Introduction
La spironolactone, le premier ARM (antagoniste des récepteurs des minéralocorticoïdes [RM]), a été mise sur le marché en 1959. Ce n'est qu'en 2002 que l'éplérénone a été approuvée par la FDA pour le traitement de l'hypertension artérielle, et encore plus tard pour le traitement de l'insuffisance cardiaque. Ces deux molécules sont des ARM dits stéroïdiens, avec un large spectre d'utilisations possibles (insuffisance cardiaque, oedèmes, cirrhose, hyperaldostéronisme, hypertension artérielle). Cet article a pour but d'analyser plus en détail le rôle des ARM et en particulier de l'éplérénone dans notre arsenal thérapeutique pour les patients atteints d'insuffisance cardiaque.
Initialement, les ARM ont été développés en raison du rôle central de l'aldostérone dans l'homéostasie tensionnelle et volumique. L'aldostérone peut être considérée comme le régulateur de la réabsorption du sodium et de l'excrétion du potassium au niveau du rein (figure 1). Par la suite, il est également devenu clair que l'hypersécrétion d'aldostérone est néfaste, non seulement en raison de la rétention hydrosodée qu'elle induit, mais aussi en raison d'effets délétères sur le cerveau, les reins, le coeur et les vaisseaux sanguins, et ce, en partie sur la base d'une action pro-inflammatoire et fibrosante.
Toute une série d'études ont démontré l'efficacité des inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (IECA) et des antagonistes des récepteurs de l'angiotensine (ARA) dans le traitement de l'hypertension et de l'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection réduite (HFrEF). Cependant, la littérature révèle qu'après 12 à 42 mois de traitement par IECA ou ARA, la concentration d'aldostérone remonte et dépasse même la valeur initiale chez 40 à 53 % des volontaires, ce phénomène étant connu sous le nom d'aldosterone breakthrough1. Cela pourrait expliquer pourquoi les ARM ont une grande influence sur la survie des patients souffrant d'HFrEF, qui ont déjà été traités préalablement par IECA ou ARA.
ARM et HFrEF
Grâce à quelques études décisives, les ARM - tant la spironolactone que l'éplérénone - ont maintenant prouvé leur valeur ajoutée dans le traitement de l'HFrEF en classe NYHA III-IV (étude RALES2) et en classe NYHA II (étude EMPHASIS3). Les avantages des ARM ont également été démontrés après un infarctus myocardique (lorsque la FEVG est inférieure à 40 % et qu'il y a des signes cliniques d'insuffisance cardiaque) (étude EPHESUS4). Pourtant, les recommandations formulées par l'ESC5 en matière d'insuffisance cardiaque sont quelque peu ambiguës quant à la place des ARM dans l'arbre de traitement de l'HFrEF: avant, conjointement ou après l'implémentation d'IECA (ou d'ARA) et de bêtabloquants (BB)? D'une part, on peut lire 'Ajoutez un ARM (spironolactone ou éplérénone) si les symptômes persistent après correction de la surcharge volumique et après titration des IECA ou des ARA et des BB'. En d'autres termes, les ARM ne devraient être utilisés que si le patient souffrant d'HFrEF reste symptomatique après correction volumique et titration des IECA (ou des ARA) et des BB. Cette hiérarchie découle de l'historique de l'étude randomisée sur laquelle sont basées les recommandations. En revanche, sur la page web reprenant des conseils pratiques sur l'utilisation des diurétiques6, l'approche est beaucoup plus logique: 'Si on utilise des diurétiques, il faut toujours les combiner avec un IECA (ou un ARA), un BB et un ARM chez les patients souffrant d'HFrEF (à moins que l'une de ces classes de médicaments ne soit pas tolérée ou soit contre-indiquée), jusqu'à ce que les signes de congestion aient disparu'. Il est en effet très difficile d'éviter l'hypokaliémie induite par les diurétiques chez un patient en classe NYHA III-IV présentant des symptômes de congestion, sans utiliser d'ARM. Les diurétiques de l'anse ou les diurétiques thiazidiques bien considérés, d'une part, et les ARM, d'autre part, se contrebalancent assez bien sur ce plan et ils constituent donc non seulement la logique même, mais aussi un outil essentiel pour contrôler - durablement - la congestion.
Signes de congestion: chercher, trouver, traiter!
