Cette année, le congrès du BIWAC fut virtuel, et sa 7e édition, 'State-of- the-art in acute cardiac care', s'est tenue le 18 juin 2021. Quatre thèmes ont été abordés lors de ce congrès: la prise en charge du syndrome coronarien aigu, le choc cardiogénique/la réanimation, l'insuffisance cardiaque aiguë et les considérations éthiques chez les patients recevant une assistance hémodynamique mécanique temporaire. Le compte rendu ci-dessous reprend quelques-uns des sujets traités.
Le choc cardiogénique
Dans un débat pour/contre sur la prise en charge du choc cardiogénique, deux options d'assistance circulatoire mécanique ont été opposées l'une à l'autre: le dispositif d'assistance ventriculaire gauche percutané (DAVGp, Impella®) et l'oxygénation extracorporelle par membrane avec approche veino-artérielle (VA-ECMO) (figure 1).
Impella
T. Balthazar (UZ Brussel)
Le choc cardiogénique peut être subdivisé en différentes phases, en fonction de sa sévérité (A -> E selon la classification SCAI, figure 2). Plus on s'enfonce dans la spirale négative du choc, plus il devient difficile d'inverser l'état de choc. En cas d'échec de l'approche médicamenteuse, on recourt fréquemment à l'assistance circulatoire mécanique (ACM) en attendant soit la récupération, soit une solution à long terme telle qu'un dispositif d'assistance ventriculaire gauche (DAVG) permanent ou une transplantation cardiaque. Cependant, les preuves au sujet de l'utilisation de l'ACM temporaire sont limitées. Il est important de choisir le type d'assistance adéquat (figure 3).1 La plupart des études qui ont évalué l'utilisation du DAVGp sont observationnelles. Les études qui plaident en faveur de l'Impella (en l'occurrence une meilleure survie) ont été réalisées dans des centres expérimentés avec utilisation systématique d'un protocole de choc cardiogénique et d'un monitoring invasif à l'aide d'un cathéter de Swan-Ganz. En outre, ici, le système Impella avait été implanté précocement (stades A et B du SCAI, souvent avant la réalisation d'une intervention coronaire percutanée [PCI]). En revanche, les études qui n'ont pas pu démontrer de différences sur le plan de la survie étaient multicentriques, avec de grandes différences de timing, de critères d'inclusion, de prise en charge et de survie entre les différents centres. Ainsi, à ce jour, on ne dispose pas encore de données robustes pour étayer l'utilisation de l'Impella. Néanmoins, le système Impella peut offrir un avantage chez certains patients. Ce dispositif favorise la récupération myocardique en déchargeant (unloading) le ventricule gauche (VG), contrairement à la VA-ECMO lors de laquelle la postcharge du VG augmente, de même que la pression télédiastolique du VG (PTDVG). Une étude menée par Swain et al. chez des patients présentant un infarctus myocardique avec sus-décalage du segment ST (STEMI) a montré que la décharge du VG avec l'Impella entraînait une réduction du territoire infarci, tandis que la VA-ECMO avait tendance à l'augmenter.² En outre, dans une étude pilote portant sur de grands infarctus antérieurs, la décharge du VG avant la reperfusion par PCI entraînait une réduction de la zone infarcie. Des projets de plus grande envergure sont en cours pour confirmer ces données. Lorsqu'on opte quand même pour la VA-ECMO, l'association précoce de l'Impella pour réduire la postcharge du VG est également utile (stratégie appelée 'ECMELLA'). Pappalardo et al. ont été parmi les premiers à publier une grande série sur ce sujet, et les résultats ont été confirmés par Schrage et al.3,4 Ici aussi, le bénéfice le plus important a été observé lorsque la stratégie était appliquée précocement (dans les 2 heures suivant l'arrivée du patient). Dans quelques séries observationnelles, on a constaté un taux de complications inférieur à celui de la VA-ECMO, en raison de la canule plus petite (moins de complications vasculaires) et du circuit plus petit (moins de complications liées à l'hémostase). Lors de l'évaluation des complications, il existe un certain biais de sélection, car ce sont les patients dont l'état est le plus critique qui sont placés sous VA-ECMO, souvent dans l'urgence, ce qui augmente le nombre de complications. Dans les centres étrangers, l'Impella est implanté à titre prophylactique en cas de PCI à haut risque, avant de procéder à la reperfusion. Cela permet d'acquérir de l'expérience dans des contextes non urgents, avec des taux de complications plus faibles.
Il existe un écueil majeur lors de l'utilisation de l'Impella: le ventricule droit (VD). Comme il n'est pas déchargé, sa fonction doit être étroitement surveillée et il faut être attentif au développement d'une défaillance du VD. Enfin, le coût de l'Impella est considérable. En Belgique, un remboursement est prévu dans des cas sélectionnés.
