Le groupe de travail de révalidation cardiaque a eu l'excellente idée d'aborder un sujet qui préoccupe quotidiennement les membres des équipes pluridisciplinaires, à savoir la reprise du travail des patients pris en charge pour maladie cardiaque et plus spécialement dans le cadre de la cardiopathie ischémique. Trois oratrices de renom ont été invitées. La session fût animée par le professeur Johan De Sutter et le docteur Raymond Kacenelenbogen. Le docteur Kacenelenbogen a rappelé chiffres à l'appui l'importance du problème sociétal en Belgique, tant chez les salariés que chez les indépendants. Il a rappelé qu'un nouveau décret met en relation le médecin traitant (cardiologue), le médecin conseil et l'employeur pour favoriser la réintégration professionnelle. Le rôle de la revalidation cardiaque dans l'amélioration de la réintégration professionnelle - état des lieux en Belgique
Ines Frederix, Université d'Anvers (revalidation cardiaque et cardiologie du sport, e-cardiologie)
Le docteur Frederix a commencé par un cas clinique d'un homme de 55 ans, admis pour syndrome coronarien aigu traité par angioplastie coronaire primaire et bénéficiant d'une revalidation pluridisciplinaire.
Elle pose la question de la reprise du travail en terme de délai et d'évaluation sans disposer de recommandation claire.
L'incapacité de travail à cause de cardiopathie ischémique représente en Belgique 1 634 heures de travail par tranche de 100 000 heures chez les hommes et 696 heures pour la même tranche chez les femmes. Il s'agit d'un cout sociétal indéniable.
Pour l'angor et le SCA STEMI, la revalidation cardiaque est proposée en classe I dans les recommandations, et en classe IIa pour le SCA NSTEMI.
Une étude de suivi menée par l'UZ Gent, publiée dans Acta Cardiologica (2019, 20, 1-10), démontre que 38 % des patients CMI sont professionnellement actifs à 1 an.
La législation belge reste floue en termes de recommandations selon le docteur Ines Frederix.
Elle a ensuite abordée les barrières au retour au travail dans ce groupe bien précis de patients. Trois groupes d'obstacles sont à prendre en compte.
- Les facteurs liés à la pathologie cardiaque appréciables par la relation VE/ VCO2, la VO2 max, la stabilité du rythme cardiaque et les comorbidités.
- Les facteurs psychologiques liés à l'anxiété et la dépression.
- Les facteurs liés au travail en lui même comme les horaires variables, le travail de nuit, l'intensité physique …
L'efficacité de la revalidation pour favoriser le retour au travail a été démontrée. En l'absence de programme de revalidation cardiaque moins de 50 % des patients réintègrent leur parcours professionnel.
Une étude de suivi réalisée en 2017 dans quatre centres flamands a permis de suivre 330 patients ayant souffert de syndrome coronarien aigu. En participant à un programme pluridisciplinaire de revalidation cardiaque, 96 % des travailleurs ont repris leur activité professionnelle.
De manière générale, la reprise la plus soutenue se fait dans le groupe de travailleurs engagés temps plein et chez ceux qui reprennent dans les six mois de l'accident cardiaque.
Notre oratrice regrette le manque de recommandations cliniques et d'algorithmes pour permettre d'appliquer des règles homogènes à utiliser par tous les praticiens.
Dans sa conclusion, elle a répété la très grande efficacité de la revalidation pluridisciplinaire pour le soutien aux patients reprenant une activité professionnelle. Des données récentes corroborent ce postulat.
Des recommandations de bonne pratique manquent cruellement aux praticiens.
Comment évaluer de manière pratique si un patient est prêt à reprendre le travail ? Une directive internationale
Rona Reibis, Université de Potsdam, policlinique de cardiologie Park Sanssouci
Notre deuxième oratrice a abordé le sujet à un échelon européen.
De manière générale, selon les études, 67 à 93 % des patients retrouvent leur emploi dans les 12 mois qui suivent leur accident cardiaque, avec une moyenne d'incapacité de travail de 2 à 3 mois. Après un an, 24 % reperdent leur travail, ceci concernant essentiellement les personnes qui ont repris leur travail plus tard entre 6 et 12 mois.
Il n'existe pas de recommandations de la Société Européenne de Cardiologie, seuls quelques consensus servent actuellement de référence.
Elle a ensuite présenté trois cas de patients rencontrés dans sa pratique clinique et qui illustrent bien les difficultés rencontrées lors de la remise au travail.
Le premier patient, ingénieur architecte, âgé de 52 ans, a bénéficié d'une angioplastie primaire pour SCA NSTEMI sur maladie d'un vaisseau, a rapidement repris son travail.
La patiente suivante a présenté une dysfonction ventriculaire gauche sévère sur tako-tsubo. La récupération progressive de sa fraction d'éjection et la mise en place d'un programme de revalidation cardiaque lui a permit de reprendre son travail d'abord de manière adapté puis de ré-intégrer son poste initial.