Le contrôle de la congestion sur la base des symptômes et de l'examen physique reste toujours notre premier objectif chez un patient souffrant d'HFrEF, pour son confort bien sûr, mais aussi pour pouvoir effectuer avec succès la titration ultérieure des BB, etc., ainsi que d'un point de vue pronostique. En effet, la recherche des signes physiques de congestion (troisième bruit, augmentation de la PVC, oedèmes et crépitants pulmonaires) est également très importante d'un point de vue pronostique7. Pour toutes ces raisons, nous avons déjà préconisé précédemment une utilisation plus 'en amont' des ARM en cas d'HFrEF8, c.-à-d. dès le début du traitement. En outre, une instauration des ARM plus tard dans le processus de guérison, après titration des BB, n'est pas tout à fait conforme à la littérature, étant donné que dans l'étude RALES, seuls 10 % de la population étudiée était traitée par BB. Dans l'étude EMPHASIS (12 ans plus tard), ce pourcentage était entre-temps passé à 86 %. Malgré tout, l'ARM avait encore un effet bénéfique supplémentaire significatif dans cette étude.
L'utilisation d'ARM: les risques
Les principaux risques associés à l'utilisation d'ARM sont l'hypotension, la diminution de la fonction rénale et l'hyperkaliémie. Une dysfonction sexuelle (impuissance ou méno-métrorragies, selon le sexe) ainsi qu'une gynécomastie sont moins vitales, sauf lorsque ces effets indésirables entraînent l'interruption du traitement. L'éplérénone est une alternative valable à la spironolactone en cas de gynécomastie.
Quelques années après la parution de RALES, une étude alarmante a été publiée, mettant en évidence le risque d'hyperkaliémie et, par conséquent, d'hospitalisation et même de décès lorsque la sélection et le suivi des patients laissent à désirer9. Les raisons pour lesquelles il existe de si grandes différences de survenue d'une hyperkaliémie entre l'étude RALES et la pratique réelle sont multiples10. En plus d'une utilisation chez des patients plus âgés, avec un grade d'insuffisance rénale plus élevé que dans la population de l'étude RALES, et de l'augmentation de l'utilisation de BB, la raison principale est probablement un mauvais suivi des patients. à propos des ARM, il est en effet trop simpliste d'affirmer qu'il faut simplement instaurer la dose cible ou tendre à celle-ci, comme c'est le cas pour les autres médicaments de l'insuffisance cardiaque. Au contraire, la dose d'un ARM doit être titrée très précisément et être adaptée à chaque patient individuel et à son évolution, et cela nécessite donc un suivi régulier des paramètres cliniques et biologiques. à cet égard, le champ d'action du médecin est constitué par des paramètres cliniques (symptômes, signes de congestion ou de volémie, TA), d'une part, et par la kaliémie, la natrémie et la fonction rénale, d'autre part. En effet, le risque d'hyperkaliémie est inacceptablement élevé lorsqu'on utilise des doses prédéterminées et fixes, comme l'a montré l'étude RALES Pilot (une étude de recherche de dose), lors de laquelle plusieurs doses fixes de spironolactone ont été comparées11. Le risque d'hyperkaliémie importante (> 5,5 mEq/l) passait de 5 % avec une dose quotidienne de 12,5 mg à 25 % avec une dose quotidienne de 75 mg. La dose doit donc être ajustée régulièrement, si nécessaire, en fonction de l'évolution de chaque patient individuel. Le médecin traitant a dès lors une grande responsabilité, à savoir veiller à ce que ces paramètres soient suivis de manière fiable et intégrés dans la politique de prise en charge. D'une part, il y a le problème de la kaliémie: ce n'est un secret pour personne que l'hémolyse invalide les dosages de la kaliémie réalisés en médecine générale, pour des raisons logistiques. Au moindre doute, il faut effectuer un contrôle moyennant un prélèvement au laboratoire de l'hôpital. D'autre part, on peut pointer l'attention (et/ou l'expertise) insuffisante des médecins généralistes et des cardiologues vis-à-vis de l'examen physique et de l'évaluation de la volémie sur la base des signes de congestion tels qu'oedèmes, élévation de la PVC, crépitants pulmonaires ... L'examen clinique a été supplanté à tort par des examens techniques (écho-Doppler) et des paramètres biologiques tels que le BNP/NT-pro-BNP, qui doivent être considérés comme un complément et non comme un substitut. Tant une posologie trop élevée de l'ARM qu'un arrêt ou une diminution de la dose de manière irréfléchie peuvent avoir des conséquences graves. Je doute que le traitement puisse être confié au seul médecin généraliste10. Il est de plus en plus évident que la prise en charge de l'insuffisance cardiaque doit être assurée par des spécialistes de l'insuffisance cardiaque - ou du moins en collaboration intensive avec eux -, à l'instar du traitement du cancer qui est coordonné par les oncologues médicaux, et du traitement de l'insuffisance rénale chronique, qui est du ressort du néphrologue. Cependant, il ne fait aucun doute que la collaboration, le partage des responsabilités et une bonne communication entre les soignants ne peuvent qu'être profitables au patient atteint d'insuffisance cardiaque.