VA-ECMO
O. Van Caenegem (UCL Brussel)
La VA-ECMO peut être mise en place de manière périphérique (par voie percutanée ou chirurgicale via une incision inguinale) ou centrale (via une sternotomie ou thoracotomie). En cas de canulation périphérique, on place généralement une canule de drainage (V) dans la veine cave inférieure via la veine fémorale et une canule de retour (A) dans l'aorte descendante, via l'artère fémorale. Certains des avantages de l'Impella ont été réfutés. Ainsi, les complications sont fréquentes avec toutes les techniques, y compris avec l'Impella. La base de données MAUDE, portant sur 855 patients traités avec un Impella, a enregistré 16 % de complications vasculaires et plus de 30 % de complications hémorragiques.5 En outre, la VA-ECMO fournit un soutien efficace au coeur droit. D'autres avantages sont le fait que le système peut être instauré dans un contexte de réanimation (ce qu'on appelle l'eCPR) et que la mise en place ne nécessite pas de fluoroscopie, de sorte que le système peut être mis en place n'importe où (parfois même avant l'arrivée à l'hôpital). Par ailleurs, la VA-ECMO permet également une assistance respiratoire. Cependant, ici, il est parfois nécessaire de modifier la configuration et de placer une canule veineuse supplémentaire pour éviter une hypoxémie de la moitié supérieure du corps (syndrome de l'Arlequin). Un dernier avantage important est la possibilité d'envisager un prélèvement d'organe sous VA-ECMO; ici, il est important de veiller à une procédure correcte et éthique. En outre, la VA-ECMO entraîne effectivement une augmentation de la postcharge du VG et de la PTDVG. Toutefois, ceci ne doit pas être considéré comme un inconvénient, car il existe plusieurs stratégies éprouvées pour décharger le VG (p. ex. réduction du débit de l'ECMO, septostomie atriale, combinaison de dispositifs d'ACM, techniques plus invasives, etc.).
Insuffisance cardiaque aiguë
L'insuffisance cardiaque aiguë: état de la question
F. Verbrugge (UZ Brussel)
Dans le cadre de l'insuffisance cardiaque aiguë, il n'existe pas de stratégie universelle, ce qui souligne l'importance d'une bonne classification. Sur le plan clinique, nous distinguons les catégories suivantes: insuffisance cardiaque aiguë sur chronique (65 %), oedème pulmonaire (16 %), insuffisance cardiaque hypertensive (11 %), choc cardiogénique (4 %) et insuffisance cardiaque droite (3 %).6
Le choc cardiogénique est défini comme un débit cardiaque insuffisant pour répondre aux exigences métaboliques de base pour le bon fonctionnement et l'intégrité des organes au repos.7 La pression artérielle systolique seule en est un mauvais indicateur; l'accent a été mis sur l'importance de la pression diastolique et de la pression pulsée, d'une part, et sur les signes cliniques d'hypoperfusion, d'autre part (faible diurèse, état mental, extrémités froides et augmentation des lactates).
Afin de pouvoir instaurer un traitement adéquat en cas d'insuffisance cardiaque aiguë, il faut évaluer l'état de congestion et de perfusion du patient selon la classification de Stevenson (humide vs sec, froid vs chaud). Le profil le plus courant en cas d'insuffisance cardiaque aiguë est celui de patients congestionnés qui ont une perfusion préservée (chauds, humides). La congestion peut être suivie notamment à l'aide d'échocardiographies et de Dopplers des vaisseaux sanguins hépatiques et rénaux. Sur ce plan, la distinction entre une mauvaise répartition du volume et une véritable surcharge volumique est importante (figure 4). Il faut tendre à une décongestion adéquate à l'aide de diurétiques en cas de rétention hydrique, en surveillant la réponse aux diurétiques, par exemple via l'excrétion urinaire de sodium. L'utilisation de vasodilatateurs améliore le pronostic en cas d'insuffisance cardiaque aiguë, et ce, contrairement aux agents inotropes.8 Les patients ayant une pression artérielle systolique plus basse tirent contre-intuitivement le plus de bénéfices de la réduction de la postcharge, en raison de la présence d'une vasoconstriction périphérique marquée.7 L'utilisation systématique de la ventilation non invasive (VNI) en cas d'oedème pulmonaire aigu est indiquée, en raison de la décharge du ventricule gauche, de la réduction du travail respiratoire et d'un meilleur rapport ventilation-perfusion. Les pièges lors de l'utilisation de la VNI sont la charge supplémentaire sur le ventricule droit et le report inutile de la sédation et de l'intubation (qui réduisent la consommation d'oxygène du myocarde).7 On a attiré l'attention sur les effets néfastes de l'administration libérale d'oxygène, comme la vasoconstriction coronaire; une saturation périphérique en oxygène d'environ 90 % est suffisante.
Lors du diagnostic d'une insuffisance cardiaque aiguë, il faut toujours rechercher la cause sous-jacente et les facteurs potentiellement réversibles. L'optimisation du traitement modifiant la maladie est primordiale.
