Une mise au point du traitement diurétique de l'hypertension artérielle a été réalisée lors d'un symposium récent, en juin 2018, lors du 28ème congrès européen sur l'hypertension et la prévention cardiovasculaire.
Sur le plan de la physiopathologie, le sel garde une place de choix dans la physiopathologie hypertensive. Même si on peut diviser les patients hypertendus en sensibles au sel et en insensibles au sel, on devrait plutôt parler d'un continuum et la sensibilité au sel augmente avec l'âge et la sévérité de l'hypertension. Il existe une très nette relation entre l'excrétion urinaire de sodium et la pression artérielle systolique. Au niveau mondial, les plus gros consommateurs de sel sont plutôt en Asie Centrale (plus de 13 g/j) et les plus faibles en Afrique subsaharienne (moins de 3 g/j). En Europe comme en Amérique du Nord, on tourne aux environs de 4 g/j, ce qui correspond plus ou moins à la moyenne mondiale. L'hypertension artérielle est un des éléments du syndrome métabolique, en association avec la surcharge pondérale, une dyslipidémie ainsi qu'une intolérance glucidique voir un diabète. Au niveau hormonal, ce syndrome se traduit également par un certain degré d'hyperaldostéronisme. L'insuline augmente en outre la réabsorption du sel au niveau des tubules rénaux, favorisant l'hypertension artérielle. Il est donc logique que diminuer l'apport en sel ait un réel effet hypotenseur et il est intéressant de savoir que cet effet hypotenseur est plus marqué chez les patients avec un syndrome métabolique que ceux qui n'en ont pas. Les diurétiques ont donc tout à fait logiquement un effet hypotenseur utile à exploiter.
Le rôle des diurétiques dans la prise en charge de l'hypertension artérielle a été longuement revu par les différents orateurs. Tous les patients hypertendus ne sont pas les mêmes: la composante neurohumorale est plus marquée chez les jeunes, le système rénine-angiotensine-aldostérone plus en vue chez les patients avec un syndrome métabolique, les personnes âgées ont plus un problème de rigidité de leurs parois vasculaires et les patients noirs se caractérisent par une activité rénine basse, ce qui est à la base d'un traitement que l'on pourrait individualiser, privilégiant par exemple les inhibiteurs du système rénine-angiotensine chez les patients avec un syndrome métabolique par rapport à un antagoniste et/ou un diurétique chez les personnes âgées et les patients noirs.
Si on se base sur les guidelines y compris les plus récents (2018 ESH-ESC, figure 1), ces 3 classes médicamenteuses (inhibiteurs de l'enzyme de conversion ou de l'angiotensine II, antagonistes calciques et diurétiques [thiazidiques ou thiazidiques- like comme l'indapamide ou la chortalidone]) ont un degré de recommandation IA. Selon une revue réalisée en 2017 (Cochrane Library) et portant sur 58 040 patients inclus dans des études randomisées, les diurétiques thiazidiques utilisés en faible dose en première ligne ont un effet bénéfique sur la mortalité, le risque d'accident vasculaire cérébral et la maladie coronaire faisant aussi bien que les inhibiteurs de l'enzyme de conversion mais mieux que les bêtabloquants en première ligne qui n'ont pas d'effet favorable sur la mortalité (mais bien sur les autres facteurs). L'association d'un diurétique avec un autre hypotenseur a certainement un effet bénéfique additionnel (par exemple, dans l'étude EFFICIENT la combinaison d'indapamide 1,5 mg avec de l'amlodipine 5 mg permettait un contrôle du profil tensionnel chez plus de 80 % des patients à 45 jours), ce qui est également souligné dans ces mêmes guidelines (figure 1). On y voit deux autres indications de classe IA également, recommandant d'une part chez la plupart des patients une association d'un inhibiteur du système rénine-angiotensine avec un antagoniste calcique ou un diurétique pour obtenir l'objectif tensionnel et d'autre part de privilégier si besoin d'une trithérapie, l'association inhibiteur du système rénine-angiotensine, antagoniste calcique et diurétique.
Tous les diurétiques ne sont pas équivalents. Nous disposons de plusieurs catégories de diurétiques comme le montre la figure 2, depuis les diurétiques de l'anse (plus utilisés dans le cadre de l'insuffisance cardiaque) en passant par les dérivés thiazidiques et apparentés (chortalidone, indapamide) ainsi que les antagonistes de l'aldactone (spironolactone, éplérénone) et en n'oubliant pas les inhibiteurs des récepteurs SGLT2, qui sont des médicaments qui augmentent l'excrétion de sucre (entrainant une baisse de la glycémie) mais aussi de sodium. On peut donc les classer aussi comme des diurétiques même si leur efficacité comme antidiabétique n'est plus à démontrer!