ARM et HFpEF
Dans l'étude TOPCAT, on a évalué l'influence de la spironolactone sur le pronostic des patients souffrant d'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection préservée (HFpEF). L'étude s'est avérée neutre12 pour le critère d'évaluation primaire (critère d'évaluation composite de mortalité cardiovasculaire, mort subite et hospitalisation pour insuffisance cardiaque). Seul le nombre d'hospitalisations pour insuffisance cardiaque était significativement plus faible dans le groupe traité par spironolactone que dans le groupe placebo. Le critère d'évaluation primaire n'était pas significatif, probablement en raison de l'inclusion d'un trop grand nombre de patients (d'Europe de l'Est) chez qui le diagnostic d'insuffisance cardiaque était douteux. Dans une sous-analyse portant sur les patients d'Amérique du Nord et du Sud, le critère d'évaluation primaire était significativement meilleur dans le groupe traité par spironolactone. Indépendamment de ceci, en cas d'HFpEF, il y a quoi qu'il en soit une indication pour les ARM, même après l'étude TOPCAT. En cas d'HFpEF, la correction de la congestion est tout aussi importante, car elle détermine en grande partie la qualité de vie et la morbidité du patient. Pour de nombreux patients souffrant d'HFpEF, la qualité de vie est souvent prédominante, plus encore que le pronostic. Ces personnes sont - plus souvent que les patients souffrant d'HFrEF - confrontées à de nombreuses comorbidités qui déterminent également leur espérance de vie. à cet égard, une posologie correcte des diurétiques est la pierre angulaire et, ici aussi, les diurétiques de l'anse et les thiazides, d'une part, et les ARM, d'autre part, se contrebalancent sur le plan de la kaliémie13. Une méta-analyse récente des études RALES, EMPHASIS et TOPCAT a par ailleurs montré que, dans la population âgée (> 75 ans), l'utilisation d'ARM réduisait significativement la morbi-mortalité sur tout le spectre de la fraction d'éjection14, donc aussi chez les patients souffrant d'HFpEF, bien que l'effet soit moindre chez eux que chez les patients souffrant d'HFrEF. Les résultats d'une sous-analyse récemment publiée de l'étude TOPCAT sont encore plus importants; il s'agit ici d'un grand groupe de patients dont les données de l'examen clinique (PVC, oedèmes et crépitants pulmonaires) étaient connues au moment de l'inclusion et du suivi15. Cette étude a montré que l'examen clinique est crucial chez le patient souffrant d'HFpEF.
Plus il y a de signes de congestion à l'examen physique, plus le pronostic est mauvais. Pour chaque signe supplémentaire de congestion (augmentation de la PVC, crépitants pulmonaires ou oedèmes), le risque de mortalité cardiovasculaire, d'hospitalisation pour insuffisance cardiaque et de mortalité totale augmentait de pas moins de 30 à 80 %! Le suivi et la correction de la congestion tout au long de l'étude étaient plus importants que la congestion au moment de l'inclusion. L'importance de l'examen clinique dans cette population contraste d'ailleurs avec le fait que le BNP/NT-pro-BNP initial n'avait aucune influence sur le pronostic dans cette population souffrant d'HFpEF. La spironolactone améliorait significativement la qualité de vie et le pronostic. En cas d'HFpEF, cette étude remet l'examen physique au centre de la prise de charge: les signes de congestion sont non seulement corrélés avec la qualité de vie, mais ils ont aussi une grande influence sur le pronostic. La spironolactone apporte une plus-value importante à cet égard. Cela jette également une lumière complètement différente sur la posologie à laquelle il faut tendre pour les ARM. Si les signes de congestion sont importants sur le plan pronostique, et si leur suppression est une mesure importante, si pas la plus importante, dans cette population chez qui il existe peu ou pas d'alternatives evidence-based, nous ne devons pas viser des doses cibles prédéfinies d'ARM, mais la dose minimale efficace qui nous permet de supprimer la congestion, conjointement à d'autres facteurs qui déterminent la volémie (restriction hydrosodée, diurétiques de l'anse et thiazidiques, médicaments modulant la maladie), et ce, dans les limites établies par la fonction rénale et les électrolytes.
