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Après EMPEROR-Reduced, EMPEROR-Preserved : la marche impériale continue !
  • Olivier Gurné

Grâce à DAPA-HF avec la dapagliflozine et EMPEROR-HF avec l'empagliflozine, les SGLT2i sont devenus le 4e pilier du traitement de l'HFrEF. Dans le monde de l'HFpEF, il faut admettre que le traitement est beaucoup moins bien défini ! Les résultats de EMPEROR-Preserved étaient donc attendus avec impatience lors du récent congrès de l'ESC, même si l'ambiance de cette expérience digitale ne remplace pas les grandes premières devant une salle comble en présentiel. Jamais une étude dans l'HFpEF n'avait montré un résultat franchement positif, même si des études post hoc récentes tendant à suggérer un bénéfice chez les patients avec une FE « un peu abaissée », dans ce qu'on appelle maintenant l'HFmrEF (le 'mr' étant devenu 'mildly reduced' au lieu de 'middle range').

Stefan Anker a présenté EMPEROR-Preserved et n'a pas déçu son auditoire digital. Presque 6 000 patients ont été inclus et randomisés entre 10 mg/jour d'empagliflozine et un placebo, en plus du traitement usuel qui ressemblait assez fort à un traitement de l'HFrEF (80 d'inhibiteur du système rénine-angiotensine, 37 d'inhibiteur de l'aldactone, 87 de bêtabloquant) même s'il n'existe que peu d'évidence à ce niveau, sur base d'études randomisées réalisées. Ces patients avaient, pour être inclus dans cette étude, de l'insuffisance cardiaque avec une fonction systolique préservée (FE > 40), en classe fonctionnelle ≥ 2 (mais plus de 80 étaient en classe NYHA 2) et avaient présenté une hospitalisation pour insuffisance cardiaque dans l'année précédant l'inclusion. Ils devaient avoir un taux de NT-BNP > 300 pg/ml pour ceux en rythme sinusal et > 900 pour ceux en fibrillation auriculaire. Leur GFR devait être ≥ 20 il est loin le temps où on pensait que les SGLT2i étaient réservés aux patients avec une fonction rénale normale !

Le critère d'évaluation principal, combinant mortalité cardiovasculaire et hospitalisation a été largement atteint avec une réduction de 21 en faveur de l'empagli flozine, largement significatif (p = 0,0003). Ce bénéfice était surtout lié à une large réduction des hospitalisations pour insuffisance cardiaque comme le montre la figure 1, la réduction de 9 de la mortalité cardiovasculaire observée n'étant pas significative.

Ce bénéfice se voyait autant chez les patients non-diabétiques que chez les diabétiques et de même chez les patients avec une fonction rénale normale ou pas. Le bénéfice était aussi indépendant du traitement sous-jacent. On notait néanmoins une légère interaction avec la fraction d'éjection, avec des résultats qui deviennent non significatifs pour les patients avec FE > 60. On peut d'ailleurs faire le parallèle avec d'autres études dans l'HFpEF qui sont négatives dans leur globalité, contrairement à EMPEROR-Preserved où des analyses post hoc soustendent un bénéfice chez les patients HFpEF avec un FE < 50-60, comme c'est le cas par exemple pour PARAGON avec le sacubitril/valsartan, pour TOPACT avec la spironolactone.

La qualité de vie des patients était aussi améliorée chez les patients sous empagliflozine comme en témoigne l'amélioration de la classe fonctionnelle NYHA ou l'évolution évaluée par le classique Kansas City Cardiomyopathy Questionnaire. Les effets secondaires étaient relativement faibles avec un peu plus de problèmes d'hypotension orthostatique et d'infections génitales, ce qui est classique avec ce genre de médication.

Cerise sur le gâteau, le deuxième critère d'évaluation secondaire, la pente de diminution de la filtration glomérulaire au cours du temps était améliorée de façon significative sous empagliflozine, ce qui témoigne d'une protection au niveau rénal de bonne augure chez ces patients, même si un critère plus sévère comme la survenue d'évènement majeurs sur le plan rénal, comme une réduction de la GFR > 40 ou la nécessité d'un traitement de remplacement pour le rein n'était pas modifié alors qu'il était très nettement réduit (- 49) chez les patients avec une HFrEF de EMPEROR-reduced.

L'étude EMPEROR-Pooled, présentée par Milton Packer, permet d'avancer un peu plus dans tout le spectre de l'insuffisance cardiaque, ce qui est d'autant plus intéressant que la fraction d'éjection est une variable continue et la distinction entre HFrEF et HFpEF est un peu arbitraire à ce niveau. EMPEROR-Reduced et EMPEROR-Preserved sont deux études similaires dans leur design et EMPEROR-Pooled avait été conçue prospectivement pour combiner les deux, en regroupant ainsi 9 718 patients. La figure 2 montre clairement la même efficacité de l'empagliflozine dans les deux études, avec un bénéfice surtout marqué sur les hospitalisations pour insuffisance cardiaque.

Dans EMPEROR-Preserved, il existait une interaction significative (p = 0,008) entre le nombre total d'hospitalisations pour insuffisance cardiaque et la fraction d'éjection et on voit clairement que le bénéfice est le même chez tous les sousgroupes de patients (réduction de l'ordre de 30), à la seule exception des patients avec une FE ≥ 65. Ce sous-groupe de patients, qui ne bénéficie pas de l'empagliflozine, est caractérisé aussi pas un plus grand pourcentage de femmes, avec une cardiomyopathie non ischémique et plus d'hypertension artérielle.

De façon intéressante, la relation entre la fraction d'éjection et la protection au niveau rénal a été étudiée en détails dans EMPEROR-Pooled en prenant un critère plus sévère que le critère original de 40. On l'a redéfini (post hoc) comme une réduction d'au moins 5 de la GFR, de la nécessité d'une hémodialyse ou d'une transplantation rénale. En faisant ainsi, on a pu observer comme le montre la figure 3 une nette relation entre un effet protecteur sur le plan rénal de l'empagliflozine et la fraction d'éjection. Tout comme pour les hospitalisations pour insuffisance cardiaque, l'empagliflozine perd son bénéfice chez les patients avec un FE « normale », supérieure à 60.

En conclusion, les SGLT2i deviennent un traitement majeur de l'insuffisance cardiaque. DAPA-HF et EMPEROR-Reduced avaient montré clairement la voie dans l'HFrEF au point que dans les nouveaux guidelines de l'insuffisance cardiaque, ils sont clairement devenus le 4e pilier du traitement avec la nécessité de les introduire rapidement, tout comme les inhibiteurs de l'enzyme de conversion ou plutôt les ARNI (sacubitril/valsartan), les bêtabloquants et les inhibiteurs de l'aldactone. Dans l'insuffisance cardiaque à fonction VG préservée, tout au moins quand la FE est inférieure à 60, l'empagliflozine vient de démontrer son utilité. La balle est donc dans le camp de la dapaglifozine avec l'étude DELIVER pour confirmer un effet de classe dans cette indication. Nous vivons un changement de paradigme, avec au départ une médication destinée au diabète de type 2 qui devient un must dans le traitement de l'insuffisance cardiaque, voir même un traitement de l'insuffisance rénale, considérée au départ comme une contre-indication à leur utilisation.

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