Cette session Hot line a suscité un vif intérêt. Compte rendu du congrès ESC à Barcelone.
L'étude HPS3/TIMI55-REVEAL (Clinical effects of anacetrapib in people with established vascular disease: Results of the Randomized Evaluation of the Effects of Anacetrapib through Lipidmodification)
L'étude REVEAL a démontré que l'anacetrapib, un inhibiteur de la protéine de transfert des esters de cholestérol (CETP), diminue le risque d'événements coronaires majeurs s'il est associé à un traitement intensif par statine. L'étude, présentée lors d'une session Hot Line, est également parue dans le New England Journal of Medicine.
L'anacetrapib augmente le cholestérol HDL (lipoprotéines de haute densité) et diminue le LDL mais, jusqu'à présent, on ne savait pas si ceci se traduisait également par un bénéfice clinique.
L'étude REVEAL a randomisé 30 449 patients souffrant de maladies vasculaires athéroscléreuses, qui bénéficiaient tous d'un traitement intensif par atorvastatine (LDL initial moyen 61 mg/dl et HDL 40 mg/dl), vers anacetrapib 100 mg une fois par jour ou un placebo. Il s'agissait d'une étude internationale, multicentrique, impliquant plus de 400 centres.
L'ajout d'anacetrapib à un traitement intensif par statine a permis de démontrer une réduction relative de 9 % du risque du critère d'évaluation primaire (mortalité coronaire, infarctus myocardique aigu ou revascularisation coronaire). Ainsi, durant un suivi de 4 ans, le critère d'évaluation primaire a été observé chez 10,8 % des patients du groupe intervention, versus 11,8 % dans le groupe témoin (rapport 0,91, IC à 95 %: 0,85-0,97, p = 0,004). Au bout de 2 ans, le HDL avait augmenté de 43 mg/dl dans le groupe anacetrapib (soit un doublement) et le cholestérol non- HDL avait diminué de 17 mg/dl (soit une différence relative de -18 %).
L'anacetrapib était bien toléré, et on n'a pas observé d'effets indésirables majeurs durant ce court suivi, hormis une légère élévation de la tension artérielle (0,7 mmHg systolique/0,3 mmHg diastolique) et une légère majoration du risque de détérioration de la fonction rénale dans le groupe anacetrapib (11,5 % vs 10,6 %, P = 0,04).
En revanche, il y avait une légère diminution du diabète de novo dans le groupe intervention.
Les critiques suivantes ont été formulées lors de la discussion. Pour certains, l'effet de l'anacetrapib sur le critère d'évaluation primaire, plus précisément une réduction du risque de 9 %, est relativement faible pour qu'on puisse parler de bénéfice cliniquement significatif. Ainsi, dans cette étude ayant inclus plus de 30 000 patients suivis durant plus de 4 ans, on ne comptait que 163 événements primaires en moins. De plus, certains s'interrogent sur le profil de sécurité: outre une élévation (minime) de la tension artérielle, on s'inquiète surtout de la détérioration de la fonction rénale et de l'accumulation du produit dans le tissu adipeux, et ce, jusqu'à 5 ans.
EMPATHY (standard versus intEnsive statin therapy for hypercholesteroleMic Patients with diAbetic retinopaTHY)
L'augmentation mondiale du diabète soulève des questions au sujet de meilleures options thérapeutiques pour la prévention des maladies cardiovasculaires dans ce groupe à haut risque.
Cette étude a dès lors examiné l'avantage éventuel d'un traitement intensif 'treatto- target' par rapport à un traitement standard au moyen d'une statine chez des patients (japonais) souffrant d'une rétinopathie diabétique. L'étude EMPATHY visait à prévenir un premier événement cardiovasculaire. Il s'agissait d'une étude prospective, randomisée, multicentrique, ayant inclus 5 000 patients souffrant d'hypercholestérolémie et d'une rétinopathie diabétique, n'ayant pas d'antécédent de maladie coronarienne.
Les patients ont été randomisés entre un traitement intensif ou un traitement standard au moyen d'une statine, et ce, pendant une durée totale de 5,5 ans maximum. Le but était d'atteindre un cholestérol LDL inférieur à 70 mg/dl dans le groupe traitement intensif, et entre 100 et 120 mg/dl dans le groupe témoin. Le critère d'évaluation primaire était l'incidence combinée d'événements cardiovasculaires ou de décès cardiovasculaires. Le suivi moyen a atteint 37 mois.
Les résultats indiquent toutefois qu'un traitement intensif par statine ne réduisait pas significativement le critère d'évaluation primaire (hazard ratio [HR]: 0,84, intervalle de confiance [IC] à 95 %: 0,67-1,07, p = 0,15). Par contre, l'étude a montré que le critère d'évaluation secondaire d'événements cérébraux (hémorragie) diminuait significativement dans le groupe intervention (HR: 0,52, IC à 95 %: 0,31-0,88, p = 0,01).
