From guidelines to evidence-based clinical practice
Krzystof Narkiewicz - Université de Médecine de Gdansk, Pologne
La grande majorité (environ 55 %) des patients hypertendus en sont au stade 1 (non compliqué), environ 30 % en sont au stade 2 (asymptomatique) et seuls 15 % en sont au stade 3 (lésions organiques). Dans les recommandations de 2013, on tendait à une tension artérielle systolique < 140 mmHg. Toutefois, les recommandations les plus récentes établissent une distinction : pour les patients de moins de 65 ans, la valeur cible devient 120-140 mmHg mais, pour les patients de 65 à 80 ans et de plus de 80 ans, la valeur cible devient 130-140 mmHg.
Alors qu'auparavant, le délai d'obtention des valeurs tensionnelles idéales était flou, on affirme à présent que la tension artérielle doit être contrôlée dans un délai de 3 mois. à cet égard, on propose de commencer par un traitement combiné en un seul comprimé (SPC, single pill combination), dans lequel on combine un inhibiteur de l'ECA (ou sartan) avec un antagoniste calcique ou un diurétique (thiazide ou thiazide-like). Les bêtabloquants sont utilisés dans des indications spécifiques.
On vise ainsi à obtenir un meilleur contrôle tensionnel, plus rapide, avec moins de variations, sûr et bien toléré, dans différents contextes cliniques et à différents âges. En diminuant le nombre de comprimés (SPC), on espère améliorer la compliance thérapeutique. Tout ceci est bien sûr étayé par l'evidence-based medicine.
Le périndopril est l'inhibiteur de l'ECA le plus étudié. Outre la baisse tensionnelle, il est associé à un bénéfice constant en matière de morbi-mortalité. Il suffit de regarder les études ADVANCE, ASCOT, EUROPA, PROGRESS, PREAMI, PEP-CHF...
En ce qui concerne les antagonistes calciques, on dispose de beaucoup de preuves au sujet de l'amlodipine : ACCOMPLISH, ALLHAT, VALUE... Dans l'étude ASCOT, l'association amlodipine/ périndopril était meilleure que l'association aténolol/thiazide.
Dans le cadre du traitement de l'hypertension, moins de patients arrêtent le traitement et la mortalité est plus faible, si l'on utilise une single pill plutôt que 2 comprimés différents.
Les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine donneraient de moins bons résultats sur le plan de la mortalité cardiovasculaire et de la mortalité globale, comparativement à un placebo.
Dans les nouvelles recommandations ESC-ESH de 2018, on propose, en cas d'hypertension non compliquée, de commencer par un traitement combinant un inhibiteur de l'ECA (ou un ARB) avec un antagoniste calcique ou un diurétique (figure 1). En cas d'hypertension à faible risque ou chez les patients fragiles très âgés (> 80 ans), on suggère une monothérapie. L'étape suivante est une trithérapie lors de laquelle on combine un inhibiteur de l'ECA (ou un ARB) avec un antagoniste calcique et un diurétique. En cas d'hypertension résistante, on propose d'ajouter de la spironolactone (25-50 mg) ou un autre diurétique, ou encore un alpha-bloquant ou un bêtabloquant, tout en précisant qu'il est préférable d'adresser le patient à un spécialiste de l'hypertension, pour un bilan complémentaire. En réalité, les bêtabloquants peuvent être administrés à chaque étape, s'il y a une indication spécifique, comme de l'insuffisance cardiaque, de l'angor, une fibrillation auriculaire, ou encore chez les jeunes femmes (enceintes).
L'orateur a également rappelé la cardioprotection prouvée chez les patients atteints de maladies vasculaires et d'hypertension, grâce à l'association d'un inhibiteur de l'ECA et d'un bêtabloquant, comme l'ont démontré les études ADVANCE, EUROPA et PROGRESS. Il a souligné que les patients ayant présenté un infarctus myocardique, souffrant d'hypertension et d'une maladie coronarienne ou d'hypertension avec un pouls au repos élevé, tirent des bénéfices de la combinaison d'un inhibiteur de l'ECA et d'un bêtabloquant.
Toutefois, il ne faut pas se focaliser uniquement sur la tension artérielle, mais aussi sur le risque cardiovasculaire global, par exemple à l'aide du système SCORE. Chez les patients présentant un risque cardiovasculaire faible ou modéré, nous devons tendre à un taux de cholestérol LDL lt; 115 mg/dl ; en cas de risque CV élevé, il faut viser < 100 mg/dl ou une réduction de 50 % si le cholestérol LDL initial est de 100-200 mg/dl. En cas de risque CV très élevé, on vise < 70 mg/ dl ou une réduction de 50 % si le cholestérol LDL basal est compris entre 70-135 mg/dl.
Résumé : il faut essayer de contrôler la tension artérielle dans les 3 mois au moyen d'une single pill (bi- ou trithérapie) et il faut prendre en considération le risque cardiovasculaire global.
