Lors du 38ème congrès de la Société Belge de Cardiologie, la matinée du jeudi 7 février 2019 a largement été consacrée aux principaux messages à retenir en matière de prévention cardiovasculaire. Les publications suivantes soulignent encore une fois l'importance d'attacher suffisamment d'attention à la prévention tant primaire que secondaire: - La cardiopathie ischémique reste la première cause de mortalité1.
- L'étude EUROASPIRE V révèle un décevant manque de respect des recommandations en matière de prévention secondaire2.
Lipid control after an Acute coronary Syndrome (ACS) what should we know?
Olivier Descamps
Le Dr Olivier Descamps explique que les recommandations de classe I/IIa des directives de l'ESC3 décrivent les modalités de prise en charge des dyslipidémies dans la prévention secondaire du syndrome coronarien aigu (SCA). Et pourtant, il persiste quelques imprécisions. L'une d'elles concerne la fiabilité de la mesure du LDL-C non à jeun à l'admission. Rott et al.4 ont démontré que le taux de LDL-C baisse 24 heures après le SCA en raison d'une possible régulation à la hausse du récepteur LDL. Ils conseillent de ne pas déterminer la dose de statines sur la base des taux de LDL-C mesurés plus de 24 heures après l'admission pour un infarctus aigu du myocarde (IAM). Le Dr Descamps nuance cette recommandation, affirmant que l'influence de la phase aiguë n'est pas aussi déterminante. Selon un récent article paru dans la revue European Heart Journal, le fait d'être ou non à jeun n'a pas beaucoup d'influence sur les taux de cholestérol5.
Le principal message reste toutefois que, chez tout patient se présentant avec un IAM, il y a lieu d'instaurer immédiatement une dose élevée de statines, et ce, quel que soit le taux initial de LDL-C3. Et cette règle s'applique aussi lorsque le taux initial de LDL-C est inférieur à 70 mg/dl. La question qui se pose alors est de savoir à quelle fréquence les taux doivent être contrôlés et quelle est la cible à viser? Les directives de l'ESC sont claires sur le sujet. Lors de la première évaluation du taux de cholestérol, 4-6 semaines plus tard, la cible sera fixée à un taux de LDL-C de moins de 70 mg/dl ou à une réduction de plus de 50 % de la valeur actuelle. Diverses études de grande ampleur ont démontré l'importance d'une bonne prise en charge des dyslipidémies6. Un traitement aigu et intensif par statines induit une importante réduction des événements cardiovasculaires6. Une règle simple édicte que toute baisse de 40 mg/dl s'accompagne d'une diminution de risque de 20 %.
Une autre question importante, en termes de prise en charge des dyslipidémies, est de savoir quand utiliser l'ézétimibe ou un anti-PCSK9. L'association d'ézétimibe et de statines peut entraîner une baisse supplémentaire de 20 à 25 % du LDL-C. L'étude Improve-IT a montré que l'ajout d'ézétimibe produit une diminution des nouveaux événements7. Les directives de l'ESC recommandent dès lors d'initier l'ézétimibe chez les patients qui n'atteignent pas le LDL-C cible sous la plus haute dose tolérable de statines ou chez les patients intolérants aux statines. L'étude ODYSSEY a montré que les anti-PCSK9 entraînent aussi une diminution des nouveaux événements8. Ces derniers peuvent être utilisés lorsque l'association de statines et d'ézétimibe reste insuffisante ou dans les cas d'hypercholestérolémie familiale (HF).
Chez les patients ayant un LDL-C < 70 mg/dl à l'admission, il est aussi préconisé de démarrer le traitement par une dose élevée de statines. Les directives mentionnent toutefois que, lors de l'évaluation réalisée après 4-6 semaines, il peut être décidé d'arrêter les statines et de se contenter de conseils hygiéno-diététiques. Cependant, Piao et al.9 ont montré qu'un traitement par statines induisait une incidence significativement moindre d'événements cardiovasculaires majeurs (MACE), y compris chez les patients ayant un LDL-C < 50 mg/dl.
Enfin, le dépistage systématique de l'HF reste important en raison de la prévalence et du risque cardiovasculaire très élevé. L'algorithme BEL-FaHST peut se révéler utile pour ce dépistage.
The tobacco paradox and e-cigarette hype
Isabelle Jamin
Le Dr Isabelle Jamin s'est penchée sur l'influence du tabagisme sur le développement de maladies cardiovasculaires, le 'tobacco paradox' et les avantages et dangers de la cigarette électronique. Il est de notoriété publique que le tabagisme est le principal facteur de risque de développement d'affections cardiovasculaires. La figure 1 illustre l'impact du tabagisme sur l'espérance de vie.
La cigarette contient diverses substances dangereuses mais, parmi celles-ci, ce sont la nicotine et le monoxyde de carbone (CO) qui représentent le plus grand danger de dépendance et de mortalité. La nicotine assure l'effet addictif du tabagisme, en libérant de la dopamine. Mais elle déclenche aussi la libération de catécholamines, lesquelles entraînent une augmentation de la tension artérielle, du rythme cardiaque et de la consommation d'oxygène.
