Lors de la séance 'Updates in atrial fibrillation ablation' de la Société Belge de Cardiologie (BSC), les Prs Schilling (Barts Heart Center, Londres, Gr. Bretagne) et Knecht (AZ St Jan, Bruges, Belgique) ont exposé les évolutions récentes sur le sujet.
Qualité de vie
De prime abord, le Pr. Schilling atteste de sa conviction quant à la supériorité de l'ablation par cathétérisme de la fibrillation auriculaire (AbFA) par rapport au traitement antiarythmique (ADT) en termes de réduction des symptômes et de qualité de vie et ce, malgré le manque de résultats de grandes études en ce sens. Dans son analyse, leur design est à mettre en cause. En effet, dans la majorité des études comparant AbFA et ADT, la condition préalable pour l'accès à l'ablation est l'échec d'au moins un ADT, ce qui introduit un biais de sélection en défaveur du bras AbFA. D'autre part, il insiste sur la nécessité d'informer le patient de façon exhaustive sur les complications des techniques ablatives mais aussi de ne pas négliger les effets secondaires de la prise d'ADT au long cours.
Son propos est illustré par l'étude CABANA1 présentée en 2018. Il s'agit du premier essai randomisé comparant AbFA et rate ou rythm control par ADT avec des critères de jugements durs. Tous les types de fibrillation auriculaire (FA) étaient éligibles (≥ 50 % de formes persistantes), et les patients devaient avoir plus de 65 ans ou au moins un facteur de risque thromboembolique. Devant un rythme d'inclusion et des taux d'évènements plus faibles que prévus, le critère de jugement principal a été modifié au cours de l'étude en un critère composite regroupant mortalité totale, accidents vasculaires cérébraux, saignements majeurs et arrêts cardiaques. Après 5 ans de suivi, l'analyse en intention de traiter n'a pas démontré d'effet significatif. Cependant, 27,5 % des patients dans le groupe ADT ont finalement bénéficié d'une ablation, et 9,2 % des patients du groupe interventionnel n'en ont pas eu. Devant ce taux de crossover important entre les 2 groupes, les investigateurs ont mis en avant l'analyse en fonction du traitement effectivement reçu, où une réduction de 33 % du critère de jugement principal a alors été observée. Pour le Pr. Schilling et bon nombre de ses confères, ces résultats sont difficilement interprétables au vu du nombre important de cross-over entre les deux groupes, mais aussi de la modification en cours d'étude de l'analyse en intention de traiter à en fonction du traitement.
Fibrillation auriculaire et insuffisance cardiaque
Ensuite, l'indication d'ablation chez les patients insuffisants cardiaques en FA est abordée. L'étude CASTLE-AF2, publiée en 2018, a été la première à évaluer à grande échelle l'intérêt de l'AbFA chez les patients en insuffisance cardiaque (IC) avec un critère dur de jugement: la morbi- mortalité à 5 ans. Les critères d'inclusion comprenaient la FA (tout type), une fraction d'éjection ventriculaire gauche (FEVG) < 35 %, une dyspnée stade NYHA 2 au moins et d'être porteur d'un défibrillateur interne. Les auteurs concluent à une réduction de morbi-mortalité de 38 % et une réduction de la mortalité seule de 50 % à 5 ans pour le bras ablation. Pour les critères secondaires, on retrouve une diminution de 50 % de la charge totale en FA et une amélioration significative de la FEVG. Pour le Pr. Schilling, l'enseignement à tirer est qu'en présence de corrélation claire entre IC et apparition de la FA, l'ablation doit être envisagée.
La fibrillation auriculaire persistante
Avant de conclure, il aborde la question spécifique de l'ablation de FA persistante où l'indication est parfois difficile à poser. En s'appuyant sur l'étude STAR AF II3, publiée en 2015, il propose le recours plus rapide à l'AbFA. Cette étude multicentrique randomisée évaluait l'absence de récidive de FA de plus de 30 secondes ou l'absence de seconde procédure chez les patients ayant subi une première procédure ablative pour FA persistante de moins d'un an. La randomisation suivait un ratio 1:4:4, 'isolation des veines pulmonaires (IVP) seules' versus 'IVP + ablation des potentiels fragmentés' versus 'IVP + ablation linéaire' respectivement. L'absence de récidive à 18 mois a été obtenue dans 59 % des cas pour IVP seule contre 49 % et 46 % pour les procédures complémentaires, sans différence significative entre les groupes. Pour les auteurs, le maintien du rythme sinusal après AbFA n'est pas amélioré par une ablation étendue dans l'oreillette gauche en plus de l'IVP. Depuis lors, le recours à l'IVP seule pour les patients en FA persistante gagne du terrain, notamment avec la recrudescence des techniques d'IVP dites 'one shot', comme le cryoballon.
Le Pr. Schilling a conclu son exposé en présentant son arbre décisionnel pour les indications d'AbFA:
- Patients en FA paroxystique
- Asymptomatique ou peu d'épisodes d'arythmie: ADT en première intention. Si le patient est jeune, intérêt possible d'AbFA en première intention.
- Symptomatique: ADT ou AbFA en première intention en discussion avec le patient.
- Patients en FA persistante
- Cardioversion + ADT ou AbFA one shot si FA persistante d'apparition récente.