Le troisième patient, âgé de 57 ans, souffre d'insuffisance cardiaque sévère, est appareillé d'un défibrillateur implantable, présente un état dépressif et est isolé socialement. Sa réinsertion professionnelle reste un échec malgré sa prise en charge multidisciplinaire.
L'oratrice a ensuite abordé les raisons qui empêchent la reprise du travail.
Les raisons médicales sont classiques et liées à la fraction d'éjection, la VO2-max, la relation VE/VCO2, le nombre de METS, la présence d'arythmies, le type de procédure, les comorbidités.
Les raisons professionnelles sont en relation avec la situation professionnelle, la charge du travail, le rythme et la cadence de ce dernier.
Enfin, les facteurs psycho-sociaux sont majeurs et annulent les autres paramètres, à savoir le désir de pension, la perception personnelle d'aptitude a reprendre, la dépression multiple par 3,48 le risque d'échec, et enfin l'anxiété est un frein majeur.
La situation des femmes est à surveiller de près, à cause de l'importance de la charge familiale qui se rajoute au poids du travail.
Il existe une balance entre efforts et récompense, entre barrières et facilités pour aborder une reprise de son activité professionnelle.
Elle a ensuite abordé les différents modèles utilisés dans différents pays. Ces modèles visent essentiellement à apprécier la capacité physique des patients.
Le modèle allemand utilise quatre catégories de travail en fonction de l'intensité physique et permet de classer les patients en fonction de leur capacité à l'effort.
L'approche espagnole se fait en trois étapes intégrant pour la cardiopathie ischémique la technique de revascularisation, la fraction d'éjection et le stresstest, pour définir une capacité de travail.
La technique italienne consiste à mesurer la VO2 pendant la journée, une consommation située entre 35 et 70 % permet de réorienter facilement les patients.
Aux états-Unis, des tables reliant METs et type de travail sont utilisées.
La Société Européenne de Revalidation cardiaque propose l'utilisation de test psychométrique (Eur JP Cardio, 2019, 20, 1358-1369).
Pour conclure, elle propose d'établir un plan individuel à multiples facettes.
Il faut d'abord établir une stadification du risque individuel, une concertation multiprofessionnelle, une consultation psychosociale, un contact direct avec l'employeur afin d'établir par la suite une stratégie. L'implication des membres de la famille, la révision de la sécurité financière et la création de recommandation exacte en cas d'échec du retour au travail.
Revalidation cardiaque et réintégration professionnelle : implications pour le système de soins de santé
Lutgart Braeckman, UGent, faculté de médecine et sciences de la santé > Département de santé publique et soins de santé primaires
Notre dernière oratrice, le professeur Lutgart Braeckman, a commencé par ses messages-clés :
- Le travail est bénéfique pour le travailleur.
- Il faut s'interroger sur les motivations et les barrières à reprendre.
- La législation reste complexe.
- Les écarts entre exigences et capacités ou compétences doivent être analysées.
- Différentes étapes existent.
- Plus de communication est indispensable.
Divers constats sont ensuite évoqués:
- L'implication de la revalidation cardiaque permet un haut taux de succès, mais la durée a un impact important, 50 % de succès si l'interruption de travail se situe entre 3 et 6 mois, elle tombe sous les 20 % si la durée d'incapacité excède 12 mois.
- Les facteurs bio-psycho-sociaux sont très importants.
- La coordination entre les différents acteurs et la multidisciplinarité sont importantes.
- La législation belge est complexe.
- Des directives européennes existent depuis 1996, elles vont office de texte légaux, elles intègrent l'établissement d'un niveau de risque, la surveillance (obligatoire et optionnelle) et la promotion.
Au niveau fédéral belge, une nouvelle législation a été publiée en 2016 (BeSWIC), elle permet une réintégration informelle avec consultation d'avis avant la reprise du travail, suivie d'une examen après quatre semaines de travail.
Il s'agit d'un trajet de soins non obligatoire, pouvant comprendre jusqu'à cinq étapes incluant différentes actions.
Elle a ensuite présenté deux cas cliniques, le premier impliquant un jeune patient porteur d'un stimulateur cardiaque clarkiste de profession utilisant des batteries et du matériel de recharge.
Le second concerne une femme de 54 ans présentant une insuffisance cardiaque sur myocardite.
Tous deux ont repris progressivement et de manière adaptées leurs habitudes professionnelles.
En Belgique, nous suivons les directives législative européennes par étapes permettant une réinsertion professionnelle progressive. L'implication du cardiologue, du médecin du travail et de l'employeur permet une approche progressive.
Notre dernière oratrice a ensuite brièvement abordé la question du permis de conduire.
Deux groupes de permis existent: le groupe 1 exige l'aval du cardiologue uniquement et le groupe 2 exige la coordination du cardiologue et du médecin du travail.
Un projet européen, nommé 'Druid', est à l'étude.
Enfin, si des questions subsistent, le site internet du Ministère de la santé recéle de beaucoup d'informations.
Pour trouver un médecin du travail visiter le site COPREV.
En conclusion, 'vive la reva et la motivation des patients'.
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