Les pseudo-anévrysmes du ventricule gauche, aussi appelés « faux anévrysmes », sont rares. Ils se forment habituellement suite à une rupture du myocarde contenue par des adhérences péricardiques. Contrairement aux vrais anévrysmes, les faux anévrysmes possèdent un col étroit et sont dépourvus d'éléments du myocarde. Ils peuvent être spontanés ou acquis.
Nous rapportons un cas de volumineux pseudo-anévrysme ventriculaire gauche. L'étiologie la plus fréquente d'une telle affection est l'infarctus du myocarde. Cependant, d'autres causes plus rares de type traumatique, iatrogène ou infectieux existent. Le diagnostic est difficile en raison de la non-spécificité du tableau clinique et du peu de sensibilité des examens cardiologiques de bases. Une fois le diagnostic confirmé par imagerie tomodensitométrique ou résonance magnétique, le traitement consiste en une prise en charge chirurgicale rapide au vu du risque de rupture. Les suites opératoires sont souvent favorables.
Introduction
Les faux anévrysmes du ventricule gauche sont rares. Ils peuvent être spontanés ou acquis.
Grâce au développement de l'angiographie coronaire, la survenue d'anévrysmes et de pseudo-anévrysmes ventriculaires post-infarctus est devenue rare. Cependant, ils peuvent également être causés par une intervention cardiaque, un traumatisme, un acte iatrogène, une inflammation ou une infection.1 Ces complications doivent cependant être bien connues du clinicien en raison de leur évolution potentiellement différente.
Dans ces contextes, la complication doit toujours être gardée en mémoire par les cliniciens. Il est à noter par ailleurs que l'évolution peut être potentiellement différente selon le processus étiologique sous-jacent.
Nous rapportons un cas rare de volumineux pseudo-anévrysme du ventricule gauche posant initialement un questionnement sur substrat étiologique. Néanmoins un diagnostic précoce et une prise en charge agressive et rapide ont permis d'éviter une issue péjorative.
Cas clinique
Une patiente de 71 ans présentant des antécédents d'hypertension artérielle, est admise initialement aux urgences d'un hôpital régional dans un contexte d'altération de l'état général avec lipothymies et dyspnée d'effort, sans notion de douleur thoracique, dans un contexte de syndrome grippal.
À l'examen clinique, on objective une hypotension artérielle systolique à 80 mmHg, une fréquence cardiaque à 66 battements par minute, une saturation pulsée en oxygène à 86 % à l'air ambiant et une température corporelle à 37,9 °C.
L'auscultation pulmonaire est marquée par une hypoventilation et un syndrome bronchique bi basaux.
La biologie sanguine révèle comme anomalies un syndrome inflammatoire moderé avec une CRP à 70 mg/l et une hyperleucocytose à 24 950/mm.3 Les marqueurs cardiaques sont légèrement augmenté avec une troponine I ultrasensible à 45 ng/l (norme < 39).
L'électrocardiogramme montre un rythme sinusal et l'absence de trouble aigu signicatif de la repolarisation. Le scanner thoracique permet la visualisation d'une bronchopaghie diffuse d'allure infectieuse sans évidence formelle de foyer, des épanchements pleuraux bilatéraux ainsi qu'un volumineux épanchement péricardique de 15 mm d'épaisseur en arrière du ventricule gauche (VG).
L'exploration est rapidement complétée par une échographie cardiaque transthoracique qui confirme la présence d'un épanchement péricardique compressif de 17 mm en regard de la paroi inférolatérale du ventricule gauche. La fonction systolique apparait conservée avec une fraction d'éjection ventriculaire gauche conservée à > 55 %.
Le tableau clinique de syndrome infectieux respiratoire d'allure virale étant dominé par un épanchement péricardique évoluant vers une tamponnade, un drainage chirurgical est rapidement pratiqué par abord sous-xiphoïdien permettant l'évacuation de 300 ml de liquide séreux. L'analyse du liquide plaide pour origine virale sans identification de l'agent causal.
L'évolution est favorable sur le plan clinique et hémodynamique avec une échographie cardiaque transthoracique post-opératoire qui confirme l'absence d'épanchement péricardique résiduel significatif. La patiente regagne son domicile après un bref passage aux soins intensifs généraux.
Environ 7 semaines plus tard, la patiente est admise dans le service des Urgences de notre institution pour récidive de dyspnée, cette fois accompagnée de douleur thoracique.
L'examen clinique met en évidence un état hémodynamique stable avec une pression artérielle systolique à 134 mmHg, une fréquence cardiaque à 70 battements par minute et une saturation pulsée en oxygène à 90 % à l'air ambiant.
