-adjusted predictors of clinical outcomes in routine clinical care. Eur Heart J Cardiovasc Pharmacother, 2022, 9 (1), 47-57.
  4. Goette, A., Borof, K., Breithardt, G., Camm, A.J., Crijns, H.J.G.M., Kuck, K.H. et al; EAST-AFNET 4 Investigators. Presenting Pattern of Atrial Fibrillation and Outcomes of Early Rhythm Control Therapy. J Am Coll Cardiol, 2022, 80 (4), 283-295.

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