Lors du 37ème congrès de la Société Belge de Cardiologie 2018, nous avons pu assister à des sessions très intéressantes, dont le satellite symposium 'Engaging with NOACs: treating challenging patients without surprise'. Celui-ci était modéré par le docteur Frank Cools (AZ KLINA Brasschaat BE) et le professeur Patrizio Lancellotti (CHU Sart Tilman Liège BE). Un résumé de présentations est abordé dans cette publication.
Le docteur Michele Mercuri (Daiichi Sankyo, NJ, USA) est le responsable du Developpement Clinique Global en recherche thérapeutique cardiovasculaire, rénale et métabolique; en 2008, il a mis sur pied le programme de phase III sur l'édoxaban. Il nous a donc présenté, en toute connaissance, le développement de l'édoxaban … 'from Birth to Bedside'. Il nous a rappelé l'intérêt d'investiguer de nouveaux anticoagulants: le risque de thrombose par des pathologies diverses (TVP, FA, SCA) est une cause majeure de décès et la limitation connue des anticoagulants de type antivitamines K (AVK) ou héparines. Le profil d'un anticoagulant idéal comprend: une fenêtre thérapeutique large, une administration orale à dose fixe, un début et fin d'action rapides, une réponse anticoagulante prévisible, l'absence de monitoring de laboratoire, une réduction des saignements, des interactions médicamenteuses ou alimentaires minimes, et une possible réversibilité de l'action. En 1994, Daiichi publie le premier rapport sur une nouvelle molécule, un inhibiteur direct et sélectif du facteur de coagulation Xa (DX-9065a) … entrainant le développement de l'édoxaban. Le nom est une composition de Edo (ancien nom de Tokyo), Xa (facteur Xa) et Ban (la fin des NOAC ou Non-Vitamin K Oral Antagonist antiCoagulant). Les caractéristiques de la molécule sont résumées au tableau 1. Le docteur Michele Mercuri rappelle les nombreux programmes et études terminées ou non (dont l'étude ENGAGE-TIMI 48 sur la fibrillation auriculaire (FA)). L'utilisation des NOAC continue à croitre par rapport aux AVK partout dans le monde (en Belgique 61 %, dans le monde 40 %). Il estime qu'en 2025, près de 100 % des patients seront traités par des NOAC (ou DOAC: Direct Oral AntiCoagulants). Reste juste le problème d'un agent fiable de réversibilité pour l'édoxaban (à l'étude clinique).
Le professeur Peter Verhamme (KU Leuven, BE), cardiologue spécialisé en pathologies vasculaires et hémostase, membre éminent de la société internationale 'Thrombosis and Hemostasis', nous présente le thème 'Treating challenging patients: pulmonary embolism'. Il rappelle que les DOAC sont devenus le traitement standard des pathologies thrombo-emboliques veineuses (VTE). Pourquoi? Les DOAC sont des drogues 'sûres, pratiques et efficaces'. Il reste cependant des questions concernant les risques intermédiaires et hauts d'embolie pulmonaire, la problématique de la polypharmacie et des comorbidités, les patients fragiles, très âgés ou insuffisants rénaux, les cancers et les patientes enceintes ou allaitantes. L'étude Hokusai a montré l'efficacité et la sécurité d'utilisation de l'édoxaban … en général ou dans les sous-groupes à risque (atteinte du VD, augmentation de Nt-pro-BNP, en présence de polymédication (≥ 6) ou comorbidité (≥ 3); la dose d'édoxaban doit être réduite de 60 à 30 mg si insuffisance rénale modérée à sévère (CrCl 15-50 ml/min), petit poids ≤ 60 kg ou en association avec des inhibiteurs du transporteur p-glycoprotéine (cyclosporine, dronédarone, érythromycine, kétoconazole). La récidive de pathologie thrombo-embolique veineuse reste moins importante quel que soit la dose d'édoxaban comparé à la warfarine (3,4 % vs 3,2 % pour le groupe avec 60 mg et 4,2 % vs 3,0 % pour les 30 mg); il en est de même pour le risque de saignements. Enfin Daiichi a publié les résultats de Hokusai VTE Cancer (publié dans le NEJM 2017) objectivant que l'édoxaban n'était pas inférieur à la daltéparine sur l'endpoint composite de récidive de VTE et de saignements majeurs; par contre, l'édoxaban montre moins de récidives de VTE et un peu plus de saignements majeurs (surtout si cancers gastro-intestinaux) pris séparément. Une question est le timing d'utilisation des DOAC: 3 mois si risque hémorragique, sinon timing 'étendu'!
