C'est sous ce titre plein d'espoir qu'un passionnant symposium consacré à l'insuffisance cardiaque a été organisé lors du dernier congrès de la Société Belge de Cardiologie. Le soutien scientifique a été assuré par la firme Servier. L'accent a clairement été mis sur le fait qu'un grand nombre de patients doivent être réhospitalisés peu après leur retour à domicile, avec toutes les conséquences que cela implique.
Lors du premier exposé, le Professeur P. Troisfontaines (Liège) a directement mis le doigt sur la plaie. La prévalence de l'insuffisance cardiaque est effroyablement élevée: rien qu'en Belgique, on a dénombré 225 000 patients traités en 2013 et plus de 15 000 nouveaux patients par an; les coûts totaux atteignent près de 150 millions d'euros par an! Il va de soi que de tels chiffres ne peuvent laisser indifférent.
L'orateur a par la suite mentionné un aspect particulier, révélé par l'étude EVEREST: au moins 25 % des patients hospitalisés pour insuffisance cardiaque devaient être réhospitalisés, et cette réhospitalisation survenait peu après leur retour à domicile. Dans ce cadre, il était fréquent de constater que les dommages au niveau du muscle cardiaque s'étaient aggravés. Il est donc clair qu'il faut prêter une attention toute particulière au traitement prescrit lors de la sortie de l'hôpital. Sans doute peut-on également se demander dans quelle mesure les patients sont véritablement prêts à regagner leur domicile.
De l'aveu général: le schéma thérapeutique est souvent complexe et l'expérience nous a appris que ceci entraîne un manque de compliance au traitement. Il en va de même lorsqu'on suit des patients hypertendus, la conséquence étant un contrôle insuffisant de la tension artérielle. Il faut donc examiner tous les aspects du traitement, en prêtant une attention particulière aux points essentiels tels que la fréquence cardiaque, qui reste souvent trop élevée et insuffisamment traitée. Il faut également accorder la plus grande attention à des aspects pratiques, comme par exemple le lieu de destination du patient. La prise en charge est-elle suffisante? La prise en charge ultérieure nécessite-t-elle des dispositifs techniques (devices)? A-t-on établi une bonne communication avec les services sociaux et l'entourage?
Il est recommandé que le médecin généraliste effectue un premier contrôle de la situation, dans les sept jours suivant la sortie du patient. à ce moment, une check-list, telle que celle élaborée par la Société Européenne de Cardiologie, s'avère très utile. Sur le plan du traitement, il faut bien vérifier si la décongestion est suffisante, si elle se maintient, et assurément aussi si la fréquence cardiaque a suffisamment diminué. En ce qui concerne ce dernier point, des médicaments tels que l'ivabradine (étude SHIFT) peuvent s'avérer utiles. Par ailleurs, il est très important, pour le pronostic ultérieur, que la diminution de la fréquence cardiaque ait été précoce.
Ces aspects ont été approfondis par l'orateur suivant de ce symposium.
Le Professeur C. Maack (Homburg) a traité des différents médicaments qui peuvent être utilisés dans ce processus pathologique. à nouveau, il a mis l'accent sur le concept selon lequel l'insuffisance cardiaque s'installe suite à un ensemble de mécanismes intercorrélés, et sur le fait que cet aspect joue également un grand rôle dans l'ensemble de la prise en charge.
L'orateur a tout d'abord attiré l'attention sur le fait que la fonction cardiaque pendant et après l'hospitalisation constitue un important paramètre global pour évaluer le devenir du patient. C'est pour cette raison que tout doit être mis en oeuvre pour optimiser la fonction cardiaque pendant l'hospitalisation et pour veiller à ce que les médicaments adéquats continuent à être utilisés, moyennant des adaptations éventuelles, après la sortie de l'hôpital. à cet égard, plusieurs médicaments peuvent être prescrits.
L'ivabradine peut améliorer la fonction cardiaque grâce à son effet bradycardisant. On peut escompter une diminution de 10 à 20 battements par minute chez un patient en rythme sinusal. Nos connaissances relatives à la physiologie nous ont appris que le ralentissement de la fréquence cardiaque entraîne un allongement de la diastole et un meilleur remplissage, ce qui augmentera le volume d'éjection systolique. C'est également ce qu'on a observé dans les nombreuses études portant sur l'ivabradine; sur ce plan, la tension artérielle reste en majeure partie stable. Les études SHIFT ont révélé qu'il ne s'agit pas purement et simplement d'un concept théorique: ces études ont démontré que l'ivabradine produit un effet bénéfique et significatif sur la mortalité et la nécessité d'hospitaliser le patient. Les bêtabloquants ralentissent également la fréquence cardiaque, mais ils ont un effet inotrope négatif, ce qui n'est pas souhaitable en cas d'insuffisance cardiaque; sur le plan hémodynamique, ceci est compensé dans une certaine mesure en cas d'utilisation de bêtabloquants qui ont également un effet vasodilatateur, comme le carvédilol.