L'ECG s'inscrit en rythme sinusal à 74 battements par minute. Il présente un bloc de branche droit complet et anomalies aspécifiques de la repolarisation surajouté en latéral haut (D1, aVL).
Au vu de l'histoire clinique récente, une échographie transthoracique est réalisée d'emblée. Elle est marquée par l'étonnante mise en évidence d'une image hautement suggestive d'un pseudo-anévrysme de la paroi latérale du ventricule gauche : la paroi myocardique semble rompue sur 20 mm (collet) avec une évasion du flux en doppler dans une cavité présentant un volume de l'ordre de 35 cm². Cette formation s'étend vers la cavité pleurale en regard d'un épanchement pleural gauche cloisonné. Il persiste une fine lame péricardique non significative sans signe de tamponnade (figure 3).
L'exploration est complétée par une tomodensitométrie thoracique qui confirme le diagnostic, montrant une volumineuse cavité pseudo-anévrysmale de 11 cm de diamètre au contact d'un orifice pariétal postérieur de 35 mm de grand axe, ainsi que des épanchements pleuraux bilatéraux (figure 1). À ce stade, l'étiologie de la lésion n'est pas claire. Dans ces conditions, une stratégie en deux temps est proposée : une sanction chirurgicale urgente d'une part et ensuite après stabilisation exploration coronarographique d'autre part. En effet, au vu du risque non négligeable de rupture et du pronostic sévère de cette affection, une intervention chirurgicale urgente est realisée consistant en la fermeture du défect par un patch péricardique bovin. L'opération est réalisée par sternotomie médiane et sous circulation extra-corporelle. Les suites opératoires sont simples et la patiente est hopsitalisée aux soins intensifs pour sevrage respiratoire. L'ECG de contrôle objective une hypokinésie latérale et une akinésie inféro-latérale avec une fraction d'éjection ventriculaire gauche estimée est modérément altérée à 45 %.Le patch est bien en place.
La patiente étant stabilisée, l'exploration est ensuite complété par une coronarographie mettant en évidence une lésion critique sub-occlusive de l'artère interventriculaire antérieure proximale (IVA, segment 6) et une lésionde 85 % sur la circonflexe distale. Une revascularisation percutanée de l'IVA est pratiquée dans la foulée avec succès avec apposition d'un stent actif (DES; drug euting stent). La lésions de la circonflexe, d'aval très grêle, restera de traitement médical. L'évolution ultérieure est favorable. La patiente regagne son domicile après un mois de revalidation.
Discussion
Le pseudo-anévrysme du ventricule gauche ou « faux anévrysme » correspond à une cavité sanguine para-cardiaque qui se forme lorsqu'une rupture du myocarde est contenue par le péricarde adhérent ou par du tissu cicatriciel. Contrairement au vrai anévrysme dont la paroi garde tous ses éléments, le pseudoanévrysme ne contient ni endocarde, ni myocarde.1, 2 Sa localisation préférentielle se situe au niveaude la paroi postérieure ou inférieure, plus rarement au niveau de la paroi latérale ou antérieure
Les patients présentent souvent une symptomatologie faite de douleur thoracique, de dyspnée ou d'insuffisance cardiaque. Si la rupture du myocarde n'est pas entièrement contenue ou si le pseudo-anévrysme se rompt à son tour, le patient peut alors présenter une tamponnade, un choc cardiogénique ou une mort subite. Des phénomènes emboliques ou des arythmies sont plus rares. Dans 10 % des cas, les patients restent totalement asymptomatiques.3, 4
Le diagnostic du pseudo-anévrysme ventriculaire n'est pas aisé. Cette affection rare est souvent méconnue des cliniciens alors qu'elle peut grandement assombrir le pronostic vital du patient.5
En effet, comme l'illustre notre cas, le tableau clinique est souvent atypique et le bilan cardiologique primaire par ECG et échographie cardiaque transthoracique est souvent trompeur par son manque de sensibilité et de spécificité vis-à-vis d'une telle affection.5
L'étiologie principale des pseudo-anévrysmes ventriculaires gauches est de nature ischémique, celle-ci fragilisant la paroi myocardique qui finit par se rompre. Le pseudo-anévrysme est alors contenu par le péricarde. Il complique moins de 0,1 % des infarctus du myocarde et sa mortalité est de 50 % en l'absence de prise en charge chirurgicale. Il peut également être la conséquence d'une intervention chirurgicale cardiaque (33 %), d'un acte invasif (drainage péricardique ou pleural) (3 %), d'un traumatisme thoracique (7 %), d'une infection (5 %) ou encore de processus combinés. Les étiologies non-coronariennes sont plus souvent retrouvées chez les sujets jeunes.6
Dans notre cas rapporté, la réalisation d'un geste iatrogène invasif (drainage péricardique chirurgical par abord sousxyphoïdien) pourrait orienter l'hypothèse étiologique vers une possible lacération myocardique iatrogène qui aurait généré une fissure couverte pour se transformer ensuite en pseudoanévrysme.
