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Pas de printemps cette année ?
  • Olivier Gurné

Le printemps est, selon le dictionnaire, la saison du renouveau, où l'on sort de la torpeur hivernale pour aller vers la renaissance de la nature et l'espoir de jours meilleurs. En ce sens, c'est une saison de nouvelles opportunités, l'occasion de se préparer à de nouveaux défis.

Néanmoins, force est de constater que, à l'heure actuelle, nous sommes plutôt dans une saison de morosité dont nous semblons avoir peine à nous débarrasser. Le covid, qui paraît bien loin derrière nous et que l'on accusait alors de tous les maux, n'était visiblement pas la cause unique de ceux-ci, mais plutôt un révélateur de problèmes préexistants, ainsi que l'on ne cesse de s'en rendre compte.

La situation sur le plan climatique devient de plus en plus préoccupante. Globalement, on ne peut nier l'évidence d'un réchauffement climatique, mais celui-ci est souvent à géométrie variable, comme le montre le contexte actuel : la canicule en Espagne contraste avec de terribles inondations au Congo et une situation marquée par la pluie et le froid en Belgique, où nous n'avons pas encore vraiment aperçu le printemps météorologique cette année. Il faut consommer moins et de façon plus durable : c'est la solution que nos élites intellectuelles nous martèlent. Les faits parlent d'eux-mêmes, mais sur le terrain, la situation est plus complexe. Que nous soyons sceptiques ou pas, la situation en Ukraine p.ex. ne nous incite d'ailleurs pas à l'optimisme sur le plan énergétique. Certes, nous devons aller vers des énergies propres et durables, mais on entend cela depuis des années, et le chemin semble encore si long … En outre, covid, catastrophes climatiques et crise en Ukraine ont largement plombé notre budget, qui n'était déjà pas dans le vert avant ces événements. Cela ne facilite pas le règlement de cette situation de plus en plus alarmante.

Sur le plan médical, la morosité est généralisée, et beaucoup se plaignent. Nous avons pourtant réalisé d'énormes progrès ces dernières décennies, tant sur le plan diagnostique que thérapeutique. Il est loin le temps où l'on ne disposait que d'un stéthoscope et de quelques herbes médicinales. Malheureusement, cette médecine moderne a un prix qui ne cesse de croître. Actuellement, des molécules innovantes émergent, mais elles sont encore souvent très coûteuses. Face à cela, il faut d'abord se souvenir de nos fondamentaux. Si l'on ne dispose que d'un budget limité, rappelons que, historiquement, les plus gros progrès en santé sont liés à l'amélioration de nos conditions d'hygiène. La vaccination de masse est plus rentable, sur le plan purement financier, que l'utilisation des antibiotiques de dernière génération. La prévention reste la base, et l'éducation à la santé est essentielle. Ces deux derniers éléments ont un rapport coût/efficacité bien plus important que la découverte d'un médicament, biologique ou autre, ciblant une pathologie rare. Une question se pose : quels sont les moyens financiers dont nous disposons, et comment en faire le meilleur usage ? La lutte contre l'obésité dès le plus jeune âge, ou contre le tabagisme et drogues, est primordiale. Encourager une alimentation de qualité est aussi crucial que la pratique d'une activité physique régulière. Ces mesures sont simples et relativement peu coûteuses (même si un investissement minimal est nécessaire), mais peuvent rapporter gros sur le plan de la santé au niveau d'une population. C'est là que se situe d'ailleurs un des risques, à savoir la création d'une médecine à deux vitesses, non seulement entre pays riches et pauvres mais également chez nous.

En médecine, comme partout, le facteur humain est fondamental, et la situation devient critique. L'on observe en Belgique (mais aussi dans d'autres pays) un manque de personnel soignant, qu'il s'agisse de médecins généralistes ou spécialistes ou d'infirmiers(-ères), de kinésithérapeutes, de diététicien(ne)s, etc. Les exigences sont toujours plus grandes, malgré la baisse de personnel. La santé financière de beaucoup d'hôpitaux est souvent mauvaise, et l'on va même jusqu'à la fermeture de certains lits ou de certaines salles d'opération. Nous ne sommes plus à un paradoxe près à ce niveau, vu le manque de personnel : nous sommes parfois « obligés » d'aller chercher du personnel dans des pays encore plus défavorisés que le nôtre. Cela s'appelle la loi de l'offre et de la demande … La question sous-jacente qui se pose alors est d'évaluer le niveau de formation de ce personnel soignant importé, même si, de façon plus générale, on pourrait également s'interroger quant à la formation de nos futurs médecins belges. Les problèmes à ce sujet sont multiples depuis la question du numerus clausus, la réduction du nombre d'années en médecine il y a quelque temps, la limitation du nombre d'heures prestées par les assistants, etc. La tension va ainsi croissant, dans nos hôpitaux comme chez les généralistes, pour lesquels la pénurie existe aussi. Des moyens financiers sont nécessaires ; malheureusement, cette situation n'est pas limitée à la médecine, et les fonds d'un gouvernement ne sont pas illimités.

Les patients demandent une médecine de qualité - requête qui paraît évidemment justifiée - mais la pratique quotidienne nous montre toutefois que certains d'entre eux sont de plus en plus exigeants à ce sujet. Se pose donc inévitablement la question du coût de cette médecine. Nous avons en Belgique une philosophie de médecine sociale qu'il importe de préserver, mais il faut se rendre compte que, in fine, ce sont les contribuables qui paient l'addition de la population. Le coût de notre santé est croissant et va donc devoir se répercuter sur ces contribuables un jour ou l'autre. Ce contexte est à mettre en balance avec le désir de certains de travailler moins et de pouvoir profiter davantage de la vie de famille, phénomène exacerbé par la crise covid. C'est à nos politiciens qu'incombera la responsabilité de réguler cette situation, avec le risque non négligeable de perdre notre qualité de la médecine pour tous.

En fin de compte, un éditorial n'a pas pour but de donner des réponses à toutes ces questions. Son unique objectif est de susciter la réflexion sur certains problèmes, et la liste est loin d'être exhaustive. Le printemps est une saison de transition entre l'hibernation et nos activités estivales, une période de défis que nous sommes condamnés à résoudre progressivement.

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