Cette année, le congrès EuroValve s'est tenu à Barcelone, et son organisation a de nouveau incombé aux membres de la European Association of Cardiovascular Imaging (EACVI) et de l'ESC Working Group on Valvular Heart Disease.
Le premier jour, l'accent a été mis sur le moyen d'améliorer la prise en charge des patients souffrant d'affections valvulaires et sur les nouvelles méthodes de traitement de la sténose valvulaire aortique. Nous désirons développer ceci plus en détail.
Tant John Chambers (maladies valvulaires) que Gilbert Habib (endocardite) ont mis l'accent sur la prise en charge pluridisciplinaire de ces patients. Ceci se traduit par la nécessité de s'organiser en une clinique des valves cardiaques et de constituer une équipe de l'endocardite. La nécessité d'une concertation pluridisciplinaire pour les patients souffrant d'affections valvulaires coule de source, à une époque où le patient souffrant d'affections valvulaires ne cesse de devenir plus complexe (âgé, plus fragile, avec des comorbidités multiples). En outre, l'arsenal thérapeutique pour le patient souffrant d'affections valvulaires s'est également élargi, et tant le chirurgien cardiaque que le cardiologue ont un rôle à y jouer. La vitesse à laquelle les nouvelles technologies évoluent complique encore l'approche correcte du patient souffrant d'affections valvulaires. Ces dernières années, de nouvelles techniques importantes ont été développées, aussi bien au sein de la cardiologie interventionnelle que de la chirurgie cardiaque. Le principe de la clinique des valves cardiaques a pour la première fois été clairement promu dans l'article de Lancellotti et al., même s'il faut reconnaître que des hôpitaux tels que ceux de Vienne ont déjà adopté cette organisation depuis longtemps.1 Le modèle standard présenté à la figure 1 est éloquent.
Le fait qu'on s'organise, à l'hôpital, en une clinique valvulaire 'standard' ou 'avancée' dépendra des conditions de travail (dans un hôpital disposant de services de cardiologie interventionnelle et de chirurgie cardiaque, ou travaillant plutôt en collaboration avec un établissement qui propose ces services). La plupart du temps, le pivot de la clinique valvulaire est constitué d'un cardiologue spécialisé en imagerie et d'un(e) infirmier/ ère, qui sont chargés d'organiser la clinique valvulaire de telle manière qu'une équipe pluridisciplinaire se réunit en temps utile pour discuter des patients, le cas échéant.
L'endocardite infectieuse (EI) reste une pathologie cardiaque grevée d'une mortalité intrahospitalière colossale. Ici aussi, la Société Européenne de Cardiologie propose de promouvoir une approche pluridisciplinaire au sein de l'hôpital, avec la création d'une équipe de l'endocardite.2 Ceci a pour but de définir - très rapidement (dès le début du diagnostic ou de sa suspicion) et de manière pluridisciplinaire - la prise en charge en ce qui concerne le diagnostic (microbiologie, imagerie) et le traitement (aux urgences, chirurgie urgente ou élective versus traitement médicamenteux par un antibiotique bien choisi, administré suffisamment longtemps) (tableau 1).
Il est crucial que le centre local adresse à temps les cas compliqués d'EI au centre de référence, et qu'il existe une communication régulière avec le centre de référence pour les cas non compliqués. Dans un contexte belge, ceci devra être organisé au sein du réseau.
Sur le plan diagnostique, les nouvelles techniques d'imagerie ont modifié les recommandations. Tant l'IRM, qui peut révéler les emboles cérébraux, que le PET-CT, qui permet de visualiser le foyer infectieux, ont acquis une place sur le plan du diagnostic d'EI. L'échocardiographie continue à jouer un rôle-clé, mais le PET-CT a désormais fait son entrée, essentiellement en cas d'EI sur des prothèses valvulaires et des dispositifs (PM, TRC, défibrillateurs, LVAD…). Il est important de savoir que même le PETCT n'a pas une précision de 100 %, qu'il peut donner des faux positifs et des faux négatifs et qu'il faut identifier et apprendre à connaître les lacunes de cette technique. Les tableaux 2 et 3 ainsi que la figure 2 illustrent les modifications sur le plan du diagnostic de l'EI.
