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Prise en charge de l'hypercholestérolémie chez le patient coronarien: l'étude ODYSSEY
  • Philippe Van de Borne

En guise d'introduction, de nombreux exposés ont rappelé combien il est important de se remémorer que tous les patients en prévention secondaire d'une maladie cardiovasculaire établie sont d'emblée considérés comme étant à risque cardiovasculaire très élevé.

Cette situation se rencontre fréquemment, la maladie cardiovasculaire restant la première cause de décès dans la CEE. Lorsque un patient est en situation de risque cardiovasculaire très élevé, une prise en charge doit être initiée en cas de LDL-cholestérol supérieur ou égal à 0,7 g/L (ce qui correspond à 1,8 mmol/L) avec pour objectif une valeur cible de LDL-cholestérol inférieure à 0,7 g/L.

Ceci nécessite une triple approche dans laquelle chaque composante du traitement vient renforcer les autres: le traitement pharmacologique, une prise en charge hygiéno-diététique, et une attention toute particulière à l'observance thérapeutique.

Cette dernière est parfois profondément affectée par une perception très subjective du rapport risque/bénéfice de la prise en charge de l'hypercholestérolémie en tant que facteur de risque par le patient. Le praticien insistera toujours sur les bienfaits démontrés d'une modification du mode de vie et, dans une situation de risque cardiovasculaire très élevé, sur l'importance de l'adjonction simultanée d'un traitement hypolipémiant par une statine.

à cela s'ajoute la nécessité de vérifier l'adéquation des mesures instaurées par rapport aux objectifs à atteindre. Ainsi, après trois mois d'intervention, si l'objectif de LDL-cholestérol n'est pas atteint par les mesures précitées, le traitement sera intensifié. La nécessité de recourir à une intensification thérapeutique sera réduite si le praticien anticipe dès le départ l'amplitude de la réduction du LDL-cholestérol requise. Cette réduction dépendra du niveau initial du LDL-cholestérol du patient, ainsi que de la valeur à atteindre.

L'âge du patient ne devrait pas jouer un rôle important dans cette estimation. En effet, chez le sujet âgé entre 65 et 80 ans, l'attitude sera identique à celle observée chez les sujets moins âgés. Chez les sujets âgés, lorsqu'ils ont plus de 80 ans, et qu'ils sont dans une situation de prévention secondaire à très haut risque, l'attitude sera fort similaire à celle observée chez les patients plus jeunes. Toutefois, en cas de fragilité majeure ou d'espérance de vie réduite, le bon sens clinique dictera la meilleure conduite à tenir et déterminera si le patient est encore susceptible de bénéficier de thérapies préventives dans la sphère cardiovasculaire.

Les modifications du mode de vie sont importantes et devraient être recommandés à tous les sujets, quel que soit d'ailleurs le taux de LDL-cholestérol, qu'il soit ou non supérieur à l'objectif spécifique pour chaque niveau de risque cardiovasculaire. Ces recommandations générales sont importantes car elles s'inscrivent dans le cadre d'une véritable démarche d'éducation thérapeutique globale.

Les modifications du mode de vie doivent impérativement comporter un arrêt du tabagisme, une activité physique régulière et une diététique adaptée. Le corps médical est souvent peu entrainé à prodiguer des conseils diététiques précis et adaptés à chaque cas. L'aide d'une équipe diététique permettra de mettre en pratique des recommandations qui de prime abord semblent parfois fort théoriques tant au praticien qu'à son patient. Or, les conseils diététiques sont importants car ils ont pour double objectif de réduire le risque cardiovasculaire et d'améliorer le profil lipidique. De manière générale, le praticien peut encourager son patient à adopter une alimentation de type méditerranéenne, qui privilégie la consommation de poisson (plusieurs fois par semaine), ainsi que de fruits et de légumes. Avec toujours pour objectif de réduire le taux de LDL-cholestérol, il sera conseillé de réduire la consommation d'acides gras saturés et d'acides gras trans, et de consommer, de manière préférentielle, des acides gras insaturés. De manière générale, le praticien doit aussi encourager la consommation d'aliments source de fibres.

La promotion d'une activité physique régulière est bien sûr importante. Nombreux sont les patients qui demandent quel type d'effort ils doivent effectuer, et à quelle intensité et durant combien de temps. De manière générale, il est préférable de recommander une activité physique adaptée aux possibilités du patient, et qui lui plaise. La probabilité qu'un patient modifie son comportement au long cours alors que ce changement lui procure un désagrément, est extrêmement faible. En règle générale, le praticien peut recommander de pratiquer un exercice physique régulier pendant au moins 30 minutes la plupart des jours de la semaine afin de cumuler 150 min/ semaine d'activité physique modérée ou 75 min/semaine d'activité aérobie d'intensité élevée ou une combinaison des deux. Les patients ayant des antécédents cardiovasculaires devront bien sûr consulter leur médecin avant de débuter une activité physique intense.