Agents inotropes en cas d'insuffisance cardiaque aiguë
A. Herpain (ULB Erasme)
L'instauration d'agents inotropes doit toujours être mûrement réfléchie, étant donné l'absence de preuves sur le plan de paramètres concrets tels que la mortalité. L'utilisation est reconnue en cas d'insuffisance cardiaque aiguë, en cas de diminution du débit cardiaque malgré un volume intravasculaire adéquat, de préférence toujours en association avec un traitement causal.9 La dobutamine, qui appartient au groupe des agonistes ß-adrénergiques, est le produit de premier choix. L'utilisation d'adrénaline comme alternative a été déconseillée, en raison de son effet défavorable sur le pronostic. L'exposition aux catécholamines est préjudiciable compte tenu du risque accru d'arythmies, de l'augmentation des besoins en oxygène du myocarde avec augmentation du déséquilibre entre la demande et l'apport, de la paralysie immunitaire et du raccourcissement de la phase diastolique. En outre, une régulation négative des récepteurs bêta-1 peut se produire. Le lévosimendan, un sensibilisateur calcique relativement récent, gagne sans cesse en importance. Bien qu'il ne soit pas supérieur à la dobutamine dans les différentes études, il présente un profil d'effets indésirables plus favorable et on pense qu'il aurait des effets réno- et cardioprotecteurs. Le lévosimendan doit en particulier être envisagé dans les situations suivantes: cardiomyopathie de Takotsubo, syndrome cardiorénal, cardiomyopathie ischémique et en cas de prise de bêtabloquants, mais il reste pour l'instant un traitement de deuxième ligne. La réduction de la postcharge demeure primordiale dans le traitement de l'insuffisance cardiaque aiguë. Les agents inotropes peuvent être utilisés brièvement, mais en cas de dégradation sous le traitement instauré, il faut envisager une assistance circulatoire mécanique.
Insuffisance rénale aiguë associée à l'insuffisance cardiaque aiguë
H. Schaubroeck (UZ Gent)
L'incidence d'une insuffisance rénale aiguë en cas d'insuffisance cardiaque aiguë est élevée (jusqu'à 47 %), et elle affecte négativement le pronostic.10 Des valeurs élevées de créatinine ne signifient pas nécessairement qu'il y a une atteinte rénale, mais elles reflètent souvent les répercussions fonctionnelles des interactions cardio-rénales ('pseudo-insuffisance rénale').11 L'augmentation de la 'postcharge' rénale face à la congestion veineuse est le facteur le plus important dans l'apparition d'une insuffisance rénale aiguë en cas d'insuffisance cardiaque aiguë. La prise en charge d'un dilemme cardio-rénal repose sur 3 piliers: la réponse aux diurétiques, la décongestion adéquate et la perfusion optimale. Une congestion résiduelle à la sortie de l'hôpital, après une admission pour insuffisance cardiaque, est défavorable d'un point de vue pronostique.12 Il est important d'identifier la résistance aux diurétiques en évaluant la réponse aux diurétiques dans les premières heures suivant leur administration.13 Si les diurétiques de l'anse ont un effet décongestionnant insuffisant, il faut envisager l'association d'acétazolamide ou d'inhibiteurs du SGLT2. Tous deux réduisent la réabsorption du sodium dans le tubule proximal (blocage séquentiel du néphron).11 Deux ECR sont menées à ce jour (Advor, Empulse) pour examiner l'effet de cette stratégie sur les critères d'évaluation de l'insuffisance cardiaque. En outre, les antagonistes de l'aldostérone peuvent être initiés précocement, en partie comme pierre angulaire du traitement d'entretien. Si la congestion persiste malgré le blocage séquentiel du néphron, l'ultrafiltration peut offrir une solution. Cela reste une stratégie bail-out en raison de preuves trop limitées en faveur d'une utilisation systématique.14 Une prise en charge étiologique adéquate associée à un traitement modifiant la maladie cardiaque sous-jacente est également la base de la prise en charge de l'insuffisance rénale aiguë chez ces patients, et il ne faut pas les interrompre en cas de légère détérioration de la fonction rénale.
Références
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- Swain, L., Reyelt, L., Bhave, S., Qiao, X., Thomas, C.J., Zweck, E. et al. Transvalvular Ventricular Unloading Before Reperfusion in Acute Myocardial Infarction. J Am Coll Cardiol, 2020, 76 (6), 684-699.
- Pappalardo, F., Schulte, C., Pieri, M., Schrage, B., Contri, R., Soeffker, G. et al. Concomitant implantation of Impella(®) on top of veno-arterial extracorporeal membrane oxygenation may improve survival of patients with cardiogenic shock. Eur J Heart Fail, 2017, 19 (3), 404-412.
- Schrage, B., Becher, P.M., Bernhardt, A., Bezerra, H., Blankenberg, S., Brunner, S. et al. Left Ventricular Unloading Is Associated With Lower Mortality in Patients With Cardiogenic Shock Treated With Venoarterial Extracorporeal Membrane Oxygenation: Results From an International, Multicenter Cohort Study. Circulation, 2020, 142 (22), 2095-2106.
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