Sténose valvulaire aortique
Les exposés consacrés au traitement de la sténose valvulaire aortique sont résumés ci-dessous.
1. Les études Partner 1 ont démontré que le TAVI constitue une alternative au moins équivalente au remplacement chirurgical de la valve aortique chez les patients courant un risque opératoire élevé. Elles ont également montré que le TAVI est supérieur à un traitement médical chez les patients inopérables. Étant donné que ce sujet a déjà été abordé dans de précédents numéros du Journal de Cardiologie, nous n'y reviendrons plus.
2. Le suivi des patients inclus dans les études TAVI a démontré que ces résultats se confirment après 2, 3 et maintenant aussi 5 ans. Dans la dernière publication, avec un suivi à 5 ans, les résultats suivants ont été mentionnés: à 5 ans, le risque de décès atteignait 67,8 % dans le groupe TAVR (transcathéter) et 62,4 % dans le groupe SAVR (chirurgie) (hazard ratio 1,04, IC à 95 % 0,86-1,24; p = 0,76). On a constaté une régurgitation valvulaire aortique modérée ou sévère dans 14 % des cas dans le groupe TAVR, contre 1 % dans le groupe SAVR (p < 0,0001), et cette régurgitation était significativement liée à une mortalité plus élevée à 5 ans dans le groupe TAVR (72,4 % en cas de régurgitation modérée ou sévère vs 56,6 % en cas de régurgitation (plus) légère; p = 0,003). Ces résultats sont donc très encourageants en ce qui concerne le TAVI, lorsque nous considérons un suivi de 5 ans. Il faut prêter attention au fait qu'une fuite paravalvulaire constitue un problème important en cas de TAVI, et que ceci devra être résolu à l'avenir. La bonne nouvelle est que les nouvelles prothèses percutanées, qui sont repositionnables et/ou qui possèdent un anneau spécialement développé, permettent déjà de remédier en grande partie au problème. Même si la grande différence par rapport à la chirurgie reste qu'un traitement percutané ne permet pas de debulking des calcifications de la valve aortique sténosée, les conceptions des nouvelles prothèses offriront en fin de compte une réponse importante à cette lacune des premiers modèles de valves aortiques percutanées.
3. La supériorité du TAVI par rapport au remplacement chirurgical de la valve aortique s'applique surtout à la procédure transartérielle, et non à la procédure apicale, et ce, même si dès les premières grandes études, il est apparu qu'il faut préférer un abord transfémoral pour chaque implantation de TAVI. Même si on tient compte d'une compensation (propensity score) pour un même risque opératoire, il persiste un avantage important en faveur de la voie transfémorale. Même si la plupart d'entre nous sont convaincus du fait qu'on ne peut appliquer une compensation totale, afin d'obtenir des groupes parfaitement comparables, et si les résultats de la voie transfémorale sont très encourageants, la mortalité reste élevée avec la voie transapicale. Cette technique doit donc être utilisée pour un groupe très spécifique, chez qui la voie transfémorale est impossible, chez qui la chirurgie n'est pas une option, et lorsque l'espérance de vie du patient souffrant de SA est suffisamment longue.4
4. Les registres real-life, tels que GARY (Allemagne), mais aussi des méta-analyses d'autres registres européens, confirment la sécurité du TAVI et démontrent que le TAVI améliore la qualité de vie des patients.5 Ainsi, on a enregistré une évolution favorable de la classification NYHA (TAVR-TV = TAVI via un abord vasculaire et TAVR-TA = TAVI via un abord transapical) (figure 3). D'autres paramètres évaluant la qualité de vie se sont également améliorés après le TAVI.