En complément de ces modifications hygiéno-diététiques, un traitement médicamenteux hypolipidémiant doit être débuté ou adapté chez le patient qui a présenté un évènement coronaire récent, et chez qui les valeurs cibles de LDL-cholestérol sont à présent devenues plus basses. Parmi l'arsenal thérapeutique, les statines représenteront le traitement de choix. Ceci s'explique par le fait que cette classe de médicament a amplement démontré son efficacité pour réduire l'incidence d'évènements cardiovasculaires majeurs chez les sujets à haut et très haut risque cardiovasculaire.

Afin de réduire la nécessité à une adaptation des doses de statines lors d'une visite de suivi, il est recommandé que le praticien choisisse judicieusement la statine et sa dose en fonction du taux de LDL-cholestérol initial et de l'objectif thérapeutique visé, en l'occurrence inférieur à 0,7 g/L de LDL-cholestérol après un évènement coronaire. En prévention secondaire, l'utilisation d'emblée d'une statine à forte intensité (atorvastatine 80 mg) est généralement recommandée, sauf en cas de LDL-cholestérol initialement peu élevé ou de risque important d'effets secondaires musculaires. Lorsque le LDL-cholestérol est initialement peu élevé, une statine de faible intensité (pravastatine 10, 20 ou 40 mg; simvastatine 10 mg) pourra être choisie lorsque la baisse de LDL-cholestérol désirée est comprise entre 20 et 29 %, une statine d'intensité moyenne (simvastatine 20 ou 40 mg; atorvastatine 10 mg; rosuvastatine 5 mg) sera très utile lorsque la baisse de LDL-cholestérol désirée est comprise entre 30 et 39 %.

Enfin, comme précité, le praticien aura recours à une statine de forte intensité (atorvastatine 20, 40 ou 80 mg; rosuvastatine 10, 20 ou 40 mg) lorsque la baisse de LDL-cholestérol désirée est supérieure à 40 %.

Que faire si l'objectif n'est pas atteint sous statines à dose maximale? Dans ce cas il est fortement recommandé d'intensifier le schéma thérapeutique en associant de l'ézétimibe. Dans tous les cas, le traitement de l'hypercholestérolémie sera partie intégrante d'une démarche d'éducation thérapeutique, dont un des soucis sera d'optimiser l'adhésion du patient au traitement. Dans beaucoup de situations, lorsque le LDL-cholestérol augmente à nouveau lors d'une prise de sang, c'est que le patient est devenu moins ou non adhérent au traitement médical et/ou aux mesures hygiéno-diététiques. En cas d'intolérance réelle ou subjective aux statines, il est recommandé d'utiliser l'ézétimibe. Les produits à base de levure rouge de riz contiennent une statine (monacoline A ou lovastatine) et exposent à des effets secondaires similaires à ceux qui auraient vraisemblablement été observés en présence d'une statine peu puissante et faiblement dosée (comme par exemple pravastatine 5 ou 10 mg; simvastatine 5 ou 10 mg).

Leur efficacité est faible et ils ne représentent pas une alternative efficace aux médicaments hypolipidémiants en présence d'un risque cardiovasculaire très élevé. Ils ne devraient d'ailleurs pas être employés en association avec d'autres statines.

à cet arsenal thérapeutique déjà fort efficace, s'ajoutent à présent les anticorps anti-PCSK9 dont la place dans le traitement des hypercholestérolémies sévères reste à définir. Cette classe thérapeutique a connu un développement semi-récent important.

Après l'étude FOURIER qui testait l'effet de l'evolucumab par rapport à un placébo, l'étude ODYSSEY est la seconde étude qui détermine l'efficacité d'un anticorps monoclonal qui inhibe la protéine PCSK9, l'alirocumab, sur la survenue d'évènements cardiovasculaires majeurs chez des patients qui ont présenté un syndrome coronarien aigu. La protéine PCSK9 intervient dans la régulation de la densité des récepteurs au LDL-cholestérol à la surface de l'hépatocyte.

Moins la protéine est fonctionnelle (c.-à-d. plus elle est inhibée par l'anticorps), plus il y a de récepteur à LDL-cholestérol hépatiques qui permettent de réduire la quantité de LDL-cholestérol plasmatique.

L'étude ODYSSEY était une étude de prévention secondaire chez des patients qui présentaient un risque cardiovasculaire très élevé. Les patients devaient tous être âgés de plus de 40 ans et avaient pour commun dénominateur le fait qu'ils avaient présenté un syndrome coronarien aigu endéans les 1 à 12 mois qui précédaient l'inclusion dans l'étude.

