Compte rendu d'une session de la BSC - session 9
Cette session en ligne était présidée par Patrizio Lancellotti (cardiologie, CHU Liège) et Thomas Vanassche (cardiologie, UZ Leuven).
What to do in case of atrial fibrillation?
Peter Rossing
Peter Rossing de l'Unité de recherche du Steno Diabetes Center à Copenhague a expliqué que le diabète, l'insuffisance rénale chronique et la fibrillation auriculaire (FA) augmentent déjà en soi le risque d'accident cérébrovasculaire (AVC ET AIT), mais qu'en plus, ces affections coexistent fréquemment. Environ 15 % des diabétiques souffrent de FA, et on trouve un diabète chez 30 % des patients atteints de FA. Le diabète aggrave l'insuffisance rénale, etc.
Le diabète a un impact majeur sur la santé cardiovasculaire (CV). 80 % des diabétiques décèdent d'une complication cardiovasculaire. Outre une macroangiopathie évidente (cerveau, coeur, vaisseaux périphériques), on observe une microangiopathie, avec une rétinopathie, une néphro-angiopathie et une neuro-angiopathie, chaque fois à raison de 30 %. La fonction rénale se détériore, et les amputations des membres inférieurs ne sont pas rares.
Dans ce cas, la FA est bien évidemment très importante: ce n'est pas pour rien que le diabète vaut 1 point dans le score CHA2DS2-VASc: le risque d'AVC/AIT augmente de 2 à 4 fois.
Les anticoagulants directs jouent-ils un rôle ici? Les NOAC sont aussi efficaces chez les diabétiques que chez les non-diabétiques, et on n'observe pas plus de complications. On s'inquiète souvent à propos du risque hémorragique. Dans l'étude ROCKET AF, lors de laquelle le score CHA2DS2-VASc moyen des diabétiques atteignait 3,7, la mortalité vasculaire dans ce groupe était significativement plus faible, comparativement à la warfarine. On notait une tendance à une diminution des hémorragies intracrâniennes. Par ailleurs, les 3 premières études conduites avec les NOAC ont montré une protection contre la surmortalité CV chez les diabétiques, avec un risque réduit d'AVC/ AIT. En cas d'insuffisance rénale, les NOAC entraînent moins de diminution de la clairance de la créatinine que la warfarine (étude ORBIT-AF), et moins de progression vers un stade 5 d'insuffisance rénale, ou vers une dialyse (du moins pour le dabigatran et le rivaroxaban).
What to do in case of coronary artery disease?
Karl Dujardin
Karl Dujardin (cardiologie, AZ Delta, Roulers) a analysé des données récentes concernant le volet artériel du système vasculaire, en l'occurrence les coronaires, avec l'accent sur la FA et l'insuffisance rénale chez ces patients. La prévention des maladies coronariennes chroniques repose classiquement sur les piliers hygiéniques (style de vie), médicaux et pharmacologiques. Les bases du dernier pilier sont traditionnellement l'acide acétylsalicylique (AAS), le clopidogrel et le ticagrelor. L'inhibition de la thrombine a potentiellement une valeur ajoutée en plus de l'inhibition plaquettaire.
Ici, les anticoagulants n'ont initialement pas montré de bons résultats. La warfarine protégeait, en plus de l'AAS, mais au prix d'hémorragies importantes. Les premières études avec les NOAC étaient négatives (ESTEEM, REDEEM, APPRAISE-2). Le tournant s'est amorcé avec l'étude ATLAS, lors de laquelle le rivaroxaban était associé à une diminution des accidents thrombotiques, des réhospitalisations et des décès, après un syndrome coronarien aigu (8,9 vs 10,7 %), mais au prix d'hémorragies plus fréquentes, de sorte qu'on ne l'a finalement pas recommandé pour les patients recevant une double thérapie antiagrégante plaquettaire (DAPT).
L'étude COMPASS (patients souffrant de maladies coronariennes stables ou de vasculopathies périphériques) a montré un avantage, avec moins d'événements cardiaques et cérébraux lorsqu'on ne se fiait pas à l'AAS seul. Le rivaroxaban (2,5 mg BID) et l'AAS associés réduisaient le risque d'AVC ischémique/d'AIT, et le critère d'évaluation combiné de 24 %, sans excès d'hémorragies fatales ou intracrâniennes, de sorte qu'on notait un bénéfice clinique net. Signalons toutefois que les patients ayant une indication de DAPT avaient été exclus.
Lorsqu'on a comparé les résultats chez les patients souffrant ou non d'insuffisance rénale (définition DFG < 60 ml/min), il est apparu que l'effet et les effets indésirables n'étaient pas influencés par l'insuffisance rénale.1 L'effet se maintient également chez les diabétiques. En cas de diabète, la réduction absolue de la mortalité était 3 fois plus élevée.2 Ici aussi, le nombre d'hémorragies était identique. Finalement, on voit qu'en cas de nombre croissant de facteurs de risque, le bénéfice absolu le plus élevé concerne les effets indésirables majeurs et la mortalité.