Le professeur Felicita Andreotti (Catholic University Roma, IT) fut présidente du groupe de travail 'Thrombosis and Hemostasis' de la Société Européenne de Cardiologie (ESC) et est membre de l'editorial board de l'European Heart Journal. Elle est experte en problèmes de coagulation et nous présente 'Treating challenging patients: the renal impaired'. Elle rappelle que 1/3 des patients avec FA ont une maladie rénale chronique et que 1/6 des patients en insuffisance rénale a une FA; ces patients sont plus à risque de saignement et d'évènements ischémiques myocardiques. Malheureusement, il n'existe pas d'études conduites spécifiquement avec des insuffisants rénaux comparant les NOAC et la warfarine; tout au plus on étudie les 15-30 % de patients des sous-groupes dans les 4 études principales de phase III. Au niveau pratique, il est recommandé de contrôler la fonction rénale régulièrement (p. ex. délai (en mois) entre deux prises de sang = ClCr en ml/min divisé par 10). L'élimination rénale diffère selon les molécules étudiées (dabigatran 80%, rivaroxaban 33%, apixaban 25%, édoxaban 35%); on contre-indique, de plus, la prescription sous une clearance de créatinine (ClCr) < 15 ml/min, excepté pour le dabigatran si < 30 ml/min (vu son profil différent). Le tableau 2 résume les différentes caractéristiques des NOAC et leur impact chez les patients en insuffisance rénale. Dans l'étude ENGAGE-TIMI 48, les différents sous-groupes étudiés, traités par l'édoxaban font mieux que la warfarine concernant les endpoints de sécurité, excepté pour les saignements gastro-intestinaux. L'édoxaban a donc une bonne performance, en comparaison de la warfarine et de l'acide acétylsalicylique, chez ces patients en FA à risque. Le bénéfice clinique net est aussi favorable chez les patients en insuffisance rénale.
Le docteur Jan Steffel (University Heart Center Zurich, CH) est un cardiologue spécialisé en électrophysiologie invasive et devices, vice-président de l'EHRA Scientific Initiatives Committee, et deputy editor de l'European Heart Journal. Sa présentation est la suivante: 'Treating challenging patients: the elderly patient'. Le fait d'être un patient âgé est déjà noté lorsque vous calculez votre score de risque thrombo-embolique CHA2DS2-VASc: 2 points si ≥ 75 ans et un point si âge 65-74 ans. Dans l'étude ENGAGE-TIMI 48, le bénéfice de l'édoxaban est net par rapport à l'utilisation de warfarine, avec un risque thrombo-embolique respectivement de 1,9 % et 2,3 % (réduction de 17 %). Plus le patient est âgé, plus il encourt le risque d'AVC ou embols systémiques, d'AVC ischémique, de saignements majeurs et de saignement intracrâniens; il existe, cependant, un bénéfice net total de l'édoxaban concernant tous ces endpoints (p < 0,05). Pour le patient de plus de 80 ans; le bénéfice est confirmé pour les AVC hémorragiques, saignements majeurs, et hémorragies intracrâniennes. Sinon, il faut aussi bien (ou mal) que la warfarine. L'étude ENGAGE-TIMI 48 a aussi analysé les résultats de patients 'à haut risque de chutes' (4,3 % du total des patients), dont les patients avec antécédents de chutes, faiblesse musculaire des extrémités, faible maintien (instabilité à la marche), altération de l'état cognitif, hypotension orthostatique, usage de psychotropes, arthrite sévère ou vertiges; ces patients ont évidement un profil de risque plus élevé avec CHA2DS2-VASc plus haut: 3,3 vs 2,8, p < 0,001) et les complications sont plus nombreuses liées à la FA et au traitement. Cependant, l'édoxaban fait mieux en termes de sécurité hémorragique que la warfarine. C'est donc une très bonne alternative chez des patients à haut risque … comme pour les bas-risques!
Concernant le risque de chute avec la peur des hématomes ou hémorragies cérébrales (NDLR). Selon une étude (Arch Intern Med 1999), pour que le risque hémorragique de la warfarine soit supérieur à son bénéfice dans la FA chez une personne âgée, le patient devrait chuter au moins 295 fois par an. Il est évidemment indispensable de diagnostiquer et de traiter les causes réversibles de chute. L'arrêt de l'anticoagulation est possible en cas de chutes incontrôlées (p. ex. épilepsie) ou de démence avancée avec difficultés de compliance et d'adhérence au traitement. Par rapport aux AVK, les NOAC n'augmentent pas le risque hémorragique (surtout les hémorragies graves) des patients en FA, et notamment celui des patients âges > 75 ans; précaution si risque de surdosage (fonction rénale!).
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