Tout comme dans l'étude FOURIER, les patients de l'étude ODYSSEY étaient traités par des statines puissantes et à forte dose (dans 89 % des cas, toutefois, seulement 3 % d'entre eux recevaient de l'ézétimibe) ou tout au moins à la dose maximale tolérée depuis 2 semaines. En dépit de ces traitements, ils devaient avoir un LDL-cholestérol ≥ 70 mg/dl (en moyenne 87 mg/dl) (ou non-HDL-cholestérol ≥ 100 mg/dl ou ApoB ≥ 80 mg/dl).

L'objectif principal de l'étude ODYSSEY était une réduction des évènements cardiovasculaires majeurs.

Il s'agissait d'une association classique qui incluait les décès coronariens, les infarctus non fatals, les accidents vasculaires cérébraux ischémiques et les hospitalisations pour angor instable. Les critères secondaires, ils avaient été hiérarchisés de manière prospective, analysaient, dans l'ordre, les évènements coronariens et les évènements majeurs (décès coronaires, infarctus), suivi des évènements cardiovasculaires, ensuite l'association décès, infarctus et accidents vasculaires cérébraux ischémiques, la mortalité coronaire, la mortalité cardiovasculaire et enfin la mortalité totale. L'étude a inclus un nombre considérable de patients à travers le monde.

Au total 18 924 patients, ont ainsi été randomisés pour recevoir de l'alirocumab à raison d'une injection de 75 mg tous les 15 jours (ou si nécessaire en fonction du niveau de LDL-cholestérol atteint 150 mg/15 jours) ou une injection de placebo. La cible de LDL-cholestérol dans l'étude ODYSSEY était comprise entre 25 et 50 mg/l, avec toutefois la possibilité d'atteindre des valeurs de 15-25 mg/l. Atteindre un LDL-cholestérol inférieur à 15 mg/dl n'était pas considéré souhaitable par les investigateurs. Ces réductions marquées de LDL-cholestérol ont été remarquablement bien tolérées durant la durée de l'étude. La seule intolérance au produit consistait en des réactions cutanées inflammatoires au point d'injection (3,8 vs 2,1 % avec le placebo).

Après 48 mois, sous traitement, les investigateurs ont pu apprécier l'efficacité du traitement expérimental, le LDL-cholestérol étant réduit de 54,7 % sous alirocumab, atteignant 53,3 mg/dl en moyenne.

Cette réduction drastique de LDL-cholestérol a porté ses fruits, et a permis de réduire les évènements cardiovasculaires. En effet le critère primaire d'efficacité était abaissé de 15 % (HR = .85, IC 95 % = .78-.93; p = .0003), soit une diminution de 1,6 % en risque absolu. Les infarctus non fatals, accidents vasculaires cérébraux ischémiques, angor instable étaient également moins fréquents, et de manière significative, mais ceci n'était pas observé pour la mortalité coronaire. La mortalité totale était réduite de 15 % (p = .026) (-0.6 % en risque absolu), mais, compte tenu de la hiérarchisation à priori des objectifs, ce résultat ne pouvait pas être pris en compte.

Les analyses à postériori, qui doivent toujours être interprétés avec prudence, si ce n'est qu'il s'agit ici d'analyses portant sur des sous-groupes pré-spécifiés, montraient une réduction de 29 % de la mortalité totale (risque absolu -1,7 %) en cas de LDL-cholestérol ≥ 100 mg/ dl à l'inclusion, toutefois sans réduction significative (mortalité totale ou critère primaire) en cas de LDL < 80 mg/dl ou entre 80-100 mg/dl.

En résumé, nous disposons donc à présent d'une deuxième étude de morbi- mortalité, cette fois après un syndrome coronaire aigu, où l'alirocumab réduit de 15 % les évènements cardiovasculaires majeurs, réduction relativement comparable à celle observée dans l'étude FOURIER qui investiguait le bénéfice de l'evolucumab chez des patients coronariens stables, ayant une artérite oblitérante des membres inférieurs, ou un accident vasculaire cérébral.

Dans les deux études, ces nouveaux agents thérapeutiques ont eu des effets favorables sur les évènements cliniques et leur tolérance était excellente. Les résultats de l'étude ODYSSEY ont été présentés aux 67èmes séances scientifiques annuelles de l'American College of Cardiology, à Orlando, en Floride, en mars 2018.

L'étude ODYSSEY n'est pas encore publiée, mais elle a bien évidemment été citée régulièrement au Congrès annuel de la société Européenne de Cardiologie, qui s'est déroulé du 25 au 29 aout à Munich.

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