5. L'étude Partner 2 a montré que le TAVI est équivalent au remplacement chirurgical de la valve aortique dans le groupe à risque intermédiaire et, là aussi, la voie transfémorale était supérieure sur le plan de la mortalité totale et des AVC invalidants. Les décès et les AVC invalidants étaient observés aussi souvent dans le groupe TAVI que dans le groupe chirurgie (p = 0,001 pour la non-infériorité). À 2 ans, le taux d'événements atteignait 19,3 % dans le groupe TAVI et 21,1 % dans le groupe chirurgie (hazard ratio dans le groupe TAVI, 0,89; IC à 95 %, 0,73-1,09; p = 0,25). À nouveau, le groupe TAVI transfémoral a même obtenu de meilleurs résultats que le groupe chirurgie (hazard ratio 0,79; IC à 95 %, 0,62-1,00; p = 0,05), tandis que les deux approches transthoraciques, le TAVI transapical et la chirurgie donnaient les mêmes résultats. Le TAVI produisait des surfaces valvulaires plus importantes et entraînait moins d'insuffisance rénale, d'hémorragies sévères et de fibrillation auriculaire de novo. De son côté, la chirurgie entraînait moins de complications vasculaires et moins de fuites paravalvulaires.
6. L'étude NOTION a montré que les résultats à 1 an, concernant la mortalité totale, les AVC et les infarctus myocardiques aigus étaient équivalents pour le TAVI et le remplacement chirurgical de la valve aortique dans une population à faible risque, souffrant de sténose valvulaire aortique.6 La principale remarque au sujet de ces résultats est le suivi très court (1 an), ce qui constitue un manquement très important de cette étude, en cas de risque faible et donc avec une population plus jeune. Les investigateurs ont également enregistré davantage de nécessité d'implantations de pacemakers dans le groupe TAVI, ce qui - outre les fuites paravalvulaires - constitue également un problème récurrent du TAVI. Une plus grande expérience et l'existence de prothèses valvulaires repositionnables pourront certainement améliorer les résultats à l'avenir.
7. Les données real-life du registre GARY indiquent que la mortalité du TAVI était plus élevée à 1 an que celle observée en cas de remplacement chirurgical de la valve aortique. Étant donné que les groupes différaient fortement et qu'ils n'étaient donc sans doute pas totalement comparables, y compris après avoir appliqué un système propensity-score, la FDA a pour le moment décidé de ne pas revoir son autorisation pour le groupe à risque intermédiaire.
8. Toutefois, on ne dispose pas encore de données à long terme, soit 5 ans, pour les études portant sur le TAVI, et la prudence reste donc de rigueur si nous voulons transposer les indications au groupe à plus faible risque, et donc plus jeune. Plusieurs éléments indiquent que les limites du TAVI seront encore repoussées en faveur des patients plus jeunes et des patients à risque moins élevé: ceci intéresse les cardiologues et les chirurgiens cardiaques (dans ce dernier groupe, il est d'ailleurs étonnant d'entendre des critiques, car ils ne pratiquent généralement pas eux-mêmes d'interventions par cathéter, tandis que les défenseurs enthousiastes du TAVI proposent une approche chirurgicale ou une procédure percutanée, en fonction du type de patient), mais aussi l'industrie et un grand groupe de patients qui doivent être traités (ce nombre ne cessera d'augmenter ces prochaines années suite au vieillissement de la population). Toutefois, nous devons ici faire preuve de la prudence nécessaire parce que la durabilité de ces prothèses percutanées n'est connue que jusqu'à 5 ans et que nous savons que la chirurgie cardiaque peut produire d'excellents résultats dans ce groupe de patients!