Bien que les effets néfastes du tabagisme soient connus de tous, il existe bizarrement ce que l'on appelle un 'paradoxe du fumeur'. Selon ce paradoxe, les fumeurs ont une meilleure survie à court terme que les non-fumeurs. Il s'agit à première vue d'un bel exemple de l'influence que certains facteurs parasites peuvent avoir sur une analyse. Car les patients qui fument ont généralement un SCA à un plus jeune âge et connaissent moins de facteurs de risque cardiovasculaire et moins de comorbidités. Pourtant, le paradoxe du fumeur s'est maintenu après correction pour les facteurs parasites. Dans l'étude GUSTO-I, le risque de mortalité à 30 jours était ainsi 25 % moins élevé pour les fumeurs après correction pour les éventuels facteurs parasites11. Le paradoxe du fumeur pourrait s'expliquer par le fait que les fumeurs ont une hypercoagulabilité relative due à une augmentation de l'hématocrite et du fibrinogène. Par ailleurs, le tabagisme induit aussi une régulation à la hausse du cytochrome CYP1A2, ce qui renforce les effets du clopidogrel.
L'importance du sevrage tabagique est plus qu'évidente et entraîne une baisse du risque relatif de l'ordre de 36 %12. Le message important à faire passer aux patients est qu'il n'existe aucun niveau de tabagisme sans danger. Une seule cigarette par jour augmente déjà le risque de coronaropathie13.
La nouvelle mode de la cigarette électronique, utilisée en substitut de la cigarette traditionnelle ou en aide au sevrage tabagique, reste très discutable. La cigarette électronique a certes un avantage important, en ce sens qu'elle contient moins de substances toxiques telles que le CO. De plus, elle entraîne aussi une saturation des récepteurs nicotiniques, réduisant l'envie de fumer. Deux études récentes ont démontré que la cigarette électronique pouvait aider à arrêter de fumer. Mais on n'en sait pas encore assez sur les effets de la cigarette électronique à long terme. Diverses études actuellement en cours investiguent les effets à long terme du vapotage. En fonction de leurs résultats, la cigarette électronique pourrait être proposée en remplacement de la cigarette traditionnelle ou dans le cadre d'un programme de sevrage tabagique.
Arterial hypertension management: ESC Guidelines 2018 update
Raymond Kacenelenbogen
La nouvelle directive de l'ESC relative à l'hypertension artérielle a été publiée en 2018. Ce qui frappe d'emblée, c'est le fait qu'il existe des directives différentes pour l'Europe et pour les états-Unis. Plutôt étonnant quand on sait que les directives sont basées sur les mêmes études14. Les directives de l'ESC définissent l'hypertension artérielle comme une tension artérielle systolique supérieure à 140 mmHg et une tension artérielle diastolique supérieure à 90 mmHg. Quant aux directives américaines, elles caractérisent l'hypertension comme une tension artérielle au-delà de 130/85 mmHg15.
Selon les directives européennes, le diagnostic d'hypertension artérielle est toujours idéalement posé par 2 mesures effectuées au cabinet, à l'occasion de 2 consultations distinctes. Notons toutefois que les directives encouragent de plus en plus l'automesure tensionnelle et la mesure tensionnelle ambulatoire. L'importance de la mesure ambulatoire et de l'automesure ne peut être sous-estimée dans le diagnostic de l'hypertension sous l'effet de la blouse blanche et de l'hypertension masquée. Pour la première fois, ces directives formulent des recommandations pour le suivi minimum de l'hypertension artérielle (figure 2).
Les directives rappellent une nouvelle fois qu'une évaluation adéquate du risque cardiovasculaire est cruciale chez les patients hypertendus. Le système de stratification du risque SCORE peut être utilisé à cet effet.
Le traitement reste fonction de la sévérité de l'hypertension artérielle. Face à une hypertension de grade 2 ou supérieur, l'instauration immédiate d'un traitement et de mesures hygiéno-diététiques bénéficie d'une recommandation de classe Ia. Dans l'hypertension de grade 1, la première étape consiste en la mise en place de mesures hygiéno-diététiques en vue de normaliser la tension artérielle. Mais si ces mesures ne s'avèrent pas suffisantes, il est recommandé d'instaurer un traitement médicamenteux, y compris en l'absence de preuves d'atteinte significative des organes cibles.
Enfin, les directives de 2018 préconisent toujours de sélectionner le premier choix d'antihypertenseurs parmi les classes suivantes: inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (IECA), antagonistes des récepteurs de l'angiotensine (ARA), bêtabloquants, inhibiteurs calciques (IC) et diurétiques. Chez les patients diabétiques, la recommandation reste de privilégier un IECA dans le traitement de l'hypertension artérielle.
En 2019 comme avant, la prévention secondaire reste une priorité absolue. Tout programme de prévention secondaire doit prévoir la prise en charge des dyslipidémies, le sevrage tabagique et le contrôle tensionnel.
Références
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