Les inhibiteurs du récepteurs SGLT2 induisent un effet hypotenseur surtout marqué sur la pression systolique (augmentent l'excrétion non seulement du glucose mais aussi du sel, figure 3). Cela s'est traduit par une réduction très nette de la mortalité cardiovasculaire dans l'étude EMPAREG avec l'empaglifozine et dans l'étude CANVAS avec la canaglifozine, chez des patients diabétiques, même si ce n'est probablement pas le seul mécanisme expliquant cet effet bénéfique. On peut d'ailleurs faire le parallélisme avec l'étude ALLHAT où une réduction des hospitalisations avec insuffisance cardiaque était observée avec la chorthalidone par rapport non seulement à l'amlodipine surtout mais aussi par rapport au lisinopril (cet effet diminuant dans ce dernier cas avec les années).
Dans une méta-analyse portant sur des études comparant directement la chortalidone ou l'indapamide et l'hydrochlorothiazide, Roush (Hypertension, 2015) a montré un effet hypotenseur sur la pression systolique supérieur de ces deux thiazides dérivés, sans avoir plus d'effets métaboliques, y compris au niveau de la kaliémie, que l'hydrochlorothiazide. Dans une autre méta-analyse portant sur 19 études randomisées, Chen (Am J Hypertens 2015) a montré une efficacité supérieure à ces dérivés thiazide-like par rapport aux diurétiques thiazidiques conventionnels, tant sur la plan de la réduction des évènements cardiaques que sur la survenue d'un accident vasculaire cérébral ou sur le développement d'une insuffisance cardiaque. L'indapamide présente en plus de son action purement thiazidique, des mécanismes d'action potentiellement intéressants comme une action positive sur le système nerveux sympathique, sur les canaux calciques, une augmentation de la PGI2 (prostacycline) et un effet antioxydant.
Au niveau rénal, on a pu ainsi démontrer des effets favorables de l'indapamide par rapport aux thiazidique portant sur l'amélioration de la clearance de la créatinine, sur la réduction de l'excrétion d'albumine chez des patients hypertendus (tout comme l'enalapril, un inhibiteur de l'enzyme de conversion).
Plusieurs études randomisées ont été réalisées et soulignent l'intérêt de l'indapamide, seul ou associé à un inhibiteur de l'enzyme de conversion comme le perindopril. Dans l'étude ADVANCE réalisée chez des patients diabétiques à haut risque cardiovasculaire, la mortalité totale était diminuée de 14 % par l'association perindopril-indapamide, lié essentiellement à une diminution de la mortalité cardiovasculaire de 12 %. Cette population a été comparée de façon indirecte à la population diabétique de l'étude ACCOMPLISH qui a montré la supériorité de l'association benazepril-amlodipine à l'association benazepril-hydrochlorothiazide. En termes de réduction d'événements cardiovasculaires, on avait le même taux de survenue d'événements avec le groupe perindopril-indapamide que dans le groupe benazepril-amlodipine, argument indirect d'une part pour un intérêt de l'indapamide par rapport à l'hydrochlorothiazide et d'autre part pour l'efficacité comparable de l'association d'un inhibiteur de l'enzyme de conversion avec soit un antagoniste calcique comme l'amlodipine, soit avec l'indapamide (figure 4).
Dans l'étude HYVET, l'association de l'indapamide au perindopril diminuait de 39 % les accidents vasculaires cérébraux létaux par rapport à un placebo. Toujours dans l'étude HYVET, le risque de développer une insuffisance cardiaque était diminué de 64 % par l'association de l'indapamide au perindopril par rapport au groupe contrôle et la mortalité cardiovasculaire était réduite de 23 %.
Dans l'étude PROGRESS, chez des patients ayant déjà présenté un accident vasculaire cérébral, permanent ou transitoire, l'association de perindopril et d'indapamide diminuait le risque de démence et de déclin cognitif associé à une récidive d'accident vasculaire cérébral.
En conclusion, les diurétiques et en particulier l'indapamide comme souligné dans ce symposium gardent une place privilégiée dans le traitement de l'hypertension, avec un effet cardiovasculaire protecteur démontré. Les résultats obtenus plus récemment avec un type particulier de diurétique, les inhibiteurs de la SGLT2 (étude EMPAREG avec l'empaglifozine et étude CANVAS avec la canaglifozine) sont interpellant chez les patients diabétiques avec une réduction de la mortalité cardiovasculaire et de la survenue d'une d'hospitalisation pour insuffisance cardiaque.
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