Pour le Professeur Itoh (Keio University School of Medicine, Tokyo, Japon), 'la différence finale au niveau du cholestérol LDL entre les deux groupes était moins grande que prévu (27,6 mg/dl), ce qui pourrait expliquer que le critère d'évaluation primaire n'a pas été atteint'. Des analyses post-hoc ont en l'occurrence démontré que le critère d'évaluation primaire était significativement réduit dans le sous-groupe de patients ayant atteint leur LDL cible (HR: 0,48, IC à 95 %: 0,28-0,82, p = 0,007). Le Professeur Itoh a déclaré en guise de conclusion que les résultats de cette sous-analyse suggèrent qu'il est capital d'atteindre un LDL cible inférieur à 70 mg/dl chez les patients à haut risque, mais de plus amples études sont nécessaires.
REHEARSE-AF ('Remote Heart Rhythm Sampling Using the AliveCor Heart Monitor to Screen for Atrial Fibrillation')
Cette étude a examiné s'il y a une place pour l'enregistrement de tracés ecg par les patients eux-mêmes, au moyen d'un appareil portatif, dans le cadre du diagnostic de la fibrillation auriculaire. Les résultats, publiés dans Circulation, paraissent déjà prometteurs.
Il s'agissait d'une étude randomisée monocentrique, pour laquelle on a recruté des patients âgés d'au moins 65 ans, ayant un score CHA2DS égal ou supérieur à 2. Les patients souffrant d'une fibrillation auriculaire déjà connue, ayant une contre-indication aux anticoagulants, étaient exclus.
En définitive, sur plus de 6 000 candidats, on comptait 1 001 volontaires participants, qui ont été randomisés vers le groupe intervention ou le groupe témoin. Il n'y avait pas de différences significatives sur le plan des variables démographiques et cliniques entre ces deux groupes.
On a demandé aux patients du groupe intervention d'enregistrer un tracé ecg au moyen de l'appareil portatif, deux fois par semaine ou en cas de symptômes, et ce, durant 52 semaines au total; les tracés ecg étaient envoyés vers un serveur sécurisé en vue d'une analyse automatisée. Tous les ecg anormaux étaient contrôlés par un cardiologue. Si on constatait une fibrillation auriculaire ou une autre arythmie, le patient était contacté en vue d'un contrôle clinique. Les participants étaient de toute façon contactés par téléphone à 12, 32 et 52 semaines. Le critère d'évaluation primaire était le diagnostic de fibrillation auriculaire.
Au total, on a diagnostiqué une fibrillation auriculaire chez dix-neuf patients (3,79 %) du groupe intervention et cinq patients (1 %) du groupe témoin, sur les 12 mois de suivi. Douze patients du groupe intervention se sont vu diagnostiquer une fibrillation auriculaire paroxystique, et sept une fibrillation auriculaire persistante, versus respectivement zéro et cinq patients du groupe témoin. Huit patients (42 %) du groupe intervention étaient asymptomatiques au moment du diagnostic.
À l'analyse, les meilleurs éléments prédictifs du développement d'une fibrillation auriculaire étaient l'âge ≥ 75 ans (p = 0,04), la présence d'une artériopathie (p = 0,05) et un score CHA2DS2-V ≥ 4 (p = 0,04). À l'analyse multivariée, le seul élément prédictif significatif indépendant d'une fibrillation auriculaire était un score CHA2DS2-VASc ≥ 4.
Halcox et ses collègues ont calculé que le coût par diagnostic de fibrillation auriculaire dans le groupe intervention atteignait ± 10 000 $, dont la plus grande partie était générée par l'examen des ecg par le clinicien. Il n'y avait pas de différences significatives sur le plan des événements cardiovasculaires entre le groupe intervention et le groupe témoin, vraisemblablement en raison de la conception de l'étude, avec un suivi court et un nombre relativement faible de patients.
Halcox a conclu que la méthode de dépistage qu'ils ont utilisée a témoigné d'une grande facilité d'utilisation pour le patient et que l'augmentation des diagnostics de fibrillation auriculaire a 'le potentiel' de diminuer le risque d'AVC, tout en soulignant que de plus amples études sont nécessaires pour évaluer ces critères d'évaluation primaire.
Le Dr Christophe Leclercq (Hôpital universitaire de Rennes, France) s'est montré positif à propos de la conception et des résultats de cette étude. Il a toutefois pointé un problème éventuel de bonne volonté au sein de la population générale, vis-à-vis de telles méthodes de dépistage, comme en témoignent les 6 000 candidats potentiels, versus 1 000 candidats effectifs seulement. Leclercq a également souligné que seuls 20 % des sujets du groupe intervention avaient strictement suivi les instructions du protocole et que la détection de 36 ecg (0,06 %) montrant une fibrillation auriculaire sur un total de 60 000 ecg envoyés soulève des questions en termes de rentabilité.
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