La prévalence du diabète au cours des dernières années à travers le monde a connu une augmentation progressive, en partie à cause de l'épidémie d'obésité, qui ne cesse de gagner du terrain, et s'amplifiera encore considérablement lors des prochaines décennies1. Comme le diabète s'accompagne d'un risque fortement accru de complications cardiovasculaires aigües et chroniques, cette évolution s'avère problématique pour la qualité de vie de notre population vieillissante ainsi que pour le coût abordable de nos soins de santé (davantage d'hospitalisations et de consultations spécialisées en policlinique)2.
Le traitement classique du diabète de type 2, qui vise une maîtrise optimale de la glycémie, réduit toutefois le risque de complications microvasculaires et de neuropathie3, mais n'a aucun impact sur les complications macrovasculaires et la mortalité cardiovasculaire4, 5. Une maîtrise trop intensive de la glycémie augmente non seulement le risque d'hypoglycémie, mais contribue également à l'apparition de l'obésité et des modifications métaboliques qui y sont associées, faisant ainsi paradoxalement augmenter le risque de complications cardiovasculaires. Sachant cela, la FDA américaine a exigé, en 2008, que l'effet de tous les nouveaux médicaments hypoglycémiants destinés au traitement du diabète de type 2 sur les complications cardiovasculaires à long terme soit étudié. Depuis lors, plusieurs grandes études randomisées des résultats cardiovasculaires portant sur de nouveaux antidiabétiques ont été réalisées.
Des études portant sur l'empagliflozine et la canagliflozine, des inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose de type 2 (SGLT 2), ainsi que sur le liraglutide et le sémaglutide, des agonistes des récepteurs du glucagon-like peptide 1 (GLP 1), ont montré que ces médicaments peuvent être utilisés non seulement de manière sûre dans le traitement de l'hyperglycémie, mais aussi qu'ils peuvent entraîner une diminution importante des complications cardiovasculaires du diabète de type 26-8. Les agonistes des récepteurs du GLP 1 s'avèrent posséder, en plus de leur effet sur la glycémie, un effet important sur l'athérogenèse et, de ce fait, sur le développement des complications athérosclérotiques, tandis que les inhibiteurs du SGLT 2 possèdent un effet hémodynamique important qui prévient l'apparition de l'insuffisance cardiaque et les hospitalisations pour cause de décompensation cardiaque. Les résultats de ces études cliniques ont conduit à de nouvelles recommandations en vue du traitement du diabète de type 29, qui contiennent un glissement de paradigme aux conséquences importantes pour la pratique clinique non seulement du diabétologue, mais aussi du cardiologue.
L'accent se déplace de la maîtrise de la glycémie vers la prévention des complications cardiovasculaires à long terme. Pour le diabétologue, ceci implique que lors du choix du traitement antidiabétique, il doit aussi tenir compte de la présence d'une maladie artérielle coronarienne ou périphérique athérosclérotique asymptomatique, d'une insuffisance cardiaque latente (généralement du type à fonction systolique conservée (HFpEF)) et d'une insuffisance rénale infraclinique. Une collaboration étroite avec le cardiologue, qui possède une plus grande expérience dans le dépistage de la coronaropathie préclinique et de l'insuffisance cardiaque, est dès lors indispensable. Le cardiologue doit quant à lui s'intéresser davantage aux troubles métaboliques sous-jacents et au diabète masqué dont souffrent de nombreux patients atteints d'affections cardiovasculaires. à cet égard, il conviendra d'envisager de prescrire un des nouveaux médicaments, afin d'améliorer le pronostic cardiovasculaire à long terme. Le cardiologue possède donc une plus grande expérience en ce qui concerne la pharmacologie clinique pratique des inhibiteurs du SGLT 2 et des agonistes des récepteurs du GLP 1 ainsi que de leurs indications spécifiques.
Il existe également un risque potentiel de lutte pour un patient entre les diabétologues intéressés par la cardiologie et les cardiologues intéressés par la diabétologie. Afin d'éviter cette situation, une meilleure communication et une plus grande collaboration entre les deux disciplines sont nécessaires, éventuellement au sein d'une équipe cardio diabétologique pluridisciplinaire10, 11.
Références
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