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Reconnaissance et diagnostic précoces de l'amyloïdose cardiaque
  • Victor Issa , Emeline Van Craenenbroeck

Le point de vue du European Society of Cardiology Working Group on Myocardial and Pericardial Diseases

En 2021, l'intérêt croissant pour le diagnostic correct des patients suspectés d'être atteints d'amyloïdose cardiaque est pleinement justifié. Grâce aux récents développements prometteurs, le nihilisme thérapeutique qui a longtemps dominé peut enfin disparaître. Comme tout dépend d'un diagnostic précoce correct, les principaux points de l'établissement du diagnostic sont résumés ci-dessous, d'après une publication récente du European Society of Cardiology Working Group on Myocardial and Pericardial Diseases.1

Définition

L'amyloïdose se caractérise par un dépôt de précurseurs protéiques mal pliés, sous forme d'agrégats fibrillaires présentant une conformation anormale à feuillets ß croisés dans l'espace extracellulaire de différents tissus. À l'heure actuelle, 36 protéines différentes ont été identifiées, mais l'amyloïdose cardiaque (AC) est principalement due à deux causes majeures : 1) l'agrégation de chaînes légères d'immunoglobulines et 2) la transthyrétine mal pliée (ATTR), à savoir la forme héréditaire (ATTRv) ou acquise (ATTRwt).

Quand suspecter une amyloïdose cardiaque ?

La présentation clinique est souvent vague, mais des red flags devraient faire suspecter une AC (tableau 1). Bien que les biomarqueurs (tels que la troponine T et le NT-proBNP) ne soient pas spécifiques pour l'AC, s'ils se situent dans la plage normale, une implication cardiaque peut être exclue dans la grande majorité des cas. Les modifications typiques de l'ECG sont un microvoltage (qui contraste avec le degré d'épaississement de la paroi ventriculaire gauche), un aspect de pseudo- infarctus, un élargissement de QRS, des arythmies atriales (fibrillation atriale, surtout) et des troubles de la conduction atrio-ventriculaire. Dans ces situations cliniques spécifiques, une amyloïdose cardiaque devrait toujours être suspectée :

  • Cardiopathie en présence d'une affection systémique typique telle qu'une dysglobulinémie plasmocytaire, un syndrome néphrotique, une neuropathie périphérique ou une maladie inflammatoire systémique chronique, en particulier en présence d'observations compatibles à l'imagerie cardiaque.
  • Épaississement de la paroi chez les patients plus âgés atteints d'insuffisance cardiaque, avec fraction d'éjection conservée, cardiomyopathie hypertrophique ou sténose aortique grave, en particulier chez les personnes ayant subi un remplacement transcathéter de la valve aortique.
  • Le dépistage de l'amyloïdose cardiaque est généralement recommandé chez les patients dont la paroi est épaissie (> 12 mm) et présentant une insuffisance cardiaque, une sténose aortique ou des red flags, en particulier s'ils ont plus de 65 ans.
  • Critères diagnostiques

    Le diagnostic d'amyloïdose cardiaque est posé lorsque des fibrilles amyloïdes sont détectées dans le tissu cardiaque. Des critères diagnostiques invasifs et non invasifs sont proposés. Les critères diagnostiques invasifs s'appliquent à toutes les formes d'amyloïdose cardiaque, tandis que les critères non invasifs ne sont acceptés que pour l'AC ATTR.

    Critères diagnostiques invasifs

    Ces critères reposent sur la mise en évidence de dépôts amyloïdes, par coloration au rouge Congo, dans le myocarde. Le diagnostic peut également être posé lorsque des dépôts amyloïdes observés dans une biopsie extracardiaque (tissu adipeux, par exemple) s'accompagnent de caractéristiques typiques à l'échocardiographie ou à la résonance magnétique cardiaque (RMC).

    Critères diagnostiques non invasifs

    L'AC-ATTR peut également être diagnostiquée sans histologie dans le contexte de résultats d'une échocardiographie/ RMC ordinaire, lorsqu'une scintigraphie au 99mTc-PYP (pyrophosphate), au 99mTc- DPD (acide 3,3-diphosphono-1,2-propane dicarboxylique) ou au 99mTc-HMPD (hydroxyméthylène diphosphonate) met en évidence une fixation myocardique de grade 2 ou 3 du radiotraceur et qu'une dyscrasie clonale est exclue par tous les tests suivants : dosage sérique des chaînes légères libres (CLL), électrophorèse des protéines urinaires (EPUI) et sériques (EPSI) avec immunofixation. L'interprétation d'un faible taux de protéines monoclonales ou d'une légère augmentation du rapport kappa/lambda (rapport des CLL) peut s'avérer complexe. Ces observations peuvent être faites chez les patients atteints d'une néphropathie chronique (NC) ou d'une gammapathie monoclonale de signification indéterminée (GMSI) (tableau 2).

    Algorithme diagnostique

    L'algorithme diagnostique réserve un rôle central à la scintigraphie cardiaque (figure 1). Les résultats de ces examens peuvent conduire à quatre scénarios :

    • La scintigraphie ne montre pas de fixation cardiaque et les dosages des protéines monoclonales sont négatifs. La probabilité d'amyloïdose cardiaque est très faible ; l'ATTR et l'amyloïdose AL sont improbables. Un autre diagnostic doit être envisagé.
    • La scintigraphie ne montre pas de fixation cardiaque et au moins un des dosages des protéines monoclonales est anormal. L'amyloïdose AL doit être exclue immédiatement et la RMC peut être utilisée pour confirmer l'implication cardiaque.
    • La scintigraphie montre une fixation cardiaque et les dosages des protéines monoclonales sont négatifs. Si la fixation cardiaque est de grade 2 ou 3, le diagnostic d'AC ATTR peut être confirmé. Poursuivez avec une analyse génétique afin de distinguer les formes ATTRv et ATTRwt.
    • La scintigraphie montre une fixation cardiaque et au moins un des dosages des protéines monoclonales est anormal. Une amyloïdose ATTR avec GMSI simultanée, une amyloïdose AL ou une amyloïdose AL et une amyloïdose ATTR concomitantes sont possibles dans ce scénario.

    Concepts essentiels

    Une amyloïdose cardiaque doit être envisagée chez les patients dont la paroi est épaissie, en présence de red flags cardiaques ou extracardiaques et/ou dans des situations cliniques spécifiques.

    L'algorithme diagnostique accorde une place centrale à la scintigraphie osseuse, en association avec le dosage des protéines monoclonales, permettant ainsi de poser le diagnostic correct chez les patients présentant des signes/symptômes suggestifs.

    Références

    1. Garcia-Pavia, P., Rapezzi, C., Adler, Y., Arad, M., Basso, C., Brucato, A. et al. Diagnosis and treatment of cardiac amyloidosis. A position statement of the European Society of Cardiology Working Group on Myocardial and Pericardial Diseases. Eur J Heart Fail, 2021, 23 (4), 512-526.

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