Le principal objectif d'un DAVG est de générer un débit circulatoire adéquat et de réduire les pressions de remplissage chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque terminale. Toutefois, le ventricule droit reste le maillon faible, et il constitue donc la pompe limitante du système.
Introduction
Un homme dont le défibrillateur interne s'était déclenché plusieurs fois s'est présenté, conscient et réactif, au service des Urgences. à l'examen clinique, on ne palpait pas de pouls périphériques, et l'ECG montrait une fibrillation ventriculaire (FV). Cette situation était pour le moins curieuse et inquiétante … Ce patient s'était vu implanter un dispositif d'assistance ventriculaire gauche (DAVG) environ un an auparavant. On a décidé d'admettre ce patient aux Soins intensifs et de le sédater, dans l'optique d'une tentative de défibrillation externe. Plusieurs tentatives de défibrillation se sont avérées infructueuses, même après l'administration d'amiodarone. Son débit cardiaque (figure 1) diminuait progressivement pendant la période de FV. Au bout de près de 14 heures de fibrillation ventriculaire ininterrompue, on a envisagé de recourir à l'ECMO (oxygénation par membrane extracorporelle) chez ce patient. Une dernière tentative de défibrillation, cette fois après l'administration d'esmolol, fut couronnée de succès. Le suivi échocardiographique montrait initialement une fonction ventriculaire droite fortement réduite, qui s'est rétablie lentement mais sûrement au cours des heures et jours qui ont suivi1.
On implante un DAVG chez environ 1 patient sur 3, placé sur liste d'attente en vue d'une transplantation cardiaque. Ce dispositif soutient non seulement la circulation, de sorte qu'on gagne du temps jusqu'à ce qu'un coeur soit disponible ('bridge to transplantation'), mais il améliore également plusieurs systèmes d'organes ainsi que la qualité de vie. Grâce à l'effet bénéfique du DAVG sur les organes, le patient est en meilleure condition au moment de subir la transplantation. Chez les patients porteurs d'un DAVG, l'échocardiographie est cruciale pour poser l'indication, pour le suivi et l'optimisation du soutien du DAVG lors de la procédure d'implantation ainsi que pour le diagnostic des complications. Le contenu de cet article est basé sur un article de synthèse publié plus tôt cette année2.
échocardiographie en cas de DAVG: l'essence
1 Physiologie d'un DAVG
Un DAVG est une pompe centrifuge qui aspire le sang du ventricule gauche (VG) et l'injecte plus loin dans l'aorte, au moyen d'une prothèse tubulaire (figure 2).
De ce fait, la pression intraventriculaire gauche chute, et la pression dans la circulation systémique augmente; en d'autres termes, il se produit un découplage ventriculo-aortique (figure 3)3. En raison du flux sanguin continu du DAVG et de la disparition de l'éjection naturelle, il n'y a pas de pulsatilité dans le système vasculaire. Le débit que le DAVG peut générer dépend de plusieurs facteurs, les plus importants étant le remplissage ou la précharge du VG, la vitesse de rotation du DAVG et la tension artérielle. Une précharge suffisante est largement déterminée par la performance du ventricule droit (VD), tandis que l'hypertension artérielle entrave l'éjection à travers le DAVG. Une erreur courante est d'augmenter trop rapidement les rotations du DAVG, ce qui entraîne une trop grande vidange du VG. L'interaction interventriculaire provoque un déplacement du septum interventriculaire vers la gauche, qui compromet fortement la fonction du VD.
2 échocardiographie préopératoire
L'examen échocardiographique réalisé lorsqu'on pose l'indication, préalablement à l'intervention, comprend tout d'abord l'évaluation de la fonction du VG et du VD. Il est également nécessaire de vérifier s'il existe un foramen ovale perméable (FOP) ou un thrombus intracardiaque. La forte puissance d'aspiration du DAVG provoque un shunt droite-gauche dans le cadre d'un FOP ou une embolisation vers l'aorte en cas de thrombi intracardiaques. Afin d'assurer un flux libre et surtout suffisant vers le DAVG, il faut également exclure une sténose mitrale. S'il existe une insuffisance aortique d'un degré plus que minime ou une insuffisance tricuspide (IT) d'un degré plus que modéré, il faudra envisager une chirurgie valvulaire pendant la procédure d'implantation. Une insuffisance aortique entraînerait le reflux d'une partie du débit du DAVG vers le VG, ce qui réduirait le débit systémique efficace. Il faudra remédier à une insuffisance tricuspide modérée, si elle est associée à une hypertension pulmonaire et à une dilatation de l'anneau. Une IT grave empêche le VD de fournir un débit suffisant au VG et augmente également les pressions de remplissage veineuses, ce qui influence négativement la fonction hépatique et rénale.
3 échocardiographie périopératoire
L'examen échocardiographique périopératoire porte non seulement sur l'appareil d'assistance en lui-même, mais surtout sur les structures environnantes telles que le VG et le VD. Le VD est la pompe limitante du système. Le débit généré par le VD n'augmente pas si on majore la force de la pompe du DAVG, bien au contraire.
La canule apicale est implantée dans l'apex du VG et est positionnée en direction de la valve mitrale. La meilleure façon d'évaluer la position de cette canule est d'utiliser le Doppler couleur en vue mi-oesophagienne (ME) quatre chambres. Le flux doit être laminaire et dirigé vers la canule. Le Doppler pulsé de la canule apicale montre des vitesses basses avec un aspect biphasique de vitesses systoliques et diastoliques. Des vitesses supérieures à 1,5 m/s peuvent indiquer une obstruction au niveau de la canule. L'évaluation des vitesses avec le système Heartware est difficile en raison des artéfacts de la configuration Doppler.