9. Parallèlement au développement du TAVI, nous ne devons certainement pas perdre de vue les énormes progrès des techniques chirurgicales: les prothèses biologiques mieux stentées, ainsi que le développement de bioprothèses stentless, sutureless et rapid-expandable pourront représenter une alternative au TAVI dans cette population plus fragile, surtout si on les associe à un abord moins invasif que la sternotomie classique. Cependant, le fonctionnement à long terme de ces nouvelles valves n'est pas prouvé non plus. Bien qu'il n'existe pas d'études randomisées entre le TAVI et les valves sutureless ou rapid-expandable, une étude comparative (appariement et propensity score) a plaidé en faveur de la prise en charge chirurgicale: pas de différence en période périopératoire, mais meilleure survie à 1 an et 2 ans avec la chirurgie.7
10. Des observations tomodensitométriques récentes du TAVI et des bioprothèses chirurgicales indiquent qu'une formation de thrombose infraclinique est assez fréquente, et qu'elle peut être évitée grâce à des anticoagulants. Il n'y a certainement pas de quoi paniquer, étant donné le caractère généralement infraclinique et la bonne réponse aux anticoagulants en cas de répercussions hémodynamiques. Ici, le CT scan ne doit pas être préconisé pour le suivi de ces patients, étant donné que les informations qu'il donne sont purement morphologiques, tandis que l'échocardiographie donne des informations plus hémodynamiques, cliniquement pertinentes. De nouvelles études évaluant différents traitements anticoagulants et antiagrégants chez ces patients sont assurément nécessaires. Actuellement, en cas de TAVI, on propose le plus souvent une double thérapie antiagrégante plaquettaire après l'implantation. L'association d'anticoagulants et d'antiagrégants chez les patients souffrant de fibrillation auriculaire et ayant bénéficié d'un TAVI n'a pas diminué les AVC, alors qu'elle a augmenté les hémorragies, de sorte que cette association systématique n'est pas une option. Tant les recommandations de l'ESC que celles de l'AHA n'attribuent qu'une classe IIb aux anticoagulants en cas de bioprothèses. Il est possible qu'à l'avenir, on prescrive des anticoagulants à davantage de patients porteurs de matériaux bioprothétiques et qu'ici aussi, nous devions nous laisser guider par une sorte de score CHADS-Vasc.
Conclusion
Le groupe croissant de patients souffrant de maladies valvulaires et le groupe de patients souffrant d'EI, qui présentent une mortalité durablement élevée, ont besoin d'une prise en charge sérieuse: clinique des valves cardiaques et équipe de l'endocardite.
Le TAVI continue à gagner en popularité. Alors qu'il existe un consensus au sujet de l'utilisation du TAVI pour les patients à haut risque, souffrant d'une SA, le groupe cible inclut de plus en plus les patients à risque intermédiaire, et ce, dans de nombreux pays. L'abord vasculaire, le risque d'AVC et les fuites paravalvulaires nécessitent d'une part notre vigilance constante, et doivent être résolus grâce aux nouveaux développements technologiques.
D'autre part, nous devons être bien conscients que de nouvelles alternatives chirurgicales existent également, et que les résultats à long terme (10 ans et plus) ne sont pas encore disponibles, tant en ce qui concerne le TAVI que les nouvelles bioprothèses chirurgicales.
Références
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- Habib, G., Lancellotti, P., Antunes, M., Bongiorni, M., Casalta, J.P., Del Zotti, F. et al. 2015 ESC Guidelines for the management of infective endocarditis. Eur Heart J, 2015, 36, 3075-3123.
- Mack, M.J., Leon, M.B., Smith, C.R., Miller, D.C., Moses, J.R.W., Tuzcu, E. et al. 5-year outcomes of transcatheter aortic valve replacement or surgical aortic valve replacement for high surgical risk patients with aortic stenosis (PARTNER 1): a randomised controlled trial. Lancet, 2015, 385, 2477-2484.
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- Hørsted Thyregod, H.G, Steinbrüchel, D.A., Ihlemann, N., Nissen, H., Kjeldsen, B.J., Petursson, P. et al. Transcatheter Versus Surgical Aortic Valve Replacement in Patients With Severe Aortic Valve Stenosis. 1-Year Results From the All-Comers NOTION Randomized Clinical Trial. J Am Coll Cardiol, 2015, 65, 2184-2194.
- Wang, N., Tsai, Y.C., Niles, N., Tchantchaleishvili, V., Di Eusanio, M., Yan, T.D., Phan, K. Transcatheter aortic valve implantation (TAVI) versus sutureless aortic valve replacement (SUAVR) for aortic stenosis: a systematic review and meta-analysis of matched studies. J Thorac Dis, 2016, 8 (11), 3283-3293.
- Schirmer, S.H., Mahfoud, F., Fries, P., Scheller, B. Thrombosis of TAVI prosthesis—cause for concern or innocent bystander? A comment and review of currently available data. Clin Res Cardiol, 2016, DOI 10.1007/s00392-016-1061-2.
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