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Hyperuricémie: Aller au coeur du problème?
  • Muriel Sprynger

Ce symposium avait pour but de sensibiliser les cardiologues à la relation entre hyperuricémie (HU) et maladies cardiovasculaires (MCV) en essayant de répondre aux questions suivantes:

  • L'HU est-elle un facteur de risque cardiovasculaire (CV) indépendant?
  • Quel est le seuil définissant l'HU?
  • Peut-on améliorer le pronostic CV et rénal en réduisant l'uricémie?
  • Quand faut-il instaurer un traitement hypouricémiant?

Le Prof. Claudio Borghi (Bologne) a abordé l'association HU et MCV. Il a d'abord rappelé l'atteinte des organescibles que sont le coeur (hypertrophie ventriculaire gauche), les carotides (épaisseur intima-media), le système artériel (rigidité artérielle) et les reins (microalbuminurie, filtration glomérulaire [GFR]). Puis, il a évoqué l'association de l'HU avec les maladies cardiaques et rénales: coronaropathie, insuffisance cardiaque (à fraction d'éjection conservée ou abaissée), fibrillation auriculaire (FA), insuffisance rénale chronique.

L'HU est associée à l'HTA, au syndrome métabolique, à la dysfonction endothéliale, à l'hypersympathicotonie et à l'athéromatose. Elle constitue un facteur pronostique défavorable de morbi-mortalité en cas de coronaropathie aiguë ou chronique, d'insuffisance cardiaque et de FA.

L'HU peut être considérée comme un marqueur de stress oxydatif associé à l'activation de la xanthine-oxydase qui est impliquée dans la production de l'acide urique.1 Une hypothèse de travail intéressante est la différenciation entre l'HU secondaire à un excès de production d'acide urique et à une réduction d'excrétion rénale ou un excès de réabsorption tubulaire. Ce deuxième groupe serait plus sujet aux dépôts tissulaires que le premier.

Dans une 'étude dans la vraie vie' (non encore publiée), le Prof. Borghi a montré l'effet favorable du traitement hypouricémiant sur une population de 398 insuffisants cardiaques. Les inhibiteurs de xanthine-oxydase (allopurinol, fébuxostat) pourraient donc jouer un rôle dans la prise en charge des patients à risque CV et principalement les plus puissants (fébuxostat). Des études randomisées portant sur l'effet des hypouricémiants dans la prise en charge des maladies CV seraient en cours.

Le Prof. Peter Collins (Londres) a ensuite rappelé que l'HU est un marqueur de risque indépendant de FA,2qu'il s'agisse de FA dans la population générale, mais aussi après pontage aorto-coronarien ou cryoablation. Le mécanisme peut être inflammatoire par l'intermédiaire d'une activation des inflammasomes- NLRP3 inclus dans les macrophages et responsables de la maturation de l'interleukine-1β qui induit la fibrose. Des mécanismes non-inflammatoires interviendraient également en réduisant la durée du potentiel d'action et contribueraient ainsi à la formation de circuits de réentrée favorisant la FA. Même si à l'heure actuelle, il reste difficile de dire avec certitude si l'HU est un 'simple' marqueur de risque ou une cible thérapeutique, on retiendra l'étude de Singh,3 utilisant les données du Medicare et montrant que la prise d'allopurinol est associée à une réduction du risque de FA chez la personne âgée, particulièrement après 6 mois de traitement. Cela constitue un terrain de recherche important pour l'avenir.

Le Prof. Antonio Coca (Barcelone) a clôturé la session en parlant du traitement de l'HU symptomatique. Selon les recommandations de l'EULAR,4 les objectifs du traitement de la goutte sont non seulement, une réduction de la douleur et de l'inflammation à la phase aiguë, mais aussi une élimination des tophi et une prévention à long terme des arthropathies et des récidives de crise de goutte. Le traitement au long cours comprend:

  • un arrêt éventuel de médicaments favorisant l'HU: faible dose d'acide; acétylsalicylique, thiazidiques, furosémide, cyclosporine et autres cytostatiques, éthambutol/ pyrazinamide, lévodopa, acide nicotinique, bêtabloquants;
  • un traitement par losartan si indication (effet uricosurique);
  • une modification du style de vie: réduction des apports en purine (viande rouge, foie, rognons, crustacés, mollusques …);
    • réduction de la consommation d'alcool (particulièrement la bière et les alcools forts);
    • perte pondérale: 1 kg/mois en évitant les régimes protéinés et inadaptés;
    • hydratation: minimum 2 l d'eau/j en cas d'antécédent de lithiase urinaire;
    • exercice physique modéré régulier;
  • un traitement médicamenteux hypouricémiant.