ARM et hypertension
Deux revues Cochrane ont été consacrées aux ARM en cas d'hypertension: en 2010 pour la spironolactone16 et en 2017 pour l'éplérénone17. Pour la spironolactone, curieusement, la conclusion fut qu'il n'y avait pas suffisamment de preuves que la spironolactone influence favorablement les paramètres cliniquement pertinents, dans le traitement de première ligne de l'hypertension. Ceci est peut-être lié au fait qu'il s'agit d'une littérature ancienne, avant la période de diffusion généralisée des RCT. De même, dans le cas de l'éplérénone, il n'y a pas de preuve d'un impact sur les variables cliniques importantes dans le traitement de première ligne de l'hypertension. Par contre, les ARM sont les antihypertenseurs les plus efficaces en cas d'aldostéronisme primaire18. La spironolactone et l'éplérénone se sont avérées équivalentes pour le traitement de l'hyperaldostéronisme primaire19. Les ARM ont surtout acquis leur place dans la prise en charge de l'hypertension résistante au traitement, et ils sont très clairement recommandés20 par l'ESC pour l'hypertension, sur la base de deux RCT21, 22.
Mécanisme d'action et différences entre les ARM: spironolactone et éplérénone
La spironolactone antagonise les RM avec une très grande affinité, mais elle est relativement peu spécifique de ces récepteurs, et elle bloque également les récepteurs de la progestérone (PR) et les récepteurs androgéniques (AR), ce qui peut causer des problèmes menstruels ou une gynécomastie (chez l'homme). En revanche, l'éplérénone a une très grande spécificité, mais une affinité beaucoup plus faible pour les RM que la spironolactone. Sa durée d'action est beaucoup plus courte, ce qui signifie qu'elle devrait en principe être administrée deux fois par jour, bien que cela n'ait pas été le cas dans les grandes études randomisées. L'avantage de l'éplérénone est qu'elle n'a pas d'effet antagoniste sur les RA et qu'elle induit donc beaucoup moins de gynécomastie. Les deux molécules ont en commun un certain nombre d'autres effets indésirables: hyperkaliémie, insuffisance rénale, hypotension... Les contre-indications classiques (critères d'exclusion dans les RCT) sont dès lors l'insuffisance rénale avec un DFG < 30 ml/min/m2 ou une créatinine > 2,5 mg/dl, et/ou un antécédent d'hyperkaliémie. Ces contre-indications sont relatives, l'utilisation est également possible dans ce contexte, moyennant une posologie adaptée et un suivi très strict des paramètres de laboratoire.
Si les deux médicaments ont un effet antagoniste similaire sur les RM, sont-ils pour autant interchangeables? En d'autres termes, la spironolactone peut-elle être simplement remplacée par l'éplérénone chez les patients souffrant de gynécomastie? Les deux ARM n'ont jamais été comparés directement l'un à l'autre à grande échelle, que ce soit dans les cas d'hypertension ou d'insuffisance cardiaque. Cependant, tout indique que - à l'exception des effets indésirables dus à un effet antagoniste sur les AR et les PR - l'effet sur les paramètres d'évolution est comparable chez les patients souffrant d'HFrEF. Dans une méta-analyse de 14 RCT impliquant un total de 12 213 patients souffrant d'HFrEF, on a constaté que la spironolactone et l'éplérénone ont des effets similaires sur la mortalité totale et la mortalité cardiovasculaire et qu'elles réduisent les hospitalisations pour HF, avec une tendance en faveur de la spironolactone, mais toutefois non significative23. En ce qui concerne les effets indésirables tels que l'insuffisance rénale et l'hyperkaliémie, les produits étaient également comparables, seule la gynécomastie étant significativement moindre avec l'éplérénone.
Les ARM en Belgique, une situation kafkaïenne …
Par ailleurs, le coût, l'indication - autorisée ou non par le législateur - et les modalités de remboursement jouent aussi un rôle. En effet, la spironolactone est très bon marché en Belgique (€ 0,14 par comprimé de 25 mg). L'éplérénone est environ cinq fois plus chère (€ 0,69 par comprimé de 25 mg). En outre, l'utilisation de l'éplérénone est compliquée par le fait que le remboursement est couplé à des conditions strictes, ce qui n'est pas si facile en pratique quotidienne (CBIP):
- Uniquement pour les 'patients de sexe masculin': malgré le fait que les études EPHESUS et EMPHASIS aient respectivement inclus 30 % et 22 % de femmes, et qu'il n'y ait aucune raison de supposer que l'éplérénone puisse être moins efficace chez les femmes, comparativement aux hommes;
- 'Préalablement traités par spironolactone, et qui ont développé une gynécomastie importante et inacceptable sous ce traitement';
- Qui souffrent par ailleurs 'd'insuffisance cardiaque avec une FEVG < 30 %' ou 'd'insuffisance cardiaque avec une FEVG < 40 % et un infarctus myocardique récent';
- Sur la base d'un rapport circonstancié'.