L'influence bénéfique de l'ivabradine sur la fonction cardiaque a également été clairement établie à l'aide d'études échographiques impliquant une mesure précise des paramètres télédiastoliques. Une association d'ivabradine et de carvédilol semble certainement attrayante dans le but d'améliorer la fonction cardiaque, comme l'a indiqué l'étude CARVIVA. Ces modifications hémodynamiques favorables sont très logiquement associées à une augmentation de la capacité à l'effort.
L'intérêt de tout ceci est non seulement l'effet immédiat, mais aussi la restructuration des cavités cardiaques et de la paroi à long terme. La vasodilatation associée, obtenue grâce à de telles combinaisons thérapeutiques, entraîne également une diminution des résistances périphériques, couplée à une meilleure perfusion des tissus, et en particulier des muscles.
Il va de soi qu'on ne peut oublier la place d'autres médicaments - tels que les inhibiteurs de l'ECA - dans ce schéma (cf. les Recommandations de la Société Européenne de Cardiologie).
Comme nous l'avons déjà exposé, tout ceci illustre une fois de plus à quel point les différents paramètres hémodynamiques sont imbriqués. En fin de compte, en cas d'effet bénéfique, cette imbrication peut également entraîner une amélioration de la qualité de vie. Ceci repose non seulement sur un traitement médicamenteux adapté, comme nous l'avons déjà décrit, mais aussi sur une revalidation cardiaque ciblée.
Le troisième et dernier orateur, le Professeur Ph. Meurin (Villeneuve-Saint-Denis), a décrit les effets bénéfiques qu'on peut attendre de la revalidation cardiaque. Il a également souligné combien la revalidation cardiaque et les médicaments adaptés peuvent se compléter. L'importance de la revalidation dans ce contexte a encore été décrite récemment par la Société Européenne de Cardiologie comme une indication de classe 1. Sur ce plan, c'est surtout l'influence bénéfique sur le long terme ('outcome') et sur un certain nombre de facteurs hémodynamiques et sociaux/humains qui est à l'avant-plan. La revalidation va au-delà de la simple réalisation d'exercices légers; elle est plutôt ciblée sur des facteurs spécifiques. Elle apprend aux patients à se remettre en mouvement, ce qu'ils n'oseraient ou ne désireraient pas faire sans ce type de programme. Outre l'amélioration cardiaque, l'entraînement en résistance peut également améliorer favorablement la fonction pulmonaire et l'oxygénation, ce qui a été confirmé par une longue série d'études. Tout ceci débouche sur de meilleures possibilités physiques en cas d'insuffisance cardiaque, lesquelles sont synonymes de véritables progrès en termes de qualité de vie pour les patients.
Par ailleurs, l'orateur a encore souligné à quel point la revalidation complète le traitement pharmacologique, lors duquel l'ivabradine et le carvédilol entraînent une adaptation adéquate du volume d'éjection systolique et de la perfusion périphérique. Le véritable objectif consiste à éviter une nouvelle hospitalisation pendant laquelle, comme nous l'avons déjà signalé plus haut, on constate très souvent une détérioration de la fonction cardiaque, couplée à un moins bon pronostic à court terme.
Sur ce plan, il ne faut pas non plus oublier combien chaque hospitalisation entraîne ipso facto des coûts élevés pour la société, lesquels peuvent être évités - ou limités - grâce à un meilleur traitement médical, couplé à la revalidation. La condition est bien entendu que ce traitement soit adéquatement poursuivi! L'orateur a rappelé, et ceci est regrettable, que la revalidation est largement sous-utilisée, ou arrêtée trop tôt. La compliance au traitement, quel qu'il soit, est toujours un problème majeur en cas d'insuffisance cardiaque. Nous espérons qu'à tous les niveaux, tant national qu'européen, tous les moyens seront mis en oeuvre pour faciliter et maintenir l'utilisation de ces puissants outils thérapeutiques.
Conclusion
Cet intéressant symposium, organisé lors du congrès annuel de la Société Belge de Cardiologie, portait sur les moyens mis à notre disposition pour améliorer le pronostic des patients souffrant d'insuffisance cardiaque et limiter les hospitalisations. à cet égard, on a démontré que les médicaments tels que l'ivabradine influencent favorablement la fonction cardiaque et que l'association avec le carvédilol peut améliorer la capacité à l'effort, pour autant que les médicaments soient bien adaptés et que la compliance thérapeutique soit suivie attentivement. Une revalidation cardiaque adaptée peut être d'un grand secours. Tous ces moyens combinés permettent de révolutionner la qualité de vie de ces patients, dans l'espoir d'un avenir meilleur, et assurément aussi plus confortable.
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