La modification du style de vie n'ayant qu'un effet modeste sur l'HU, l'association d'un traitement médicamenteux est souvent nécessaire. Celui-ci est indiqué chez tout patient présentant des récidives de tophi, d'arthropathie et/ou de lithiase urinaire afin de favoriser la dilution des cristaux et de prévenir leur formation. Le traitement doit être initié tôt: patient de moins de 40 ans ou uricémie > 8 mg/dl et/ou présence de comorbidités (insuffisance rénale, HTA, coronaropathie, insuffisance cardiaque). Le but du traitement est d'atteindre et maintenir une uricémie ≤ 6 mg/dl, voire même ≤ 5 mg/dl en cas de goutte sévère. Le traitement doit débuter par de faibles doses à augmenter progressivement. Les hypouricémiants de première ligne sont les inhibiteurs de la xanthine-oxydase, tels que l'allopurinol ou le fébuxostat. L'effet du fébuxostat est supérieur à celui de l'allopurinol en cas d'insuffisance rénale légère ou modérée. Si le seuil d'uricémie n'est pas atteint, on pourra associer des uricosuriques.

Selon les recommandations de l'EULAR, tout patient souffrant de goutte doit aussi bénéficier d'un dépistage et d'une prise en charge de comorbidités et de facteurs de risque CV: insuffisance rénale, coronaropathie, insuffisance cardiaque, AVC, artériopathie des membres inférieurs, HTA, dyslipémie, obésité, tabagisme et diabète.

En conclusion: L'HU symptomatique (goutte, lithiase) est due au dépôt de cristaux d'acide urique. Le traitement est défini par les recommandations de l'EULAR. Il associe les règles hygiéno-diététiques au traitement médicamenteux. Les inhibiteurs de la xanthine-oxydase viennent en première ligne (allopurinol et fébuxostat, le deuxième étant plus puissant que le premier). Le seuil maximum d'uricémie à atteindre est de 5 à 6 mg/dl. Le traitement doit donc être adapté aux valeurs-cibles de l'uricémie et non aux symptômes.

Par contre, s'il est clair que l'HU est associée à de nombreux facteurs de risques et comorbidités cardiovasculaires et rénales, l'utilité des hypouricémiants est moins bien démontrée chez les patients asymptomatiques. Pour répondre à cette importante question, des études prospectives randomisées sont en cours, dont l'étude de FREED (étude prospective, randomisée).5 En attendant, le traitement médicamenteux devra se discuter au cas par cas.

Références

  1. Borghi, C., Desideri, G. Urate-lowering drugs and prevention of cardiovascular disease: The emerging role of xanthine oxidase inhibition. Hypertension, 2016, 67, 496-498.
  2. Tamariz, L., Agarwal, S., Soliman, E.Z., Chamberlain, A.M., Prineas, R., Folsom, A.R. et al. Association of serum uric acid with incident atrial fibrillation. Int J Cardiol, 2017, 231, 137-142.
  3. Singh, J.A., YU S. Allopurinol and the risk of atrial fibrillation in the elderly: a study using Medicare data. Ann Rheum Dis, 2017, 76 (1), 72-78.
  4. Richette, P., Doherty, M., Pascual, E., Barskova, V., Becce, F., Castañeda-Sanabria, J. et al. 2016 updated EULAR evidence-based recommendations for the management of gout. Ann Rheum Dis, 2017, 76, 29-42.
  5. Kojima, S., Matsui, K., Ogawa, H., Jinnouchi, H., Hiramitsu, S., Hayashi, T., et al. Febuxostat for Cerebral and Cardiorenovascular Events Prevention Study (FREED) investigators. Rationale, design, and baseline characteristics of a study to evaluate the effect of febuxostat in preventing cerebral, cardiovascular, and renal events in patients with hyperuricemia. J Cardiol, 2017, 69 (1), 169-175.

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