En effet, comme décrit dans quelques rares cas dans la littérature, lors du drainage péricardique - qu'il soit effectué par voie transcutanée ou par voie chirurgicale - il existe un risque de complications, telles que la ponction des cavités cardiaques, une lacération du myocarde, une lésion d'une artère coronaire ou encore la survenue d'arythmie, d'un pneumothorax ou d'un pneumopéricarde.7
Une autre hypothèse est une complication survenue dans les suites d'un infarctus du myocarde non objectivé dans le décours du drainage péricardique puisqu'une lésion critique de l'artère interventriculaire antérieure et une lésion significative de la circonflexe ont pu être mises en évidence et traitées ultérieurement par coronarographie. En effet, il est démontré que la chirurgie peut favoriser les complications cardiovasculaires telles que l'ischémie myocardique par l'élévation du stress physiologique - les variations hémodynamiques demandant un besoin accru en dioxygène (O2) du myocarde (tachycardie, hypertension, …) - et un état prothrombotique.8, 9
Rappelons également le contexte initial de syndrome infectieux viral respiratoire pouvant également favoriser un terrain de fragilité coronarienne, d'une part sur l'hypoxémie relative et d'auter part sur un status prothrombotique potentie, pouvant favoriser la survenie d'un infarctus dy myocarde. In fine, c'est probablement la combinaison de ces différents facteurs qui aura conduit à la formation d'un pseudo-anévrysme du ventricule gauche.
Actuellement, la revue de la littérature révèle que l'angiographie, et plus précisément la ventriculographie, permet un diagnostic définitif dans 85 % des cas avec seulement 2 % de faux négatifs. Cela reste cependant une technique invasive.10
L'échographie transthoracique est une technique moins invasive, moins coûteuse et facilement disponible. Les points faibles résident dans son caractère opérateur-dépendant et dans les conditions de réalisation qui ne sont pas toujours optimales. Elle est généralement utilisée en première intention mais est moins sensible dans la détection des pseudo-anévrysmes.10, 11
La tomodensitométrie avec reconstruction 3D représente une technique d'imagerie fiable pour le diagnostic. Cependant, elle manque parfois de précision en termes de définition tissulaire. La résonance magnétique, lorsque disponible et en l'absence de contre-indication, est d'un apport considérable dans le diagnostic. Le rehaussement tardif après la prise de gadolinium est un marqueur spécifique de la fibrose myocardique, elle permet de faire la différence entre les vrais et faux anévrysmes.10
L'indication opératoire reste formelle en cas de diagnostic de faux anévrysme car le risque de rupture est plus important qu'en cas d'anévrysme vrai. Dans le cas illustré ici, la présence d'un épanchement pleural gauche cloisonné a probablement contribué à retarder la rupture anévrysmale en raison d'un certain degré compression extrinsèque.3
Plusieurs options chirurgicales existent, la plus couramment utilisée consiste en la fermeture du défect par un patch de péricarde bovin. L'intervention se fait par sternotomie médiane, sous circulation extra-corporelle. Les suites opératoires sont souvent favorables.12
Les pseudo-anévrysmes non traités peuvent causer des complications telles que la rupture, la tamponnade, la survenue de phénomènes thrombo-emboliques, un syndrome de masse avec compression des structures voisines, l'infection, l'arythmie ou l'insuffisance cardiaque.
Conclusion
Le pseudo-anévrysme ventriculaire est une complication rare mais potentiellement redoutable de l'infarctus du myocarde. Il peut également résulter, beaucoup plus rarement, d'autres étiologies. La situation clinique ici rapportée met en évidence la potentielle coexistence de différents facteurs étiologiques. Dan notre cas, le diagnostic a été posé de suite par échographie. L'exploration cardiologique initiale pouvant se révéler faussement rassurante, le diagnostic est parfois retardé. Cette affection est de pronostic sévère avec une présentation clinique peu spécifique. Le traitement doit être rapide et agressif compte-tenu du haut risque de rupture et la mortalité associée.
Le diagnostic pourrait être facilité - et le pronostic amélioré - par les progrès des nouvelles techniques l'imagerie cardiaque non invasive.
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