Ceci nous amène en définitive à un concept lors duquel un patient sous DAPT se retrouve dans un groupe à risque accru pendant 1 an (après une PCI). Soit il a un risque hémorragique accru, et il passera au bout de 3 mois à une monothérapie: 'SAPT' (S: single), soit il court un risque thrombotique accru, ce qui constitue une indication pour une association d'AAS et d'une faible dose de rivaroxaban.
Un traitement antithrombotique de longue durée peut donc s'avérer utile. Les patients présentant de nombreux facteurs de risque (diabète, insuffisance rénale, insuffisance cardiaque et atteinte polyvasculaire) en tirent le plus de bénéfices cliniques, de même qu'une réduction de la mortalité. Le bénéfice global est influencé par la survenue d'hémorragies. Une prise en charge individualisée avec analyse du risque résiduel semble judicieuse, car de nouvelles stratégies préventives émergent également.
What to do in case of pulmonary embolism?
Cédric Hermans
Le dernier orateur, Cédric Hermans (Hématologie, UCL St Luc, Bruxelles) a expliqué que faire en cas d'embolie pulmonaire (EP), souvent consécutive à une thrombose veineuse profonde (TVP). À l'échelle mondiale, on dénombre plus de 3 millions de décès par an, des suites de cette affection veineuse.3
En soi, le diabète n'est pas un facteur de risque ici, mais ses comorbidités constituent bien un risque, en l'occurrence l'obésité, les infections chroniques, la chirurgie. Les comorbidités du diabète (insuffisance rénale, traitement, obésité) peuvent quant à elles avoir un impact sur les modalités et l'efficacité du traitement.
En soi, les facteurs de risque cardiovasculaire classiques ne constituent pas véritablement un risque pour une EP ou une TVP. Les facteurs de risque pour les embolies pulmonaires peuvent être 'externes' (traumatisme, cathétérisation, chirurgie, pathologie aiguë) ou 'internes', en cas de prédisposition existante (thrombophilie, insuffisance cardiaque chronique, varices, insuffisance rénale …). Par ailleurs, il y a des facteurs transitoires tels qu'un cancer et une inflammation chronique, qui peuvent toutefois également devenir continus. Si on ne trouve rien, il s'agit d'une forme idiopathique. Tout ceci détermine également la durée du traitement.
Il a tout d'abord évoqué le traitement classique avec une héparine à bas poids moléculaire (HBPM) et un antagoniste de la vitamine K (AVK) pendant 3 mois ou plus. Actuellement, les NOAC ont grandement permis de simplifier ce schéma. L'apixaban et le rivaroxaban sont étudiés pour l'ensemble du trajet (y compris en phase précoce). En ce qui concerne le rivaroxaban, on donne initialement 30 mg par jour, et ensuite 20 mg par jour pendant 6 mois.
Qu'en est-il des patients fragiles? Ils ont fait l'objet des études EINSTEIN avec le rivaroxaban. L'étude EINSTEIN et les données issues de la pratique réelle (real world) révèlent que la stratégie basée sur le rivaroxaban est meilleure que celle basée sur HBPM/AVK, tant chez les patients fragiles ou cancéreux que chez les patients souffrant d'affections rénales et les patients jeunes. Chez les patients fragiles (> 75 ans, faible poids), on n'a observé d'hémorragie sévère que dans 1,3 % des cas, contre 4,5 % avec la stratégie classique.
Combien de temps un patient doit-il être traité, et à quelle intensité? Ici, quelques facteurs déclenchants et prédisposants jouent un rôle. Chez certaines personnes, il est nécessaire de prévoir un traitement de longue durée, parfois même à vie dans certains cas. L'étude EINSTEIN CHOICE a comparé le rivaroxaban avec 100 mg d'AAS sur le plan de la prévention des récidives tardives - tant 10 mg/j que 20 mg/j étaient plus efficaces, et ce sans augmenter le risque hémorragique. Les NOAC faiblement dosés (p. ex. 10 mg de rivaroxaban) sont le premier choix thérapeutique après une EP, en vue d'un traitement de longue durée, y compris chez les patients fragiles.
Discussion
Lors de la discussion, on a encore abordé la posologie en cas d'administration prolongée. Un contrôle régulier reste indispensable. Parfois, une dose plus élevée est nécessaire (thrombophilie sévère, …). Les D-dimères pourraient être utiles à des fins d'évaluation.
Références
- Fox, K.A.A., Eikelboom, J.W., Shestakovska, O., Connolly, S.J., Metsarinne, K.P., Yusuf, S. Rivaroxaban Plus Aspirin in Patients With Vascular Disease and Renal Dysfunction: From the COMPASS Trial. J Am Coll Cardiol, 2019, 73 (18), 2243-2250.
- Bhatt, D.L., Eikelboom, J.W., Connolly, S.J., Steg, P.G., Anand, S.S., Verma, S. et al. COMPASS Steering Committee and Investigators. Role of Combination Antiplatelet and Anticoagulation Therapy in Diabetes Mellitus and Cardiovascular Disease: Insights From the COMPASS Trial. Circulation, 2020, 141 (23), 1841-1854.
- Goldhaber, S.Z., Bounameaux, H. Pulmonary embolism and deep vein thrombosis. The Lancet, 2012, 379 (9828), 1835-1846.
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