La prothèse tubulaire est suturée distalement sur l'aorte ascendante et est visible à l'échocardiographie grâce au Doppler couleur en vue ME grand axe. Le Doppler continu (CW) de la prothèse d'éjection présente également un aspect biphasique, mais avec une vitesse diastolique dominante. Cet aspect Doppler change sous l'influence des rotations et de la précharge du VG. Une configuration diastolique pure indique une vitesse de rotation trop élevée du DAVG pour la précharge présente à ce moment-là. La valve aortique est également examinée lors de l'évaluation de la prothèse d'éjection. Lorsque le DAVG fonctionne de manière optimale, la valve aortique s'ouvre tous les 2 à 3 cycles. Une valve aortique fermée en continu indique habituellement que la fonction de pompe du DAVG est trop élevée.
Le VD est la pompe limitante lors du soutien par DAVG et, par conséquent, il est le principal déterminant de la réussite de cette technique. Cependant, il n'existe pas de 'graal' échocardiographique pour la prédiction de la fonction ventriculaire droite lors d'un soutien par DAVG. La plupart des centres comparent d'abord les dimensions du VD par rapport à celles du VG. Il va de soi que la fonction est également évaluée. Pour ceci, on utilise le TAPSE (Tricuspid Plane Annular Excursion) et, plus récemment, le strain. Il y a de grandes chances qu'un soutien mécanique du VD soit nécessaire en cas de coexistence d'un VD fortement dilaté et d'une fonction fortement réduite. La durée de l'insuffisance tricuspide est un bon élément prédictif de la défaillance du VD, mais elle doit être corrigée en fonction de la fréquence cardiaque. Un VD dont la durée d'IT est supérieure à 461 ms semble plus performant que lorsqu'on mesure des valeurs plus basses.
Le principal objectif d'un DAVG est de générer un débit circulatoire adéquat et de réduire les pressions de remplissage. Toutefois, un débit optimal n'est possible que moyennant une offre suffisante ou, en d'autres termes, une précharge du VG suffisante.
Quelques recommandations importantes pour l'évaluation échocardiographique de la précharge du VG (figure 4):
- L'évaluation de la position du septum interventriculaire est critique. Il doit être centré entre le VD et le VG. En cas de vidange inadéquate du VG, le septum sera déplacé vers la droite tandis qu'en cas de vidange excessive, il sera 'aspiré' vers la gauche. Un déplacement vers la gauche nuit à la fonction du VD, ce qui compromet encore davantage la précharge du VG.
- étant donné la dilatation et la dysfonction du VG, on note le plus souvent une insuffisance mitrale. L'action du DAVG réduit la pression intraventriculaire, ainsi que les dimensions du VG, entraînant la disparition presque complète de l'insuffisance mitrale. La présence d'une insuffisance mitrale d'un degré plus que léger pendant le fonctionnement du DAVG indique une vidange insuffisante par le DAVG et la nécessité d'augmenter les rotations du DAVG.
- Si la fonction du DAVG est optimale, la valve aortique s'ouvre tous les 2 à 3 cycles cardiaques. Une ouverture de la valve aortique à chaque battement cardiaque signifie une vidange insuffisante du VG. Une valve aortique fermée en continu suggère une action trop puissante du DAVG pour la précharge présente à ce moment. Ceci se produit donc lorsque la précharge du VG est trop faible ou qu'il n'y a pratiquement pas de contractilité native du VG.
- En cas de fonctionnement optimal, la configuration Doppler de la prothèse d'éjection au niveau de l'aorte ascendante va essentiellement montrer un flux diastolique avec une composante systolique surajoutée. Si seul un flux diastolique est présent, cela indique une vidange trop forte pour la précharge actuelle du VG. Cela signifie souvent que les rotations sont trop élevées, mais il va de soi qu'il faut rechercher la cause d'une précharge réduite. Il peut s'agir d'une hypovolémie, mais aussi d'une conséquence de l'insuffisance ventriculaire droite.
4 échocardiographie postopératoire
L'examen échocardiographique postopératoire permet de vérifier le bon fonctionnement du DAVG et d'exclure toute complication. La tamponnade et la défaillance du VD sont les deux complications principales, juste après l'implantation. Contrairement à l'image échocardiographique classique d'une tamponnade, lors de laquelle c'est principalement le côté droit qui est touché, les collections peuvent également se manifester du côté gauche en raison des pressions moindres dans la cavité du VG.
à un stade ultérieur, des troubles du rythme peuvent également survenir. Des troubles du rythme hémodynamiquement significatifs surviennent chez 1 patient sur 3, surtout au cours du premier mois suivant l'implantation. Il va de soi que les troubles du rythme peuvent également survenir plus tard, comme dans le cas du patient évoqué dans l'introduction.
Références
- Bouchez, S., De Somer, F., Herck, I. et al. Shock-refractory ventricular fibrillation in a patient implanted with a left ventricular assist device. Resuscitation, 2016, 107, e 1-2.
- Bouchez, S., Van Belleghem, Y., De Somer, D.F. et al. Haemodynamic management of patients with left ventricular assist devices using echocardiography: the essentials. Eur Heart J Cardiovasc Imaging, 2019, 20 (4), 373-382.
- Burkhoff, D., Sayer, G., Doshi, D., Uriel, N. Hemodynamics of mechanical circulatory support. J Am Coll Cardiol, 2015, 66, 2663-2674.
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