- Patients IC en FA
- Malgré un bon contrôle du rythme cardiaque et autres causes d'IC exclues: AbFA en première intention.
- Autres causes d'IC: ADT en première intention et éventuellement AbFA si échec des ADT.
Le Pr Knecht a, pour sa part, consacré sa présentation aux ADT et anticoagulants (AC) post-ablation.
Antiarythmique et ablation
Il définit tout d'abord la notion de blanking period (BP), qui est la phase de 3 mois suivant l'ablation pendant laquelle plusieurs épisodes de FA peuvent être constatées. C'est un phénomène temporaire principalement dû aux processus inflammatoires et de cicatrisation des lésions réalisées pendant l'ablation. Plusieurs études4, 5 ont d'ailleurs démontré que les récidives de FA pendant la BP étaient indépendantes de la récurrence à long terme. De ce fait, dans les publications des résultats sur l'efficacité de l'AbFA, les récidives pendant la BP ne sont pas considérées comme un échec procédural. Pendant ces épisodes de FA, la symptomatologie peut être très variée et mener à une IC avec nécessité de cardioversion. Le maintien d'un ADT (amiodarone dans AMIO-CAT6 ; ADT de classe IC ou III dans EAST-AF7) deux à trois mois post-ablation permet de diminuer significativement le nombre d'hospitalisations et de cardioversions pendant cette période. Le consensus d'expert des sociétés européennes (ESC/EHRA) et américaines de cardiologie (HRS) statue en ce sens, les ADT doivent être maintenus pendant une période maximum de trois mois post-ablation8.
Au-delà de la BP, les recommandations8 stipulent l'arrêt de l'ADT. Or, le Pr. Knecht fait remarquer que si cette règle est respectée dans le monde de la recherche médicale, elle ne l'est pas dans la pratique9. Les raisons expliquant ce phénomène peuvent être multiples: le patient a confiance en l'efficacité du traitement, l'ADT permet le contrôle d'une autre arythmie que la FA … Le corolaire à cela réside dans le risque d'effets secondaires au long cours et l'absence de données permettant d'affirmer la valeur ajoutée de l'ADT plus de trois mois après l'AbFA. L'étude POWDER-AF10, publiée en 2018, a permis d'apporter un élément de réponse. Elle regroupait 153 patients en FA paroxystique ayant subi une IVP qui ont été randomisés en 2 groupes avec ou sans poursuite de l'ADT au-delà de la BP, le suivi était de 12 mois. Le groupe ayant maintenu l'ADT montrait une réduction significative du risque de récidive ainsi qu'un risque moindre de recours à une nouvelle procédure d'ablation, les auteurs de l'étude nomment cette combinaison de traitement hybrid therapy. Une étude (POWDER-AF 2) au design multicentrique similaire est en cours pour les patients en FA persistante. Le Pr. Knecht préconise donc une approche centrée sur les caractéristiques du patient, en particulier le risque de récidive, pour le maintien de l'ADT au-delà de trois mois post-ablation.
Anticoagulant et ablation
Le second volet de sa présentation concernait l'anticoagulation (AC) chez les patients ayant subi une AbFA. Selon les guidelines de l'ESC/EHRA6, l'AC doit être maintenue chez les patients présentant un risque thrombotique élevé, évalué par le score CHA2DS2-VASc, et non basé sur le succès ou l'échec perçu de l'ablation. Or, dans la pratique courante, ces recommandations sont très peu respectées, probablement dû à l'absence d'études randomisées sur le sujet. Selon les différents registres nationaux11, 12, 35 à 70 % des patients nécessitant une AC après AbFA sont effectivement anticoagulés. Le Pr. Knecht insiste sur la nécessité d'études randomisées pour évaluer l'indication et la durée d'AC à la suite d'une AbFA, notamment en termes de risques ischémiques et hémorragiques. Les résultats des études ODIn-AF13 et OCEAN14 apporteront éventuellement des éléments de réponses. Pour l'instant, un suivi des guidelines en se basant sur les scores CHA2DS2-VASc est préconisé6.
Conclusions et perspective
Les points-clés qui ressortent de cette séance:
- Les patients en FA paroxystique pourraient bénéficier d'une qualité de vie meilleure en optant pour une ablation précoce, notamment avec le développement des techniques dites 'one shot'.
- Le changement de paradigme concernant le traitement ablatif de la FA persistante depuis les études STAR-AF II3 et CASTLE-AF2.
- L'hybrid therapy10 peut être nécessaire chez un profil particulier de patients en FA paroxystique à risque de récidive. Ceux en FA persistante ne sont pas en reste avec l'étude en cours POWDER-AF 2.
- Les études ODIn-AF12 et OCEAN14 vont tenter d'apporter des éléments de réponses en termes de stratégie d'anticoagulation post-ablation.
Cette session a donc permis de mettre en lumière l'évolution rapide que suit actuellement le traitement ablatif des patients en FA. Les attentes restent néanmoins importantes, avec un programme très chargé pour les prochaines années, tout comme celui des éditions futures de la BSC sur le sujet.
Références
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- Verma, A. et al. Approaches to Catheter Ablation for Persistent Atrial Fibrillation. N Engl J Med, 2015, 372 (19), 1812-1822. doi: 10.1056/NEJMoa1408288.
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