Are all diuretics equivalent?
Claudio Borghi - Université de Bologne, Italie
En 1520, le médecin germano-suisse Paracelse (1493-1521) avait décrit que les produits contenant du mercure inorganique ont des propriétés diurétiques. Il utilisait du calomel (chlorure de mercure ou Hg2Cl2), qui était plus laxatif que diurétique, et surtout toxique. En 1700 et en 1800, ce produit était utilisé comme traitement standard de l'hypertension.
Les recommandations ESH-ESC au sujet de l'hypertension préconisent non seulement les inhibiteurs de l'ECA, les ARB, les bêtabloquants et les antagonistes calciques, mais aussi les diurétiques (thiazides et thiazide-like comme la chlortalidone et l'indapamide) (classe I, niveau A) comme produits efficaces pour abaisser la tension artérielle et réduire les événements cardiovasculaires dans les études cliniques randomisées.
Les diurétiques sont préconisés en première ligne par la plupart des recommandations, pour le traitement de l'hypertension. Les diurétiques agissent indifféremment dans les formes d'hypertension résistantes au sel et sensibles au sel. Les diurétiques agissent également bien dans des sous-populations telles que les sujets de race noire, les personnes âgées, les obèses et les diabétiques.
Toutefois, il s'agit d'une classe hétérogène (structure pharmacologique, durée d'action, prévention cardiovasculaire, profil métabolique…).
Lors d'une comparaison directe de l'hydrochlorothiazide avec l'indapamide et la chlortalidone, on a recherché des différences au niveau des effets antihypertenseurs et métaboliques. à partir d'une revue de 9 765 publications, on a retenu 14 études randomisées pour étudier la comparaison. Il est apparu de ceci que l'indapamide et la chlortalidone ont un effet antihypertenseur plus puissant, sans effets indésirables métaboliques plus marqués.
Si on compare les thiazides aux thiazide- like (chlortalidone et indapamide), on voit que le profil est favorable, avec moins d'événements cardiaques, moins d'AVC et moins d'insuffisance cardiaque avec chlortalidone et indapamide.
En quoi l'indapamide diffère-t-il de l'hydrochlorothiazide? L'effet diurétique, la diminution du volume extracellulaire (à court terme) et la diminution des résistances périphériques (à plus long terme) sont tout à fait comparables.
Toutefois, l'inhibition de l'anhydrase carbonique est minime avec un thiazide, et prononcée avec l'indapamide. En outre, on observe une inhibition du système nerveux sympathique, un blocage des canaux calciques, une augmentation de la prostaglandine 12 et un effet antioxydant.
L'effet anhydrase carbonique marqué modifie le pH intracellulaire, diminue l'agrégation plaquettaire, améliore l'angiogenèse et augmente la production de NO.
Les diurétiques de type hydrochlorothiazide (HCTZ) réduisent moins l'hypertrophie ventriculaire gauche que les inhibiteurs de l'ECA et les diurétiques thiazide-like. Les diurétiques HCTZ réduisent la clairance de la créatinine, mais l'indapamide améliore la filtration glomérulaire, diminue la protéinurie et améliore la rigidité vasculaire. L'étude PETRA indique qu'outre une diminution tensionnelle, l'association de périndopril + amlodipine + indapamide réduit également le cholestérol total et le cholestérol LDL, le glucose et l'HbA1c, les triglycérides et l'acide urique.
Plusieurs études (HYVET, PROGRESS, ADVANCE et PATS), lors desquelles on a chaque fois utilisé de l'indapamide, montrent un résultat favorable.
Résumé:
- Les diurétiques font partie du traitement de première ligne de l'hypertension.
- Les diurétiques constituent une classe hétérogène (thiazides versus thiazide-like).
- L'effet diurétique n'est pas le principal critère pour choisir ces produits dans le cadre du traitement de l'hypertension.
- Les diurétiques thiazide-like (comme l'indapamide) ont un meilleur profil clinique et un meilleur profil de sécurité.
- Ceci est étayé par de solides preuves issues d'études randomisées.
- Lors du choix d'un diurétique, il faut regarder au-delà de la classe.
Bradykinine and cardiovascular protection
Arnaud Ancion - CHU Sart Tilman, Belgique
La bradykinine ne se résume pas à un « problème de toux » !
Les maladies cardiovasculaires restent une importante cause de décès en Europe : 44 % chez les hommes et même 56 % chez les femmes.
La dysfonction endothéliale gère le continuum cardiovasculaire et régule l'homéostasie cardiovasculaire.
La bradykinine induit la libération de NO, de prostacycline, de facteur hyperpolarisant dérivé de l'endothélium (EDHF) et d'activateur tissulaire du plasminogène. Quels en sont les effets sur le système cardiovasculaire ? La libération de NO, de prostacycline et d'EDHF régule le tonus vasculaire et ainsi le flux sanguin local vers les organes (effet anti-inflammatoire, réduction des ROS (reactive oxygen species), effet antithrombotique et anti-apoptotique).