Pourtant, les données scientifiques qui sont à la base de l'utilisation des ARM, qu'il s'agisse de la spironolactone ou de l'éplérénone comme décrit ci-dessus, montrent que l'ESC se contente de mentionner les ARM dans ses recommandations, et qu'elle ne fait aucune distinction entre les deux molécules pour ce qui est de l'indication. Par ailleurs, l'HFrEF est définie comme une insuffisance cardiaque avec une FEVG inférieure à 40 % (et donc pas < 30 %). Les études randomisées montrent incontestablement que les ARM en cas d'HFrEF sont un maillon indispensable dans l'arsenal thérapeutique, car ils ont un impact pronostique important chez les patients en classe NYHA II, III et IV avec ou sans infarctus récent. Les sous-analyses de l'étude TOPCAT montrent également que les patients qui souffrent réellement d'HFpEF ont également un meilleur pronostic lorsqu'ils sont traités par spironolactone12, 24, et que le pronostic est significativement meilleur, chez les patients atteints d'HFpEF, lorsque les ARM sont utilisés judicieusement pour combattre la congestion15. Les ARM sont également repris dans toutes les recommandations internationales pour le traitement de l'hypertension résistante au traitement, lorsque la FEVG n'intervient pas.
Nous devons donc conclure que les différentes modalités de remboursement en vigueur dans notre pays pour les deux ARM commercialisés sont arbitraires et qu'elles ne sont pas étayées scientifiquement. En effet, comparativement à la spironolactone, l'éplérénone semble beaucoup plus chère. La spironolactone suscite peu d'intérêt commercial et, en raison des lois du marché, les stocks se déplacent vers l'endroit le plus intéressant sur le plan commercial, à tel point que les ruptures de stocks sont légion dans les petits pays où les prix de vente sont bas. Pour un produit dont la posologie doit être adaptée très soigneusement aux besoins individuels du patient, ceci implique de grands risques. L'éplérénone est-elle trop chère? La restriction imposée par le gouvernement au sujet de l'utilisation de l'éplérénone se justifie-t-elle, pour des raisons économiques? Deux études ont démontré la rentabilité de l'éplérénone chez les patients souffrant d'HFrEF en classe NYHA II (au Royaume-Uni25 et en Australie26) à un coût par comprimé qui est plusieurs fois supérieur au prix de vente actuel dans notre pays. Il est donc difficile de justifier la persistance des restrictions à l'utilisation de l'éplérénone dont le champ d'application est similaire à celui de la spironolactone.
Conclusion
Deux ARM sont disponibles dans notre pays: la spironolactone et l'éplérénone. Les ARM sont la pierre angulaire pour la correction de la congestion, tant en cas d'HFrEF que d'HFpEF, ainsi que pour le traitement de l'aldostéronisme primaire et de l'hypertension résistante au traitement. Les ARM ont un très grand impact sur le pronostic de l'HFrEF. Nous plaidons pour une implémentation précoce et systématique dans une combinaison bien considérée avec des diurétiques de l'anse ou des diurétiques thiazidiques, dès le début du traitement de l'HFrEF, avant la titration des BB. Bien que la valeur ajoutée pronostique soit moins forte chez les patients atteints d'HFpEF, pour toutes sortes de raisons, des études récentes indiquent que les ARM apportent également une valeur ajoutée dans le contrôle des symptômes de congestion chez les patients souffrant d'HFpEF et qu'ils ont donc indirectement un impact important sur le pronostic. Le suivi des patients souffrant d'HFrEF et d'HFpEF traités par ARM exige une grande expertise et une discipline de fer de la part du médecin et du patient: un suivi fiable des paramètres cliniques (comme la congestion) et des paramètres de laboratoire. La spironolactone et l'éplérénone ont un champ d'application similaire, et la restriction du remboursement de l'éplérénone actuellement en vigueur dans notre pays est difficile à justifier sur une base scientifique.
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