Outre la baisse tensionnelle, un traitement antihypertenseur optimal doit se cibler sur la dysfonction endothéliale. La bradykinine (et non l'inhibition de l'angiotensine II) est responsable de l'effet, médié par l'inhibition de l'ECA, sur la fibrinolyse. L'inhibition de l'ECA restaure la fonction endothéliale chez les patients normotendus, contrairement aux ARB, aux antagonistes calciques et aux bêtabloquants. Les plaques coronaires peu ou pas calcifiées (0-25 %) diminuent sous périndopril.
Dans l'étude EUROPA, lors de laquelle le périndopril a été comparé à un placebo, on a observé une diminution de 20 % du critère d'évaluation primaire (mortalité cardiovasculaire, infarctus myocardique non fatal ou arrêt cardiaque réanimé). Dans l'étude PERTINENT (une sous-étude d'EUROPA), on a observé que, sous périndopril, l'apoptose des cellules endothéliales diminuait de 31 %.
Dans l'étude PREAMI (post-infarctus myocardique), on a observé une réduction du risque relatif de 38 % du critère d'évaluation composite (décès, hospitalisation pour insuffisance cardiaque, remodelage ventriculaire gauche) en faveur du périndopril. Dans l'étude CAFE (une sous-étude d'ASCOT), on a observé une diminution de la pression aortique centrale et de la pression pulsée aortique centrale dans le groupe traité par amlodipine/périndopril, comparativement au groupe traité par bêtabloquant/diurétique. Dans l'étude de suivi ASCOT Legacy, il y a eu moins de décès cardiovasculaires (HR 0,79). L'étude PROGRESS, qui a testé l'inhibition de l'ECA (avec du périndopril) par rapport au placebo, en prévention secondaire, a montré une réduction de 27 % des événements cardiovasculaires et de 38 % des infarctus myocardiques non fatals. Dans l'étude ADVANCE, on a observé une diminution de 9 % du critère d'évaluation primaire composite d'affections macrovasculaires (AVC non fatal, infarctus myocardique non fatal et décès cardiovasculaire) et microvasculaires (nouvelle apparition ou détérioration d'une néphropathie ou d'une rétinopathie). La mortalité cardiovasculaire et le nombre de décès « toutes causes » ont diminué de 18 % et 14 %, respectivement.
Le paradoxe « ARB-MI » s'explique par la différence de mécanisme d'action entre les inhibiteurs de l'ECA et les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine (ARB). Avec les inhibiteurs de l'ECA, nous constatons une nette diminution de la mortalité globale, de la mortalité cardiovasculaire, des accidents vasculaires cérébraux et des infarctus myocardiques. Avec les ARB, seuls les AVC diminuent, mais les infarctus myocardiques augmentent. On explique ce phénomène par le fait que le risque d'AVC ne dépend que de la baisse de la tension artérielle. Les ARB ont un effet néfaste marqué sur le système de l'angiotensine II. L'effet bénéfique des inhibiteurs de l'ECA sur l'endothélium explique leur effet protecteur cardiovasculaire.
Pour cette raison, dans les recommandations de l'ESC, on préconise tant les inhibiteurs de l'ECA que les ARB en cas d'hypertension, mais pas après un STEMI ou NSTEMI, et pas en cas d'insuffisance cardiaque. Dans ce cas, les ARB peuvent être utilisés comme alternative, si les inhibiteurs de l'ECA ne sont pas tolérés.
Le périndopril a un profil unique parmi les inhibiteurs de l'ECA, avec une sélectivité frappante pour la bradykinine/l'angiotensine I et une plus grande affinité tissulaire.
Le périndopril offre donc un traitement evidence-based pour la prise en charge du continuum cardiovasculaire, comme en témoignent différentes études : ASCOT (hypertension), PERTINENT (dysfonction endothéliale), EUROPA (maladies coronariennes), PROGRESS (AIT/AVC), PREAMI (post-IM), PEP-CHF (insuffisance cardiaque).
Résumé
- La dysfonction endothéliale joue un rôle central dans le continuum cardiovasculaire, et ses effets sont associés à des dommages vasculaires progressifs.
- Lors du traitement des maladies cardiovasculaires, il faut tenir compte des effets du traitement sur la dysfonction endothéliale.
- La voie bradykinine-NO joue un rôle très important dans l'homéostasie endothéliale.
- Les inhibiteurs de l'ECA constituent une classe d'antihypertenseurs qui ont un effet protecteur important sur la fonction endothéliale. Cette protection cardiovasculaire supérieure les différencie des autres inhibiteurs du SRAA.
- La combinaison d'un profil lipophile, d'une affinité tissulaire élevée et d'une sélectivité élevée pour la bradykinine/l'angiotensine I explique que le périndopril est l'inhibiteur de l'ECA de choix pour la prise en charge de la dysfonction endothéliale.
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